Recueil de bonus

By annabethfan

58.1K 3.9K 7.1K

Vous retrouverez ici tous les bonus autour de mes fanfictions "Au temps des Maraudeurs" et "L'héritage d'Ilve... More

AU TEMPS DES MARAUDEURS
Sommaire
Harry Potter et les Maraudeurs - Partie 1: Remus Lupin
Harry Potter et les Maraudeurs - Partie 2: Peter Pettigrew
Harry Potter et les Maraudeurs - Partie 3: Sirius Black
La fille de la photo
L'annonce
Le premier noël du reste de sa vie
People Need People
"Et si..." : Partie 1 - Dans les griffes du phénix
"Et si..." : Partie 2 - Au cœur des Ténèbres
"Et si..." : Partie 3 - L'aurore du crépuscule
We were like brother
Parce qu'on appartient tous à une famille
La Noble Maison des Black
L'HERITAGE D'ILVERMORNY
Bonus I : De cendres et de lumières
2. Dans l'ombre de l'Histoire
3. La Tempête
4. L'aube de notre avenir
5. A la recherche du colibri perdu
6. A coeur et à cris
7. Hello, Goodbye (1/2)
8. Hello, Goodbye (2/2)
Bonus II : Les deux faces d'une même pièce
1. Mille femmes et un homme
2. La face cachée des monstres

1. A l'amour comme à la guerre

1.6K 128 571
By annabethfan

A LIRE --> Contexte : cette première partie du bonus se situe avant le chapitre 10 de O&P. Noah et Julian ont un peu plus d'une trentaine d'année. Comme vous le savez pour ceux.lles qui lisent chez Perri, Julian est devenu professeur de sortilèges à l'IRIS et Noah travaille pour la Voix du Chaudron, un nouveau journal, dans lequel il fait des caricatures. Petite info pour bien comprendre parce que malheureusement on écrit dans le désordre, mais vous allez croiser assez souvent désormais le surnom de "Perroquet Noir" pour Noah. Il faudra attendre de voir son origine dans LHDI, mais sachez simplement que c'est une sorte de nom de plume. Voilà voilà ! Ce qui se passe dans ce bonus vous aidera à mieux comprendre les futurs évènements de O&P également. Et pour vous situer par rapport aux livres, mai 1997 correspond à la fin du tome 6, le Prince de Sang-Mêlé

Bonne lecture ! Et encore merci à Perri pour  ce magnifique visuel, c'est juste sublime ! 

*********************************************************

A l'amour comme à la guerre

« L'art ne réclame ni complaisance ni politesse, rien que la foi, la foi toujours et la liberté. »

- Gustave Flaubert –

// 25 mai 1997 //

Le soleil se couchait derrière la coupole de l'université d'Oxford lorsque Julian en sorti, fatigué par sa journée de travail. Aujourd'hui, il avait fait passer leur premier examen blanc à ses troisièmes années et il en était presque venu à le regretter quand l'une de ses élèves – Becky Linford – avait fondu en larmes sur sa copie. Les autres, déconcentrés, l'avaient fixé avec de grands yeux éberlués jusqu'à ce qu'il la fasse sortir dans le couloir pour se calmer. Il était resté près de trente minutes avec elle. Et alors qu'il remontait la grande rue qui bordait l'IRIS, il n'arriva pas à se sortir de l'esprit sa voix étranglée quand elle s'était excusée trois fois de suite avant de lui expliquer qu'elle était très stressée depuis la rentrée et que sa mère, employée au Ministère, craignait de plus en plus de perdre son travail à cause de son statut de née-moldu. Apparemment, elles avaient reçu chez elles des menaces glissées dans la boîte aux lettres, sûrement de la part de sympathisants à la cause des mangemorts. A ce moment-là, Julian aurait aimé la réconforter, sortir de son rôle de son professeur, lui dire qu'il comprenait... Qu'il connaissait cette peur qui saisissait au ventre pour ne plus vous quitter et qu'il l'avait ressenti lui-même à son âge pendant la première guerre. Malheureusement, il avait dû garder ses distances de professeur, mais il l'avait au moins autorisé à rentrer chez elle pour aujourd'hui. Il lui avait même promis de lui refaire passer l'examen la semaine prochaine.

Quand il passa devant le bar qui faisait le coin de la rue, il repéra plusieurs de ses étudiants attablés autour de beaucoup trop de verres pour un soir de semaine. Il fit mine de n'avoir rien remarqué. Parmi le groupe se trouvaient plusieurs élèves de troisième année, dont les amies de Becky. Vu leur expression inquiète, il n'eut pas besoin d'entendre leur conversation pour savoir qu'elles parlaient d'elle. L'une des filles leva les yeux à cet instant et le vit à son tour. Il se contenta de lui adresser un bref hochement de tête en guise de reconnaissance, mais à sa plus grande surprise, la fille se leva précipitamment, comme sur un coup de tête. Il ralentit le pas alors qu'elle arrivait à sa hauteur.

- Professeur Shelton ! héla-t-elle comme s'il ne l'avait pas déjà vu.

- Oui, Maureen ?

Il essayait d'appeler ses étudiants par leur nom de famille le plus possible, mais il trouvait toujours ça étrange en dehors des heures de cours. Noah disait que c'étaient les Etats-Unis et Ilvermorny qui avaient déteints sur lui pour ce genre de détail.

- Je suis désolée... je ne veux pas vous déranger...

- Pas de problème. Je vous écoute.

Il s'attendait presque à ce qu'il lui pose une question au sujet de l'examen de ce matin, mais Maureen remit une mèche de ses cheveux derrière son oreille, nerveuse, avant de déclarer :

- Je voulais juste... c'est peut-être idiot, mais je voulais vous remercier pour Becky. C'était pas la première fois qu'elle pleurait cette semaine et elle stressait énormément pour l'examen à cause de ses... problèmes. Et j'ai essayé de l'aider, mais je ne savais pas comment faire...

Impuissante, elle chercha ses mots, la voix étranglée. Il fut parcouru d'un élan de compassion pour elle.

- Maureen, c'est tout à votre honneur de vouloir l'aider, mais ne culpabilisez pas non plus, la coupa-t-il en voyant ses yeux s'humidifier brusquement. (Il avait eu assez d'une étudiante en larmes pour aujourd'hui). Ce qui passe, ça nous dépasse tous... Soyez juste là pour elle, ça sera déjà beaucoup, d'accord ?

