Sous les lents flocons de neige, pareils à des pétales de fleurs emportés par le vent, le jardin bordant la maison de la sœur de Lexy disparaissait un peu plus à chaque minute sous l'épaisse couche immaculée inlassablement alimentée. Les parterres ensommeillés étaient enfouis, la pelouse éparse recouverte et le potager, offrant ses dernières courges automnales, enrobé de la moelleuse et impitoyable blancheur. Seul l'érable aux branches dénudées, pourtant enveloppé dans son manteau glacé, brisait le relief monotone en lequel s'était changé l'espace, habituellement débordant de vie et de couleurs, que la jeune femme observait par la fenêtre.
Dans les pièces voisines, entre les rires démesurés et les entrechoquements de vaisselle, le fumet alléchant des plats et les anecdotes lancées inopinément, s'élevaient les douces notes d'un piano, glissant entre les membres de la famille pour adoucir leur cœur, s'envolant au plafond pour imbiber chaque pièce d'une ambiance bienveillante et festive, dansant entre chaque parole pour évoquer la joie de se réunir. Loin de reproduire les chants de Noël, la musique s'apparentait plutôt à des chansons de dessin animée revisitées, une mélodie voguant d'une gamme de magie à un arpège de tendresse. Une ritournelle exprimant le bonheur pur et simple d'être ensemble. Une harmonie découpée dans l'étoffe de la sérénité.
Dans le salon, à l'abri de l'agitation familiale, Lexy se détourna de la vitre pour observer les quelques décorations parsemant les meubles de manières aléatoire et chaleureuse. Des bougies en forme de bonshommes de neige disposées sur le rebord en bois de la cheminée, des petites figurines de rennes dispersées sur les appuis de fenêtre, et une guirlande aux ampoules étoilées surplombant l'encadrement de la porte suffisaient largement à sublimer l'ambiance festive généreusement amenée par les invités, comme une offrande en remerciement à cette soirée.
Devant l'imposant sapin qui trônait aux côtés de la cheminée se tenait Molly, perdue dans la contemplation des ornements suspendus aux branches épineuses. Figée dans une posture statique, sa main droite déposée sur son ventre rond alors que l'autre, dans un semblant de soutien, pressait le bas de son dos, la jeune femme resplendissait dans sa combinaison noire. Ses cheveux châtains étaient relevés, dégageant sa nuque soulignée par un fin collier argenté, et ses ongles vernis d'un bleu profond ajoutaient une touche de couleur à peine perceptible. Une fleur aux pétales sombres dissimulant un cœur irisé et chatoyant.
S'approchant d'elle avec une certaine malice, Lexy glissa son bras sous celui de son aînée et interrogea d'un ton faussement nonchalant :
-Dis-moi, ta combi, là... elle ne te rend pas la vie trop compliquée, vu que tu dois aller faire pipi toutes les deux minutes ?
-Toujours les bonnes questions, pas vrai, Lexy ? s'esclaffa l'intéressée. Je ne vais pas te mentir : ce n'est pas pratique du tout. Mais j'ai acheté des vêtements de maternité, et je compte bien les rentabiliser.
-Tu as bien raison, acquiesça la jeune femme, elle est trop belle. On dirait Catwoman.
Se faufilant devant sa sœur comme un serpent s'insinue dans sa tanière, Lexy s'accroupit et, après avoir obtenu son consentement d'un simple regard, déposa ses mains sur le ventre arrondi de Molly. Incapable de résister plus d'une seconde, un large sourire évoquant amour et attendrissement s'épanouit sur le visage de la cadette. Parfaitement consciente de ne pas être la future maman, elle ne pouvait pourtant s'empêcher d'irradier d'une euphorie qui résistait à n'importe quel moment d'angoisse. Une allégresse qui pourfendait aisément son anxiété naturelle L'idée d'avoir un neveu l'avait enrobée à la fois comme une évidence immuable et comme une surprise surgie de nulle part. Un espoir qu'elle avait toujours nourri et une joie qu'elle ne s'attendait pas à éprouver. Une lumière de félicité dans un océan d'incertitudes.
-Hé, toi, petit bonhomme, souffla la jeune femme. Je suis ta tata, tu entends ? Tu te souviens de moi ?
-Je pense qu'il ne te répondra pas avant un bon moment, ironisa Molly sur un ton de fausse confidence, comme si sa petite sœur l'ignorait totalement.
