➠ 𝘉𝘳𝘺𝘢𝘯𝘯𝘢
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Le moment où je m'apprêtais enfin à tirer le verrou de la porte m'a fait lâcher l'arme, qui est tombée au sol avec un bruit sourd.
— Putain... a-t-il murmuré.
— Oh mon Dieu mais que se passe t'il ici ?!
Les cris de ma sœur ont pénétré dans le salon, brisant le silence qui régnait depuis plusieurs minutes. Celestia a jeté son regard sur moi, bouleversé et paniqué, et sur "l'inconnu" qui n'était pas si inconnu que ça finalement, mais Sharp simplement ligoté à une chaise prélevée de la cuisine. Il était tourné dos à la porte, donc il ne pouvait pas la voir, ce qui m'a un peu rassuré. Je ne voulais pas qu'il la prenne pour une complice et qu'il se venge d'elle s'il s'enfuit d'ici.
Elle m'a attrapé par le bras et m'a conduit dans la chambre.
— C'est le mec de la réception ? a-t-elle demandé.
— Oui... ai-je répondu.
— Oh... Bryanna, tu ne peux pas ramener un homme et le ligoter sous notre propre toit ! Tu veux qu'on finisse notre vie en prison ou quoi ? Toute cette histoire va trop loin. Je voulais t'aider et te soutenir, mais je ne peux pas être complice de tout ça... Je voulais te remercier pour ce que tu as fait pour moi, mais là, c'est trop.
Elle a commencé à rassembler ses affaires et à faire une valise. Je l'ai laissée faire, car elle avait raison, je n'avais pas à lui imposer mon choix de vie. Elle m'a embrassé le haut du crâne avant de partir et de fermer la porte derrière elle.
Je dois avouer que j'étais déboussolée, car je ne m'attendais pas à cela, mais je ne pouvais rien y faire maintenant, je devais assumer.
Je suis retournée au salon et ai allumé la télévision pour essayer de réfléchir. Je pensais que tuer serait très simple, mais je me rends compte que ce n'est pas aussi facile que de tirer sur un pantin en bois.
— J'ai envie d'aller aux toilettes... a-t-il dit.
— M'en fiche, ai-je répondu en soupirant.
Je ne vais certainement pas l'accompagner aux toilettes tout de même, et encore moins le laisser y aller seul. Il est trop intelligent pour ne pas tenter quelque chose, et je suis seule ici.
Après avoir regardé ma telenovela préférée, je suis allée cuisiner. Sharp n'a rien tenté pour le moment, mais je le surveille. J'ai décidé de cuisiner des lasagnes et j'en ai servi deux assiettes pour qu'il puisse manger aussi.
— Dit moi qui t'a demandé de me kidnapper, a-t-il demandé.
— Oh, la ferme. Normalement, tu devrais être mort à cette heure-ci. Tu as faim ? ai-je dit en affichant un sourire.
— Non.
— T'inquiète, il n'y a pas de poison, mais bon, ça en fera plus pour moi, ai-je répondu.
Il a soupiré. Il n'a même pas tenté de crier ni quoi que ce soit. Il est trop calme pour quelqu'un qui vient de se faire kidnapper. J'ai commencé à manger et il m'observait.
— Quoi, tu en veux finalement ? ai-je demandé en lui tendant la fourchette.
Il a mangé, contrairement à ce que j'avais imaginé. Si j'étais lui, je ne ferais pas confiance à ma kidnappeuse.
— Ça serait pas plus simple si tu me détachais ? Je pourrais manger moi-même au lieu que tu me nourrisses comme un bébé, a-t-il proposé.
— Ah non, ça me va comme ça.
Une fois que nous avons terminé de manger, je lui ai fait la vaisselle puis je suis partie me doucher. Je suis retournée dans le salon pour éteindre les lumières avant de me coucher.
— Je ne peux toujours pas aller aux toilettes ? a-t-il demandé.
— Bon, comme tu as été sage, d'accord, mais si tu tentes un truc, gare à toi, ai-je prévenu en attrapant mon arme pour le menacer une fois détaché.
Je l'ai accompagné jusqu'aux toilettes.
— Tu vas me regarder faire ?