Elle hocha la tête, l'air démunie. Sa jeunesse le frappa soudain. Ils avaient peut-être dix ans d'écart tous les deux, ce n'était pas énorme... Il y a encore quelques années, les gardiens de l'IRIS le prenaient pour un étudiant s'il avait le malheur de mettre un jean et il avait commencé à s'habiller de façon plus « professorale » pour gagner en crédibilité. Ou en « cliché d'anglais des années 60 » selon Noah, mais il avait arrêté de l'écouter sur ce genre de question. Pourtant, aujourd'hui, la jeunesse de Maureen – et même celle de Becky – lui paraissait un gouffre énorme. Elles ne devaient même pas se rappeler de la première guerre ou alors seulement en tant que vagues souvenirs d'enfance. Peut-être avaient-elles seulement en mémoire la liasse populaire qui avait déferlé dans les rues le 31 octobre 1981. Ce n'était pas étonnant qu'avec un souvenir pareil, la violence de cette guerre sur le point d'exploser leur paraisse une horreur inimaginable.

Perdu dans ses souvenirs, il dut rester silencieux trop longtemps car Maureen piétina sur place, l'air d'hésiter à continuer la conversation.

- Professeur... murmura-t-elle soudain, bras croisés sur le ventre. Vous pensez que ça va empirer ? Ou que le Ministère va réussir à les arrêter ?

Il soupira, incertain quant à sa réponse. En tant que professeur, il ne devrait même pas répondre, il n'avait pas le droit d'exprimer un avis politique, pas alors que techniquement l'IRIS – malgré son statut assez indépendant – était rattaché au Ministère. Seulement, ne pas répondre revenait à trahir beaucoup de personnes... Des personnes comme Becky et Maureen qui se tournaient vers lui pour avoir des réponses, bien sûr, mais aussi des personnes qui s'étaient battues pour la liberté. Des personnes comme Matthew...

- J'aimerais vous dire que ça va s'arrêter, répondit-il honnêtement. Mais la situation est de plus en plus compliquée. Et pour l'avoir vécu une première fois, le Ministère n'a malheureusement pas tous les pouvoirs ni les ressources pour se dresser contre Vous-Savez-Qui.

La réponse ne parut pas être celle qu'attendait Maureen. Elle fronça les sourcils, déstabilisée.

- Oh... Mais la Gazette...

- Ne croyez pas tout ce que raconte la Gazette, Maureen, dit-il précipitamment à voix basse. Lisez entre les lignes.

Cette fois, il sortait très clairement du cadre qu'il aurait dû respecter. En face de lui, pourtant, Maureen n'en eut cette fois pas l'air perturbé. Inconsciemment, cela signifiait qu'elle avait bien plus conscience de la situation qu'elle ne le croyait et il fut fier d'elle.

- Je comprends, professeur, souffla-t-elle. En tout cas, merci...

- Je vous en prie. Et dites à Becky que si elle ne sent pas bien demain je lui ferai parvenir les cours. Les sortilèges peuvent attendre lundi, d'accord ?

C'était impressionnant à quel point une guerre faisait revoir ses priorités... Maureen sourit, reconnaissance, et acquiesça.

- Je lui ferai passer le message, promit-elle. Et juste pour vous dire, vous êtes officiellement le meilleur prof de la promo. On vous a mis en numéro 1.

Pris au dépourvu, il rit avec étonnement.

- Parce qu'il y a une liste ? dit-il.

- Vous pensez qu'on s'occupe comment à la pause déjeuner ? répliqua Maureen du tac au tac.

Cette fois, il éclata de rire, touché et flatté en même temps. C'est sans doute pour cela qu'il aimait enseigner, bien plus que d'être chercheur Langue-de-Plomb pour le Département des Mystères au début de sa carrière. Il avait changé il y a plus de cinq ans maintenant et ne le regrettait pas. C'était toujours plus intéressant de traiter avec l'humain qu'avec la magie pure, n'en déplaise à son père avec qui il ne tombait jamais d'accord sur ce sujet.

- N'en parlez quand même pas aux autres professeurs, conseilla-t-il finalement, sinon mes réunions avec eux vont devenir difficiles.

- Promis, professeur. Je vais... enfin je vais vous laisser y aller maintenant. Merci à vous.

Elle commença à reculer et il lui adressa un geste en guise d'au revoir.

- Bonne soirée, Maureen.

Le chemin du retour se fit ensuite sans interruption. Il aurait pu transplaner directement près de chez lui dans une ruelle adjacente, à l'abris des regards, comme il le faisait parfois quand le temps était à la pluie ; mais il avait besoin de marcher ce soir. De se vider la tête. En rentrant, il avait de toute façon prévu de faire les comptes, ce qu'il avait négligé de faire depuis quelques mois, et la perspective n'était pas très attrayante.

Il arriva donc trente minutes plus tard et referma la porte dans un silence prégnant. Qui disait silence disait que Noah n'était donc pas encore rentrer. Maintenant qu'il y pensait, il lui avait peut-être bien dit qu'il devait terminer tard ce soir pour boucler l'édition de la Voix du Chaudron. Depuis qu'il n'était plus rédacteur en chef, il avait de moins en moins de faire des heures supplémentaires, mais ça arrivait quand même parfois. Généralement, ces jours-là, Noah rentrait en râlant contre « le tyran Joséphine », la nouvelle rédactrice en chef, en oubliant au passage qu'il avait lui-même apporté son soutien pour qu'elle le remplace à ce poste. Une grande partie de la rédaction s'en était d'ailleurs indigné, arguant que Joséphine Abbot était trop jeune, mais le défi avait encore plus plu à Noah. Il l'avait lui-même recruté et était persuadé qu'elle ferait très bien l'affaire pour gérer tous les aspects qui l'ennuyaient lui-même. Surtout, Julian connaissait Noah : il avait voulu avant tout retrouver sa liberté de ton dans ses articles et ses dessins en se débarrassant des responsabilités de rédacteur en chef. Liam, en tant que directeur de la filière anglaise, avait approuvé, puis la décision avait été validée par Aileen en personne depuis le siège à Montréal. Plus personne n'avait alors soulevé d'objection.

Décidé à profiter du calme et du peu d'énergie qu'il lui restait, Julian s'assit à la table du salon à peine rentrer pour se pencher sur les relevés de compte qui traînaient donc depuis des mois. Gringotts les envoyaient régulièrement, mais tout était toujours généralement en ordre et il ne s'y intéressait pas avec précision, à part de temps en temps. Il le fallait bien pour gérer la subtilité de leur coffre dans la célèbre banque des sorciers. Pendant longtemps, Noah n'avait pas eu la nationalité anglaise, et ça avait été plus avantageux pour eux de tout mettre dans son propre coffre pour éviter des taxes inutiles. Au bout de quinze ans, Noah avait maintenant réussi à avoir la double nationalité et un statut d'expatrié – Leonidas avait un peu aidé – et un coffre à son nom à Gringotts. Malgré tout, ils avaient un peu l'habitude de déposer leur argent sur les deux coffres indifféremment, comme des espèces de coffres joints même s'ils n'étaient pas mariés. Pas comme s'ils pouvaient de toute manière...