-Je m'en fiche, assura Lexy. Quand il sera là, il se souviendra de ma voix, comme ça. Et il saura qu'il peut me faire confiance. Pas vrai, petit chou ?
-Allez, ça suffit, maintenant, s'esclaffa la future maman en levant les yeux au ciel. Il va plutôt finir par avoir peur de toi.
-Mais non, jamais ! contra résolument l'intéressée en se relevant. Je serai une super tata. Tous les deux, on lira plein de choses, on fera plein de bricolages et je lui ferai des pâtisseries à volonté !
-Je suis à peu près sûre que ce dernier point est discutable pour sa santé, prévint l'aînée en lui faisant les gros yeux.
-Ah, mais chipote pas, Molly, tu as bien compris ce que je voulais dire, bougonna son interlocutrice.
-Oh, mais oui, je sais : tu seras une tata complètement gaga, traduisit Molly avec certitude. C'est ça, que tu voulais dire.
Dans un geste parfaitement enfantin et puéril, Lexy tira la langue à l'adresse de sa sœur en une répartie aussi inefficace qu'éloquente. Celle-ci s'esclaffa et planta deux doigts dans le ventre de sa cadette, visant avec précision un point sous les côtes, là où elle était certaine de la chatouiller avec intensité. Tentant vainement de repousser son assaillante qui, du haut de ses sept mois de grossesse, restait toujours plus vaillante qu'elle, Lexy riait à gorge déployée, incapable de résister à ces agressions sororales.
-C'est bon, je me rends, finit-elle par capituler. Tu as raison : je serai une tante complètement gaga, et tout le monde le sait, confirma-t-elle, sa phrase hachée par des éclats de rires.
-C'est bien ce qui me semblait, acquiesça Molly en la libérant, son sourire en coin témoignant de sa satisfaction à toujours être capable de faire ployer sa petite sœur.
Poussant un long soupir, la fausse victime se laissa choir au pied du sapin orné, et s'y assit pour observer les pâles lumières clignotantes. S'allumant successivement, la lueur se reflétait dans le verre des boules rouges et dorées qui ponctuaient les branches à intervalles réguliers, embrasant l'arbre d'une aura étincelante. Mates, les décorations noires à l'effigie de la série Supernatural semblaient à peine affectées par l'éclat des ampoules pourtant vif et coloré. Fière d'avoir son propre foyer avec son compagnon et de pouvoir inviter sa famille à célébrer le réveillon de Noël pour la première fois, Molly avait profité de son congé de maternité avancé pour écumer les rayons emplis de décorations pour les fêtes de fin d'année afin d'égayer son foyer pour l'événement.
Son regard lorgnant les cadeaux se bousculant sous les branches de l'arbre, Lexy essayait de discerner ceux qu'elle avait emballés et s'aperçut rapidement que la plupart d'entre eux se noyait parmi des papiers recyclés aux motifs qui lui étaient étrangers. Alors qu'elle réprimait un ricanement, la jeune femme secoua la tête et attira ses genoux contre sa poitrine. Elle ignorait quand ils avaient poussé auprès des autres, mais les paquets inconnus venaient forcément de sa sœur au cœur d'or. Visiblement, avoir autant de temps libre lui avait insufflé l'envie de rendre ce Noël exubérant de partage. Mais après tout, qui était-elle pour critiquer quand elle se calquait sur son parfait exemple ?
-On a encore abusé sur le nombre de cadeaux, souligna-t-elle finalement.
-J'avoue qu'ils sont en abondance particulière, cette année, confirma sa sœur.
-J'ai la vague impression qu'on dit ça chaque année...
-C'est vrai aussi, acquiesça-t-elle en s'asseyant avec difficulté à ses côtés.
-C'est malin, c'est moi qui vais devoir te relever, après, la taquina Lexy en lui donnant une légère bourrade de l'épaule.
-Aie pitié de ta pauvre sœur, tu veux ? rétorqua-t-elle. Ce n'est pas parce que j'ai une protubérance inhabituellement énorme que je ne peux soudainement plus m'asseoir devant le sapin avec ma petite sœur.
-Je me doute qu'elle n'est pas toujours facile à porter, ni physiquement, ni mentalement, mais ta protubérance te va très bien, Molly, assura la jeune femme sur ton plus sérieux. Je te trouve magnifique, comme toujours.
