Le bruit de mes pas se faisait entendre parmi les cris assourdissants de la ville. Cette dernière était baignée de blanc malgré la nuit noire et les lumières arc-en-ciel des panneaux publicitaires. Un nuage blanchâtre flottait devant ma bouche à chaque expiration.
Je ne sais pas pourquoi je suis venue là. Peut-être parce que cela fait maintenant 5 ans. Peut-être car c'est ici qu'on a eu notre premier baiser, ce même jour, cinq ans plus tôt.
Peut-être car c'est ici que, moi aussi, j'aurais dû mourir. Me retrouver sous cette voiture. Mais Dieu n'a apparemment pas voulu de moi.
Nous nous sommes rencontrés à 14 ans.
Il s'appelait Cherry. « Cherry ? C'est un nom de fille, ça ! » je m'étais exclamée. Tout gêné, il avait mis sa main dans ses cheveux roux-bruns, et avait répondu « Je sais... Mes parents avaient espéré que je sois une fille et avaient décidé Cherry. Mais ils avaient pas pensé que je sois un garçon ! » Je souris en repensant à ce moment. Il avait beau être un peu stupide, son cœur était gros, en plus de raconter les meilleures blagues.
Quelques mois après, on était en couple. À cet âge-là, on peut penser qu'on est immature, que ce n'est pas le "grand amour", comme le disaient les adultes. Ce n'était pas mon avis, et ça l'est toujours pas.
Malgré le fait qu'on était en couple, on ne s'était jamais vraiment embrassés, mais je m'en fichais pas mal. Juste être avec lui, main dans la main, dans ce parc me remplissait d'une joie la plus grande. Quand mes "amis" de l'époque se moquaient à propos de ça... En général, je les ignore, mais quand ça a commencé à se répercuter sur lui... Je ne pouvais pas juste les ignorer. Alors, dans un coup de tête, j'ai demandé à Cherry qu'il vienne à notre point de rendez-vous habituel : le parc. Il était assez tard, 21h peut-être. Il s'était rué là-bas, dans son pyjama avec un ours dessus. Je l'avais taquiné là-dessus, mais qu'est-ce qu'il était mignon là-dedans.
« Eh bah, monsieur nounours ?
- J'ai cru que c'était urgent, je me suis pas changé...
- Tu aurais au moins pu mettre une veste. Tu vas tomber malade.
- Parle pour toi, en robe de nuit...
- C'est pas une robe de nuit ! C'est ma tenue pour quand je suis chez moi !
- Je sais, je sais. On se réchauffe ? »
Un sourire s'était dessiné sur mon visage pendant que je me ruais dans ses bras. On avait pas mal parlé, puis il m'a demandé pourquoi je l'avais fait venir. Comme j'étais gênée de ce qu'on allait faire, j'ai baissé ma tête et je me suis éloignée de lui, mais j'avais toujours mes mains dans les siennes, de sorte à ce qu'il ne pense pas autre chose. Je devais être rouge quand j'ai relevé ma tête et que je me suis rapprochée de lui. Il a murmuré mon prénom, puis je l'ai embrassé. Il avait l'air assez surpris, mais je sais qu'à ce moment, nos cœurs, battant à l'unisson, étaient comblés de joie.
On a dû rester comme ça un court moment, mais dont on avait l'impression que ça avait duré le temps d'un clignement d'œil. Il m'avait pris dans ses bras et m'avait murmuré un « Je t'aime » noyé dans un klaxonnement de voiture. On avait tourné notre tête, intrigués, quand on s'est fait percutés par la voiture qui avait perdu le contrôle.
Il avait essayé de me protéger, quitte à perdre la vie lui-même.
Le reste est flou, je sais juste que je me suis réveillée à l'hôpital, ma mère pleurant à mon chevet.
Peu de temps après, j'ai appris son décès.
J'étais anéantie. J'ai refusé de manger pendant un bon moment, et on a dû me nourrir de force.
Je voulais être dans ses bras.
Je veux être dans ses bras.
Me voilà maintenant, 5 ans plus tard, devant le parc qui se fait démonter.
Je sais pourquoi je suis venue.
Je voulais juste me souvenir une dernière fois de lui.
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