À la lueur de sa lampe de chevet, alors que les aiguilles de son réveil indiquaient onze heures, Angie observait avec attention les illustrations du livre déposé sur ses genoux. Emmitouflée dans d'épaisses couvertures, elle soutenait de ses petites mains la couverture reliée de recueil de contes de Noël qu'elle avait dérobé dans la bibliothèque de sa maman. Roulé en boule et plongé dans un profond sommeil, Snowflake, le chat d'un blanc immaculé qui restait constamment aux côtés de la fillette, réchauffait ses pieds nus sous l'édredon. Les couvant de son regard bienveillant, Fanfan l'éléphant en peluche, assis aux côtés de la jeune lectrice, se prétendait attentif aux mêmes images que cette dernière.
Alors que la petite fille entendait des bruits de pas se rapprocher dans le couloir, elle se précipita sur l'interrupteur de l'éclairage et l'actionna, dissipant la lumière douce présente dans la chambre pour y répandre les ténèbres envoûtantes. La marche légère de ses parents s'interrompit devant sa porte et, malgré l'obscurité épaisse, elle déposa un doigt sur ses lèvres pour intimer à son compagnon moelleux de garder le silence. Lorsque les adultes reprirent leur chemin et rejoignirent leur chambre, Angie s'autorisa un soupir de soulagement et éclaira de nouveau la pièce d'une lueur jaunâtre rappelant la chaleur du soleil crépusculaire.
Ses parents savaient que leur fille veillait tard, le soir, en particulier à l'approche de Noël ; et s'ils avaient conscience des vols de livres qu'elle exécutait sans pour autant la réprimander, ils n'aimaient pas la savoir se balader dans la maison pendant la nuit. Pourtant, ils se méprenaient sur ses intentions. Persuadés qu'elle souhaitait découvrir si le Père Noël déposait lui-même les cadeaux sous le sapin ou s'il déléguait la tâche à ses lutins, ils prenaient énormément de précautions en ce qui concernait cette tâche qui, en réalité, leur revenait. Un peu vexée d'être considérée encore comme une enfant alors qu'elle avait déjà huit ans, Angie avait refusé de leur expliquer la véritable raison de ses promenades nocturnes.
Ce que voulait réellement observer la fillette, c'était la neige et celle qui l'apportait. Pragmatique et désireux de ne pas la voir déçue, son papa lui avait annoncé à regret que la météo n'annonçait aucune intempérie glacée pour les jours prochains. Mais la certitude qu'elle viendrait ne la quittait pas, et lui enrobait le cœur comme une tasse de chocolat chaud. Dévorant des yeux les illustrations hivernales ornant l'ensemble du recueil, elle attendait patiemment que le sommeil emporte ses parents au pays des songes. Les représentations des paysages glacés, de flocons de neige détaillés, de ciel étoilé et les montagnes recouvertes de poudreuse l'avaient toujours émerveillée et avaient peuplé ses rêves les plus extravagants.
Mais celles qu'elle préférait par-dessus tout, c'étaient les images de créatures enchantées, de petits êtres légendaires, de minuscules femmes féériques. Avec leurs yeux envoûtants, leurs ailes aux reflets irisés et leur sourire aussi bienveillant qu'espiègle, elles fascinaient Angie, qui les imaginait se mouvoir avec grâce, voler avec délicatesse et répandre leur magie avec légèreté. La fée apportant l'hiver, sœur des trois autres représentantes des saisons, exerçait sur elle un magnétisme inexplicable. Ses cheveux indomptables, sa peau d'une pâleur chatoyante, ses lèvres bleutées, sa robe translucide... tout en elle éveillait dans le cœur d'Angie une étincelle d'aventure qu'elle aimait entretenir dans la sécurité de son foyer.
Lorsque cette dernière jugea ses parents dans leur chambre depuis suffisamment longtemps pour s'être endormis, elle ôta la couverture de ses jambes d'un geste à la fois vif et enjoué. Indigné par ce soudain changement d'ambiance, Snowflake se leva d'un bond et s'étira en bâillant exagérément afin de marquer son irritation. La fillette attrapa la patte de Fanfan et lança un regard appuyé à sa lampe de chevet, comme si elle lui demandait silencieusement d'éclairer son chemin une fois sortie de la pièce. Elle n'était pas friande de l'obscurité, mais elle savait qu'allumer une quelconque source de lumière dans le couloir risquait de révéler sa présence hors de son lit ; aussi, elle se contenterait de celle qu'elle lui offrirait.
