𝐕𝐄𝐍𝐃𝐄𝐓𝐓𝐀 | 𝘱.𝘫𝘮

By anxleti

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dans lequel Lim Soojin, une docteure ayant abouti dans un asile psychiatrique, se voit trainée dans la rancoe... More

personnages
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   — Est-ce que cette thérapie est vraiment nécessaire?

   Hoseok ne dit rien. Il se contenta de sourire. À ses côtés se trouvait une femme. Un joint à la bouche, elle éjecta une fumée à l'odeur puissante dans la pièce, souriant elle aussi devant l'expression de mépris de Yoongi. Elle rit. Virevoltant à travers la pièce, une bouteille d'alcool à la main, elle dansait. Hoseok fixait un gramophone se trouvant sur une étagère. Il crachait un morceau de jazz, à volume léger. Tournant son regard vers Yoongi, il vit la façon dont ce dernier fixait sa dulcinée avec hargne. Elle continuait pourtant à danser, avec une telle joie qui était si naturelle, si sincère, si belle à voir.

   — Tu ne l'aimes pas? demande Hoseok, le visage impassible. Elle nous a été utile pourtant. Elle t'a aidé. C'est grâce à elle qu'on t'a localisé. Elle l'a fait pour gagner la confiance de Namjoon. Je crois bien qu'elle mérite un peu d'estime.
   — J'crois plutôt qu'elle l'a fait pour atteindre ton entrejambe. Regarde-là, il la pointe du doigt. T'es en train de me dire qu'une femme comme elle veut charmer Namjoon?
   Hoseok eut une expression amère.
   — Ne parle pas d'elle comme ça, dit-il. Sa vie possède une valeur pour moi. Ne la salit pas avec ta misanthropie usuelle.
   Soupirant, il reprit son stylo, écrivant un mot sur son calepin.
   — Tu viens d'écrire quoi là?
   — « Méfiance », cite Hoseok, un sourire satisfait aux lèvres.
   —  Des années perdues à l'université pour que tu m'ramènes un seul mot? dit Yoongi, sarcastique.
   — Des années à étudier le cerveau dans le seul but de manipuler des milliers de patients à se soumettre à moi. Tu serais capable de l'faire toi? Yoongi sourit, ses mots l'enivrant étrangement, lui rappelant à qui il parlait. Après un petit instant, il bougea la tête de droite à gauche.
   Hoseok hocha alors son crâne, sortant un document de sa mallette.

   — Voici le diagnostic que ces psychiatres t'ont donné à cet asile. Je vais te le lire. Tu mérites de savoir ce que les gens pensent de toi. Le premier trouble qu'ils t'ont donné est un choc post-traumatique. « Très troublé. Sursaute à chaque bruit. Incapacité à contrôler ses muscles faciaux. Incapacité à comprendre les questions. Yeux vitreux. Corps tremblant ». C'est ça qu'ils ont dit de toi? Tu te rappelles de leur interrogation?
Hoseok retourne lentement ses yeux vers Yoongi.
— Pas du tout.
— Je m'en doutais. Les pertes de mémoire sont nombreuses quand on est traumatisé. Tu le savais sûrement pas, mais t'es resté à l'asile pendant plus d'un mois, lui dit Hoseok, enregistrant l'expression stupéfaite de Yoongi dans son cerveau. Quand t'as repris tes esprits, ils t'ont mis dans une des chambres et t'ont attribué une nouvelle psychiatre, qui ignorait qui tu étais réellement.
Alors que Yoongi allait ouvrir la bouche, Hoseok lui fit signe de se taire, une certaine noirceur dans ses yeux. Fronçant les sourcils, Yoongi comprit directement que ceci n'était pas réellement une thérapie. Il y avait un certain but ultérieur à cette rencontre et peut-être même à la présence de cette femme. Maintenant assise sur un sofa à l'autre bout de pièce, elle avait les jambes croisées, entamant son deuxième joint, les yeux rouges, mais le regard sobre, direct, menaçant même. Elle semblait dépourvue de l'œillade enfantine qu'elle avait arborée depuis ses retrouvailles avec Yoongi. Il l'avait reconnue d'ailleurs.

Il avait vu son visage à l'asile. Pas clairement. Elle s'était apparement infiltrée en tant qu'infirmière, jouant le rôle de mine d'informations pour Namjoon. Lors d'une fraction de seconde, alors que Soojin avait ouvert la porte de sa cellule pour la première fois afin de faire sa connaissance, Yoongi avait vu le visage de cette femme. Ce dernier n'était pas du type qu'on pouvait oublier. Elle était d'une beauté monstrueuse.

— Le deuxième trouble, reprit Hoseok. Une dépression qu'ils ont qualifiée de sévère. « Aucun intérêt envers ce qu'on lui dit. N'arrive pas à s'endormir. Affirme être inutile et avoir failli sa vie. Affirme vouloir mourir », Hoseok rit en lisant ses mots. Tu sais c'est quoi le plus drôle? Ils t'ont prescrit de l'eskétamine. Une fois par semaine. Une dose si grande qu'elle aurait pu te tuer. Ils planifiaient ta mort je crois. Ils voulaient t'enfermer dans l'asile et te rendre fou, te tuer. Tout ça avec des médicaments, lui informe le psychiatre, parlant avec éloquence, en bougeant ses mains de façon théâtrale. Et ils ont mis une ancienne docteure pour s'occuper de toi. En voyant des doses de médicaments qu'elle ne connaissait sûrement pas, elle a pas dû réaliser qu'elles seraient fatales au bout de quelques jours seulement. Et devine qui a réduit ses doses fatales? Devine qui a risqué sa vie pour te sauver? demande Hoseok, de façon si contraignante qu'on aurait dit qu'il attendait une réponse, mais son doigt continuait d'écraser ses lèvres. Il quémandait son silence. Il fixait les murs, la peau de Yoongi, comme si quelqu'un les espionnait.

