ESTRELLA - BRAHMAN PARADISE

By joannaacnt

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« 𝐚𝐮𝐱 𝐞́𝐭𝐨𝐢𝐥𝐞𝐬 𝐪𝐮𝐢 𝐞𝐧𝐭𝐞𝐧𝐝𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐯œ𝐮𝐱, 𝐞𝐭 𝐚𝐮𝐱 𝐫𝐞̂𝐯𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐚𝐮𝐜𝐞́𝐬. »... More

PLAYLIST
NOTE DE L'AUTEURE
prologue
chapitre 01
chapitre 02
flashback
chapitre 03
chapitre 04
chapitre 05
chapitre 06
chapitre 07
chapitre 08
chapitre 09
chapitre 10
flashback
chapitre 11
chapitre 12
chapitre 13
chapitre 14
chapitre 15
chapitre 16
chapitre 17
flashback
chapitre 18
chapitre 19
chapitre 20
chapitre 21
chapitre 22
chapitre 23
chapitre 24
chapitre 25
flashback
chapitre 26
chapitre 27
chapitre 28
chapitre 29
chapitre 30
chapitre 31
flashback
chapitre 32
chapitre 33
chapitre 34
chapitre 35
chapitre 36
chapitre 37
chapitre 38
chapitre 39
chapitre 40
chapitre 41
chapitre 42
chapitre 43
chapitre 44
chapitre 45
chapitre 46
flashback
chapitre 47
chapitre 48
chapitre 49
chapitre 50
chapitre 51
chapitre 52
chapitre 54
chapitre 55
chapitre 56
chapitre 57
épilogue
REMERCIEMENTS

chapitre 53

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By joannaacnt

Lewy

-Tu es sûr que tu peux conduire ? A chaque fois que je te regardais tu avais un verre à la main.

-Ca fait déjà plus de deux heures qu'on est dans cette voiture, et vu l'activité physique que c'est, tout l'alcool est redescendu.

Alyah boucle sa ceinture et me jette un regard en coin, amusée.

-Tu es fatigué ?

-Non. Je vais juste chercher des affaires, et on va continuer toute la nuit Perez, tiens-toi prête.

Je la vois sourire et séparer ses cheveux pour faire des tresses. Sa queue de cheval bien lisse n'a pas fait long feu, que ce soit à cause de la chaleur ou de mes doigts.

Rien que de repenser à ça, j'ai envie de lui sauter dessus.

Sincèrement, je ne pensais pas que c'était possible de désirer quelqu'un à ce point. Une envie brute, folle, qui me retourne le cœur et l'estomac à chaque fois que je la vois.

Le pire, c'est que ce sont ses sourires qui m'excitent le plus.

Je commence à penser que je la veux depuis bien trop longtemps, et que mon corps veut rattraper toute la frustration de ne pas l'avoir eu avant, quand elle me détestait car j'étais un vrai connard.

Je peine à me l'avouer, mais même quand elle m'énervait au plus haut point, une part de moi avait qu'une envie ; lui arracher ses vêtements amples, pour voir ce qu'ils cachaient.

Ces envies se sont faites plus forte une fois que nos cœurs se sont rencontrés. Maintenant qu'elle est là, je n'arrive pas à me lasser d'elle.

Pressé de remettre ça et de sentir son corps bouillant contre le mien, je prends la route pour rentrer chez moi, chercher des affaires et nous amène à mon chalet. On sera bien mieux là-bas.

-Swann rentre avec qui ?

-Il est déjà rentré, avec Marylou.

-Tu n'es pas sérieuse ?

-Il est intenable. Je ne pourrais plus jamais regarder Lou en face.

-Tu m'étonnes.

Mes yeux se perdent sur elle, ses tresses faites, elle joue avec le bout. Sa robe lui remonte jusqu'au haut de ses cuisses, laissant sa belle et douce peau dénudée, peau qui ne demande que ma bouche, que mes mains.

A défaut de pouvoir le faire en conduisant, je pose ma main dessus, et remonte délicatement pour l'embêter. Son sourire se transforme vite en rire, et elle décale ma main.

-Concentre toi sur la route Jones, je veux rentrer en vie.

Elle entremêle ses doigts aux miens en me lançant un regard tendre, avant de détourner rapidement les yeux.

Je la trouve si belle. Si douce.

J'ai tellement de chance de l'avoir à mes côtés, au fond, je sais que je ne la mérite pas. C'est celle qui me faut, et je sais que jamais je ne trouverais mieux, mais elle, c'est tout le contraire.

Elle ne le sait pas encore, mais elle ne devrait pas rester. Elle mérite la lumière, la paix, la douceur d'une âme tranquille et non brisée comme la mienne. Je peine à le dire, mais je sais que je ne serais jamais à la hauteur de cette perfection.

Elle mérite tout sauf ce que je suis.

-J'en ai pour cinq minutes, dis-je en sortant de la voiture.

-Je viens, je vais me faire pipi dessus.

Nous montons donc tous les deux rapidement chez moi, pressés de repartir se trouver seul et au chaud. Je tourne les clefs dans la serrure et ce que j'entends quand j'ouvre la porte me glace le sang, et me propulse une montagne d'angoisse dans tout mon corps.

Normalement, personne n'est censé être là.

