Dans un petit appartement perché à la lisière de la réalité, se glissant entre le rêve et l'illusion, cet endroit dissimulé par les brumes de l'imagination et de l'inventivité, se dressait un faux sapin de taille modeste, dont les branches regorgeaient d'ornements divers. Boules en verre blanches et rouges, petites décorations en bois et en forme de sucre d'orge, étoiles argentées et étincelantes se disputaient l'espace dans une explosion de célébration de fin d'année, agrémentées par la guirlande aux ampoules irisées clignotant sur un rythme étrangement irrégulier.
Au fond de la cuisine, dos à l'agitation générale, Cassie, ses cheveux foncés et sa mèche rouge ondulant librement sur ses épaules, préparait consciencieusement les tisanes épicées et sodas festifs à servir. S'octroyant une brève pause, elle jeta un regard par-dessus son épaule et scruta l'espace de ses yeux abondamment maquillés de noir jusqu'à trouver la personne qu'elle cherchait. Assise au bord du canapé aux côtés d'Oliver, Juliette, penchée sur la table basse, pliait avec soin les serviettes qui seraient disposées à table pour chaque résident. Ses lèvres étaient pincées en une expression mi-concentrée, mi-contrariée qui faisait immanquablement sourire la jeune fille.
Devant la taque de cuisson, incapables de se mettre d'accord, Alex et Maëve tentaient de préparer le repas principal. La première, ne comptant pas sur ses talents culinaires pour exceller dans sa tâche, maintenaient qu'ils devaient s'en tenir à la recette, au minimum dans les grandes lignes, alors que le second peinait à réfréner ses élans artistiques, pourtant généralement tournés vers la mode plus que vers la gastronomie. Affairés au dessert, Amandine et Sasha, eux, travaillaient au contraire avec une cohésion surprenante, le jeune homme écoutant les instructions de l'adolescente avec une sérieuse focalisation qui ne lui ressemblait guère, pendant que Graham, lui, préparait la vaisselle afin de dresser la table.
Au pied de l'arbre se tenaient trois adolescents - trois demi-dieux établis dans cet endroit depuis tant d'années qu'il était difficile de les compter avec exactitude. D'un œil espiègle, Kathryn observait avidement les cadeaux répandus au sol comme un tapis d'offrandes emballées avec plus ou moins de soin. Bien peu soucieuse de savoir si certains lui étaient destinés, elle tenait surtout à deviner ce que chaque paquet contenait. Se prêtant immédiatement au jeu de son amie, Peter, ses prunelles vertes pétillant de curiosité, émettait des hypothèses aussi ahurissantes qu'inventives, laissant Sophia, à leurs côtés, les contempler d'un air désabusé.
-Peut-être que celui-là, c'est un hélicoptère téléguidé, suggéra le jeune homme en pointant du doigt un cadeau imposant.
-N'importe quoi, protesta Kathryn, je suis sûre que c'est un robot pâtissier.
-Peut-être que ce n'est tout simplement... pas vos affaires ? posa Sophia, les sourcils haussés dans une mimique faussement étonnée.
Échangeant un regard convenu, les deux amis murmurèrent des mots silencieux, suffisant amplement à se comprendre sans avoir besoin de les prononcer. Une conversation muette qui glissait entre eux avec l'éloquence d'un discours longuement préparé.
-Évidemment que ce ne sont pas nos affaires, So, acquiesça Kathryn.
-Ce ne serait pas aussi drôle, si ça l'était, renchérit Peter.
-Fatalement... souffla la fille d'Aphrodite, aussi agacée qu'amusée par ses amis.
À l'autre bout de la pièce, occupée à suspendre les dernières décorations aux murs, Lyna lorgnait avec répulsion les personnages présents dans l'étroite habitation et esquissa une grimace de dégoût. Ses boucles rousses formaient autour de son visage un halo de flegme, une insolence capillaire qui reflétait avec justesse celle de leur propriétaire, qui dédaignait la plupart des convives parce qu'indignée d'être rétrogradée de personnage principal à personnage délaissé.
-Non mais regarde avec quoi je suis reléguée, moi, lâcha-t-elle d'un ton méprisant. Quelle bande de ringards... !
-Quand accepteras-tu enfin que tu viens de l'exact même endroit que tout le monde ici ? lui demanda Liam en soupirant, déposant deux bougies dans leur photophore gravé d'étoiles.