Ses yeux étaient écarquillés. Sa tête pivote lentement vers la femme, celle qui avait assistée à toute leur conversation dans un silence à la fois ésotérique et démuni d'acception. Elle avait fini son joint, elle regardait Yoongi avec un sourire neutre, intoxiqué. Hoseok lui fait signe de s'approcher et elle se leva, tituba légèrement alors qu'elle contourne le siège sur lequel Yoongi était assis. Ce dernier était étrangement terrifié. Il s'excitait en voyant cette femme regarder Hoseok avec tant de désir. Son libido s'activait naturellement en voyant son compère fixer cette femme avec tant d'adoration solennelle.
— Viens ici, ma belle, lui dit-il et elle s'assit sur ses cuisses. Hoseok baladait ses mains partout sur son corps, le regardant avec des yeux plissés, comme s'il était soumis à une certaine torture mentale. Cette femme prit l'initiative, un sourire malicieux aux lèvres et l'embrassa.
   Qui était cette femme et pourquoi manipulait-elle Hoseok si facilement? Pourquoi l'embrassait-elle ainsi?

Elle posa sa main sur son torse et le poussa. Les deux rirent en unisson. Le dos d'Hoseok atterrit le long de la surface moelleuse de son siège de thérapie. Ses jambes demeuraient de chaque côté de ce siège d'un vert profond. Yoongi regardait la scène et lorsqu'ils commencèrent à s'embrasser de nouveau, il ouvrit la bouche, la ferma. Son bassin s'avançait, ses jambes s'écartaient, il soupirait, respirait plus difficilement. Les deux s'embrassèrent et s'embrassèrent sans pudeur. Hoseok gardait un œil en coin sur Yoongi, une petite courbe logée au coin de ses lèvres. Il toucha la joue de cette femme et sa main descendit vers son cou, puis, ses côtes. Ses doigts fins s'accrochèrent à la tirette de la fermeture éclair latérale de sa robe noire.

Il poussa vers le bas le curseur et à mesure qu'il exposait la peau blanchâtre de cette femme, Yoongi ouvrit sa bouche, s'efforçant de ne rien dire. Était-ce une nouvelle forme d'hypnose qu'Hoseok essayait sur lui? Pourquoi le rendre témoin d'un émoi? Pourquoi lui demander silencieusement de se taire? Hoseok et elle gardaient maintenant un regard en coin sur lui. Écartant un peu plus ses jambes, s'accommodant à une certaine position, cette femme commença des va-et-viens, frottant leur entrejambe l'un contre l'autre.
Hoseok la regardait avec intensité. D'une main, il contrôlait ses hanches.

Il avait toujours été un homme particulièrement enclin aux plaisirs sexuels. Pour lui, le sexe ne pouvait jamais atteindre un stade où il devenait de la débauche ou de la surconsommation.
Le sexe était tout simplement du sexe.
Rien de plus.

— Yoongi, regarde. Regarde comment sa peau est belle, dit-il et le curseur tomba encore plus vers le bas, la peau de la courbe de ses seins fut exposée, le textile de la robe succomba doucement à la gravité et les doigts veineux d'Hoseok pointèrent des lettres gravées profondément sur le corps de cette femme. Face à ce contact, elle s'accrocha aux cheveux d'Hoseok, les crispant alors qu'elle se retenait de pousser des hurlements de douleur. Le psychiatre continue pourtant de poser une légère pression sur sa peau, comme s'il appréciait la torture qu'il lui imposait. Un message avait été gravé sur son épiderme à l'aide d'un métal chaud, tel un tatouage. Lisant le message, les yeux de Yoongi se froncèrent sous le poids de la culpabilité :

  
ILS NOUS ENTENDENT.






















LIM SOOJIN








Elle entra dans le bureau et Eunwoo la poussa brutalement sur la chaise, insensible aux légers gémissements de douleur et de protestations qu'elle poussait. Regardant avec virulence la grande silhouette d'Eunwoo quitter le bureau, Soojin se retourne ensuite vers son interlocuteur qui restait jusqu'alors silencieux, un mince sourire aux lèvres.

— J'fais quoi ici? demande-t-elle avec haine et Jimin la regarda.
— Ta méchanceté me heurte, dit-il et elle rit, sarcastique.
— T'es capable de ressentir les émotions maintenant? Jimin hocha solennellement de la tête, une fausse expression de mélancolie sur le visage.
— Depuis le jour où tu m'as dit que t'allais m'tuer à l'asile, j'ai pas pu bien dormir, il posa ses deux paumes sur son cœur, soupirant lourdement. Devant ce cinéma, Soojin grinça des dents. Pourquoi t'as jamais essayé d'le faire? Ça te tente pas? demande-t-il et Soojin fixe son bureau, analysant chacun des détails forgés sur le bois. Il n'utilisait pas ce bureau. Il n'y était sûrement jamais. Seule sa présence à elle dans cet établissement l'obligeait à s'attarder ici pour la surveiller, peut-être même l'effrayer à l'aide de mots absurdes et de phrases lourdes de sens.
— Te tuer ne m'apporterait rien, dit-elle et il la fixa pendant quelques secondes.
— J'aime bien cette nouvelle façon de penser, mais tu me mens. Je t'ai mise dans une pièce avec Dionysus pendant plus d'une heure. Ça m'étonnerait pas qu'il ait essayé de passer un marché avec toi. Me tuer t'apporterait des sommes énormes, des avantages sociaux, voire même de la protection. Tu l'sais très bien. Pourquoi hésiter alors? — elle ne répondit pas — T'as peur de moi?
   Sa dignité détruite depuis l'incident de la veille, elle ne vit aucun mal à se taire, confirmant à travers son silence ce qu'il avançait. Le sourire de Jimin s'évapore alors qu'il réalise qu'elle avait réellement peur de lui. Il soupire.

   — J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t'annoncer. J'vais commencer par la mauvaise. Je viens de recevoir tes tests sanguins, il sortit plusieurs feuilles, t'as une anémie. Ton taux de fer est extrêmement bas. Par contre, la bonne nouvelle est que j'ai décidé d'avoir la gentillesse de te soigner, dit-il et alors qu'il expulsait ses phrases, Jimin sourit de nouveau.

   — Pourquoi est-ce que vous aviez mon sang?

   Remarquant combien elle était offusquée, Jimin se demanda si avoir son sang pris était un sacrilège méritant une aussi grande réaction. Une mine enflammée, des traits crispés, une telle colère. Était-ce l'accumulation des tragédies qui la rendait aussi nerveuse? Sa tolérance était bien basse.

   — On planifiait ton meurtre il n'y a pas longtemps. On avait l'intention de prendre tes organes pour les marchander. Mais Namjoon m'a arrêté juste avant, l'informe-t-il et elle repose son dos sur la chaise, épuisée. D'ici aujourd'hui, tu vas prendre tes déjeuners ici. Namjoon m'a interdit de te servir la nourriture qu'ils offrent en bas.