Mais mes parents sont bel et bien ici. Je devrais partir tout de suite au vu de leur cri, mais les pleures de ma mère m'en empêche. De toute manière, Alyah est déjà partie devant moi, alertée par ce qui est en train de se passer.

Je me stop net en arrivant dans le salon.

Salon qui ne ressemble d'ailleurs plus à rien. La télé est cassée, les vases sont brisés. Ma mère est en larme, et mon père complètement ivre.

Quand je dis ivre, c'est ivre à en faire peur.

Une scène d'horreur, tout simplement. Le chaos.

Une peur noire m'envahit tout de suite, me rappelant de quoi il peut bien être capable dans ces états-là. Me rappelant à quel point il peut se montrer violent, que ce soit dans ses mots ou dans ses coups, car l'alcool ravive les vieilles blessures.

Dans ses yeux qui se posent sur moi, je vois toute la haine qui pourrait se transformer en danger.

Je l'ai souvent vu bourré, mais ce soir, des ondes menaçantes émanent de lui. Il est furieux. Ma mère a dû le voir aussi, car elle est terrifiée. Je la vois d'ici son corps trembler d'angoisse et d'impuissance, face à l'ombre de son mari en train de se bruler dans les ténèbres.

Mon père nous regarde, Alyah et moi.

Alyah qui s'est déjà mise devant moi, dans un geste réflexe de protection.

C'est là que je comprends que je suis fou amoureux de cette fille.

En plein chaos, je me rends compte des sentiments puissants que j'ai pour elle, cette fille qui ne peux pas s'empêcher de me défendre elle, alors que je peux très bien le faire tout seul. Mais c'est un automatisme chez elle, prendre soin des autres. Les protéger. Parfois, j'ai l'impression qu'elle ne vit que pour ça, comme pour se rattraper de ce qu'elle n'aurait pas pu faire avant.

Je me demande qui elle n'a pas pu protéger.

-Christian...

Dans la voix de ma mère, j'entends des supplications quand mon père se rapproche vivement de moi. Il contourne Alyah si vite, me lance son regard le plus brutal et voilà que ses phalanges s'écrasent sur ma joue.

Le coup est si violent, rempli de colère, rempli de désespoir. Ce poing, il y'a longtemps qu'il rêvait de me le mettre une nouvelle fois.

Il était si fort que je me retrouve au sol, et mon père se jette sur moi, fou de rage. Je m'en prends un deuxième, puis un troisième.

Mais c'est comme si je ne les sentais pas, car ce n'est rien aux coups que reçois mon cœur.

C'est fou, dans son regard je vois à quel point il me déteste, à quel point son envie de me détruire est puissante. Dans ses gestes, je sens comme il me hais, mais surtout, à quel point il souffre.

Presque, je me laisse faire.

Ma mère hurle, et avec l'aide de Alyah, elles soulèvent mon père loin de moi. En me relevant, je passe un doigt sur ma lèvre, dont le sang dégouline.

Ce regard froid et cruel me toise, alors que ma mère tente de le calmer. Bordel pourquoi c'est Alyah qui le regarde avec autant de haine et pas elle ? Elle aura beau tout essayer, elle restera toujours de son côté malgré tout.

Et j'aurais beau la détester, je la comprendrais toujours de ne pas me protéger.

-Christian je t'en supplie calme toi.

-Christian je t'en supplie calme toi ?! hurle Alyah sur ma mère. C'est une bonne gifle que vous devriez lui mettre ! 

C'est comme si elles n'étaient pas là, leur voix me vient de loin. Je suis pris dans le regard douloureux de mon père, il n'y a plus que ça. Nous deux, dans notre haine.

Dans notre souffrance sans fin, qui nous liera à jamais.

Malgré sa femme en larme autours de son cou, il est hors de contrôle. En une fraction de seconde, je suis contre le mur, et mon père entoure mon cou de ses mains.

Je n'ai pas les mots pour dire la douleur qui me transperce. Il n'y a pas de mots, tout simplement. C'est une sensation qu'on ne peut décrire, car la souffrance engendrée dépasse tout entendement.

Aucun mot n'existe pour représenter cette sensation qui me brule les entrailles, pour décrire le regard de cet homme qui me toise comme si j'étais le diable en personne.

On ne peut décrire la violence d'un père qui nous déteste.

Alors que mes yeux plongent dans les siens, rouges d'alcool et remplis de haine, la lame qui se pose sur son cou me fait froid dans le dos et dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer.

Mon père la sent aussi, car son expression change du tout au tout.

-Si tu ne l'as pas lâché dans deux secondes, je te l'enfonce dans la gorge.

Ma mère pousse un cri et tombe dans le canapé, horrifiée par la scène qui part totalement en vrille.

Moi, je fixe Alyah observer mon père avec une rage si violente, et à la fois si calme. Ça me glace le sang. Elle fait ça dans la plus grande des tranquillités, comme si c'était une réaction normale pour elle.

Comme si menaçait quelqu'un d'une arme n'était rien de plus qu'un rituel.

A cet instant, je ne la reconnais pas. Ce n'est pas ma Ly.

Bordel, déjà pourquoi a-t-elle un couteau sur elle ? Exactement comme Swann aux courses.