-Je renie toute responsabilité que l'autre, là, possède dans ma création ! s'insurgea-t-elle en exécutant un vaste geste englobant l'entièreté de l'espace. Je ne veux avoir aucun lien avec cette incapable.
-Ce n'est pas comme si tu avais le choix, cingla Naoko, qui se débattait avant la bombe de fausse neige destinée à orner les fenêtres.
Ses mèches bleu électrique parsemant sa chevelure blonde semblaient plus vives encore sous la lumière tamisée de l'appartement, et sa patience s'amenuisait si rapidement que l'aérosol risquait d'être vite abandonné et jeté à la poubelle, par pure rancune.
-Toi, la blonde, je ne t'ai pas parlé, rétorqua l'intéressée.
-Arrête de t'arranger pour que tout le monde t'entende, dans ce cas, asséna Juliette depuis le salon, ses yeux noisette lançant des éclairs. Parce que là, on dirait que tu parles au monde entier.
-Juliette, ne rentre pas dans son jeu, soupira Oliver en rajustant son pull violet.
-J'ai bien le droit d'exposer ce que personne ne semble oser dire ici de peur de froisser madame la pirate, contra la fille d'Apollon.
Estimant qu'un débat ne valait même pas la peine d'être émis, le satyre se contenta de secouer la tête, agitant ses petites boucles ébènes, et laissa ses traits exprimer eux-mêmes sa confusion et sa placidité, nœud inextricable de sentiments qui s'était formé lorsqu'il avait rencontré Juliette et Thomas. Les deux demi-dieux aux caractères si opposés et pourtant si complémentaires semblaient avoir pour but absolu d'user la patience presque infinie de leur ami. Les observant tour à tour depuis le plan de travail qu'il occupait, ses paupières se plissant sur ses iris bleu ciel, Sasha se pencha lentement vers son amie.
-C'est bizarre de voir Juliette et Oliver sans Thomas, non ? remarqua le pâtissier improvisé en mélangeant vaguement le glaçage des futurs biscuits. C'est comme... une tarte aux fruits, mais sans les fruits.
-Je ne suis pas sûr que ce soit très gentil, lui souffla Amandine en continuant de pétrir la pâte à sablés.
Alors qu'il s'apprêtait à défendre son point de vue, l'adolescent remarqua Haneko l'observer d'un regard torve et, aussitôt, il se redressa, carra les épaules, et prétendit être un expert en pâtisserie en veillant à exécuter ses mouvements avec soin. La jeune fille, peu impressionnée par les talents culinaires du fils d'Apollon, continua de scruter l'assemblée de ses iris marrons. Depuis l'unique coin sombre de l'appartement, Nolan, assis à même le sol, son arc finement sculpté sur les genoux, se pensait discret en contemplant Amandine du coin de l'œil. Ses ondulations blondes, ses yeux irisés et ses traits candides rayonnaient du simple fait de préparer des gourmandises pour tous ses camarades, éblouissant l'enfant d'Hécate trop accoutumé à rester dans l'ombre.
-Si on se faisait un duel pour tuer l'ennui, Liam ? proposa brutalement Lyna en dégainant ses poignards.
-Vos duels qui virent à la poésie érotique, on s'en passera bien ce soir, merci beaucoup, protesta Zyria en levant les yeux au ciel.
Occupée à comprendre le mécanisme de l'ordinateur portable de l'auteure pour créer une playlist adéquate, l'adolescente s'impatientait, horripilée par cet engin qui refusait de l'écouter sans pourtant entamer sa bonne humeur communicative et sa franchise à toute épreuve. Croyant venir à la rescousse de son élève, Mirko, en professeur dévoué, dénicha un vieux tourne-disque ainsi qu'un vinyle compilant des chants de Noël. La grimace de la jeune fille, cependant, explicitait à elle seule qu'elle songeait à ambiancer la soirée grâce à un tout autre type de musique.
-C'est quoi, « érotique » ? interrogea Puck avec l'innocente pureté qui caractérisait l'enfance.
-C'est, euh... marmonna Naoko, pas du tout préparée à évoquer ce genre de sujet avec le petit garçon. Tu demanderas à Liam quand il ne sera plus occupé. Il a l'air suffisamment calé sur le sujet.