Mue par une vive affection envers la personne qu'elle avait vu grandir au quotidien depuis sa naissance, la future maman se pencha doucement et déposa un baiser sur le front de Lexy. Une promesse des liens qui les uniraient toujours, un écho de ce qu'ils ne pourraient bientôt plus représenter. Le serment d'une complicité immuable autant que la nostalgie des soirées qu'elles ne pourraient plus partager à la même fréquence. Le souvenir d'une relation exclusive et l'assurance d'un partage sans abandon.
La cadette, émue tant par ce geste qu'elle avait pourtant reçu des dizaines de fois que par les multiples significations qu'il revêtait, enroula ses bras autour du buste de sa sœur pour se blottir contre elle. Une étreinte qui signifiait certitude et confiance, foi et espoirs. Un étau d'amour murmurant l'éternité des fils d'acier tissés entre elles et la solidité des nœuds qui les maintenaient ensemble. Elles devraient bien sûr s'adapter à ce nouvel aspect de la vie de l'aînée, mais rien ne viendrait jamais ternir cette relation si forte qui les liait.
-Fais quand même gaffe, Lexy-Lex, l'avertit Molly en l'enlaçant pourtant à son tour, j'ai particulièrement mal aux seins, en ce moment.
-Oui, ben ça m'arrive tous les mois aussi, lui rappela l'intéressée. Je n'attends pas d'avoir un bébé dans le ventre pour ça.
S'esclaffant devant cette simple vérité pourtant souvent tue, son aînée brisa délicatement le joug de ses bras et déclara :
-Quelle peste, les hormones, pas vrai ?
Acquiesçant d'un signe de tête volontairement exagéré, Lexy se demanda vaguement comment quelque chose qu'elles vivaient toutes deux de manière aussi pénible pouvait engendrer tant de joie et d'épanouissement. De bonheur et de ravissement.
-On n'irait pas se faire une tisane ? demanda soudainement la jeune femme en redressant la tête. C'est un moment à tisane, là. Le sapin, le feu de cheminée, juste nous deux... Je reviens vite ! poursuivit-elle en se levant d'un bond.
-Attends ! l'arrêta Molly en attrapant son poignet. Je dois d'abord te poser une question.
-Oui, laquelle ? voulut savoir Lexy.
-Eh bien... laissa échapper l'intéressée alors qu'elle cherchait ses mots. Tu sais que tous les cadeaux ne sont pas forcément emballés et placés sous le sapin, pas vrai ?
-Tu sous-entends qu'il reste des choses à emballer ? interrogea la cadette en fronçant les sourcils. Je peux t'aider pour ça sans problème, si tu veux.
-Non, ce n'est pas ça, Lexy, c'est... commença-t-elle en glissant nerveusement ses doigts dans tes cheveux. Je veux réellement dire que certains cadeaux sont intangibles, tu vois ?
-Ah, mais oui, bien sûr ! s'écria-t-elle. Tu en portes un, ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel. Mais laisse-le mijoter encore un bon mois et demi au moins, je préfère être sûre qu'il arrive en bonne santé. Et, je dis ça innocemment, mais c'est possible qu'il y ait déjà des choses emballées pour lui... Enfin, je n'en sais rien, mais c'est possible, ajouta-t-elle en levant les mains dans un geste défensif.
-Je ne parlais pas de lui, Lexy-Lex, la corrigea son aînée. Je parlais d'un cadeau pour toi, en fait.
-Pour moi ? s'étonna-t-elle.
-Oui, pour toi, répéta-t-elle, à présent plus amusée qu'agitée. Je peux te l'offrir avant Noël ?
Le visage de Lexy, toujours très expressif, se fronça en une grimace horrifiée, comme si sa sœur lui avait annoncé l'arrivée de son ex pendant la soirée.
-Quoi ? Mais c'est quoi, cette question ? C'est un délit, d'ouvrir ses cadeaux avant Noël ! s'insurgea la cadette.
-Peut-être, mais je suis sûre que ça va te plaire, l'amadoua Molly.
-Bon, tu ne vas pas lâcher l'affaire, je le sens, soupira Lexy, évacuant instantanément toute son indignation. C'est quoi, alors, ce trésor qui n'est pas sous le sapin ?
-En fait, c'est une question, expliqua la jeune femme en souriant légèrement.
-Laquelle ? s'impatienta-t-elle devant le plaisir flagrant de sa sœur à faire durer le suspense.