Mon père ne cherche pas à polémiquer, il lâche mon cou et s'éloigne lentement de moi sous le contrôle du couteau de Alyah, avec les mains en l'air. Mais ses yeux ne me lâchent pas pour autant.

Ma mère se précipite sur eux, et Alyah retire enfin son couteau, mais ne le range pas pour autant, surement pour lui montrer qu'elle n'hésitera pas à l'utiliser une seconde fois.

-Christian mon dieu, calme-toi !! Qu'est ce qui t'arrives !! Ne recommence plus jamais ça !!

Maman pleure et continue de crier, mais mon père ne l'écoute pas. Il me regarde, moi et seulement moi. Son fils qui pisse le sang à cause de lui, son fils qu'il déteste tant.

Comme je le dis toujours, la véritable force, ce sont les mots.

Et c'est pour cela que mon cœur lâche quand il prononce cette phrase qui ne m'avait pas dit depuis très longtemps. Du moins pas aussi explicitement.

-Tu as tué ma fille, petit enculer, et tu te plain de deux trois droites dans ta gueule ? Je devrais te tuer, je vais te...

Il fait un pas en avant, mais Alyah lui fout une nouvelle fois son couteau sous la gorge, dans une rapidité monstrueuse. Sans aucune hésitation, même après avoir entendu ça.

Puis un grand silence s'abat sur nous.

Un silence lourd de notre passé, de nos rancœurs et de notre douleur. Un silence que je ne supporte pas.

Ses paroles sont si violentes, que j'en reste cloué sur place. J'entends les battements de mon cœur raisonner dans mes oreilles, si fort que je crain qu'il explose. C'est la seule réaction physique que j'ai. Le choque de ses mots me fait le même effet qu'il y'a des années, je suis sidéré. Elles laissent un vide en moi, comme si elles venaient de m'arracher un morceau de mon âme déjà presque absente.

S'il venait me planter un couteau dans le cœur, je ne bougerais même pas.

Son regard est trop lourd, et dans ce silence glacial, je le contourne et commence à m'en aller.

Je ne peux plus rester ici, si je ne pars pas, je crains de mourir sur place. Les murs se referment sur moi, mais ce n'est rien comparé à la tristesse qui me compresse. Sans hésiter Alyah part pour me suivre, mais mon père lui attrape violement le bras.

-Toi sale garce, je vais découvrir qui tu es réellement.

Je fais demi-tours au moment même où sa main se pose sur elle, pris d'une colère noire, et lui arrache violement de sa poigne.

-Repose tes sales mains sur elle et je jure de commettre un homicide volontaire cette fois.

J'attrape la taille d'Alyah pour la faire avancer, et décide qu'il est temps pour nous de quitter cette maison de fou, remplie d'horreur et de haine.

-Lewy attends-moi !

Derrière moi dans les escaliers, elle me supplie de ralentir, alors que je n'ai qu'une envie ; m'en aller, loin, très, très loin.

Sans personne.

Sans elle.

Dehors, le frai ne refroidit même pas mon corps bouillant de rage.

Je marche, sans savoir ou aller ni pourquoi je fais ça, alors que je sais que je ne sèmerais pas Alyah. Je dépasse ma voiture, mais elle s'impose devant moi sûre d'elle. Elle pose ses deux mains sur mon torse fortement, pour m'empêcher d'avancer plus.

-Lewy.

Je n'arrive plus à la regarder, plus maintenant qu'elle va savoir. Ce qui rendait si unique notre relation, c'est qu'elle ne savait rien de mon passé. Elle n'a aucune idée de mes erreurs, de ce que j'ai pu faire.

C'était un lien qui dépassait tout. Nos peines, nos malheurs, nos morts.

Ce soir, trop de question plane au-dessus de nous, elle ne pourra pas rester sans savoir.

Alors je ne la regarde pas, j'en suis incapable. Je sais qu'après tout ça, son regard à elle aussi changera.

Comme tous.

Quand elle comprendra l'horreur que je suis, elle ne me regardera plus avec toute cette tendresse. Une tendresse qui m'aidait à survivre.

-Lewy regardes moi, s'il te plait.

Je ne le fais pas, mais elle ne lâche pas l'affaire. Elle attrape mes poignets et me traine de force dans ma voiture. Cette fois je me retrouve côté passager, et elle s'installe à la place du conducteur.

Je comprends qu'une fois que le moteur vibre, ce qu'elle fait.

-Alyah...

-Tait toi, je t'ai déjà dit que je conduisais mieux que toi. Tu n'es pas en état de conduire.

J'aimerais lui dire qu'elle non plus, car je vois ses mains trembler sur le levier de vitesse. Mais je n'en ai pas la force. Je ne l'ai pas non plus pour lui dire qu'on risque de se faire contrôler. Mais ça m'est égal.

Alors je la laisse s'insérer sur la route, et à ma grande surprise, oui, elle conduit mieux que moi.

Tout le long du trajet se passe dans le silence, de toute manière les mots ne trouvent plus la capacité de sortir de ma bouche. Je fixe le paysage, envahie par des angoisses nouvelles.

J'ai tellement peur.

Je hais me l'avouer, mais je ne peux pas faire autrement ce soir.

Je ne veux pas perdre Alyah. C'est l'unique personne qui me donnait envie d'aller mieux, de sourire et de briller pour ne pas l'éteindre. Elle est ma seule motivation. Si je veux être heureux, c'est seulement pour être sûr de toujours pouvoir la faire rire et sourire.

