➠ 𝘉𝘳𝘺𝘢𝘯𝘯𝘢
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Il était vingt heures lorsque je fus conduit à l'aéroport. J'ai profité du trajet pour lire mon livre préféré, mais une fois embarquée, il était déjà vingt et une heures. J'ai dormi pendant tout le voyage, étant toujours aussi fatiguée. Rien que de changer de pays me donnait une étrange sensation, mais parler dans ma langue natale me faisait du bien. Je suis contente de rester en contact avec Luka, espérant tout de même qu'il ne découvre pas que j'ai fait tout ça juste pour une adresse.
Au départ, j'allais lui dire la vérité, mais je ne veux pas faire la même bêtise qu'avec Andrew. On apprend de ses erreurs, comme on dit. Je veux devenir une pro...
1 h 54, Colombie
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Il est deux heures du matin lorsque je mets les pieds sur le sol de mon pays. Enfin... je ne suis pas née ici, mais je m'y sens tellement bien... j'ai l'impression que ça fait une éternité.
Je voulais immédiatement aller voir Nico, mais je pense qu'il est trop tard et que j'ai besoin de repos. J'irai le voir demain à la première heure.
En rentrant chez moi, l'odeur nauséabonde de porc m'accueille, me donnant envie de vomir. Je cours vers les toilettes et déverse mon estomac, même si je n'ai presque rien mangé. L'odeur me répugne.
J'attrape une serpillière et essaie de nettoyer comme je peux, mais je ne sais pas quoi faire de tous ces corps. En plus, je n'ai même pas dit à Nico que j'étais en danger... mais si je le fais, il va encore croire que j'ai tout gâché...
Je m'endors sur le sol de la salle de bain et me réveille à six heures et demie. Je décide alors de me rendre directement chez mon chef. Il m'ouvre la porte après un court moment d'attente, encore endormi, mais pour une fois, il semble être seul.
Je rentre rapidement et sans rien dire, il part se chercher un café et me sert le même breuvage que la dernière fois... Quand il revient, il a les cheveux coiffés correctement et son visage est plus ouvert.
— Bon alors, dis-moi que tu as réussi ! me lance-t-il.
J'affiche un sourire triomphant et lui donne le morceau de papier avec l'adresse.
— J'ai même vérifié et c'est bien là !réponds-je fièrement.
— Très beau progrès, Bryanna ! félicite-t-il.
Je ne me vois pas dans le miroir, mais je sais que mes yeux brillent de fierté pour moi-même. Ravis qu'il soit content de moi, je lui souris, même s'il reste sérieux. Je sais qu'il est content.
— Ça n'a pas été trop difficile ? demande-t-il.
— Non, franchement, j'ai été surprise, mais il a l'air très froid, etc., mais en réalité, il est vraiment cool.
— Si il est comme son père, c'est sûr, approuve-t-il.
— Mh... acquiesce-je, même si je n'en ai aucune preuve.
— Ma mission se termine ici ! annonce-je.
— Il y a une enveloppe à l'entrée, m'informe-t-il.
— Merci, dis-je.
Je n'ai pas besoin de demander ce qu'il y a à l'intérieur, je sais déjà que c'est ma paye. Je n'ai pas non plus besoin de demander combien il me donnera, je sais qu'il me paiera à juste prix parce qu'il est comme ça.
Je me lève, le salue et, parfois, j'ai l'impression de m'être réellement attachée à lui. J'affiche un dernier sourire avant de me diriger vers le hall d'entrée pour chercher cette enveloppe. Je tombe assez rapidement dessus et l'ouvre. Il y a une grosse liasse de billets, et mes yeux brillent de joie. Je pourrais donner ça à ma sœur pour son shopping !
D'ailleurs, elle n'a pas l'air d'être rentrée... ce qui m'arrange en soi, si elle avait vu ça, c'est elle aussi que j'aurais retrouvée décédée parmi tous ces morts.
Je sors alors de là, envoyant un message rapidement à Andrew... je voulais le voir... mais simplement pour le remercier d'avoir enlevé les corps de dehors ! Et peut-être qu'il m'aiderait avec ceux de l'intérieur...