   Elle hoche nerveusement de la tête, s'attaquant au mets se trouvant devant elle. Un déjeuner copieux, rempli, fait avec soin. Jimin la regardait. Il remarqua son visage éraflé, ses ecchymoses terribles, probablement les premières qu'elle ait eues de toute sa vie. Eunwoo l'avait averti qu'on l'avait attaquée hier. Il n'avait eu aucune réaction. Peut-être même qu'il s'y attendait. Soojin avait une odeur précise. Une odeur qui empestait le confort et qui attirait la violence tel un aimant.
Il l'avait avertie. Il lui avait dit que le premier jour serait brutal. Elle n'avait rien à lui dire. Elle devait bien savoir qu'elle ne pouvait se plaindre. Au moment même où son esprit récita cette pensée, elle releva sa tête, avala amèrement sa nourriture et le regarda avec un mécontentement des plus sévères.

— Est-ce que vous l'avez punie? demande-t-elle et Jimin soupire, sort une cigarette de sa poche, l'allume à l'aide de son briquet. Son briquet était en or, c'était le même que celui de Taehyung.
— De qui tu parles, Yuna?
— De cette salope qui m'a frappée! elle pointa frénétiquement son visage, effleura ses blessures faciales de son index.
Jimin pose le briquet sur son bureau et entame le bout de nicotine. On dirait bien qu'elle avait des choses à se plaindre.
— Pourquoi est-ce que je la punirais?
Entendant cette phrase, Soojin fut ébahie. N'y avait-il pas une once de discipline et de justice parmi ses criminels?
— Eunwoo leur a dit que quiconque me maltraitait allait être puni. Il faut que tu la punies! Namjoon t'a sûrement interdit de laisser quelqu'un me heurter, non? Punis-la!
   Jimin dissimula son sourire. Elle aussi utilisait maintenant la carte de Namjoon sur lui.
   — La femme qui t'a frappée s'appelle Miyeon, dit-il et le visage de Soojin s'obombra.
   — Punis-la!
   — Pourquoi est-ce que j'devrais la punir? Elle m'a rien fait, marmonne-t-il et la consternation de Soojin ne cessait de s'agrandir.

   — Le règlement est clair. Un enfant de cinq ans l'aurait compris!
   — La seule personne qui n'a pas compris le règlement, c'est toi, Soojin — elle déglutit en l'entendant utiliser son vrai nom de nouveau— . Ce règlement te donne le droit de tuer la personne qui a enfreinte la règle. C'est ta responsabilité de la punir, pas la mienne. On donne de la valeur au système de vendetta ici. Tu pourrais abattre Miyeon jusqu'à ce qu'elle meurt et Eunwoo ne t'en empêchera pas. J'ai pas le temps de jouer le juge et de punir une bande de délinquants. Qu'un ou deux meure, j'en ai rien à foutre.
   — C'est à moi de la punir?
   — C'est à toi de la punir, confirme-t-il avec agacement, pointant son plat du menton. Maintenant, tais-toi et mange.

   Elle reprit ses baguettes entre ses doigts, sentant le même regard persistant sur elle. Ce regard était fiévreux, insondable, vitreux. Jimin semblait posséder une certaine incapacité à suivre de simples lois et de simples règles de vie. Il devait savoir qu'en société, fixer quelqu'un pendant plusieurs minutes était considéré comme impoli, voire même effrayant, mais alors qu'elle mangeait, elle ne croit pas que ses yeux se sont détournés de sa personne ne serait-ce qu'une fois. Un manque de honte. Une absence quasi-totale d'anxiété. Il était sûrement le type d'humains sur lequel on ne pouvait absolument pas compter. 

   — Si j'avais accepté de la punir, tu m'aurais demandé de lui faire quoi? Elle relève la tête, la rabaisse aussitôt en voyant un sourire malicieux sur ses lèvres. De la torture physique? Mentale? T'aurais voulu que j'lui brise les jambes? Tu m'aurais demandé de la tuer, princesse?
   Elle grinça des dents.
   — Pourquoi tu poses la question?
   — J'suis curieux. Depuis qu'tu nous as rejoins, t'as rien fait à part nous mépriser et te différencier de nous. Je suis pas une criminelle. Je tue pas les gens. Vous êtes tous des monstres, murmure-t-il, dupliquant les paroles qu'elle leur avait dites. Quel genre de punition autre qu'une punition violente t'aurait pu demander?
   — Elle mérite une punition violente.
   — Donc t'aurais demandé que je la punisse à travers la brutalité, pas vrai? Soojin hoche de la tête. Jimin esquisse un sourire satisfait. Pourquoi est-ce ça ferait pas de toi une mauvaise personne?
— Parce qu'elle le mérite. C'est la base du concept de justice.
— Ahh. Je vois, la justice, répète Jimin. Mon rôle est justement de corrompre la justice. Ses gens aussi n'en ont rien à foutre de la justice. Tu vas arriver à rien si tu continues de clamer haut et fort que ta situation est injuste.

Il s'exprimait avec outrecuidance et il la regardait avec supériorité. Il savait comment l'aider. Il pouvait très bien lui faire réaliser comment est-ce qu'elle pourrait sortir de cette impasse sans la moindre égratignure. Elle baisse la tête, l'opprobre la secouant alors qu'elle s'imagine lui demander quoi faire. Il fallait qu'elle lui demande pourtant. Ses joues étaient enflées. La douleur était persistante et elle n'allait pas s'enlever avant plusieurs jours. Elle ne pouvait supporter une autre attaque aussi humiliante que celle de la veille. Sûrement pas pendant plus d'un mois.

— Qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse?
Jimin fixa ses poches.
— Où est ton scalpel? demande-t-il et elle le sort, le pose aux côtés de son assiette. Jimin met ses coudes sur le bureau, s'emparant du scalpel, jouant avec ce bout de métal pendant quelques secondes.
Soojin déglutit. Elle savait ce que ce sourire signifiait.
— Je ne vais pas la tuer, l'avertit-elle et il claque sa langue contre son palais dans un signe d'opposition, bougeant sa tête de droite à gauche.
— Je te demande pas de la tuer, je te demande de la blesser, c'est différent, précise-t-il, le tout sans se détacher de cette mine si étrange. Ça va envoyer un message aux autres.
— J'ai pas envie de heurter quelqu'un. C'est pas le genre de trucs que je fais.
— Mademoiselle Soojin est une docteure, elle ne heurte pas les gens. Elle souhaite le mal aux autres en guise de justice, mais elle n'oserait jamais toucher un âme. N'est-elle pas une bonne personne? récite-t-il d'une voix sarcastique et Soojin soupire lourdement. Elle sentait qu'une hyperventilation la guettait.