Je ne veux pas qu'elle s'en aille, mais quand elle saura tout, elle ne me verra plus jamais pareil.

De temps en temps, elle passe sa main sur ma nuque, et ce contact qui se veut être réconfortant accentue encore plus la douleur. La douleur que son vide procurera en moi.

Trente minutes plus tard, nous voilà à mon chalet, sains et saufs, sans aucun contrôle routier. Nous avons eu de la chance je suppose.

Alyah a pris mes clefs, je ne l'ai même pas vu faire, et ouvre la porte de ma maison. J'entre, et cette fois ce n'est pas de la paix qui en ressort, c'est un supplice. Cette fois ma tête se met à tourner, ma vision se trouble, prise par tous les affreux souvenirs que possèdent cette maison.

Je me retrouve assis sur le canapé, poussé par je ne sais quelle force.

Les bruits derrières moi me rappelle que cette force n'était rien d'autre que Alyah, qui fait je ne sais quoi dans la cuisine.

Mon cerveau est en train de se déconnecter totalement du monde qui m'entoure, voilà ce qu'il se passe. Je me sens partir, alors je ferme les yeux, adossé dans mon canapé. Je les ferme si fort, en espérant que mes visions du passé disparaissent aussi.

Mais les souvenirs qui vous détruisent ont le don de toujours vous accompagner. Une sorte de malédiction, pour ne pas oublier le mal qui nous habite.

-Lewy.

Alyah s'est assise à côté de moi, je crois.

Quand je la regarde mes yeux ont du mal à y voir clair.

Mais sa main qui caresse ma joue est bien réelle.

-J'ai fait du thé. Tiens.

Elle a aussi allumé la cheminé.

J'attrape sa tasse chaude, et elle s'assoit à côté de moi, comme moi elle s'adosse au canapé et fixe ensuite le plafond.

Comme toujours, elle me laisse le temps de reprendre mes esprits.

Je ne sais combien de temps il me faut, mais je sais que ça dure un petit moment.

Par je ne sais quel miracle je me redresse. Je passe mes mains sur mon visage puis dans mes cheveux, et essaie de me calmer encore un peu et d'empêcher mes mains de trembler.

Je me prépare à faire une des choses les plus douloureuses qui soit, mais quelque chose me pousse à le faire. Surement pour Alyah qui attend malheureusement des explications.

C'est surement une très mauvaise idée, mais je tire la table devant moi qui s'ouvre pour donner sur un tiroir, et en sort l'objet de torture d'une vie hantée par des souvenirs.

Je pose mes pieds sur la table et remonte mes genoux, pour poser l'album photo dessus, face à nous. Sans un mot, Alyah calle sa tête sur mon épaule et passe un bras en dessous du mien.

Je n'ai plus le choix, prêt ou pas, je vais devoir lui avouer la part la plus sombre de mon passé.

Alors je tourne les pages de cet album, et mon âme pleure. Mon cœur se tord.

J'ai juste envie de mourir.

Ce sont des photos de mes onze premières années, mes onze plus belles années. Les seules, avant que Perez rentre dans ma vie. Sur ses photos, ce n'est pas qu'elle que je revois, mais l'ancien moi. Le moi qui était encore heureux, et qui aimait encore la vie.

-Qui c'est ? demande Alyah en chuchotant.

Sur ces photos, je ne suis jamais seul. Je suis avec elle. Toujours.

-Lyviee.

Ma voix se brise sans que je la contrôle.

Je ne parle jamais d'elle. Son prénom est devenu une relique de mon passé que j'ai tenté d'effacer pour ne plus avoir mal. Comme si oublier m'aiderait à ne plus souffrir.

Comme si oublier était possible.

Je tourne encore les pages, et replonge dans les souvenirs que montrent les photos. Lyviee et moi à la neige, Lyviee et moi à la plage, Lyviee et moi dans notre air de jeu préféré, Lyviee et moi dans cette maison, sur ce canapé même. Lyviee et moi en train d'observer les étoiles, Lyviee et moi endormis l'un sur l'autre.

-Vous vous ressemblez.

-Nous étions des faux jumeaux.

Les doigts de Alyah entourent mon bras, je sens ses ongles s'enfoncer dans ma peau violement.

Il ne faut pas être un géni pour comprendre.

Je tourne encore et encore les pages, et me souviens du visage de ma sœur. Regarder les photos faisait partie d'une de mes règles incurables. Je me l'étais interdit. Je n'ai pas ouvert un album photo depuis mes quinze ans.

Comme je le regrette.

Comment ai-je pu ? Je commençais à oublier son visage, et je fermais les yeux. Je faisais semblant de l'accepter.

Mais que nous reste-t-il quand on oublie ? Je ne me souviens déjà plus de sa voix, comment ai-je pu envisager le fait d'oublier ses yeux ? Ses cheveux ? Ses énormes joues ?

Elle doit avoir si honte de ma faiblesse.

-C'est elle ? Ton étoile ?

Cette question me fissure entièrement. Je ferme les yeux pour ne pas pleurer. Je ferme les yeux en espérant ne pas les re ouvrir.