— Oui, et je peux te la tenir si besoin, ai-je répondu avec un sourire malicieux, ce qui l'a visiblement surpris.
Il s'est tu, et même s'il paraissait gêné, il a fini par pisser.
— Hum, je vais dormir sur cette chaise ? a-t-il demandé une fois revenu.
— Quoi, tu veux un cinq étoiles aussi ? ai-je répondu en ricanant.
— Non...
Je l'ai rattachée avant de partir me coucher dans un dernier ricanement.
Je dors paisiblement, mais quand je me réveille, je sursaute en voyant son ombre dans le salon. Je l'avais complètement oublié.
— Bien dormi ?
Il me lance un regard de travers avec des cernes sous les yeux qui me confirmaient que non.
— Si ce soir tu te comportes bien, tu pourras dormir avec moi, ai-je proposé.
Ma journée n'avait pas été constructive, j'avais juste passé la journée à manger et à le surveiller, et je dois dire que la nuit est arrivée rapidement.
— C'est l'heure de dormir. Je vais encore bien dormir dans mon lit, et toi sur cette chaise, ai-je dit en ricanant.
— Tu paraissais gentille, mais tu es comme tout les autres en fait," a-t-il dit, me regardant avec surprise.
— Oh, ça va, je rigole... Je vais te laisser dormir avec moi, ai-je finalement dit en le détachant et en le ramenant jusqu'à ma chambre, où je l'ai attaché à un bras du lit.
Je ne savais pas si c'était une bonne idée, mais j'adorais ça.
— Tu comptes faire quoi de moi ? a-t-il demandé.
— Hum, là, j'ai envie de te faire plein de choses, ai-je répondu, approchant mon visage du sien et l'embrassant.
J'avais jamais autant voulu un homme que lui. Il était si inaccessible mais si proche à la fois, car là, il était à ma merci. Il détourna la tête et je ricana.
— Aller, dors, je ne vais pas abuser de toi, promis, ai-je dit en passant doucement mes doigts sur son torse avant de faire le tour pour me coucher.
Trois jours plus tard.
Calle Zona Rosa, Bogotà, Colombie.
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J'ai laissé Sharp dormir dans mon lit ces derniers soirs, sachant qu'il n'appréciait guère ma présence. Pourtant, moi, j'appréciais la sienne. Aujourd'hui, je l'ai ramené dans le salon pour la journée.
— Bryanna ?
Entendre mon prénom de sa bouche pour la première fois en plusieurs jours m'a électrisée. Je suspendais une de mes robes blanches sur le sèche-linge avant de me tourner vers lui.
— Oui ?
— Je... j'aimerais te demander un service.
Je fronçais les sourcils, me demandant ce qu'il pouvait bien vouloir, mis à part aller aux toilettes, mais cela avait déjà été fait dix minutes auparavant.
— Ça fait plusieurs jours que je suis ici et je ne peux pas sortir. Je voudrais te demander d'aller à ma place, vu que j'imagine que tu ne me laisserais pas sortir moi-même.
C'était sûrement un piège, mais je me sentais bête d'avoir envie de l'aider, ou du moins de comprendre ce qu'il voulait.
— Et que dois-je faire à ta place ?
— Tu te rappelles de l'immeuble où j'étais avant que tu... que tu m'enlèves ?
— Oui, va droit au but, dis-je en levant les yeux au ciel.
— Il y a des enfants démunis qui vivent là-bas, et je leur apportais de la nourriture chaque jour. J'ai peur qu'ils soient morts de faim...
Cette requête était tout sauf ce à quoi je m'attendais. Mon regard s'attendrit sans que je puisse le contrôler. Aidait-il réellement des enfants dans le besoin ?
— D'accord, je vais le faire, dis-je avec un air blasé, mais en réalité, j'étais impatiente de le faire.
Une lueur passa dans ses yeux. J'espérais que ce ne soit pas un piège.
— Personne ne connaît l'existence de cet endroit à part moi, alors s'il te plaît, ne le dis à personne...
Même pas à Santiago ? Avais-je envie de demander, mais ce n'était pas mon problème... enfin, je suppose que s'il dit personne, c'est personne.
— D'accord.
Peut-être que ce que j'allais faire était une erreur monumentale, mais mon cœur le désirait.
— Tu veux venir avec moi les voir ?