Il essayait de la corrompre, de trouver au milieu de son âme maintenant blessé et torturé une violence qu'il pourrait enclencher et manipuler.

   — Comment j'vais faire? demande-t-elle, un léger désespoir aux yeux. Ce dernier ne cessait d'éclairer ses prunelles à mesure qu'elle essayait de dissimuler cette peur.
   — Tu l'fais de la même façon que tu m'as agressé, marmonne-t-il en frottant son cou, une triste moue au visage. Devant cette condescendance, elle frappe la table de son poing, une autre de ses mines révoltées au visage. Comme il aimait la voir si enflammée. Si effrayée. Quel spectacle.
   — Tu t'es enfoncé ce scalpel dans ta propre gorge. Tu l'sais très bien!
   — Et c'est bien toi qui a pointée ce putain de scalpel sur ma gorge! Il frappa du poing la table à son tour et Soojin recula brusquement, mettant le plus de distance entre lui et elle, évitant son regard.
   Elle avait réellement envie de lui faire du mal. Ses doigts la picotaient tellement elle désirait s'emparer d'un des ustensiles et l'enfoncer dans sa boîte crânienne.

   — Prends ton scalpel dans tes mains, ordonne-t-il et elle le regarde.
   — Quoi? Elle fut éberluée pendant plusieurs secondes.
   — Tu m'as bien entendu. Prends ce putain de scalpel dans tes mains, princesse, la voix de Jimin détacha chacune de ses syllables.
   Elle obéit, un maux de tête la faisant souffrir.
   — Tu vas m'faire du mal? demande-t-elle nonchalamment, posant cette question de manière détachée, afin qu'il ne puisse déceler de la peur chez elle, mais il perçut le tremblement dans sa voix.
   — Non, j'vais t'apprendre à faire du mal, marmonne-t-il et Soojin rejette sa tête vers le haut, les lèvres crispées.
   — Je t'écoute.
   — Tu vas aller voir Miyeon et tu vas la provoquer, dit-il et Soojin fronça des sourcils.
   — T'as envie que j'me fasse tuer cette fois?
   — Tu vas pas la provoquer dans ce sens-là, assure-t-il. Tu vas l'inviter sur le ring. Devant son air confus, Jimin précisa. Tu vas l'inviter à faire un combat. Vous allez sur le ring toutes les deux et t'attends que les gens se regroupent autour de vous. Tu prétends avoir l'intention de la frapper simplement avec tes mains, mais dès qu'elle s'approche de toi, tu lui enfonces ce scalpel dans son ventre.
— Elle va survivre?
— Elle devrait.
— Son groupe va me tuer si j'fais ça. Y'avait cette femme. Je pense que c'était leur cheffe ou un truc du genre. C'est sûr qu'elle va me tuer si je poignarde une de ses filles.
— Sol-A va rien faire. Elle aime les tarées. Si tu lui prouves que t'es une cinglée, crois moi, elle va bien t'aimer, lui assure Jimin et elle grince des dents en apprenant le nom de cette lunatique. En société, la gentillesse t'apporte de l'intégrité et du respect. Ici, la violence t'apporte le mérite et la crainte, dit-il et Soojin élude ses yeux. Si t'as pas envie de le faire, fais en sorte de t'habituer à cette brutalité. J'vais pas supporter tes plaintes et tes accès de colère à tous les jours parce que mademoiselle a pas envie de poignarder quelqu'un.

Elle regarde la façon dont elle tenait ce scalpel. De la façon médicale. On aurait dit qu'elle allait exécuter une chirurgie. Mouvant des doigts, elle les bougea afin d'avoir une poigne plus brutale et indélicate sur la lame.

— J'ai bougé toutes les femmes de groupe, toi incluse, l'avertît-il soudainement.
— De groupe?
— Oui, de groupe, répète avec irritation Jimin.
— Ça veut dire quoi ça? Y'a deux groupes ici?
Jimin soupire lourdement.
— J't'avais pas demandé de t'informer auprès des autres? De poser discrètement des questions? De te fondre dans la masse? De copier leurs comportements?
À mesure qu'il s'enfonçait dans cette accumulation, sa voix ne cessait de monter d'octaves.
— J'ai essayé! cria-t-elle avec rage. Et on m'a tabassée! Jimin soupire de nouveau. Soojin se calma. Explique-moi le fonctionnement. Ça va m'aider à t'aider, dit-elle, usant d'une factice voix solennelle. Jimin la regarda froidement. Il finit par capituler.
— Y'a deux groupes ici. 158 personnes au total. Pendant la moitié de la journée, le premier groupe reste au rez-de-chaussée. Ils s'entraînent, se battent et s'occupent comme ils peuvent. Au deuxième étage, au fond du couloir — il pointa la porte du menton —, le deuxième groupe fait la répartition des drogues et les assemble dans des emballages.

Soojin déglutit, se rappelant avoir vu des figures habillées de tenues scientifiques et de gants lorsqu'elle s'était réveillée.
— Où va la drogue après?
— C'est la deuxième fois que tu poses cette question. Pose-la une troisième fois et je te tue.

Comme si elle s'était habituée à une telle vulgarité, elle hocha simplement de la tête, s'empêchant de ressentir la colère la faire secouer alors qu'elle croise ses pupilles noires.

— Quel était le but de me faire changer de groupe? demande-t-elle et Jimin repose son dos sur le dossier de sa chaise, souriant sardoniquement, comme si elle avait posé une bonne question.
— Minseok fait partie du deuxième groupe. Eunwoo t'a inclu dans le premier, se contente-t-il de dire. J'ai changé Miyeon et Sol-A pour les mettre elles aussi dans le deuxième avec toi.