-Je me réjouis d'entendre ça, s'amusa déjà Charlie, en petite sœur moqueuse.
-Moi, je suis partante pour un duel, maintenant que j'ai fini de couper les légumes, intervint Haneko en dégainant son katana en bronze céleste. Garanti sans poésie érotique, ajouta-t-elle avec un sourire carnassier.
Les notes douces d'un piano s'échappant du pavillon de cuivre tranchaient avec la violence des paroles prononcées par la fille de Déméter. Une gêne palpable induite par le contraste entre la délicatesse de la mélodie et la brutalité de l'activité proposée s'insinua entre les convives, ondulant entre eux pour les oppresser avec subtilité et puissance.
-Enfin quelqu'un d'un peu amusant, ici, se réjouit Lyna, imperméable à l'embarras ambiant.
-Mais aussi sans effusion de sang, poursuivit la demi-déesse en rejetant sa longue queue-de-cheval dans son dos
-Je ne suis pas sanguinaire, s'offusqua la jeune femme en levant les yeux au ciel.
-Ça reste à prouver, souffla John à Harry d'un air blasé.
-Pourquoi on est obligé de faire un affrontement, à un moment ? interrogea Jake alors que les deux combattantes prenaient place au seul endroit suffisamment spacieux de l'appartement. Je pensais que ça serait plus calme, moi, vu que Ryan la diva n'est pas là pour théâtraliser tous ces états d'âme, cette année.
-Ne la ramène pas trop, Jake... lui conseilla Caleb.
-Quoi ? Mais je n'ai rien dit, cette fois... ! protesta énergiquement l'intéressé.
-En plus, je ne vois pas très bien comment tu pensais que ça pouvait être calme quand Lyna et Juliette sont dans le même appartement, ajouta-t-il avec plus de fermeté.
-Jake a raison, en fait, s'exclama Kathryn en se redressant brusquement, surprenant tellement Peter qu'il en tomba à la renverse.
-Tu vois, Cal ? J'ai raison, souligna fièrement le fils d'Hermès. Et pourquoi j'ai raison, au juste ?
-Pourquoi on est obligé d'assister à un duel, ici ? On est supposés célébrer tous ensemble, non ? Alors, on va faire un truc pour s'en souvenir. Vous allez tous poser, et je vais vous peindre ! expliqua-t-elle avec un enthousiasme débordant.
Kathryn étant Kathryn, elle ne songea pas un seul instant que garder autant de demi-dieux à la même place constituait un défi conséquent, malgré toute leur bonne volonté. Elle n'imaginait pas à quel point laisser Lyna et Juliette dans le même mètre carré était dangereux, voire mortel. Elle ne pensa pas au fait que la seconde du capitaine du Black Parade, ne serait-ce que par mauvaise foi, ne pouvait que refuser sa proposition pourtant si tendre et conviviale. Cependant, peut-être que la magie de Noël existait réellement et qu'elle était en œuvre dans l'appartement protégé par les brumes de l'évasion, car, entre ses lèvres pincées d'exaspération, l'intéressée grommela :
-Très bien, si ça peut vous faire taire un peu...
-Changeons de musique, par contre, s'il vous plaît, demanda Cassie.
-Je peux chanter, si vous préférez, proposa Peter, son visage s'illuminant à sa propre suggestion.
-Non, Pete, l'arrêta fermement Sophia. Personne ne va chanter.
Alors que Kathryn ramenait son matériel de peinture et que Zyria trouvait enfin comment faire fonctionner l'ordinateur, Stella créa une flamme chaleureuse et lumineuse au creux de sa main. Le petit brasier s'éclata alors en une multitude de petits orbes flamboyants qui lévitèrent, tournoyèrent et dansèrent dans la pièce afin d'allumer chaque mèche de bougies réparties sur les appuis de fenêtres, les meubles et la table. Et pendant que les résidents se massaient les uns contre les autres pour composer un cadre idéal, la fille d'Iris les envisagea tour à tour : le petit groupe de pirates, Riecyr dans leur ombre, Charlie avec ses cheveux tressés, les élèves de l'Académie de Gwaohar, les différents demi-dieux repérables par leur T-shirt orange vif de la Colonie, Cassie et ses vêtements rouge et noir, Violette et David dans leur robe de la maison Serdaigle... Et quelques personnages dont elle ne saisit pas le nom : un petit garçon et son chat roux, deux chasseuses de surnaturel, quelques adolescents venant d'un Arche en orbite dans l'espace... Ils feraient tous un tableau magnifique.