Ce système un peu décousu faisait simplement que s'occuper de leurs finances prenait parfois un peu de temps. Sourcils froncés, Julian observa donc les lignes de chiffres qui s'alignaient, veillant à ce que tout soit correct. Malgré les procurations qu'ils s'étaient donnés l'un l'autre, il arrivait que Gringotts bloque un apport d'argent à cause de leur nom de famille différent. Aujourd'hui, tout semblait heureusement en ordre... ou presque.

Plusieurs lignes l'interpellèrent. Il n'y aurait même pas fait attention si elles n'avaient pas été si répétitives, ni si semblables. Depuis novembre dernier, un même retrait de 5 Gallions et 17 Mornilles était effectué sur le compte au nom de Noah le 1er jour de chaque mois. La somme n'était pas conséquente, mais elle l'était assez pour qu'il s'y arrête, perplexe. Il suivit du doigt les colonnes correspondantes : le retrait n'était pas directement physique, il correspondait à une conversation en argent moldu et à une transaction. Gringotts pouvait faire ça avec ses établissements partenaires, comme certains commerçants du Chemin de Traverse ou des associations approuvées par le Ministère, mais aussi avec le monde moldu pour préserver le Secret Magique. Il suffisait de donner son numéro de compte et les gobelins s'occupaient du transfert de l'argent de coffre à coffre directement ou de faire l'équivalent d'un virement à des établissements et banques moldus pour les sorciers qui n'étaient pas à l'aise avec la devise moldu. C'était plus simple que de devoir faire transiter l'argent par l'extérieur. Et en l'occurrence, le retrait avait bien une destination hors du monde sorcier : l'hôtel du Rail à Carbone-les-Mines.

Julian se figea sur sa chaise, désarçonné. Il n'avait jamais entendu parler d'une ville nommée Carbone-les-Mines, mais après vérification dans un livre de géographie qui traînait dans leur bibliothèque, il s'agissait d'une banlieue ouvrière de la région des Midlands. Aucune explication ni lien avec Noah de prime abord donc.

- Merlin, qu'est-ce que c'est que ça... ? marmonna-t-il à voix haute.

Sa voix se perdit en écho dans le grand loft au plafond haut. Ça n'avait aucun sens, Noah n'avait jamais fait aucun déplacement pour le travail, et surtout pas une nuit entière. Prendre un hôtel semblait donc dépourvu de logique. Pourtant, les comptes étaient formels : le paiement était bien là, chaque mois, et devait correspondre à peu près au prix d'une chambre d'hôtel moldu. Une sensation glacée se répandit dans tout son corps, insidieuse, avant qu'il n'ait pu empêcher son cerveau de s'emballer.

Une chambre d'hôtel. Ce n'était pas neutre... ça n'avait pas de sens, mais ce n'était pas neutre. Evidemment qu'il y pensait. Noah ne lui en avait pas parlé, il n'avait même jamais prononcé un mot sur ce paiement étrange ou sur cette ville inconnue... Il n'avait aucune raison logique de s'y rendre. Ces derniers mois, il rentrait certains jours beaucoup plus tard... Julian n'avait juste jamais tiqué sur ce fait : la Voix du Chaudron était un mensuel, c'était évident que boucler le numéro du mois demandait une réunion exceptionnelle par mois donc. Et même si avant les dites réunions n'avaient jamais terminé aussi tard, il n'y connaissait pas grand-chose au monde de la presse... Il n'avait pas eu de raison de remettre en cause la parole de Noah.

Pris de nausée, il poussa le vice à comparer les dates des virements avec les jours où Noah étaient rentrés plus tard que d'habitude. Il regarda chacune d'elles, incapable de s'arrêter tant qu'il n'avait pas analysé tous les mois... Et l'évidence s'imposa. Tout correspondait. Les colonnes de chiffres se brouillèrent alors devant ses yeux et il se laissa retomber contre le dossier de sa chaise.

La douleur qui explosa dans sa poitrine le laissa le souffle court. C'était un mélange d'incrédulité – il voulut repousser l'idée même au fond de son esprit – et de désespoir. Noah n'avait pas pu faire ça... Et puis l'ironie de la chose le frappa en pleine figure. Bien sûr qu'il aurait pu le faire, il l'avait déjà fait, non ? Simplement, la dernière fois, il avait été de l'autre côté de la barrière et Othilia en avait fait les frais. Qu'est-ce qui le rendait différent ? Pourquoi Noah n'en aurait pas été capable avec lui ?

Parce qu'il m'aime, souffla une voix dans son esprit. Une voix à laquelle il voulut s'accrocher, une voix à laquelle il croyait. Mais les relevé des comptes devant ses yeux le narguaient et suggéraient une autre hypothèse. Un hôtel bon sang... Une fois par mois... En secret... Il connaissait Noah : il pouvait se lasser des choses, il pouvait être volatile, agir sur un coup de tête. Mais ça ?

- Merlin !

D'un geste rageur, il envoya valser au sol les parchemins et le livre sur la géographie anglaise. La chute provoqua un bruit sourd contre le parquet ancien. Sa nausée se renforça. Il n'osait même pas penser au mot en tant que tel, il s'y refusait. Il devait y avoir une explication. Il préférait tout sauf s'imaginer Noah lui mentir pendant des mois, retrouver quelqu'un d'autre, et revenir comme si de rien était. Il ne pouvait pas être aussi aveugle. A nouveau, il repensa à Othilia. Il n'y avait plus pensé depuis des années pourtant, du moins pas à tout ce qui s'était entre eux en dernière année à Ilvermorny. Son amitié avec elle avait mis du temps à se réparer mais ils y étaient parvenus. Ils avaient mangé avec Wilde et elle l'été dernier. Il prit soudain conscience qu'il n'avait pas réussi à imaginer le quart de ce qu'elle pu ressentir à cette époque... Son lui de dix-sept ans n'avait pas été assez mature pour le comprendre. Surtout, Othilia avait avoué elle-même qu'elle n'avait sans doute plus été amoureuse de Noah au moment où tout avait explosé entre eux. Il ne pouvait pas dire la même chose aujourd'hui.

- Y'a une explication, c'est toi qui pense trop, comme d'habitude... tenta-t-il de se rassurer à voix haute, mais les mots lui parurent creux et vides.