Eunwoo l'avait incluse dans le premier groupe? Par exprès? Soojin sourit. Elle essaya de le dissimuler, mais elle ne put empêcher la courbe de ses lèvres de s'accentuer. Jimin le vit.
— Quoi? L'agressivité dans sa voix la fit trembler.
— Tu m'as donné la mission de coincer un de tes hommes et tu l'as même pas dit à Eunwoo? s'étonne-t-elle, fronçant des sourcils. Est-ce que tout ça c'est une plaisanterie pour te foutre de moi? Tu m'as donné une fausse mission pour me faire perdre mon temps et me donner de faux espoirs? À moins que... — elle le fixa, sourit de nouveau — À moins que t'aies pas confiance en Eunwoo? C'est un traitre lui aussi?

Jimin resta silencieux, creusant dans son esprit les paroles qui l'avaient convaincues de ce fait.
Soojin comprit ce qu'il faisait.
— "Eunwoo t'a inclu dans le premier", cite-t-elle et il se pencha vers elle. S'il avait été au courant de ma mission, il m'aurait immédiatement mise dans le deuxième groupe avec Minseok, non? Ça aurait facilité ma tâche.
   Jimin ne dit rien pendant plusieurs secondes. 
   — T'es pas aussi stupide que t'en as l'air, finit-il par dire.
   Souriant misérablement face au peu de mérite qu'elle venait de recevoir, elle se penche vers Jimin.
   — Pourquoi il le sait pas? Pourquoi? insiste-t-elle et Jimin la regarde, un vague sourire aux coins des lèvres. Tu lui fais pas confiance?
   Il ne répondit pas. Alors qu'elle allait ouvrir sa bouche, il posa un doigt sur ses lèvres, l'intimant au silence. Quelques secondes plus tard et quelqu'un cogna à la porte. Eunwoo ouvra légèrement la porte et y traversa sa tête.

   — L'appel commence bientôt, dit-il, les fixant, Jimin se lève, regarde Soojin.
   — Lève-toi, Yuna, ordonne-t-il et ses yeux s'agrandissent, ses pupilles se dilatent. Elle semblait vouloir des réponses. Elle regardait tour à tour Eunwoo et Jimin, un sourire malicieux aux lèvres.

  Voyant qu'elle n'obéissait pas, Jimin contourna le bureau et s'empara violemment de son avant-bras, posant vicieusement son doigt sur un de ses hématomes. Elle cria sous l'effet de la douleur, essayant de le repousser, mais il la rapprocha de lui, sa mine sardonique s'atténuant peu à peu alors qu'il voit combien il lui avait fait mal.
   Il se pencha vers elle, porte sa bouche à l'oreille de Soojin. Ses yeux restèrent neutres.

   — Bonne chance.

   Elle le repoussa de nouveau et il céda cette fois, ne lui offrant aucun regard alors qu'il marche vers la porte, la laissant toute seule avec Eunwoo.

Parti pour de bon, Soojin passe une main délicate sur son avant-bras, comme dans le but d'atténuer cette douleur si terrible. Elle qui n'avait pas été si pire depuis le début de la journée, la voilà qui lancinait son corps, brûlant chaque endroit où elle s'était fait rouée de coups brutaux.

— De quoi vous étiez en train de parler? lui demande Eunwoo et elle le regarde froidement, mettant le blâme de cette douleur sur lui.

L'ignorant complètement, c'est dans le silence qu'elle passa devant lui et descendit au premier étage. Personne ne sembla remarquer sa présence alors qu'elle se faufilait entre ses hommes. Peu la regardèrent. Ce groupe était bien moins nombreux, mais beaucoup plus compact et moins divisé. Les mêmes tatouages se voyaient sur l'avant-bras de plusieurs.
Eunwoo se mit à la même place que la veille, son menton légèrement plus élevé, dans un essai misérable d'atteindre une quelconque supériorité sur ce groupe. Il écarta légèrement ses bras de chaque côté de son corps.

Soojin soupira, se retournant vers sa droite. Manquant de crier, c'est avec horreur que sa rétine se frappe à l'image de sa cible. Une pointe d'excitation l'accable, la subjugue alors qu'elle voit le visage de cet homme s'appelant Kim Minseok. Je n'ai qu'à le charmer, s'était-elle dit, il faut seulement que je prouve qu'il est un traître et je partirai de cet endroit.

Il était petit, bien plus petit qu'elle ne se l'imaginait, mais l'aura qu'il projetait était bien particulière. Entouré d'une dizaine de ce qui semblait être des fidèles, il avait les bras croisés sur son torse, la même mine insalubre au visage.

— La transition va s'faire dans quatre heures. Trois femmes ont changé de groupe. Vous êtes mieux de bien les accueillir, marmonne Eunwoo avec peu de conviction.

Soojin se sentit soudainement visée. Tournant sa tête vers sa gauche, elle vit les deux autres femmes qu'Eunwoo avait mentionnées. Miyeon et Sol-A. Jimin les avait réellement changées de groupe.
Ici elles étaient, à quelques mètres d'elle. Elles avaient l'air bien moins confiantes qu'elles ne l'étaient hier. Tout le monde semblait les fixer, les toiser du regard. Crispant sa mâchoire, c'est avec rage que Soojin se dit qu'elle pourrait très bien les tuer maintenant et ce, seulement en marchant vers elles et en utilisant ce scalpel.
Elle savait ce qu'elle allait faire pourtant. Elle allait faire exactement ce que Jimin lui avait dit de faire. Elle allait seulement blesser Miyeon, lui enfoncer un scalpel dans le ventre.

— Le prochain appel se fera dans trente minutes, dit Eunwoo et peu après, il se retourna, quitta la pièce.

Alors que tous ses gens se dissipaient, Soojin enfonça sa main dans sa poche et de nouveau, elle serra le manche du scalpel. On aurait dit que cela devenait une habitude pour elle. Souriant de façon sardonique, c'est en se faufilant à travers des corps marchants qu'elle s'approcha de Miyeon, fixant son ventre de façon obsessive, soumise à une colère terrible.

À cet instant précis, elle sentit les mains d'un homme s'accrocher à sa taille, la pivotant sur place. À peine eut-elle le temps de voir un fragment de son visage qu'il entoura ses épaules de son bras, l'amenant avec lui au coin de la pièce.