Celle-ci, prenant doucement les mains de Lexy dans les siennes, pressa ses doigts avec amour et émoi avant de murmurer du bout des lèvres, comme si formuler cette interrogation plus haut pouvait briser leur petite bulle de quiétude et d'intimité, de confidences et de partage :
-Est-ce que tu accepterais d'être la marraine ?
-La marraine ? répéta l'intéressée, sa voix montant d'une octave dans les aigus. Moi ?
-Oui, toi, tu vois quelqu'un d'autre dans la pièce ? railla Molly en lançant un regard circulaire dans la pièce.
-Mais je suis désordonnée et totalement désorganisée, rappela la cadette, je...
-Tu es aussi généreuse, attentionnée, et tu aimes déjà ce petit bonhomme, la coupa vivement Molly. En plus, tu es ma petite sœur, et je te fais entièrement confiance.
En enlaçant brusquement sa sœur avec une affection débordante, Lexy espérait dissimuler les larmes d'allégresse qui lui embuaient les yeux et étouffer l'émotion qui l'envahissait, enivrante comme une bouffée de chocolat chaud et rafraîchissante comme la brise matinale de la saison froide. Aussi amollissante que vivifiante ; envoûtante et stupéfiante à la fois. Glissant ses mains vers le ventre arrondi de Molly, la jeune femme échappa à l'étreinte qu'elle avait elle-même engagée et se contorsionna pour y faire face.
-Je suis ta marraine, tu entends ? chuchota-t-elle pour masquer les tremblements de sa voix. Je suis ta tata, mais je suis surtout ta marraine, maintenant.
Au pied du sapin encore pullulant de présents emballés, Lexy se souvint que les plus beaux des cadeaux sont souvent intangibles et intemporels. Fugaces et pourtant immuables. Parfois tus et implicites, les mots exprimés à voix haute et enrobés de tendresse possédaient une force immense dès qu'on trouvait le courage de les prononcer. Ils agissaient comme un baume de douceur sur le cœur, une mélodie apaisant les maux de l'esprit. Tendre et réconfortante. Délicate et généreuse. Une preuve d'amour... et de confiance.
-Joyeux Noël, ma petite Lexy... souffla Molly, bien plus émue que ce qu'elle n'aurait voulu l'admettre.
Une expression machinale. De simples paroles. Une promesse. Peut-être que tout était sur le point de changer... mais certaines choses étaient fixées sur l'étoffe du temps. Éternelles. Immuables. Infinies.
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NDA : Bonjour, tout le monde !
J'espère que vous allez bien.
Alors, ce texte est... difficile pour moi. J'ai commencé à l'écrire dans une ambiance plus que joyeux, et certains qui suivent mes "Écrits aléatoires" se doutent peut-être qu'il a été extrêmement difficile à terminer. J'ai songé à l'abandonner, mais je me suis accrochée. Je sais qu'il est gente, super joyeux, il n'y a pas d'ambigüité à ce niveau comme dans les deux textes précédents, mais il est émotionnellement difficile pour moi. Tout est fictif, bien sûr, mais... Bref. Et néanmoins, j'avais envie de rappeler que les cadeaux les plus touchants ne sont pas toujours ceux qui résident sous le sapin.
Je ne vais pas la faire longue, je pense que j'ai déjà tout dit.
Merci d'être là, merci de lire, de voter, merci infiniment de me faire part de vos ressentis si précieux qui me rendent courage et me font avancer. Merci, du fond du cœur. C'est vous qui faites vivre ce calendrier.
Merci aussi à Abigail_Robinson qui me signale les coquilles que je laisse ; je me relis, je fais attention, mais à force d'avoir le nez dedans, et de travailler sur plusieurs textes en même temps... il en reste, malheureusement. Je ne sais toujours que répondre d'approprié, mais sache que c'est gentil de le faire, je sais que ça m'aidera le jour où j'aurai le courage de repasser sur mes textes.
Il y a deux ans, je publiais le dîner totalement foireux de la famille McNully ; je ne peux pas arriver à faire un texte aussi dégénéré que celui-là à chaque fois, mais en attendant, c'est malgré tout une réunion de famille - cette fois, ce n'était pas réfléchi, le rapprochement entre les deux textes.
Eh bien... de tout cœur, j'espère que vous avez apprécié ce texte.
N'hésiter pas à me donner votre avis
Je vous envoie des câlins et des peluches ! <3
Prenez bien soin de vous, surtout !
PS : J'ai été tellement investie dans la création de ce calendrier que j'ai oublié de m'en offrir un. Snif pour moi.