Une véritable boule chauffée à blanc se glissa dans sa gorge et des larmes brûlantes lui montèrent aux yeux. Il n'avait plus ressenti une telle détresse depuis... depuis la mort de Matthew sans doute. Avec la sensation d'étouffer, il se leva et se mit à faire les cent pas à travers le loft. Il alla même dans leur atelier.

C'était cette pièce en particulier qui les avait poussés à acheter cet appartement, l'exposition et l'espace y étaient parfaits pour créer. Ils avaient dessiné et peints à même le mur... Julian pouvait reconnaître chacune des œuvres de Noah, parfois simplement des morceaux inachevés. Il l'avait pas mal représenté. Noah aimait se moquer en l'appelant « ma muse » sur un ton pompeux et Julian s'était bien gardé de le mentionner à leurs amis qui étaient venus ici. Pas besoin que tout le monde sache que l'esquisse de corps nu, tout en haut à gauche, était le sien, dessiné par Noah un jour où il en avait été d'humeur.

Le rappel lui planta un nouveau coup douloureux en travers du cœur. Sur le mur d'en face, l'horloge et ses minutes qui s'égrenaient semblèrent le narguer. Noah n'était toujours pas rentrer...

**

*

Il finit par le faire une heure plus tard. Julian était assis sur un tabouret dans l'atelier, les yeux sûrement rougis, mais il n'avait pas eu la force de bouger. Il tenait simplement un bout de fusain à la main et traçait des formes sans but sur une grande page blanche. Chaque trait noir semblait refléter le mal qui s'agitait en lui.

- Jules ? héla Noah à travers l'appartement. T'es là ?

- Ici !

Sa voix trembla un peu, mais dû être assez stable pour ne pas alerter Noah outre mesure car il apparut dans l'atelier quelques secondes plus tard, détendu. Julian le fixa sans pouvoir s'en empêcher, comme si un indice allait confirmer ou infirmer ses horribles soupçons d'un seul regard. Il laissait pousser ses boucles en ce moment et elles lui arrivaient juste en dessous des oreilles maintenant, comme un halo sombre autour de son visage. Il avait toujours trouvé ses boucles fascinantes. Son cœur se serra un peu plus.

- T'as une tête à faire peur, commenta Noah sans filtre comme à son habitude. Ça va pas ?

- Hum...

- Ah, vaste réponse, ça, Jules. (Il s'approcha jusqu'à venir se planter devant lui et fit courir ses doigts sur sa feuille barrée de traits de fusain rageur). Je vois... Mauvaise journée ?

C'était un euphémisme, songea-t-il, une pulsation douloureuse au creux de l'estomac. Mais il garda le silence, incapable d'ouvrir la bouche.

- C'est à cause de Simon... ? demanda Noah avec prudence.

Julian cilla. C'était peut-être un des seuls sujets où Noah était délicat avec lui après avoir assisté à son effondrement le 1er septembre dernier. Jamais une rentrée n'avait été si particulière que lorsqu'il s'était retrouvé à voir Simon Bones assis dans sa classe. Toute la douleur liée à la mort de Matthew en avait été réveillée et il se souvenait à peine de son cours ce jour-là... Il n'avait pas dû être bon. Il avait pourtant tenu jusqu'à la fin de la journée avant de rentrer le soir et de s'effondrer, les larmes aux yeux, dans les bras de Noah sur le canapé. Il avait alors compris ce que Charity avait tenté de lui expliquer le jour où ils avaient pris un café et qu'elle lui avait affirmé qu'elle refusait de prendre Simon dans sa classe à Poudlard, véhémente.

Pourtant, même le souvenir de ce jour-là pâlit face à ce qu'il ressentait ce soir. Faute de mieux, il se contenta donc de secouer la tête.

- T'es sûr ? s'assura Noah, pas convaincu. Parce que tu sais, c'est normal... Ce n'est pas parce que tu lui as dit la vérité sur ton lien avec Matthew que ça ne peut plus te faire bizarre de le voir.

- Je l'ai même pas eu en cours aujourd'hui...

- Oui, enfin, avec le livre de sa copine, Valentine là, t'as même plus besoin d'être à l'IRIS pour le croiser.

- Victoria, corrigea-t-il mécaniquement.

- Peu importe, Jules.

Le surnom, toujours teinté d'accent américain malgré les années à Oxford, lui traversa à nouveau le cœur en une flèche tranchante. Il joua avec son bout de fusain, luttant contre l'étouffement qui le reprit.

- Noah, j'ai une question... dit-il alors, comme détaché de son corps.

- J'écoute, qu'est-ce que ton esprit de prodige est encore allé chercher ?

Il le dit sur un ton amusé, presque léger, et voulu porter sa main vers son visage, mais Julian recula. Il n'aurait pas su l'expliquer, mais il ne voulait pas que Noah le touche, là tout de suite. Le mouvement de recule parut enfin faire prendre conscience à Noah que quelque chose de sérieux n'allait pas. Il fronça les sourcils.

- Morgane, Jules, qu'est-ce qui se passe ? Quelqu'un est mort ou quoi ?

La formule le fit tressaillir.

- Arrête, dis pas ça en ce moment... protesta-t-il.

- Désolé, mais vu ta tête, je te jure que ça donne cette impression. T'as pleuré ?

Inquiet, Noah voulut glisser une main sous son menton pour lui faire lever la tête vers lui, mais il se déroba à nouveau. La question lui brûlait les lèvres désormais.

- L'hôtel à Carbones-les-Mines, tu m'expliques ? lâcha-t-il soudain d'un ton dur.

Ce fut instantané : le corps de Noah se raidit d'un coup et il recula d'un pas, comme frappé. Julian se redressa sur son tabouret.

- Parce que j'ai regardé nos comptes en rentrant ce soir. Et je veux savoir pour quoi – ou pour qui – tu dépenses exactement la même somme chaque mois depuis novembre dans une chambre d'hôtel sans m'en parler.

Dans l'idéal, il aurait voulu poser sa question sans préjugés ni accusation, juste laisser la possibilité à Noah d'expliquer. Mais la douleur qui le hantait depuis plus d'une heure fit jaillir les mots presque malgré lui et son ton fut cassant. Les gens avaient tendance à croire en le comparant à Noah qu'il était le plus calme des deux, le plus diplomatique. D'une certaine façon, c'était vrai. Mais Noah avait toujours été incendier dans ses colères, là où lui-même pouvait faire preuve d'une façade glaçante. C'était exactement cette façade qu'il présentait à l'instant.

- Jules...

- Je veux pas de justifications tordues, la question est simple. Réponds, c'est tout.

Sa froideur piqua Noah qui réagit enfin.

- Pourquoi ? Tu me surveilles maintenant ? répliqua-t-il avec mordant. C'est mon coffre, mon argent.