— Tu fais quoi là? lui demande-t-elle frénétiquement après avoir rejeté sa surprise et repris sa lucidité. Elle ne reconnaissait point cet homme. Il était grand et avait des cheveux noirs tombant sur ses yeux. Son apparence, comme celle de chacun de ses hommes, était plutôt maganée et délinquante. Son visage était parsemé de petites coupures et son cou regorgeait de tatouages incompréhensibles à l'encre bleu foncée.
Riant de façon sinoque et dérangée, il la regarda.
— J'suis en train de te protéger et tu m'donnes de l'attitude? dit-il avant de la diriger vers une station de poids. Un sourire terriblement dément déformant son visage, il la poussa alors sur un banc de musculation. Insensible à ses protestations, il la repousse de nouveau alors qu'elle tente de se relever, une main ferme crispant le textile gris du débardeur de Soojin. Il la regarde, un air étrangement lunatique aux yeux et il finit par lui sourire, lâchant son débardeur.

Ignorant pourquoi, Soojin ne trouva pas la force à se plaindre. Elle ne dit rien et resta le dos couché sur le banc alors qu'elle le voit poser des poids sur une barre métallique se trouvant juste au-dessus de sa tête. La sauver? Comment était-il en train de la sauver? La sauver de quoi? de qui?

— T'es qui? demande-t-elle et il ne lui répondit pas, claquant sa langue contre son palais à plusieurs reprises.
— Fais-en dix, finit-il par lui dire. Elle voyait son visage à l'envers et cette vue était encore plus effrayante.
— Quoi?
Elle ne savait pas de quoi il parlait. Il frappa alors la barre métallique à deux reprises. Brutalement d'ailleurs.
— Fais-en dix et j'te dirais tout c'que tu veux, promet-il et Soojin grince des dents. Elle n'était pas forte. Aucunement. Mais elle voulait des réponses à ses questions.

Entourant la barre de ses paumes, Soojin prit une grande inspiration. La barre était déjà lourde. Cet homme y avait sûrement ajouté quelques kilogrammes de plus.
   Détachant la barre de son socle, elle fit une première traction, le froid l'enveloppant alors que le métal de la barre effleure sa poitrine. Elle poussa difficilement le poids vers le haut, sentant déjà ses muscles se fatiguer.
— Ça fait seulement un, marmonne-t-il et elle se demande pourquoi elle s'était mise dans cette situation.
— J'vais pas tenir, répondit-elle, ses avant-bras tressautant.

Pendant plusieurs secondes, il la regarda, son visage à l'envers laissait voir les mêmes expressions faciales maniques. Cette position n'atténuait en rien l'insalubrité de ses yeux.
— Il t'en manque neuf, chuchota-t-il doucereusement, son visage se rapprochant du sien.

Soojin continuait de trembler. Ses bras gémissaient sous ce poids. La force de la gravité terrestre semblait s'être multipliée. Elle peinait à garder une simple barre de métal au-dessus de sa tête pour plus de dix secondes.
Alors qu'elle sentit qu'elle allait lâcher, elle se retourna vers lui, les yeux suppliants.
— Enlève-moi cette barre, demanda-t-elle avec peine et elle ne put verrouiller un regard avec lui. Ses yeux globuleux fixaient quelque chose d'autre au loin. Éreintée, c'est avec les derniers bouts d'énergie et de force qu'elle avait que Soojin éjecte la barre à sa droite, sur le sol, le tout accompagné d'un bruit sonore.

Elle respirait difficilement. Elle haletait comme un chien en chaleur et tous ses muscles étaient tendus. Après cet effort intense, on aurait dit qu'un coulis d'eau chaude parcourait chacun des muscles de son corps. Ses joues avaient tourné au rouge.
Incapable de bouger, c'est seulement lorsqu'elle reprit sa respiration habituelle qu'elle perçut des cris, des bruits de pas. Elle se releva et vit cet homme marcher par-dessus la barre qu'elle venait de jeter, se dirigeant vers le milieu de la pièce. En colère, Soojin marcha rapidement vers lui, frappa son épaule. Il ne prit même pas la peine de la regarder.

S'emparant de son avant-bras, il la rapprocha de lui et orienta son corps vers la légère cacophonie qui accablait le groupe entier. Elle ne put voir clairement de quoi il s'agissait, mais seule la présence de tout le monde entourée dans un cercle lui dit qu'il se passait quelque chose.

Au milieu de cette condensation, Soojin vit alors Miyeon et Sol-A. Elle se retourna vers lui.
— Il se passe quoi? demande-t-elle, poussant à plusieurs reprises sa caricature, essayant de se procurer une réponse de lui. Il finit par se retourner vers elle.
— Tu vois de quoi j'viens de te sauver? dit-il, riant malicieusement. J'viens de te sauver de ces requins. Fronçant des sourcils, ne comprenant guère ce que cela voulait dire, elle ouvra la bouche et ne put prononcer aucun mot. Ils vont leur faire une inquisition, finit-il par dire. Tu vas être en sécurité pour au moins quelques jours avec moi. Fais en sorte de rien faire pour te démarquer. Reste calme et évite les hommes de Minseok, il se retourna alors vers elle. Tu sais c'est qui Minseok?
Soojin déglutit.
— Pas du tout, dit-elle et il lui rit au visage.
— Tu mens, remarque-t-il. J'vais même pas te demander pourquoi tu me mens. J'ai pas envie de savoir.
Sur ses mots, il se retourna et reprit la barre à l'aide d'une seule main. Il la repose sur son socle, marmonnant des mots à voix basse, la tête bougeant de droite à gauche de façon parfaitement aléatoire, tel un tic. Il agissait comme un fou. Soojin se rassit sur le banc, croisant ses jambes l'une sur l'autre dans une position de lotus.
Il lui sourit.

— Tu veux essayer de terminer les neuf autres? Soojin s'empêcha de laisser sa colère transcender son calme.
— T'es qui? Son sourire s'évanouit légèrement. C'est quoi ton nom? Et c'est quoi une inquisition?
— Pour quelqu'un qui sait même pas comment faire dix tractions, t'as beaucoup d'questions. Peut-être même un peu trop, se moque-t-il, la regardant d'en haut en bas. T'es nouvelle ici pas vrai?
— Réponds à mes questions! s'exclame-t-elle et il commença soudainement à lui tâter les avant-bras, à effleurer de la pulpe des doigts ses bleus et ses ecchymoses.
— Et tu devrais bien répondre aux miennes. Qui t'as fait ça? elle recula, le toisa froidement.
   — Dis-moi ton nom, crache-t-elle, crispant ses doigts autour de son débardeur à son tour. Il regarda la main qu'elle avait posée sur son torse, le tout en conservant son sourire. Il passa une langue sur ses lèvres.
   — Do Gang-jae, il répéta son nom à plusieurs reprises, se rapprochant d'elle à chaque fois qu'il l'expulsait. Réponds à mes questions maintenant. C'est qui qui t'as fait ça?
   Soojin pince ses lèvres, pivotant sa tête vers le cercle qui s'était formée au milieu de la pièce.
   — Cette salope de Miyeon, répondit-elle, pointant du menton le centre de la pièce.