Elle, comme toujours ses yeux brillent quand elle attend une réponse.

-Oui.

-Je suis désolée. Terriblement désolée Lewy.

Alors que je m'interdis de pleurer, elle le fait à ma place.

Elle a beau faire semblant et dire le contraire, c'est une fille sensible. Au point de pleurer pour moi, alors que je ne le fais même pas.

J'ai arrêté de tourner les pages, le sentiment qui me prend est trop douloureux et m'empêche de respirer correctement.

Mais alors, doucement, Alyah le fait à ma place. Les pages tournent devant moi, mes yeux traversent les photos et je me retrouve pris dans mes souvenirs, je reviens à ces moments comme si j'y étais.

-Il ne faut pas oublier, murmure Alyah contre moi. C'est important de se rappeler d'eux.

-C'est dur.

-Je sais.

Elle continue, mais mon cerveau vrille quand nous arrivons à cette fameuse page.

Je vois le drapeau Mexicain, et mon premier réflexe est de balancer cet album. Il atterrit contre le meuble de DVD, dont certains s'écrasent par terre.

Alyah se fige contre moi, mais ne bouge pas pour autant, les mains toujours positionnées de manière à le tenir.

-Qu'est ce qui s'est passé Lewy ?

Je ne réponds pas, et sa main attrape la mienne.

-Qu'importe ce que tu me diras, je resterais avec toi.

-Certaines choses ne sont pas compréhensibles. Certaines choses ne sont pas supportables.

-Tout d'abord, je suis certaine que tu n'as rien fait de mal. Que ton père ne soit qu'un pauvre idiot qui te fait croire n'importe quoi. Et puis si c'est vraiment le cas, Lewy. Nous avons tous fait des choses affreuses. Moi la première. Je n'ai pas la capacité de te juger.

-Tout est ma faute. Tout ça, tout ça vient de moi. J'ai provoqué tout ça. Mon père a raison de me haïr, ma mère a raison de ne rien dire.

Elle se redresse et je sens son regard chercher le mien. Mais il ne lâchera pas le vide. Je ne peux pas la regarder.

-Lewy, explique-moi. Je veux savoir, dit-elle plus franchement.

Alors je respire un bon coup, intérieurement, je me prépare à la tempête qui va faire surface. Je lui dois bien la vérité, c'est Alyah après tout.

-Pour nos onze ans, nous sommes allés en vacances au Mexique. Tu vois, en regardant ses photos, seul l'amour en ressort, c'est normal. Mais tout était beaucoup plus compliqué. J'étais horrible. Lyly était ma meilleure amie, comme ma pire adversaire. C'était ma bouée de sauvetage, ma jumelle, mais aussi l'ombre qui m'empêchait de briller. Nous étions toujours collés, mais comme chien et chat, nous passions notre vie à nous disputer.

Je repense à toutes ces fois ou elle m'a arraché des touffes de cheveux, ou toutes ces fois ou quand j'allais trop loin, elle s'enfermait dans son armoire, son fameux coin secret, et pleurait à cause de moi.

Deux heures après, je finissais par la rejoindre, et nous regardions des dessins animés sur son lecteur dvd portable toute la nuit.

Ça finissait toujours bien. Sauf ce soir-là.

-Nous avions loués une petite maison au bord de la plage. Un soir, mes parents étaient sortis. Nous avions passé la soirée à nous disputer. Je lui ai dit des choses horribles Alyah.

-Comme tous les frères et sœurs, Lewy.

-Certes, mais ce soir-là. Ce soir la... Elle est partie se coucher, dans la chambre ou nous dormions. Moi je voulais dormir sur le canapé, face à la fenêtre pour regarder les étoiles. J'étais en colère contre elle, je ne voulais pas la voir Alyah. Je lui ai dit, je lui ai dit que je ne voulais plus jamais la voir.

Ses doigts serrent si forts les miens que je ne sens plus mon sang passer.

-Mes parents sont rentrés vers minuit. Ils n'étaient pas loin. J'ai fait semblant de dormir. Ma mère m'a embrassé, puis est allé voir Lyly. 

Je me coupe, et Alyah pose sa main sur ma joue pour essuyer une larme qui venait de couler sans que je m'en rende compte.

-Lewy, continue s'il te plait.

-Lyviee n'était plus là.

Ma voix se brise, je souffle pour me reprendre. Je souffle pour essayer de me libérer de ce poids, mais je n'y arrive toujours pas.

Il est toujours aussi violent, aussi lourd sur mes épaules, et il ne me laissera jamais.

-La fenêtre était ouverte, elle était partie. Elle avait laissé une lettre sur son lit, disant qu'elle allait prendre l'air, qu'elle ne voulait plus me voir non plus. Elle a écrit mot pour mot ; je fais ce que monsieur veut, je m'en vais. Et elle a fugué. Ma mère s'est mise à hurler, mon père est tout de suite sorti en courant dehors, faire le tour de la plage. Maman est vite allée le rejoindre. Moi, je suis juste allé prendre cette lettre, et je l'ai relu une centaine de fois en dix minutes.

Je frotte mes yeux qui se sont remplis de larmes sans que je me contrôle.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ?