- Tu sais très bien que c'est faux, je gère nos comptes en fait donc je le sais mieux que toi. Alors ? Qu'est-ce que tu vas faire dans un hôtel à plus d'une heure et demie d'ici ? C'est le nouveau siège de la rédaction et Aileen a oublié de m'informer ?

- T'es vraiment en train de me poser cette question-là, Jules ?

- Quoi ? Qu'est-ce que je devrais te poser comme question ? Qu'est-ce que je devrais penser ?

Il avait élevé la voix instinctivement et Noah ancra ses pieds dans le sol, défensif.

- Mais tu t'entends ? Sérieux ? Tu m'accuses vraiment de ça ?

Son indignation était louable, mais elle n'était pas un déni, ni même une réponse. Il secoua la tête.

- Ca serait pas la première fois non... ? argua-t-il, la gorge prise dans un étau.

Noah laissa échapper un rire, à mi-chemin entre la raillerie et le souffle incrédule.

- C'est riche venant de toi d'utiliser Othilia contre moi ! Parce que quoi, y'avait que moi dans cette histoire ? Tu veux qu'on appelle Hanna peut-être ?

- Merlin, Noah, je te parle pas de ça !

- Je sais, mais te sers pas d'une histoire vieille de dix ans pour m'accuser ! Te fais pas passer pour le chevalier blanc et moi celui incontrôlable ! Je croyais qu'on avait dépassé ça, non ? Ou tu veux nous renfermer dans des cases ?

Il écarta les bras, clairement vexé, et Julian s'en retrouva encore plus en colère. Comme d'habitude, Noah lui reprochait une certaine hypocrisie, de se cacher derrière les apparences, là où lui exprimait toujours haut et fort ce que tout le monde refusait d'admettre. Mais aujourd'hui, ça ne fonctionnait pas : il n'était pas celui qui tentait de cacher quelque chose.

- Je croyais aussi qu'on avait dépassé ça et qu'on se parlait, mais visiblement je me trompais, cingla-t-il. Puisqu'il faut littéralement que Gringotts me prévienne de ce que tu fais au lieu de toi. Tu trouves pas ça incroyable que les jours de réservation de l'hôtel soient pile ceux de tes « réunions tardives » ?

- Jules, sérieux, c'est n'importe quoi. C'est n'importe quoi et tu le sais en plus !

- Non je le sais pas, justement ! Arrête de croire que je peux lire dans tes pensées parfois, je ne peux pas, Noah ! Et le fait même que tu refuses de m'expliquer prouve bien qu'il y a quelque chose !

- Et c'est la seule idée que t'ai trouvé ? Que je pourrais aller te tromper quelque part dans un hôtel et faire comme si de rien était ?!

Tu l'as bien fait avec Othilia, n'osa-t-il pas rétorquer. Il sentait que la situation allait encore plus déraper s'il ramenait à nouveau Othilia sur le tapis, mais la vérité était là : même si Noah avait changé depuis leur adolescence, l'incertitude était en train de le ronger comme un poison impossible à enrailler. Les larmes lui remontèrent aux yeux.

- C'est l'idée qui m'est venue après avoir réalisé que tu m'as menti, oui, l'accusa-t-il d'une voix sèche. Ou alors quoi ? Les réunions avec Joséphine était plus intimes que je le croyais, c'est ça ?

Il mit un accent prononcé sur le mot pour y faire entendre toute sa colère et son écœurement. Il ne savait même pas s'il y croyait vraiment, mais l'hypothèse germa soudain, et Noah en resta figé. Une ombre tomba sur son visage, puis il serra les poings.

- Tu sais quoi, Jules ? dit-il avec hargne. Si c'est vraiment ce que tu penses, va te faire voir ! T'entends ? Va. Te. Faire. Voir ! répéta-t-il en détachant chaque syllabe.

Il ne prit pas la peine de dire autre chose : il tourna les talons et, quelques secondes plus tard, la porte de l'appartement claqua à en faire trembler les baie-vitrées. Julian resta prostré devant son atelier, le cœur au bord des lèvres. La nausée le reprit si fort qu'il se leva précipitamment et réussit tout juste à atteindre le lavabo de la cuisine avant qu'un haut le cœur ne lui soulève l'estomac. Seul de la bile remonta le long de sa gorge et il toussa plusieurs fois, luttant contre la sensation d'étouffement familière qui le prenait à chaque fois qu'il ressentait une émotion vive.

Instable, il finit par s'écarter et but un verre d'eau dont il recracha la moitié, incapable d'avaler. Dans le silence pesant de l'appartement, les larmes finirent par faire céder le barrage qu'il avait jusque-là réussit à maintenir et des traînées brûlantes dévalèrent bientôt sur son visage. Il regrettait déjà la façon dont il avait géré les choses : mettre Noah au pied du mur était la meilleure façon de le braquer sans obtenir de réponses. Il le savait pertinemment. Il s'était pourtant quand même laissé guider par sa colère et sa peur.

En être conscient n'apaisait toutefois pas la douleur sourde au fond de lui et, épuisé, il monta jusque dans leur chambre pour se changer. Son uniforme de professeur de l'IRIS lui paraissait soudain trop inconfortable et il le retira avec des mains tremblantes. Il enfila ensuite un jogging qui traînait dans son placard – il ne faisait même pas de sport – avant d'hésiter une seconde. Il fit taire son esprit qui lui disait que c'était une mauvaise idée dans le contexte actuel et ouvrit la porte du placard du côté de Noah. Il en sortit un de ses vieux t-shirt au tissu distendu, puis l'enfila. Il était noir avec le logo des Rolling Stones dessus. Ça avait été un cadeau que Charity lui avait offert pour un noël et il l'avait porté pendant des mois tous les week-ends après avoir découvert le groupe et sa musique. Son odeur y était imprégnée, mais surtout ça le représentait plus qu'autre chose...

Une fois redescendu dans le salon, il songea un instant à appeler quelqu'un... Liam ? Non, son couple avec Théa était à nouveau sur une pense descendante en ce moment et il n'était sans doute pas la bonne personne pour ça. Charity ? Il l'aimait bien et ils s'étaient rapprochés depuis plusieurs années, mais elle détestait parler des problèmes de couples des autres, voire d'amour en général... Sûrement que ça lui rappelait trop Matthew. Oui, en fait, il aurait voulu parler à Matthew... Mais c'était impossible. Il écarta aussi Hanna avec qui il n'avait jamais renoué comme avant ; Aileen et Théa qui étaient sur un autre tout autre fuseau horaire ; et même sa sœur parce qu'elle était... eh bien sa sœur. Il songea une seconde à Leonidas, puis s'y refusa. Il ne pouvait pas lui expliquer la situation. Il n'arrivait pas à s'y résoudre.