Sur la pointe des pieds, la petite fille traversa sa chambre, suivie de son ami félin et sa peluche sous son bras. Ses compagnons de méfaits ne la quittaient jamais, lors de ses escapades clandestines, lui procurant à la fois réconfort et complicité. Une responsabilité partagée et une oreille attentive. Une fausse fraternité qu'elle devait s'inventer. Ouvrant lentement la porte en bois clair, Angie se glissa dans le couloir par l'embrasure et sinua avec habileté sur le parquet et dans les escaliers pour éviter planches et marches grinçantes. Peu inquiété par ces perturbations sonores, le chat les dévala avec rapidité et agilité, tel un léopard ondulant depuis son arbre vers le sol.
Marchant sur le tapis occultant le froid du carrelage, la fillette évolua vers la haute fenêtre donnant sur le jardin, se repérant grâce à la lueur émanant de sa chambre et filtrant sur le palier. Sa main libre tendue, elle attrapa fermement le rideau bordeaux qui voilait la vitre et le tira sèchement pour révéler le paysage s'étirant de l'autre côté. Un sourire s'épanouit aussitôt sur son visage rond, l'illuminant de bonheur comme une étoile au cœur de la nuit. Avec douceur et espoir, candeur et détermination. Sans condition ni retenue. D'un saut élégant et calculé, Snowflake rejoignit l'appui de fenêtre et s'y assit confortablement, comme si l'endroit lui était entièrement dédié.
Déposant Fanfan sur le rebord glacial, Angie s'y hissa à son tour avec maladresse pour s'agenouiller et plaquer ses mains contre la vitre embuée. Devant ses yeux brillants d'émerveillement chutait une cascade de flocons de neige, épais grumeaux blancs tournoyant délicatement dans la brise. La lune, échappant au joug des nuages, baignait le paysage d'un éclat argenté qui se reflétait dans le tapis immaculé qui recouvrait déjà la pelouse et les arbres nus, feignant dégager sa propre lumière. Tel un soleil opalin, la poudreuse brillait avec splendeur et vanité. Malicieuse et assurée. Impertinente et orgueilleuse. Majestueuse.
Le regard perdu dans ce ballet de cristaux glacés, la petite fille s'imagina sauter de flocon en flocon, bondissant avec légèreté pour pirouetter au milieu de cette chute d'étoffe neigeuse, l'encerclant afin de l'entraîner dans leur farandole. Vivace et aérienne. Énergique et vaporeuse. Comme des fragments d'étoiles tombés de la voûte céleste, ils scintillaient dans la nuit. Des flammes de glace brûlant sans se consumer. Des braises de givre s'agglutinant au sol sans se calciner. Lévitant dans cette illusion d'allégresse, Angie dodelinait la tête sur un rythme murmuré par le souffle vicieux du vent et le chant cristallin des grumeaux soyeux.
Se souvenant de la raison de sa présence ici, ses yeux saturés de beauté et de magie se faufilèrent entre les intempéries friables pour trouver ce qu'ils cherchaient depuis le début : une robe translucide voletant sur les hanches d'une minuscule femme aux ailes irisées. Ses cheveux blancs, ébouriffés en tous sens, évoquaient la morsure saisissante du givre autant que la douceur ouatée de la neige. Provocante et tendre. Piquante et duveteuse. Ses iris bleus, inflexibles et brillants comme la glace, avisèrent la petite fille d'un air curieux et amusé. Un imprévu sucré dans son quotidien pourtant déjà empli d'enchantement. Une perle inattendue accueillie avec engouement.