Je le regardais dans les yeux... ses beaux yeux envoûtants... il avait un regard vivant... comme un enfant devant un cadeau de Noël ou un morceau de gâteau d'anniversaire. Je ne pouvais pas lui dire non... il n'avait plus des pupilles éteintes et sombres.
— Oh oui !
Il était si enthousiaste que tout cela pouvait être un piège, mais... je décidai de prendre le risque. J'essayai tout de même de ne pas sourire face à son visage presque heureux, gardant le mien fermé comme si j'effrayais quelqu'un.
— Tu viens avec moi, mais si tu essayes quelque chose, je te tue.
— Oui ! Mais avant, je peux prendre une douche ?
— Euh, oui.
Je lui laissai la salle de bain et lui trouvai des vêtements que j'avais dans le placard, des vêtements d'Octave qui avait vécu ici pendant deux mois et parfois restait chez nous lors de missions à proximité.
— Merci.
Nous partîmes dans la voiture. Je ne savais pas ce qui me passait par la tête pour faire une telle bêtise. Cela faisait trois jours que Nico m'appelait sûrement pour savoir si je l'avais déjà tué, mais je n'avais pas la force de lui dire que j'y réfléchissais encore.
Nous prîmes plusieurs sacs de nourriture et de cadeaux pour les enfants.
Sharp avait un cœur apparemment...
Arrivés devant l'immeuble, nous entrâmes à l'intérieur, et dire que j'étais persuadée que c'était un immeuble pour rencontrer des escortes.
Quand nous entrâmes, plusieurs enfants accoururent vers Sharp.
— Tu es venu !!
— On pensait que tu nous avais abandonnés...
— Non, les enfants, je ne vous ai pas oubliés, j'avais juste une mission très importante hors du pays, mais maintenant je suis là avec une amie pour vous apporter tout ce dont vous avez besoin.
— Merci, tu es notre héros.
J'avais les yeux remplis de larmes devant cette image. Il semblait les aimer tellement, et les enfants, c'était réciproque. Voir ce côté-là de Sharp... non. Andrew, c'était Andrew qui était en face de moi... ça me procurait une sensation étrange au cœur...
Il rigolait avec les enfants, et bien sûr, il m'avait fait jouer avec eux. Nous avions discuté comme deux amis...
Comment pourrais-je le tuer après ça ?
Mon subconscient me le criait intérieurement... il me demandait comment je pourrais paraître aussi cruelle après avoir vu la réalité... la réalité de son âme...
J'avais vu son côté sombre quand il avait pointé son arme et tiré avec un regard glacial et sans âme. Mais là, aujourd'hui, j'avais vu son côté de pureté qui lui restait quand il serrait ses enfants dans ses bras avec un amour sincère.
Il pouvait aimer...
Il était humain comme moi...
Ou peut-être même plus que moi...
— Bon, je vais devoir y aller, les enfants, mais faites attention à vous et ne traînez pas dans la rue, c'est dangereux.
Nous sortîmes, et je fus encore plus intriguée par cet homme.
— Pourquoi les aides-tu... ?
Je lui demandai alors que nous rejoignions la voiture.
— Parce que je les comprends, et je ne veux pas qu'ils vivent ce que j'ai vécu.
— Et qu'as-tu vécu ?
— Je n'ai pas envie d'en parler.
Bien sûr, il était en droit de garder son passé pour lui... je pouvais peut-être lui priver de sa liberté physiquement, mais mentalement, c'était autre chose. Il faisait ce qu'il voulait avec son passé et ses souffrances...
Ce qui me surprit beaucoup, c'est qu'il n'avait pas l'air de se débattre pour fuir. Il suivait tranquillement alors qu'il avait largement plus de force que moi et qu'il aurait pu me tuer en quelques mouvements.
Nous retournâmes à la maison, et je le rattachai. Nous ne parlions pas réellement parce qu'après ce que j'avais vu, je préférais rester éloignée de lui, voulant garder le mauvais côté que j'avais en tête en le rencontrant. Je ne voulais surtout pas m'attacher à lui. Il fallait que je le tue... je n'avais plus de temps à perdre, sinon c'était moi qui allais mourir.
Putain, c'était si dur...
Ses enfants tenaient à lui...