Au lieu de ça, il se fit un thé au citron et se posa dans le canapé avec un carnet à spirale et un simple crayon. Sa main resta suspendue au-dessus de la feuille un long moment. Il avait l'impression d'être anesthésié de l'intérieur par une douleur au goût amer. Une trahison ? En un sens, sûrement... Il n'avait pas de réponses, mais il avait des doutes trop envahissants pour les ignorer.

Au bout de longues minutes, il anima enfin sa main et esquissa des silhouettes, celles de corps ensemble, mais sans visage, ni genre définissable. Il avait jeté le nom de Joséphine Abbot un peu comme ça mais maintenant l'incertitude l'habitait... Et si ce n'était pas une femme ? Il ne savait pas ce qui serait le pire, ni même s'il y avait un pire. Imaginer Noah avec une autre était déjà assez dur, mais l'imaginer avec un autre... Il pressa un poing contre sa bouche, rendu malade rien que par l'idée. Ça n'avait pas de sens ni de logique, mais oui, sous un certain angle ça serait sans doute pire avec un autre homme.

- Putain Noah... s'étrangla-t-il, la tête renversée en arrière contre le dossier du canapé.

Il ne savait pas pourquoi il parlait à voix haute, il était seul. Mais il avait besoin de prononcer son prénom... La colère était retombée, submergée par la peine. Il finit par abandonner son carnet sur la table basse et se contenta de fixer le vide. Il perdit la notion du temps, mais il dut rester comme ça encore plus de quarante-cinq minutes avant que la porte d'entrée ne s'ouvre à nouveau. Son cœur fit un bond dans sa poitrine.

Il resta pourtant immobile alors que Noah entrait dans le salon, une pochette à la main, et une expression méfiante quoique dépourvue de sa colère de tout à l'heure. Dès qu'il le vit pourtant, son attitude changea. Il devait offrir une vision assez pathétique vu de l'entrée : prostré sur le canapé, une tasse de thé près de lui, le corps englouti dans un vieux t-shirt de Noah et les yeux rougis. Il tenta de se redresser pour sauver la face, embarrassé, mais il ne dût pas être bien convaincant car Noah soupira.

- Oh Jules...

En trois enjambées, il le rejoignit sur le canapé. Il ne chercha pas à le toucher, sûrement par peur d'être repoussé, et Julian ne réussit pas à démêler le sentiment conflictuel dans sa poitrine : soulagement ou déception ? Dans tous les cas, il détourna le regard, gêné.

- Eh, Jules... souffla Noah. Je suis désolé, ok ? S'il te plait, regarde-moi...

- Désolé de quoi ?

- Pas de ce que tu crois en tout cas. Laisse-moi t'expliquer. Vraiment t'expliquer, je veux dire.

Le ton de Noah l'interpella. Plus calme, plus posé, avec une touche de résignation. Il se tourna vers lui, vaincu.

- Ok, bon... Je suppose que les apparences étaient contre moi, j'avoue, admit Noah doucement. Mais Jules, je te promets... Je n'ai pas... J'aurais pas pu, pas à toi. Et certainement pas avec Joséphine Abbot bon sang.

A la façon dont il prononça le nom, Julian sut qu'il était sincère et il s'en retrouva soulagé. C'était peut-être idiot, mais il aurait pu voir l'attrait d'une fille comme elle pour Noah, forte tête et entière, capable d'être une égale. Encore plus gêné, il baissa les yeux sur sa tasse de thé au citron en train de refroidir.

- Ca aurait pu... se justifia-t-il. Elle est...

Il ne sut pas comment terminer et fit un vague geste de la main censé traduire son idée. Noah eut l'air encore plus indigné.

- Ok, mettons quelque chose au clair. Je ne suis sûrement pas censé en parler, mais elle fera avec parce que toi ça ne compte pas. Mais Jules, Joséphine est... enfin elle est enceinte.

Ses yeux s'écarquillèrent.

- Elle est quoi ? fit-il, frappé par la surprise.

- Pas de moi ! précisa immédiatement Noah, comme s'il avait peur que l'idée lui traverse l'esprit. De son copain. Mais c'est compliqué ! Ils sont séparés, mais en fait pas vraiment, et j'arrive pas à suivre. Pire que Théa et Liam. Bref, si j'ai eu l'air de... me rapprocher de Joséphine on va dire en ce moment, c'est à cause de ça. (Il passa une main dans ses boucles, un peu dépassé, et Julian suivit le mouvement des yeux). J'étais juste là quand elle l'a appris, tu vois, et elle avait besoin de quelqu'un. C'est tout.

- Oh...

Il se sentit soudain stupide d'avoir jeté son nom comme une accusation et fixa son attention sur leur bibliothèque une seconde, le temps de reprendre contenance.

- Mais... et l'hôtel... ? avança-t-il, toujours perplexe.

- C'est un mal entendu, d'accord ? Et... si j'ai réagi comme ça, c'est parce que j'aurais dû te parler de quelque chose depuis longtemps c'est vrai. Mais ça n'a rien à voir, je te le jure.

Julian fronça les sourcils. Il percevait la sincérité de Noah, il le connaissait assez pour le savoir. Son inquiétude remonta pourtant en flèche. Il y avait donc bien quelque chose.

- Qu'est-ce que t'as fait ? lâcha-t-il, tendu.

- Oh arrête, vu ta tête on dirait que j'ai braqué la Reine et toute la famille royale.

- Noah.

Ce dernier roula des yeux, mais hocha ensuite la tête, l'air entendu.

- Ouais, d'accord, d'accord... Tu te souviens l'été dernier ? Quand ton directeur nous a contacté ?

Il mit une seconde à comprendre ce dont Noah parlait. Au début, l'image du directeur de l'IRIS – son supérieur hiérarchique – s'imposa à lui, puis il comprit.

- Dumbledore ? dit-il, surpris. Oui, il est venu une fois nous parler de la guerre et de la nécessité de sa battre. Il a parlé... de son groupe qui luttait contre Tu-Sais-Qui, celui dont Matthew m'avait parlé pendant la première guerre. L'Ordre du Phénix.

- Voilà, c'est ça...

- Mais on a jamais eu de nouvelles, ni de demande, ça fait des mois.

A cette affirmation, Noah grimaça. Pour la première fois, sa carapace d'assurance feinte se fissura et il entrevit l'inquiétude qui l'habitait. Il n'était pas le seul à être effrayé de la révélation qui allait suivre, Noah redoutait autant que lui l'idée de lui avouer ce que toute cette histoire signifiait.

- C'est peut-être là où j'ai omis de te parler d'un truc...