Dans les livres qu'elle empruntait à sa maman, Angie avait, à de nombreuses reprises, croisé des récits évoquant l'esprit hivernal, la petite magicienne apportant neige et féérie, glace et éclat, celle qui ensommeillait la nature pour lui accorder un repos mérité, une parenthèse pour guérir des maux du monde. Celle que l'on jugeait destructrice quand elle était en réalité porteuse d'espoir et de paix. De répit et d'apaisement. Étoffant les paysages d'une couverture blanche, elle bordait la végétation avec affection et énergie, comme une sœur dévouée à la santé et au bonheur de ses cadets. Une étoile éclatante et bienveillante. Une berceuse réparatrice.
Les lèvres bleutées de la Fée de l'Hiver esquissèrent un sourire espiègle et, joignant les mains au-dessus de sa tête, entama une vive et rapide pirouette. Miroitants sous la lumière argentée, les flocons tourbillonnèrent au rythme de la petite créature, irradiants de liberté, chatoyants de bonheur. Soutenue par ses ailes, sa robe ondoyant souplement sur ses hanches, elle sautillait, valsait avec les grumeaux, tournoyait sur elle-même et s'élançait avec confiance et sérénité. Hardiesse et quiétude. Équilibre. Voletant jusqu'à la fenêtre d'où elle se savait observée, la minuscule femme s'interrompit au niveau du regard d'Angie, ses membranes irisées agitées de frétillements impatients et pétillants.
Répétant le geste que la petite fille avait exécuté plus tôt à l'adresse de son éléphant en peluche, la Fée de l'Hiver posa un doigt à la peau presque transparente de blancheur sur ses lèvres dans un signe de confidence. Alors que l'enfant hocha la tête pour promettre que son secret serait bien gardé, la femme ailée embrassa la paume de sa main avant d'y souffler son haleine givrée. Une pluie de cristaux scintillants en déferla, traversa la vitre et enveloppa Angie, qui en frissonna de joie et de rire, pour enfin s'immiscer dans son cœur. Une trace de féérie, une emprunte de magie. Une marque aussi invisible qu'indélébile. Indécelable et prégnante. Inoubliable.
Profitant de cet instant de distraction, la petite créature s'évanouit dans la nuit, délaissant la toile peinte de neige et de lumière qu'elle avait créée dans ce jardin. Fugace et inoubliable, éphémère mais immortelle, elle abandonna derrière elle une traînée de bonheur et de gaité, elle saupoudra dans son sillon des étoiles de pureté et de félicité. Elle insuffla dans les cœurs les plus meurtris les pépites de l'harmonie et de la douceur... Mais aussi l'impatience et l'excitation qu'apportait Noël.
Et quand Angie se réveillerait le lendemain matin, incapable de décider si elle avait réellement vu la Fée de l'Hiver ou si elle l'avait seulement imaginée, le souvenir insaisissable de ce rêve hivernal se disperserait dans les limbes de son esprit et les images s'estomperaient au fil des jours... mais la magie et la sérénité qui l'avaient envahies, elles, demeureraient à jamais au sein de son âme. Indéfinissables. Intarissables. Intemporelles.
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Bonjour, tout le monde !
J'espère que vous allez bien.
Alors, ce texte... En réalité, il m'est apparu peu à peu grâce à une illustration que j'ai vu passer sur Instagram. Elle m'a tout de suite évoqué quelque chose... et sans que je ne m'y attende, ce texte est arrivé dans mon esprit, et avec lui, le retour de la Fée de l'Hiver. Je n'avais pas du tout prévu qu'elle revienne, elle qui a ouvert mon calendrier de 2020. Mais la revoici, et avec une jeune spectatrice en prime. Il y a moins de descriptions que dans le texte qui lui est dédié, mais j'espère cependant qu'elle aura pu vous apporter un peu de poésie.
Il y a deux ans tout juste, je publiais "Noël, c'est quoi ?", et ça me semblait cohérent qu'une autre nouvelle évoquant la candeur et la douceur de l'enfance fasse son apparition en ce 10 décembre.
J'espère sincèrement que vous avez apprécié.
N'hésitez pas à laisser votre avis.
Je vous fais de gros bisous, et je vous envoie des brownies en prime !
Prenez bien soin de vous <3
PS : Je fais vraiment d'énormes efforts pour ne pas vous faire part de mes doutes constants, c'est difficile pour moi de ne pas m'excuser de chaque texte parce que j'ai peur qu'il soit mauvais, ou qu'il vous déçoive xD