-On ne l'a jamais retrouvé, voilà ce qu'il s'est passé. Nous avons retrouvé une veste à elle trois jours après, assez loin de notre maison. Puis, une de ses chaussures. La police mexicaine nous a parlé d'enlèvement, que c'était courant là-bas. Mais ils ne pouvaient pas en être sûr. Ça pouvait tout autant être un meurtre sur le coup, juste un fou qui a vu une petite fille et a pété un câble. J'étais assis derrière la porte de la chambre quand la police racontait ça à mes parents. Ils n'étaient que des tas de larmes, je n'ai jamais vu maman autant pleurer. Ils nous l'ont dit, peu importe ce qu'il s'est passé, Lyviee était morte. Il ne fallait pas espérer la retrouver. Pas ici. Pas au Mexique. Ils savaient de quoi ils parlaient. Le lendemain, j'ai passé la journée entière à Mexico pour essayer de la retrouver, mais mise à part une phobie de la foule, rien n'en a ressorti. Il y avait tellement de monde, et moi j'étais là, au milieu de ce tas, j'essayais de retrouver Lyv, alors que je savais que c'était foutu. J'ai fini par m'évanouir en plein milieu de la ville, trop sous pression.

Et au fond, j'espérais qu'un fou vienne me tuer ou me kidnapper, moi aussi.

Une fois l'aveu terminé, je me tais et reprend mon souffle, alors qu'Alyah n'a toujours pas lâché mes mains. Je me demande combien de temps elle va tenir sans que mon contact la brule comme il le fait avec moi-même.

-Et donc ?

Surpris, je la regarde enfin. Elle pleure, et pas à petite larmes. Ses joues sont inondées, mais ça ne la gêne pas plus que ça.

-Quoi, et donc ? je demande sans comprendre.

Son émotion est encore plus douloureuse, je sens mes larmes remontées à moi aussi.

-Et donc c'est pour cela que ton père t'en veux ? Dis-moi que tu te moques de moi Lewy Jones ?

-Non. J'ai tué sa fille Alyah.

-Mais tu n'as tué personne Lewy ! En aucun cas ce n'est ta faute, vous étiez des enfants. Des gamins ? Tu ne pouvais pas prédire ça ! Tu ne pouvais pas prédire que ta sœur nous taperait sa crise de pré ado pour une dispute ? Vous étiez des enfants, et tous les frères et sœurs se disputent. Tous les frères et sœurs se disent des choses affreuses. C'est normal, tu ne pouvais pas préméditer ce qui allait se passer.

-Alyah elle a fugué à cause de moi.

-Mais tu n'es pas responsable de sa mort ! Tu étais un bébé ! La méchanceté c'était normal à cette époque, tous les enfants sont horribles car ils ne connaissent pas encore l'impact des mots. C'est ignoble que ton père remette la faute sur toi Lewy, dit-elle d'un ton dur. Ce n'est la faute de personne !

Elle ne respire presque plus, et la colère lui monte réellement.

-Remettre la faute sur un enfant de onze ans, mais... c'est ignoble. Et le pire c'est que tu y crois. Ton père est une merde Lewy, et j'en suis une aussi car je suis nul pour réconforter les gens, je suis tellement désolée.

Elle se lève d'un coup et fait les cent pas devant moi, en se tripotant les tresses.

-Mais ce n'est pas ta faute Lewy, tu étais un enfant. Ça ne devait être qu'une simple dispute, comme tout le temps. Tu ne l'as pas poussé à partir, c'était sa décision. Ton père a réussi à te faire croire ça, Lewy, mais tu n'es pas responsable de sa disparition. Ni de sa mort. Tu n'as rien fait de mal, à part une bêtise d'enfant de onze ans.

Elle s'agenouille en face de moi et attrape mes mains tremblantes.

-Tu sais, plus tu t'en voudras, plus elle s'en voudra aussi, dit-elle plus doucement.

J'arque un sourcil, et elle déglutit, nerveuse. 

-Tu imagines à quel point elle doit s'en vouloir elle aussi Lewy ? Elle est partie sans aucun doute de la tournure que ça prendrait, car elle aussi, ce n'était pas sa faute. Elle n'a pas réfléchi, car a onze ans tu ne le fais pas. Elle a écrit mot pour mot que c'était ta faute. Tu imagines ce qu'elle doit penser d'elle ? Elle doit se dire que si tu es comme ça, c'est simplement à cause d'elle. Lyviee ne pourra pas reposer en paix tant que tu ne comprendras pas que ce n'est pas toi qui as fait ça.

-Je l'ai poussé à s'en aller...

-Tu ne pouvais pas savoir qu'elle ferait quelque chose comme ça. Ce n'était pas le but. Je te le répète, c'étaient des disputes de frères et sœurs, comme tout le monde en a. Combien de fois j'ai dit à Yael que j'aimerais le voir mort ? Tu n'as pas idée des choses horribles que j'ai pu dire aussi. On l'a tous fait, et on le fera encore. Car c'est ça les relations fraternels, c'est de l'amour à la haine. Cette nuit-là Lewy (elle sert encore plus fort mes mains), elle a fait quelque chose de stupide et de dangereux, pour te faire souffrir comme tu l'as fait. Elle ne pouvait pas savoir qu'elle ne rentrerait jamais. Car vous étiez des enfants, qui n'avaient aucune conscience du danger des mots, et encore moins de ce monde.