- Peut-être ? répéta-t-il alors que son cœur dévalait dans son ventre pour la troisième fois de la soirée au moins. Merlin...

- Calme-toi, eh, calme-toi...

- Parle, allez.

Instinctivement, il se redressa pour mieux lui faire face et Noah commença à raconter.

- L'Ordre m'a recontacté en octobre dernier... avoua-t-il sans tout à fait rencontrer son regard. Apparemment, ils avaient des preuves que votre mage noir était revenu là, et les choses s'accéléraient. On l'a bien vu cette année. Mais du coup, les mangemorts commençaient à grossir leurs rangs et l'Ordre avait besoin... d'une propagande ? C'est comme ça qu'on appelle la communication en temps de guerre, non ?

- D'une propagande ? Et ils sont venus te voir... ?

- Ouais... Je venais de démissionner du poste de rédacteur et de publier quelques articles assez...

- Vitriolés ? Virulents ? suggéra-t-il.

Une fois de plus, Noah grimaça. Ils avaient déjà eu des mots un peu durs l'automne dernier à cause de ça : Julian refusait de prendre des risques inutiles en menant une guerre des mots à sens unique, même si la Voix du Chaudron avait encore assez peu de résonance en Angleterre, mais Noah était resté campé sur ses positions.

- Voilà, on peut dire ça, consentit-il. Ils m'ont approché en me demandant si je serai d'accord pour réaliser quelques tracts. Rien de trop prenant, tout resterait bien sûr anonyme, mais c'était nécessaire pour les aider. Pendant la première guerre, ils avaient quelqu'un qui dessinait assez bien, mais ce n'était plus le cas et ils avaient aimé mes caricatures. (Il inspira profondément, comme s'il se jetait à l'eau). Et j'ai accepté...

- Oh Merlin...

Il l'avait vu venir depuis plusieurs secondes et pourtant l'admission le percuta tel un coup assené en plein thorax. La panique dû se lire sur ses traits car Noah embraya, visiblement désireux de tout lui expliquer maintenant qu'il avait commencé.

- L'hôtel était pour ça. C'était un point de rendez-vous, je retrouvais un homme là-bas qui fait partie de l'Ordre, continua-t-il sans lui laisser la possibilité de l'interrompre. Remus Lupin ? Il faisait le lien entre moi et l'Ordre, je n'étais jamais impliqué plus. On y restait quelques heures, le temps que je dessine plusieurs prototypes en fonction de ce qu'il me disait et des besoins de l'Ordre. Il emportait tout ensuite, je ne voyais le résultat final que le mois suivant. Ça pouvait prendre la forme de tract ou de brochures ou d'affiches qui circulaient dans les milieux clandestins.

Julian en resta sans voix. Le corps noué par l'angoisse, il laissa le choc l'envahir par vague puis reflouer, le temps d'appréhender tout ce que Noah venait de lui dire. Sans un mot, ce dernier lui tendit la pochette qu'il avait ramené. A l'intérieur, des dizaines de feuilles venaient cohober son histoire : il y avait des tracts effectivement, la plupart arborait un phénix aux ailes déployés, symbole d'espoir dans un monde où les ténèbres gagnaient du terrain. La plupart des brochures n'avaient pas de subtilité non plus, mais il supposait que ce n'était pas ça que recherchait la résistance : il fallait du concret, du direct, du percutant. Et Noah était toutes ces choses-là.

Le problème, c'est que Julian le voyait partout dans chaque coup de crayons. Les dessins avaient beau eu être retravaillés à l'impression, colorisés, et parfois même mis en mouvement par la magie, il aurait reconnu le trait de Noah partout. Or, s'il pouvait le reconnaître, qui d'autres y parviendraient ?

- Noah... murmura-t-il. Et si les mangemorts comprennent... ?

- Comment est-ce qu'ils pourraient ? Je n'ai pas signé avec la signature du Perroquet Noir, je n'ai rien mis qui puisse m'identifier.

Il le dévisagea.

- Tu plaisantes ? Ton style ! Bon sang, Noah, ton style !

- Que tu arrives à reconnaître parce que ça fait dix ans qu'on dessine ensemble et que tu as un œil d'artiste, Jules, objecta-t-il avec patience en glissant une main sur son genou. Et ça te paraît tellement évident que c'en est flatteur, mais je te jure que ça ne l'est pas.

Le touché l'électrisa. Pendant un instant, il en perdit même sa voix, juste concentré sur la chaleur de sa main contre son genou, même à travers le jogging. Il ne prit conscience qu'à cet instant qu'il était frigorifié. Noah parut le remarquer car un rictus joua soudain sur ses lèvres.

- Ca serait pas mon t-shirt, ça ? fit-il, provocateur.

Julian se sentit rougir.

- T'as pas le monopole des Rolling Stones à ce que je sache... répliqua-t-il pour garder la face.

- Non, mais ça reste mon t-shirt Jules.

- Oh tais-toi.

Amusé, Noah se mit à rire, se moquant clairement de lui cette fois-ci. Puis, il remonta sa main pour prendre la sienne et le tira vers lui. Julian ne chercha pas à protester. Le corps lâche, il se cala contre le torse de Noah et se laissa envelopper dans une étreinte, véritablement épuisé.

- Pourquoi tu m'as rien dit... ? souffla-t-il alors que la pression retombait sur ses épaules et parce que c'était maintenant la question qui l'obsédait.

Noah ne répondit pas tout de suite. Il pesa vraisemblablement ses mots avant d'expliquer, la voix basse :

- Parce que j'avais peur que tu paniques, que ça te bouffe le cerveau... Techniquement, ils ont hésité à te demander aussi mais Lupin m'a dit qu'ils avaient renoncé à cause de ta position à l'IRIS. C'était trop risqué... Et j'aimais pas l'idée que tu sois pas au courant, mais je savais aussi que tu le vivrais mal...

- Alors tu m'as menti à la place ?

Il détesta la vulnérabilité qui filtra dans sa voix, mais ne réussit pas à l'endiguer.

- Je suis pas connu pour mes bonnes idées, non ? reconnut Noah. Mais t'étais déjà tellement stressé par plein de choses... L'évasion de Jugson, te confronter à Simon en classe... J'avais peur que si je te disais ce que je faisais pour l'Ordre, ça ravive...

Il laissa la fin de sa phrase se perdre dans le silence. C'en était presque ridicule tant ils savaient très bien tous les deux le fantôme qui flottait au-dessus de cette conversation.

- Tu peux le dire, tu sais... fit-il, une pointe d'amertume dans la voix.

- Jules...

- Parce que c'est ça non ? T'avais peur que ça ravive le fantôme de Matt ?

Noah soupira avant de déposer un baiser sur le haut de son front et de resserrer son étreinte.

