Lorsque ses lèvres touchèrent les siennes, Lyra sentit contre sa bouche la froideur du vampire se mêler à chaleur du loup. Bien sûr elle devinait la raideur qui l'animait, mais à sa grande surprise il brisa la retenue qui l'empêchait d'approfondir le baiser. Lyra avait l'impression de ne plus sentir le sol sous ses pieds. Un autre monde s'ouvrit à elle alors que l'hybride était tiraillé entre l'envie et le contrôle. Sa bouche s'appuya sur le sienne avec plus de puissance et elle l'accepta. Plus rien ne semblait compter. Elle se surprit à aimer chaque fragment de puissance qu'il y mettait. Caleb prit son visage en coupe pour approfondir ce qui s'apparentait à une féroce délivrance. Il avait l'impression de se métamorphoser en un autre homme. Sa bouche était aussi délicieuse que le parfum de son sang. Elle s'appliquait à faire durer le baiser en appuyant ses mains sur ses épaules alors que les dessins s'étaient échoués au sol.
Caleb se raidit car un furieux désir s'empara de lui alors qu'il s'imprégnait de ses lèvres comme un fou. Le vampire rugit en silence alors qu'elle acceptait sa fougue et sa voracité presque animale.
Il écarta sa tête de la sienne et lut dans ses yeux que les siens avaient changé. Son pouls erratiques se conjuguaient à ses respirations rapides.
Les mâchoires tendues, Caleb posa son pouce sur ses lèvres désormais marquées de son empreinte et le monstre en lui éprouva une sincère satisfaction. Il grogna de plaisir en goûtant à nouveau sa bouche qu'elle lui offrit à nouveau sans une once de peur susceptible de le faire changer d'avis.
Seulement il sentit en lui quelque chose d'indescriptible ravager ses veines dures et argileuses. Il s'écarta brutalement et détourna la tête pour qu'elle ne puisse pas voir la bête qui venait d'affluer au milieu du désir. Un être mort ne pouvait pas ressentir ça...et pourtant...
Il voulait la toucher, la désirer encore et encore jusqu'à ce que les ténèbres l'engloutisse dans ce monde où elle serait uniquement à lui.
- Je suis désolée, dit-elle à bout de souffle. C'est de ma faute.
- Ne t'excuse pas Lyra, dit-il en tournant son visage changé vers le sien.
Elle ne sursauta pas et il lut aucune peur dans le fond de ses yeux.
Pourtant elle devrait avoir peur, songea-t-il un suivant des yeux l'une de ses veines qui palpitait. L'humaine avait en face de lui un monstre qui en son for intérieur la voulait entièrement jusqu'à s'emparer de son corps chaud à la peau délicate et pâle.
L'avoir embrassé avait fait grimpé l'obsession à un niveau tel qu'il ne se voyait plus sans elle.
- C'est moi qui ait provoqué ce baiser, dit-elle maladroitement en baissant les yeux sur les dessins.
Elle s'apprêtait à se baisser pour les ramasser mais il encercla son poignet pour l'arrêter.
- Laisse-moi faire.
Il les ramassa pour gagner du temps. Un temps précieux dont il avait besoin pour reprendre un visage plus humain.
- Tu le voulais ? Demanda Caleb en restant près du coffre.
- Oui, répondit la jeune femme sans prendre le temps de réfléchir. Je voulais ce baiser et toi ?
- Oui, déclara-t-il d'une voix rauque. Et davantage encore.
Elle rougit, et les flammes qui courraient sur son visage le mirent en appétit.
- Cependant tu refuses de me faire du mal, conclut-elle avec une légère déception dans la voix.
- Je refuse de te faire du mal, confirma Caleb alors que son corps tout entier réclamait cette jeune femme au regard timide. Ce baiser est bien assez. Il vient de provoquer en moi bien trop de choses que je dois étudier.
Elle voulut en savoir plus mais Caleb préféra disparaître dans la cuisine pour lui préparer à manger.
Lyra se leva du lit avec difficulté comme si ses jambes avaient perdues l'intégralité de leur force. Son cœur martelait sa poitrine alors que son bas-ventre découvrait de nouvelles sensations qui l'obligeait à reprendre son souffle toutes les minutes.
- J'espère que tu as faim.