Ma tristesse doit se refléter dans ses yeux, doit se propager sur elle, car elle est anéantie. J'en viens au point de me ressaisir juste car elle souffre pour moi.

Je me rends compte que je l'aime si fort, au point de vouloir tout comprendre, tout aimer, tout pardonner. Au point d'oublier mes peines, mes souffrances, pour elle seule.

Elle me donne envie de briller autant qu'elle, juste pour être sûr de la mériter.

Alors quand je la vois aussi triste à cause de mon malheur, je m'en veux. Je ne veux pas que ma noirceur empiète sur sa lumière, alors je me dois de la faire briller comme elle le fait.

-Alyah... pourquoi tu pleures ? je demande en essuyant les larmes qui coulent sur sa joue.

-Car c'est monstrueux. Tu as perdu ta sœur jumelle, et en plus de ça ta propre famille t'ont mis sa mort sur le dos ? C'est affreux, je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi cruel, et crois moi Lewy, j'en ai vu des choses. J'en ai vu.

Je retiens sa dernière phrase. Je n'en doute pas, et je commence à me poser des questions sur sa vie. Elle aussi ne me dit pas tout. Mais ça, on verra plus tard.

-J'ai des frères, je sais ce que c'est cet amour fraternel. Imaginer un seul instant les perdre... déjà je ne le supporterais pas, et qu'on me rabâche que je les ai tués ? Dios mio... c'est tellement affreux. Comment tes parents ont-ils pu faire ça ? Personne n'est responsable de la disparition de Lyviee, mais eux en tout cas, ils sont responsables de ta souffrance.

-Je suis responsable de la leur.

-Je ne veux plus jamais t'entendre dire ça. Lewy, dit-elle en s'asseyant à côté de moi. Si je dois te répéter chaque jour que ce n'est pas ta faute, que tu n'as pas à porter ce poids sur tes épaules, je le ferais. Je refuse de te laisser croire ça, je refuse de te laisser là-dedans. Ce n'est pas supportable, et je me demande d'ailleurs comment tu fais.

Je soutiens ses iris, qui ne me regarde sans aucune déception, sans aucune colère ni aucune outrance. Ses yeux me regardent, encore, avec douceur. Avec tendresse.  Ce sont toujours les mêmes, alors que tous les regards sur moi avaient changé, après ça.

Alors même que je viens de lui dire mon côté le plus sombre, le plus mauvais, elle serre toujours mes mains dans les siennes.

Elle pleure et souffre encore pour moi. Elle me sourit, encore.

Sa réaction me laisse sans voix, j'ai tellement été habitué à entendre des horreurs, et à refuser d'en parler avec ceux qui voulaient m'aider, que j'oubliais qu'on pouvait être de mon côté.

J'oubliais que c'était possible d'être soutenu.

Avant, je ne le voulais pas. Je ne voulais pas croire qu'on puisse ne pas m'en vouloir. Je méritais cette haine.

Mais la sincérité de cette fille renverse toujours la tendance. Je ne sais pas le pouvoir qu'elle détient, mais tout ce qui vient d'elle est différent. Elle fait tout basculer.

Face à sa compassion si émotive, son empathie, la façon qu'elle a de partagé ma peine, je me sens moins mal et plus légitime à souffrir.

Avant je ne m'en accordais pas le droit, car je me voyais comme seul responsable. Mais ses mots donnent un sens à mes maux que je ne comprenais pas moi-même.

Elle passe un doigt sous mon œil, dont une larme allait s'échapper sans même que je m'en rende compte encore une fois, et elle me sourit.

-Tu es si fort Lewy. Maintenant je comprends pourquoi tu doutes à ce point de toi. Mais je n'ai rarement vu quelqu'un d'aussi incroyable. Moi, je me serais tué depuis bien longtemps. Tu as un courage sans failles, Jones. Lyviee serait tellement fière de toi...

J'attrape sa nuque et pose mes lèvres sur les siennes. Je l'embrasse de toutes mes forces, forces qu'elle me donne tous les jours de ma vie. Mon cœur qui saignait il y'a alors cinq minutes, retrouve des battements synchronisés. Lourds de sentiments pour elle.

Comme toujours ses mots ont un effet si fort sur moi, que l'embrasser devient la seule réponse qui pourrait lui exprimer ma gratitude. Dans ces baisers, j'espère qu'elle comprend à quel point elle provoque en moi une si grande explosion de nouveaux sentiments.

Ses mains entourent mes deux joues, et je suis pris d'un élan incontrôlable quand nos regards se croisent, brulant d'émotion.

-Je suis fou de toi Alyah. Je suis éperdument amoureux de toi.

Elle repousse mes limites, elle me fait découvrir des sensations et émotions que je n'avais jamais connues. Je ne peux pas lui cacher plus longtemps, pas après ça.

Je l'aime de tout mon cœur.

Je pensais qu'elle s'en irait, car c'est ce que je trouvais de plus normal, mais elle n'en a rien fait. Comme je l'espérais au fond de moi, elle, elle ne m'a pas abandonné.

Ça me tuait de l'avouer, cette peur de l'abandon.

Mais de la voir rester à mes côtés et ce soulagement qui m'a envahi, me force à le dire.

J'étais mort de trouille, et j'espérais trouver quelqu'un qui me dirait ces mots-là.