- Je suppose, oui... admit-il.

Julian hocha la tête. En un sens, il comprenait. En octobre dernier, il aurait sûrement pris la nouvelle d'une toute autre manière et aujourd'hui était encore différent. Le soulagement se mêlait à l'inquiétude dans une myriade d'émotion étranges. Il aurait dû crier, maintenir sa colère plus longtemps face à ce mensonge par omission qui avait duré littéralement des mois. Au fond de lui, il sentait bien que sa confiance en avait pris un coup, mais il n'arrivait pas à s'y accrocher. Il avait tellement voulu une autre explication que l'hypothèque à laquelle il avait d'abord songé que les choses ne paraissaient plus si terribles. A choisir, il préférait les tracts de résistance à Joséphine Abbot ou un homme sans visage... C'était irrationnel mais c'était ainsi.

Ça ne signifiait pas qu'il ne lui en voulait pas, c'est juste que ce n'était pas la chose primordiale pour le moment. Non, pour l'instant, il songeait plutôt à lui faire comprendre ce qu'il ressentait. Après tout, ils avaient conscience tous les deux du fantôme présent et Julian sentait plus que jamais les images de ses cauchemars les plus récurrents s'agiter sous la surface. Fatigué, il s'enfonça un peu plus contre Noah jusqu'à entendre son cœur battre, puis murmura :

- J'y arriverai pas, Noah... si je devais te retrouver un jour dans l'escalier avec la marque des Ténèbres au-dessus de l'immeuble, j'y arriverai pas... tu peux pas me demander...

- Eh, non, non... ça arrivera pas, tu m'entends ?

- Tu peux pas le savoir.

- Fais-moi confiance, Jules, ok ? Je te promets d'être prudent. Mais on peut pas juste rester sans rien faire, tu l'as dit toi-même quand Dumbledore est venu.

C'était vrai, il l'avait dit. Il l'avait même encore pensé pas plus tard que ce soir en parlant avec Maureen et en voyant les larmes de détresse de Becky Linford. Elles étaient en vie, elles. Elles avaient le droit à un monde meilleur où elles pourraient passer un examen sans avoir la peur au ventre. Ça ne signifiait pas qu'il ne se rongerait pas les sangs en s'inquiétant pour Noah, mais ils devaient le faire... Ensemble. C'est ce que Matthew aurait voulu.

- D'accord, ouais... souffla-t-il. Je comprends. Mais plus d'hôtel, c'est clair ? Tout ici, à l'atelier. Je ne veux plus être mis à l'écart.

- Promis, s'empressa d'accepter Noah, visiblement soulagé. Et vraiment, je suis désolé. J'aurais dû t'en parler.

- Hum... et désolé pour ce que je...

- C'est bon, on en parle plus.

Il savait malgré tout au fond de lui que Noah était vexé de l'accusation qu'il lui avait jeté au visage, mais il ne pouvait rien dire. Pas avec ce qu'il lui avait-même caché. Mais au moins pour ce soir, ils allaient bien, et c'est tout ce qui comptait. Ils restèrent dans les bras l'un de l'autre plusieurs minutes, en silence, juste à profiter de la présence de l'autre quand Noah décida de le briser :

- Eh Jules ?

- Oui ?

Il leva les yeux vers lui.

- Je t'ai dit que ça me faisait de l'effet quand tu portais mes fringues ?

Pris par surprise, Julian renversa la tête en arrière dans un éclat de rire. Sur un coude, il se redressa aussitôt pour être à la hauteur de Noah et celui-ci fondit sur ses lèvres. C'était sûrement psychologique, mais ce baiser eut un goût différent, et il sentit une chaleur familière naître entre ses jambes lorsque Noah le tira sur ses genoux. En réponse, il enfouit ses mains dans ses boucles. Ce soir-là, ils restèrent sur le canapé et ne remontèrent même pas dans leur chambre. Ils n'auraient pas pu se détacher l'un de l'autre s'ils l'avaient voulu. 

***************************************

Verdict ? ^^

Je suis trop contente de vous livrer ce premier bonus, on a tellement brainstormé notre univers partagé que c'est presque étrange de le voir maintenant se déployer enfin. Surtout, ça fait presque un an que je parle avec elle de Julian et Noah adultes et elle m'a donné une parfaite excuse d'enfin les écrire haha ! 

Plein d'informations un peu spoiler pour vous sur leur avenir, mais vous auriez fini par le savoir ^^ Oui, Noah et Joséphine travaillent ensemble ! Ca fera d'ailleurs l'objet d'un autre bonus, mais aucune date de sortie n'est pour l'instant prévue. Oui, Noah s'est engagé dans l'Ordre pour faire des caricatures/tracts de résistance (lors de la première guerre, c'était le rôle de Peter, mais on se doute que ce n'était plus envisageable *rahhh*). Et oui, le Nolian est endgame, vous pensiez vraiment que je pourrais faire autrement ? Ce n'est même plus un spoiler à ce stade haha ! 

Par contre, s'il vous plait, PAS DE SPOILER dans les commentaires sur les autres histoires. Genre, dans La dernière page, n'allez pas dire que Jo devient journaliste dans les com', ça spoilerait ceux qui ne me lisent pas en parallèle. Gardons la surprise pour tout le monde. (Sinon, Perri vous arrache la tête, vous connaissez le refrain). 

En tout cas, hâte de vous livrer la suite, elle arrivera au fur et à mesure en parallèle des chapitres de Perri et de mon rythme d'écriture, mais j'espère que l'idée continuera à vous plaire ! Et encore un énorme merci à Perri au passage, vraiment je m'éclate à élaborer tout ça à tes côtés et tu es ma plus grande source de soutien. Eternellement reconnaissante ! 

Voilà voilà ! Le paroxysme de l'univers partagé est arrivé... d'ailleurs, vous avez noté la référence du titre global du bonus ? ^^ 

A la prochaine ! 

Continue Reading

You'll Also Like

20.6K 2.5K 38
[INUI X OC] - Laisse Takemichi, elle veut juste faire sa princesse. La phrase de trop, pour cette fille de fort caractère. Dommage pour elle, lui aus...
35.2K 2.2K 76
Dans l'éclat des projecteurs, deux cœurs s'entrelacent, L'une comme une sœur, l'autre avec amour, La première en tournée, la seconde à ses côtés, Mai...
53.5K 2.5K 86
Quand un simple dîner se transforme en déclaration de guerre, Zoé Parker se promet de ne plus se laisser avoir par le faux air charmeur de Jude Belli...
211K 7.3K 67
Les planètes n'étaient pas alignées en leurs faveurs, mais le destin à bien fait les choses.