Elle avait faim, mais pas de nourriture. Elle voulait qu'il l'embrasse à nouveau et qu'il lui enseigne ce qu'il n'avait de cesse de proclamer depuis des jours maintenant.
Il ne voulait personne d'autre que la jeune femme à la jambe fragile et orpheline.
- Tu as définitivement tout prévu.
- Je savais que tôt ou tard tu viendrais dans mon antre et je devais penser à tout pour combler tes besoins humains.
Ce qu'elle brûlait de combler là toute de suite c'est l'absence de sa bouche contre la sienne.
Lorsqu'elle s'approcha du plan de travail elle remarqua que ses yeux portaient encore des lueurs de pourpres qui entachaient l'ambre se ses iris.
De toute évidence il essayait en vain de contrôler ou de retarder ce qui tôt ou tard allait se reproduire.
- Merci, murmura-t-elle quand il glissa une assiette vers elle. Ça à l'air délicieux.
Il resta de l'autre côté du plan de travail, sans doute pour imposer une distance raisonnable entre eux.
- Le loup qui sommeil en toi n'éprouve pas le besoin de dormir ? Le questionna-t-elle.
- Je n'ai pas fermé les yeux depuis plus deux cent ans Lyra. Alors non, le loup dort seulement en moi et se réveille désormais quand je le décide.
- Tu es certain de ce que tu avances ?
- Oui, répondit le vampire avec une sérénité étrange. Peu à peu je commence à le contrôler.
Lyra décela une pointe de frustration dans sa voix. Sans doute frustré de devoir s'harmoniser avec le loup. Elle savait qu'elle était en partie responsable, mais il refusait de lui dire les raisons.
- Tu le contrôles, mais tu as du mal à l'accepter, ne put s'empêcher de dire Lyra en se pinçant les lèvres.
Son expression devint sombre, soulignant le tracé assez terrifiant de ses balafres.
- Je n'accepterai jamais totalement cette partie de moi. Tu ne peux pas imaginer à quel point je les maudis tout comme ils m'ont maudis parce que ma mère était un vampire.
- Dans ce cas pourquoi dans la forêt tu t'es transformé en loup ? S'enquit-elle les sourcils froncés.
- Pour le contrôler, répondit-il en se glissant près d'elle pour lui tendre la fourchette afin de l'inciter à manger. Plus je l'enfouie en moi plus il brûle de se révéler.
Lyra prit la fourchette pour piquer dans l'omelette.
- Je dois apprendre à vivre avec.
- Ton père était un loup, précisa Lyra en levant la tête vers lui pour plonger son regard dans le sien. Je pense que c'est aussi une raison qui te fait l'accepter.
Sa remarque le fit sourciller, et il paraissait déstabilisé.
- Peut-être, murmura-t-il en fuyant son regard.
- Pardon, je...
- Non, s'il te plaît Lyra cesse te t'excuser.
Il marqua une pause brève et animée par un sourire en coin.
- Je n'ai pas l'intention de te...manger.
- Je suis soulagée de le savoir, lui dit-elle à son tour amusée.
- Même si tu m'as l'air terriblement appétissante, ajouta-t-il en faisant mine d'être très sérieux.
Lyra émit un petit rire, mais dans le fond elle savait qu'il y avait un peu de vérité dans ses dires. D'ailleurs ses yeux de bronze parlaient pour lui et ça...il ne semblait pas être mesure de le contrôler.
- Tu es sûr que mon sang ne te dérange pas ? Le questionna-t-elle innocemment dans le but de nourrir sa curiosité qui par moment lui faisait défaut.
- Lyra tu sais au fond de toi que je suis enivré par l'odeur de ton sang, mais jamais je pourrais te faire du mal.
- Mais imaginons un instant que tu perds le contrôle et que tu décides de me mordre, insista-t-elle d'une voix chargée d'hésitations. Que se passera-t-il ?
- Je refuse d'y songer, répondit-il d'une voix très sombre.
Il semblait irrité et en colère. Pourtant Lyra n'éprouva aucun regret de lui avoir exposé cette hypothèse.
- Nous sommes à l'orée d'une relation qui est suffisamment étrange comme ça, poursuivit-il sur un ton plus léger. Jamais je n'aurais pu imaginer que tu acceptes ce que je suis avec autant de facilité.
- Maman n'arrêtait pas de me dire que j'étais différente, lui confia-t-elle en essayant de réprimer son chagrin. Elle avait sans doute raison.