   Gang-jae la fixa pendant plusieurs secondes, clignant des yeux rapidement.
   — Tu vas la tuer? demande-t-il à Soojin et cette dernière essaye de se calmer. Ses blessures sont plutôt moches, il toucha sa joue. Elles ruinent ton beau visage, marmonne-t-il et repoussant sa main, Soojin eut soudainement une idée. Cette dernière était impulsive et misérable.
   Elle accrocha alors ses deux mains sur son torse.
— Fais-le pour moi, chuchote-t-elle et réalisant qu'elle était pratiquement en train de le supplier, elle racla sa gorge. On m'a demandé de la blesser. Il faut que je le fasse.
Gang-jae écarquille ses yeux, souriant vicieusement.
— On t'a demandé de la blesser? Qui? Pourquoi tu voudrais pas l'faire toi-même? T'as pas la haine?
   Soojin grince des dents.
   — Oh oui, crois-moi, je l'aie, marmonne-t-elle, les yeux éclairés par une colère noire. Gang-jae le vit et il sourit de façon démesurée.
   — Alors fais-le, répondit-il, la fixant avec un regard condescendant. T'as une arme? demande-t-il et Soojin sort une partie du scalpel de sa poche. Ses yeux s'illuminèrent à cette vue. Il possédait la même aliénation que Sol-A, la même aura qu'elle.

   — J'peux pas le faire, finit-elle par expulser.
   — Les règles sont claires. C'est ta vengeance, pas la mienne. Elle m'a rien fait, dit-il et Soojin fronça des sourcils. Jimin lui avait dit exactement la même chose.
   — J'ai la protection du propriétaire de ce bâtiment. J'suis sûre qu'il ne va rien te faire si je lui dis que c'est moi qui t'a demandé de la blesser.
   Il la regarda longuement.
   — T'as vu le boss? demande-t-il et elle vit ses yeux se raviver violemment à la seule mention de Jimin.
   Elle hocha de la tête.

   Gang-jae passa à travers plusieurs émotions, elle pouvait le voir. L'excitation le démangeait. Sa gorge dégageait un bruit semblable au ronronnement d'un chat. Ses lèvres trépignaient et Soojin en ressentit des frissons. Elle se sentit soudainement sollicitée, étrangement supérieure et ce, seul le regard d'admiration qu'avait Gang-jae avait suffi pour qu'elle regagne un toucher avec la réalité.

   — Le boss t'a demandé de la tuer?
Soojin le regarde. Elle ouvre la bouche, la referme.

Non. Jimin ne lui avait pas demandé de la tuer. Il lui avait demandé de la blesser et non de la tuer. Est-ce que le cerveau de Gang-jae était perturbé au point où il ne perçoit que ce qu'il veut entendre? Voulait-il la tuer? Non, ce n'était pas la bonne question. Voulait-il tuer?
Elle ne le savait pas exactement. Mais il était définitivement un fou. Un sociopathe. Ses yeux étaient si effrayants. Immédiatement, elle sut qu'elle ne devait pas mettre cet homme sur son dos. La claustrophobie la secouant, elle regarda autour d'elle, se demandant combien d'autres personnes ici avaient un persona similaire à celui de Gang-jae. Comment un humain pouvait-il songer au meurtre avec un sourire aussi serein et décontracté? Comment pouvait-il la regarder sans honte?

— Alors, il t'a dit quoi? Le boss veut que tu la tues, pas vrai? Ce sont ses ordres, non?

Il s'impatientait. Toutes les caractéristiques physiques qu'il affichait, tremblements, légères sueurs, yeux dilatés et respiration saccadée, toutes présumaient une anxiété le rapprochant de la crise, mais il souriait tel un diable et s'enflammait sous le poids d'une quelconque émotion. Elle ignorait comment un humain pourrait avoir l'air si exalté.

Elle repensa à ce que Jimin lui avait dit. Tuer Miyeon. Voulait-elle réellement que Miyeon meure? Après quelques secondes de réflexion, elle se dit qu'encore une fois, ce n'était pas la bonne question. Voulait-elle que Miyeon meure sans qu'elle n'aie à exécuter son meurtre? Elle crispa ses poings. Oh que oui. Elle voulait quiconque qui faisait ou qui avait fait d'elle une farce cinq pieds sous terre. Ses douleurs, ses côtes endoloris, son visage ruiné. Demander à Gang-jae de la tuer serait comme souffler sur des chandelles à notre anniversaire et souhaiter un vœu en sachant qu'il allait se réaliser.

Combien ce serait facile de parler, de projeter de simples mots. Combien ce serait facile de tuer cette femme si brutale sans avoir à lever le petit doigt. Ce serait un péché, une injure à l'éthique et à la morale, mais être complice à un meurtre ne semblait plus l'affecter.
Elle se força à sourire. Elle sourit d'un rictus si vulgaire qu'elle fut plus dégoûtée face à ce dernier qu'à la perspective de provoquer un meurtre. Ses valeurs s'étaient déchaînées et s'étaient noyées dans le néant. Et c'était avec une nonchalance hors de ce monde qu'elle hocha de la tête.
— Le boss m'a demandé de la tuer ce matin, dit-elle et ce qui se passa après ne fut que plusieurs images floues s'assemblant ensemble, tel un film structuré de façon mauvaise.