D'une subtile utilisation de l'Esprit, l'élément qui lui était toujours fidèle, son affinité loyale, Mirko projeta dans la tête de la jeune peintre sa propre image aux côtés de ses amis, Sophia et Peter. Et puisqu'inconsciemment, elle estimait que sa place était là, elle ne fut pas bien difficile à convaincre. Enduisant la toile vierge des couleurs de sa créativité, elle représenta chaque convive avec cohérence et originalité, crédibilité et allégresse. Parce que, même s'ils n'avaient pas réussi avoir un texte indépendant, ils n'en étaient pas moins importants. Et même s'ils étaient fictifs, ils étaient suffisamment réels dans le cœur de quelqu'un pour qu'elle les partage par des mots dès qu'elle le pouvait. Même s'ils n'avaient aucune véritable tangibilité dans le monde, ils méritaient de passer un Noël ensemble.
-On n'est pas délaissés, vous savez, affirma Kathryn, absorbée par sa réalisation. On est juste mis en attente. Comme... comme un ragoût qui doit mijoter pour atteindre sa pleine capacité.
Sur cette comparaison aussi douteuse que véritable, sous les notes rythmées de la musique que Zyria avait choisie, Oliver souffla un « joyeux Noël », repris par tous les résidents qui, l'espace de quelques secondes, dans cette bulle oscillant entre le réel et l'imaginaire, entre le songe et la divagation, ils se rappelèrent qu'on ne choisissait pas les membres de sa famille. Mais on ne pouvait s'empêcher de les aimer. Et Kathryn, médiatrice de ces sentiments ambivalents et multiples, gardienne de l'affection qu'ils se portaient tous malgré leurs opinions divergentes et caractères opposés, capturait à coups de pinceau et de pigments ce Noël passé ensemble ; certainement imparfait... mais empli de joie.
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NDA : Bonjour, tout le monde !
J'espère que vous allez bien.
Eh bien... Je crois que le titre dit tout, en réalité, mais pour clarifier : oui, parfaitement, c'est un texte sur les personnages que j'ai dû délaisser dans ce calendrier. Pour des raisons totalement diverses, je n'ai pas pu écrire sur eux. Soit, l'inspiration me manquait, soit leur présence dans le texte n'était pas requise, soit... soit je n'ai juste pas pu les intégrer à ce calendrier. Certains personnages viennent d'histoires prédéfinies, d'autres de fanfictions que j'ai dépubliées depuis longtemps, et d'autres encore devaient simplement apparaître dans ce calendrier, mais finalement, n'y sont pas apparu.
S'il s'agit d'une seconde édition, c'est bien parce que j'avais déjà fait un "Noël des personnages délaissés", la dernière fois - le 23 décembre aussi, bien sûr. Loin d'être une suite, c'est... oui, réellement une seconde édition, un deuxième round, on prend le même endroit, on change les personnages, et on recommence. C'était une évidence pour moi, d'écrire encore un texte de ce genre, lorsque j'ai entamé un calendrier. Juste parce qu'ils ne sont clairement pas moins importants parce que je n'ai pas réussi à écrire sur eux. Juste parce qu'ils sont là, quelque part, et que je les aime - parfois autant qu'ils m'agacent (on se demande de qui je parle).
Et avec un peu de chance, j'aurai pu vous emmener un peu dans ce chaos joyeux qui sévit constamment dans mon esprit.
Alors, voilà. On se retrouve (je l'espère) demain, pour le dernier texte. Et le jour de Noël, pour les remerciements. Merci d'être encore là <3
Et au fait, on a dépassé les 500 votes, alors merci infiniment à vous !
J'espère de tout cœur que vous avez apprécié ce texte. N'hésitez pas à laisser votre avis.
Je vous envoie des bisous et plein de bûche glacée !
Prenez bien soin de vous <3
PS : Je me rends compte avec une déception énorme que je n'ai jamais trouvé de pull de Noël Flash pour compléter ma collection de pulls de Noël geek avec les personnages que j'aime.