Caleb ressentit sa douleur interne et qu'elle tentait d'enfouir tant bien que mal. Il s'approcha doucement et lui prit la fourchette des mains pour se charger lui-même de le faire manger.
Elle piqua un fard.
- Tu ne me laisses pas le choix et concernant ta mère, elle avait raison. Tu es définitivement différente.
Caleb ne supportait pas qu'elle ne se nourrisse pas suffisamment. Sans doute parce qu'il décelait sa fragilité et que celle-ci aiguisait son inquiétude. Elle ouvrit la bouche avec une lueur mécontente dans le regard.
Après le dîner, la jeune humaine se dirigea vers la baie vitrée pour la faire coulisser afin de rejoindre le grand balcon. L'orage s'était éloigné en laissant derrière lui de fines gouttelettes qui caressaient silencieusement les feuilles des arbres.
Caleb lut son émerveillement dans le sourire figé qui ne quittait plus ses lèvres.
- Tu as énormément de chance de pouvoir contempler ce paysage chaque jour.
Caleb garda pour lui cette lassitude qui parfois l'envahissait lorsqu'il observait ce fameux paysage qu'il avait vu changer au cours des années.
Comment lui expliquer que son éternité avant elle ressemblait à une journée figée où seul le ciel changeant mettait un point d'honneur à modifier les peintures du paysage, songea-t-il en admirant son regard captivé.
- En effet, j'ai beaucoup de chance, glissa-t-il d'une voix qu'il ne put contrôler.
Maintenant qu'elle faisait partie de sa vie, plus rien n'avait l'air monotone, mais plutôt nuancé d'une nouvelle façon de voir son éternité.
Avec elle.
Bien sûr une question qu'il refoulait en vain venait sans cesse le hanter. C'était une humaine...une immortelle qui un jour...
Caleb refusa d'aller au bout de ses pensées parce qu'il avait espoir que la jeune femme fasse émerger bien plus que le loup.
Son monde était peuplé de magie et le surnaturel n'avait pas encore livré l'intégralité de ses secrets
Il en était persuadé.
Alors il refoula cette pensée au tréfonds de son âme déchirée et dévia son regard sur elle.
- Rentrons avant que tu attrapes froid.
Ce ton impérieux revenait régulièrement et il ne parvenait pas à le maîtriser. La peur qu'il puisse lui arriver le moindre mal le poussait vers une autorité bien plus forte qu'il le pensait.
La nuit tombait sur la forêt et c'est épuisée qu'elle se glissa dans ce lit qui lui aussi...était figé dans le temps. En revanche ce soir, le matelas se déforma enfin sous le poids de l'humaine qui venait de se glisser dedans comme une caresse. Presque aussitôt il sentit l'approche d'un nouveau désir et le maîtriser paraissait impossible.
- Que vas-tu faire pendant que je dors ?
- Te regarder...
Elle leva un sourcil en esquissant un léger sourire.
- Ça m'a l'air...intéressant comme activité.
- En effet, ça l'est, confirma Caleb en s'installant sur le rebord du lit.
Il résista à la tentation de la toucher et ferma ses mains en poings.
- La journée a été longue, tu as besoin de te reposer.
- Tu as raison, murmura-t-elle en fermant les paupières.
S'ensuivit alors une émotion qu'il n'aurait jamais crû connaître un jour. Lyra bouleversait son monde tout entier et la simple pensée de la perdre lui était insupportable.
- Elle a l'air réceptive et à l'écoute.
Caleb qui avait rejoins le reste de sa famille dans le salon principal se tourna vers son frère.
- En effet, confirma-t-il calmement. Elle se fait à la situation d'une façon assez remarquable.
- Et toi ? Tu te sens bien ? Pas de changement ? Demanda Séraphine.
Il y avait des changements, mais pour lui, il était trop tôt pour en tirer des conclusions hâtives.
- Il y en a, finit-il par dire. Seulement je préfère être totalement certain de moi avant d'envisager de les exposer.
- Inutile de t'en faire pour ça mon frère, répliqua Gisela en refermant son livre. Tu les expose déjà. Notamment ton implacable et démesurée envie de la protéger même du mauvaise temps.
Caleb fixa sa sœur avec une lueur de défi dans les yeux et répliqua avec l'esquisse d'un sourire.
- Et de toute évidence ce n'est que le début...