Ses pieds nus s'enfonçant dans la neige épaisse, Grace avançait lentement sur l'immensité immaculée. Sa robe blanche gonflée par la brise ondulait sur ses hanches comme un fleuve glisse le long d'un méandre. Avec insolence et lascivité. Vivacité et volupté. L'air glacial parcourait délicatement sa peau sombre, l'enveloppant de sa caresse bienveillante sans y planter ses griffes acérées. Accueillant cette douceur sans un frisson, la jeune femme sourit en inspirant profondément pour s'enivrer de la pureté des lieux. Une étendue de poudreuse. Une infinité de quiétude. Une immensité de sérénité. Un paradis immuable.
De lourds flocons commencèrent à chuter du ciel dans une abondance surnaturelle. Papillonnant avec grâce pour se fondre dans la couche nappant déjà le sol, ils ondoyaient avec élégance dans les airs, pirouettaient librement et virevoltaient sous l'effet du vent espiègle qui accompagnait leur danse. Émerveillée par les grumeaux soyeux dégringolant de la voûte céleste tels des éclats d'étoiles scintillants, Grace tendit les bras et présenta ses paumes aux cristaux de glace pour les regarder s'y dissoudre sans éprouver la moindre sensation de froid. Éphémères et éclatants fragments d'une beauté oubliée. Minuscules météores à la magie incomprise.
Levant le regard vers le ciel, la jeune femme renversa la tête en arrière et admira la toile bleu foncé piquée d'une myriade d'astres lumineux. Sans même s'étonner de l'absence de nuages malgré les précipitations neigeuses, elle ferma les yeux pour apprécier le délice des flocons effleurant ses joues dans un élan de tendresse et d'amabilité. Mue par une effusion d'impudence et d'audace, elle écarta les bras de part et d'autre de son buste, comme une prêtresse lunaire accueillant en elle la lumière de son astre béni. Tournée vers les étoiles, offerte à la nuit, elle se sentait libérée d'un poids oppressant qu'elle ignorait porter sur ses épaules.
Une chaleur enchanteresse s'éveilla en elle avec timidité, telle la lueur frémissante d'une flamme au cœur d'une tempête. Le clapotis fébrile d'un ruisseau se frayant désespérément un chemin vers le cours d'eau le plus proche. Et elle se répandit dans son cœur, avant d'affluer dans le reste de son corps. Une explosion volcanique déferlant dans ses veines. Un torrent se déversant dans le lit de ses muscles. Répondant à une impulsion aussi irrépressible qu'entêtante, les pieds de Grace l'entraînèrent dans une volte effrénée et lente, exaltante et délicate. Tournoyant sous les cristaux de glace, elle se sentait hirondelle volant dans les étoiles, elle était aigle contrant les vents puissants des montagnes. Aérienne et dévastatrice. Légère et impétueuse. Libre.
Sur un rythme induit par la pluie neigeuse, une ritournelle provoquée par la simple force de son imagination, un hymne à la fraîcheur et à la liberté, la jeune femme se déhancha avec langueur et frénésie, hardiesse et majesté. Souple comme une lionne, aussi imposante qu'une tigresse, elle se mouvait avec énergie et détermination. Vigueur et conviction. Telle une rivière s'écoulant dans son lit, elle ondulait avec fluidité et élégance, alliant équilibre et dissonance dans une symphonie authentique par son irrégularité, rayonnante de spontanéité et d'insouciance. Puissante et gracieuse comme l'océan, elle déferlait sur la poudreuse, déversant sa créativité et sa frustration mêlées en une cascade de somptuosité et de d'acharnement. Une avalanche aussi grandiose qu'intense.
Interrompant sa volte silencieuse et mélodieuse, Grace ouvrit les paupières sur ses yeux sombres et sourit aux flocons dansant à ses côtés. Avec fébrilité et délicatesse, elle les effleura du bout de ses doigts, comme s'ils étaient des flammes qu'elle avait à la fois peur de briser et sur lesquelles elle craignait de se brûler. Avec une force malicieuse, ils tourbillonnèrent autour d'elle pour la guider dans une tempête de froid et de douceur, un pétillement glacé et enthousiaste. Sans aucune appréhension, la jeune femme se laissa emporter, envahie par un détachement étonnamment serein, une désinvolture singulièrement béate. Elle était plume dérivant dans la brise, brume voilant sa lucidité. Elle était frivolité et égarement. Évasion et ivresse. Elle était un nuage se dispersant en volutes qui servaient à tisser l'étoffe des songes.
Abandonnée par l'étourderie givrée, elle contempla le haut sapin devant lequel les grumeaux blancs l'avaient menée. Ses branches portaient fièrement la neige saupoudrée sur sa ramure, comme si elle était une récompense pour braver l'hiver avec élégance, une preuve de sa valeur au creux de la nature. Au sein de ses épines vigoureuses brillaient de minuscules lumières jaunes, rayonnant dans le vert profond de l'arbre comme les étoiles dans le ciel nocturne. Un porteur d'étincelles, un gardien des lueurs.