Je ne sais vraiment pas quoi en faire...
Il me répond assez rapidement en me disant qu'il me rejoindrait chez moi, alors je retourne là-bas... J'arrive avant lui et m'assieds sur les marches devant ma porte car l'odeur à l'intérieur est toujours aussi insupportable.
Je reconnais la voiture d'Andrew s'approcher de ma maison et j'affiche un sourire en me levant d'un coup. Il ouvre sa portière une fois garé et la referme immédiatement derrière lui avant de me rejoindre.
— Que me vaut cette demande... débute-t-il.
J'irais presque juré qu'il sourit un peu si je ne le connaissais pas assez pour dire qu'il est tout le temps aigri.
— Je voulais te remercier.
Il fronce les sourcils.
— Non, non, mais ma vie était aussi en danger, c'est normal ! répond-il.
— Je ne parle pas de ça... je parle des corps que tu as retirés de la véranda, clarifie-je.
Il m'observe avec un regard indescriptible, perdu... comme si ce que j'avais dit était une énigme.
— Eum...
— Je n'ai... jamais retiré rien, Bryanna...
C'était la deuxième fois que j'entendais mon vrai prénom de sa bouche, ça me procurait une sensation bizarre. Je savais qu'il était sérieux, et ça me foutait la frousse.
— Tu...
— Non...
Je voyais presque de la panique traverser son regard, il observe autour de lui.
— Je vais regarder de plus près, si tu me le permets... mais c'est un procédé qu'ils font... ils ont nettoyé l'intérieur aussi... ?
— Non... je voulais te demander si... si tu pouvais m'aider...
Il soupire, passant une main dans ses belles boucles.
— D'accord...
Trente-six mille questions me tournaient maintenant dans la tête.
— Mais pourquoi retirer des corps qui ont été tués par d'autres gens... ? demande-je.
— Je n'ai jamais trop compris le fonctionnement de leur gang... mais ils aiment donner l'effet de 'vous avez déliré, il ne s'est jamais rien passé', pour ensuite faire deux fois pire.
— Oh...
— Puis, ils ne veulent pas que la police trouve les corps et qu'ils soient ensuite identifiés... leur but est que jamais on ne remonte à eux, et si ils identifient quelqu'un ou si la famille décide de parler, ça ferait des problèmes.
— Vraiment particulier...
Moi qui pensais tout savoir sur ce monde... je me rends compte que... j'avais complètement faux de toute la ligne.
— Et oui, parfois... on ne peut pas tout comprendre. Les choses les plus illogiques sont les plus logiques pour nous, mais tu dois le savoir.
Pour le coup, je me demande si je n'ai pas prononcé mes pensées à voix hautes... il était vraiment fort, vraiment fort.
— Allons-y ramener les corps.
Je l'aide alors à les porter. Au début, on fait un premier voyage avec trois corps. On en empile deux dans les sièges arrière et un dans le coffre. Nous arrivons vers un lieu qui me dit vaguement quelque chose. Nous sommes passés par l'arrière, mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi nous sommes ici.
J'avais imaginé qu'il me ramènerait vers une forêt reculée de tout et qu'on aurait creusé des trous pour les enterrer, mais non, il m'avait ramenée dans une porcherie... je grimace comme si ça ne puait pas déjà assez.
— Qu'est-ce qu'on fout chez les cochons ?demandai-je en l'observant comme si il était le pire idiot de la terre.
— Je ne sais pas si tu le sais... mais les cochons mangent de tout, alors... commence-t-il.
Il prend un corps qu'il tire vers les cochons. Quand il leur fait signe, ils se mettent à manger... je grimace, c'était vraiment trop pour moi... son regard si froid... comme si tout cela était normal. Je pensais pouvoir supporter beaucoup de choses, mais voir un humain se faire déglutir par un cochon m'horrifie, alors je me tourne, me couvrant le visage de mes mains tremblantes. Je sens des mains s'entourer autour de ma taille, et mon cœur s'emballe de peur au départ, avant de se calmer petit à petit...
— Tout va bien... me rassure-t-il.