Elle lui avait donné le scalpel et il avait rit. Elle se rappelle encore avoir entendu les mêmes cris provenant du milieu de la salle. Elle ne savait toujours pas quel était cette inquisition qu'il avait mentionnée, ni de quoi elle consistait.
Arrivant au centre, les gens commencèrent à s'écarter du passage de Gang-jae. Il pointa son doigt à Miyeon et demanda que l'inquisition soit arrêtée. Il l'invita sur le ring. Soojin but que Sol-A souriait de façon étrange. Tous faisant partie du premier groupe se regardaient entre eux, humant déjà une certaine distraction. Soojin n'était sûrement pas la seule à avoir réalisé la nature imprévisible de Gang-jae. Tous semblaient légèrement inquiets et curieux. Discrètement, le corps tressautant, elle se cacha en arrière d'une grande caricature. Des sueurs froides avaient commencé à descendre dans son dos. Se mettant sur le bout de ses pieds, elle fixa Minseok.
Il était toujours entouré d'une dizaine de partisans. Ses mains étaient encore croisées sur sa poitrine. Elle fut figée d'horreur en voyant son visage. Il souriait. Il semblait être le seul à avoir une idée précise de ce qui allait se passer.

Miyeon semblait hésitante. En regardant longuement ses yeux, Soojin crut y voir de la peur. Elle finit pourtant par sourire à son tour. Savait-il qu'il allait essayer de la tuer? Pensait-elle que ce serait un simple combat amical? Gang-jae enroula des bandelettes blanches autour de ses poings.

Un murmure commun agita la pièce entière, chacun se questionnant sur l'issue de ce combat. Alors qu'ils se dirigeaient vers un des deux rings, ses gens la bousculèrent, tous de plus grande taille, la toisant de haut, certains en souriant vicieusement, d'autres avec mépris. Elle-même finit par se diriger vers le ring, un noeud dans la gorge.

Si Miyeon mourait, serait-ce sa faute? Est-ce que le sang de cette femme serait sur ses mains?

Soojin vit Gang-jae mettre une de ses mains dans sa poche. Ses yeux s'écarquillèrent. Il allait réellement la tuer. Elle perçut comment ses doigts s'entouraient autour d'un objet à travers le textile de son jogging, comment son sourire s'élargissait. Pourquoi avait-il accepté de la tuer? Comment n'avait-il pas peur de tuer quelqu'un? Avait-il accepté de la tuer en pensant qu'il monterait les échelons? qu'il entrerait dans les faveurs de Jimin?

Dès que Miyeon monta sur la surface surélevée, Gang-jae commença déjà à s'approcher dangereusement d'elle. Avant même que le début du combat ne fut annoncé, Miyeon fut plaquée au sol. Elle ne s'y attendait pas. Cela se voyait sur son visage. Alors qu'elle essaya de repousser son adversaire, ce dernier sortit finalement ce scalpel et le planta au milieu de sa poitrine. Elle ne s'attendait encore sûrement moins à sa mort. Et pourtant, elle mourra.

Voyant le sang s'éjecter du corps d'un être réel, Soojin sembla incapable de ressentir quoi que ce soit. Elle se dit que prétendre avoir été affectée par cette vision serait un mensonge. Tous les caractéristiques de cette scène ne l'agressait aucunement. Un être mort? Elle en avait vu des dizaines. Du sang? Elle en avait vu des litres au cours de sa vie. Un scalpel? Il avait toujours été son meilleur ami dans une salle d'opération. Elle sentit pourtant que le vide qui l'enveloppait n'était pas normal. Comment ne pouvait-elle pas ressentir quoi que ce soit après avoir témoigné de la mort d'un être? Était-elle désensibilisée à la mort?

Elle l'était sûrement. Elle n'était pas dégoûtée ou horrifiée; elle avait peur.
À ce moment précis, Gang-jae ressortit le scalpel et le planta de nouveau, cette fois-ci dans le ventre de Miyeon. Autour d'eux, ces hommes et ces femmes s'agitaient. Certains criaient de dégoût. D'autres frappaient leurs paumes contre les cordes entourant le ring, encourageant Gang-jae à poignarder le ventre de Miyeon, encore et encore. C'était de la barbarie. De la barbarie à l'état pur. Le sol autrefois blanc de l'aréna de combat était maintenant coloré d'un rouge terrifiant. Les cris lui faisaient mal à la tête. La monstruosité de ces âmes lui donnaient des maux de ventre. Elle n'était toujours pas écœurée du meurtre. Elle était révulsée par la mauvaise bonté de ces personnes. Tournant la tête, se sentant claustrophobe, elle vit Sol-A. Cette dernière crispait ses doigts sur l'une des trois cordes auréolant ce ring.
   Elle ne regardait aucunement le corps mort de Miyeon. Elle aussi n'était pas affectée par ce spectacle. Elle regardait autour d'elle, aussi effrayée qu'un chat devant un lion. Elle devait penser que Minseok avait ordonné la mort de Miyeon. Cela devait lui laisser penser qu'elle serait la prochaine.

   Être devant une scène de telle brutalité fit penser à Soojin qu'elle aussi pouvait être la prochaine à mourir aussi violemment et elle en  fut terrifiée. Tremblant, elle recule, percute la caricature d'un autre homme. Ce dernier la regarda avec des sourcils froncés et des yeux à la fois ludiques et remplis de haine. Lorsqu'elle se retourna, elle vit Gang-jae sortir du ring et marcher vers elle, son débardeur couvert de sang, ses mains ayant entre ses doigts un scalpel sanguinolent. Les autres scandaient son nom. Cinq mois en captivité. Ses bêtes fauves avaient dû être privées de toutes sources de divertissement pour qu'ils soient si investis et excités par un tel massacre. 

Gang-jae avait le même sourire accablant et ce dernier n'était que plus intense qu'avant. S'approchant d'elle, elle se retira de nouveau vers l'arrière, mais il n'eut pas l'air de remarquer son recul ou son horreur.
   Il s'empare de sa main, la tourna et posa le scalpel submergé de sang à l'intérieur de sa paume.

   — Tu m'en dois une, dit-il et les yeux de Soojin s'ouvrirent grand. J'ai pris soin de ta revenge pour toi, ma chérie.
Il posa un baiser sur sa joue et tapota à deux reprises sa main ensanglantée sur son épaule. Du sang fut mis en contact avec ses cheveux, son épiderme aussi. Elle tressauta. Sachant que les regards étaient soudainement sur elle, plusieurs la regardant comme s'ils étaient impressionnés, voire même méfiants, elle garda un visage placide.
Baissant les yeux vers ses mains, elle ne put s'empêcher d'esquisser un rictus dégoûté.

   Le sang de cette femme avait réellement fini par être sur ses mains.














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