Intriguée, Grace pencha la tête et scruta le tronc robuste en quête d'un fil ; mais lorsqu'elle s'approcha, les perles scintillantes s'élevèrent en un souffle de paillettes ambrées et se dispersèrent dans la nuit. Nuée de lucioles en plein envol. Kyrielle de luisants lévitant dans l'air frais. Comme les vœux sincères confiés au vent, elles se mêlèrent parmi les flocons en une poussière d'or, fine et bienveillante. Chatoyante et accueillante. Et devinrent le terreau des rêves à venir, saupoudré au rythme de la neige délicate.
Un rire traversa les lèvres de la jeune femme, éclatant de pureté et irradiant de bonheur. Parce qu'elle avait enfin compris ; elle savant finalement ce qu'elle était venue chercher dans les confins de son imagination, dans la sécurité de son esprit. L'art n'était pas destiné à reproduire la réalité ; il visait à la transformer en un tableau magique, à la sublimer pour y faire voyager ses spectateurs. Crédibilité et beauté se confondaient pour créer un sentiment, véracité et subtilité fusionnaient pour produire une émotion. Pas pour y insuffler un réalisme cartésien ; mais pour rêver. Éprouver. Espérer.
Dans la chaleur de son salon, Grace ouvrit les yeux sur la toile blanche lui faisant face. Un sourire se dessina sur son visage alors qu'elle émergeait de sa fugue interne, revigorée et apaisée. Levant son pinceau de sa main gauche, raffermissant sa prise sur la palette constellée de couleurs, elle esquissa une première traînée de pigments sur son tableau. L'initiateur de mouvements effrénés qu'elle ne pouvait ralentir, le début d'un ballet créateur que personne n'interromprait. En quête d'une simple idée pour sa peinture, elle n'avait pas réalisé qu'elle souhaitait trouver plus encore : une raison de s'accrocher. Une motivation désespérée. Le courage de persister... Une inspiration nouvelle.
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NDA : Bonjour, tout le monde !
J'espère que vous allez bien.
Ce texte... étrangement, il représente beaucoup de choses, pour moi, alors qu'il n'est pas si long. Déjà, Grace est un personnage que je n'ai jamais publié ici, parce que je n'ai jamais fini un de ses textes - donc, déjà, c'est une première pour moi - mais elle est si chère à mon cœur. Artiste, toujours à se revigorer grâce à la nature... elle est pour moi élégance et liberté.
Ensuite, j'ai toujours su que ce petit paysage serait un entre-deux... mais je ne savais pas très bien de quoi. J'ai cru que c'était un entre-deux entre la vie et la mort, et finalement, c'est plutôt une bulle d'imagination hors du temps et de la réalité.
Et enfin... je crois que je commençais à être un peu vexée quand on me fait remarquer que "ça n'existerait pas, ça, dans la réalité". Parce que je n'essaie pas de retranscrire la réalité, pas une réalité absolue, en tous cas. Peut-être que j'ai envie de montrer ma propre réalité, celle que j'aimerais découvrir au jour le jour, celle qui, dans ma tête, devrait exister. Alors, ça me fait un peu mal - pas parce que c'est une critique, mais parce que ça veut dire qu'on ne comprend pas ce que j'écris. Qu'on ne comprend pas que je préfère transmettre des valeurs et tenter d'insuffler un peu de poésie au monde. Que je n'essaie pas d'écrire un miroir de la réalité, parce que... ce n'est pas mon but, simplement.
Et aussi, parce que je doute qu'on lise Harry Potter en se disant "Waaaa, c'est tellement réaliste, de recevoir des lettres par hibou, d'être dans une école de magie et d'avoir un chien à trois têtes dans l'établissement scolaire...!". Ça n'a pourtant gêné personne, il me semble.
Donc, voilà. Juste un texte qui, dans ma tête, rappelle que n'importe quelle forme d'expression artistique n'est pas forcée d'être un écho de la réalité, un reflet de ce qu'on risque vraiment de rencontrer dans la vraie vie. Le tout, c'est simplement d'y croire, le temps d'un texte, le temps d'un chapitre, le temps d'une histoire. C'est ça, le véritable objectif. Pas de copier le réel... mais juste de croire quelques minutes que ça peut exister. Et de s'évader.
Sur ces mots un peu déçus et vigoureux d'explication, j'espère sincèrement que vous avez apprécié ce texte. N'hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé.
Il y a deux ans, j'ai publié "La Valse de Noël". Et... ça m'a paru juste d'intégrer Grace à cette date.
Je vous fais de gros bisous, et je prépare (pour de vrai !) des pancakes pommes-cannelle !
Prenez bien soin de vous, surtout, et n'oubliez pas que vous êtes exceptionnels <3
PS : "Arrêtes-tu de croire à la lune parce que le soleil se lève ?"