Je ferme les yeux, profitant de ce moment. Je ne peux pas voir son visage, mais je sens son souffle sur mon cou...
Après quelques instants, il se détache de moi, et je me sens... je ne sais pas... son contact m'a apaisée... mais je ne veux pas me dire que lui peut me faire ce genre d'effet.
— Je ne comprends vraiment pas ce que tu fais... à perdre ton temps... dit-il.
Sa question est... perturbante, mais je n'y réponds pas, et je pense qu'il ne s'attendait pas à une réponse.
— On y va ? Il y en a d'autres à récupérer... propose-t-il.
— Je vais sortir le camion, ça sera plus rapide.
Une fois notre aller-retour effectué dans un silence pesant, on n'a plus rien à faire ensemble... je dois rentrer chez moi.
— Merci... dis-je.
On se regarde dans le blanc des yeux pendant quelques secondes, et... je ne sais pas si c'est une illusion, mais j'ai l'impression que notre proximité est devenue plus présente. Il pose une main sur ma joue quand mon téléphone sonne, me provoquant un sursaut. Il se détache immédiatement de moi... et je soupire...
— Je t'accompagne ? propose-t-il.
— Je vais marcher...
— D'accord...
Je marche dans les rues de plus en plus animées par les gens qui commencent à sortir pour aller au travail. Mon esprit est tourné vers ces images qui ne quittent pas mon esprit, c'était la première fois que je voyais des humains se faire manger par des cochons... plus jamais j'en mangerai un... en parlant de manger, mon ventre crie famine, gargouillant, mais mon appétit lui n'est plus là. Je sais que si je mangeais quelque chose, je vomirais.
Une fois rentrée, je me retrouve face à la tâche délicate de nettoyer le reste du sang séché. L'odeur qui émane de la pièce est similaire à celle de la rouille, un mélange métallique et terreux qui s'accroche à mes narines, menaçant de me faire perdre le peu de force qui me reste. Je ferme les yeux un instant, essayant de repousser la nausée qui menace de monter en moi une fois de plus.
Avec détermination, je m'arme de gants de caoutchouc et de produits de nettoyage, prête à affronter cette tâche difficile. Chaque mouvement semble amplifié dans le silence oppressant de la pièce, et chaque goutte de sang évoque une scène que je préférerais oublier.
Je commence par frotter doucement, essayant de détacher chaque trace de ce qui s'est passé. Chaque geste est accompagné d'une bouffée de désespoir, mais je m'accroche à l'idée que ce nettoyage est un pas de plus vers la guérison. Petit à petit, le sang cède sous la pression de mes efforts, laissant place à la propreté et à l'ordre.
Pendant que je nettoie, mes pensées se perdent dans un tourbillon d'émotions. La colère, la tristesse, la peur, toutes se mêlent dans mon esprit, formant un cocktail explosif de sentiments que je peine à contenir. Mais malgré tout, je continue à frotter, trouvant un semblant de soulagement dans l'action elle-même.
Une fois la tâche accomplie, je me sens épuisée mais soulagée. Je me débarrasse des gants et des produits de nettoyage, et je me dirige vers la salle de bain pour me doucher. L'eau chaude coule sur ma peau, apaisante et réconfortante, effaçant les dernières traces de cette nuit cauchemardesque.
En sortant de la douche, je me sens un peu plus légère, un peu plus forte. Je prends mon téléphone et ouvre le message que j'ai reçu il y a une heure, trouvant un peu de réconfort dans le contact avec le monde extérieur. C'est un petit pas, mais c'est un pas dans la bonne direction. C'est Luka qui me provoque un sourire face à ce qu'il a écrit.
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J'espère que tu es bien arrivée, jolie blonde. Je voulais te dire que le fait de t'avoir rencontrée m'a fait un grand bien et que j'espère qu'on va se revoir prochainement
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Je tapote rapidement une réponse lui disant que oui, je suis bien arrivée et que la prochaine fois, il n'aura qu'à venir s'il veut me voir, comme ça ce sera une excuse pour connaître le pays de son père.
Après ça, mes paupières se ferment, trop fatiguée.