C'est elle, c'est Alyah.

Cette fille si spéciale n'est rien d'autre que mon étoile. L'étoile qui est venu me sauver, sauver mon âme souillée.

Elle en a recollé les bouts qui avaient volé en éclat, juste à l'aide de son sourire. Emprisonné dans la douleur depuis si longtemps, c'est ma lumière entre les barreaux qui a entendu mes appels à l'aide.

Elle est ma liberté.

Ses yeux se remplissent encore plus de larmes qu'avant, et elle continue de m'embrasser fougueusement. Comment, je ne sais pas, mais nous sommes maintenant allongés sur le tapis en fourrure blanche, juste à côté de la cheminée.

Pris par les sentiments, cette fois je lui fais l'amour. Je lui transmets mes sentiments et mon amour dans chaque caresse, dans chaque coup de rein. Entre larmes et gémissement, souffrance et amour, détresse et sureté, cette nuit, nos corps s'aiment, nos âmes tombent encore plus amoureuses.

Cette nuit, je veux qu'elle comprenne à quel point je l'aime.

Elle dort paisiblement à côté du feu, emmitouflée à moitié, nue, dans le plaide que je lui ai posé sur elle.

Moi, je suis en incapacité de trouver le sommeil. Je bois une autre tasse de thé, j'aurais pu prendre du whisky, mais l'alcool a assez gâché ma soirée.

Je caresse son dos nu et me calle contre elle. A côté de nous, au sol, traine toujours l'album photo que j'ai jeté violement tout à l'heure.

Peut-être car Alyah est à mes côtés, j'ai le courage de le reprendre. Je l'ouvre à la page ou nous nous étions arrêtés, nous deux à côté du drapeau mexicain.

Nous deux avec des tenues traditionnelles, avec des sombreros. Quand nous avions mangé des repas locaux, le soir impossible de dormir tellement nous avions mal au ventre.

Je me retrouve à sourire, et ça m'étonne moi-même.

Lyly me manque atrocement, et elle me manquera toute ma vie. Cette culpabilité que j'ai, malgré tout ce qu'on peut me dire, je l'aurais jusqu'au restant de mes jours. Elle ne pourra jamais me quitter, et ce peu importe le travail que je ferais sur moi-même.

Je le sais, elle est ancrée en moi, et je vais juste devoir l'accepter.

Mais peut-être qu'il est temps d'accepter que ce n'est pas réellement de ma faute.

Je refusais de l'entendre, je m'en voulais tellement. Mais peut-être qu'il est temps d'ouvrir les yeux, pour que Lyviee puisse reposer en paix. Alyah a raison, je n'ai pas pensé une seconde à ce qu'elle pourrait penser si elle pouvait me voir. Elle doit terriblement s'en vouloir aussi.

Au moins, nous partagerons quelque chose en commun toute ma vie.

Je referme l'album, aussi brisé qu'apaiser, et me lève pour enfiler juste une veste. J'attrape mon paquet de clope, et sort dehors m'assoir sur le palier, sur les escaliers.

Je lève la tête vers les étoiles, en espérant encore que quelque part Lyviee les regarde elle aussi. Je sais que c'est idiot, après tout ce temps, mais je ne peux pas m'en empêcher.

C'est l'espoir d'un gamin de onze ans, qui a besoin de retrouver sa sœur qu'il aimait tant.

Une partie de moi aime croire qu'elle est toujours en vie.

L'autre espère que c'est l'une d'entre elles qui brillent aussi fort, et qui veillent sur moi.

Dans tous les cas, j'ai besoin de ces étoiles. Pour continuer de m'accrocher à elle.

Des bruits de pas derrière moi me font revenir sur terre. Alyah passe un plaide sur mes épaules délicatement, et s'assoit contre moi en en prenant un bout. Elle baille, puis attrape ma main dans la sienne.

-Tu n'as pas dormi ? me demande-t-elle

-Non.

Il est bientôt six heures du matin, les oiseaux commencent à se réveiller et leur chant nous parvient de plus en plus. La noirceur du ciel au-dessus de nous se dissipe, pour bientôt laisser place au soleil.

En dessous, elle pose sa tête sur mon épaule, et se colle plus fort contre moi.

-Tu sais pourquoi je te détestais, au début ? je lui demande, prêt à passer aux aveux.

-Car j'étais meilleure que toi ?

-Un peu ouais, j'avoue, dis-je dans un sourire.

Je me tais, et elle sait que je n'ai pas fini, et me laisse continuer.

-Tu me faisais penser à elle. Tu lui ressembles sur beaucoup de point.

-C'est un compliment j'espère ?

-Bien sûr. Elle était tout le temps de bonne humeur. Elle rigolait tout le temps. Même quand j'étais horrible avec elle, elle me pardonnait et revenait me chercher. Elle prenait tout le temps soin de moi, comme si c'était la chose la plus importante à faire. Elle me tenait tête aussi, souvent. Elle savait me dire non et se laisser pas faire. En bref, elle était tout aussi incroyable, et chiante que toi. C'est la première chose que j'ai vu chez toi, et ça me rendait fou.

Pendant deux longues secondes, le silence est ma seule réponse. Elle ne dit rien.

Puis ses doigts se referment sur les miens.

-Je suis désolée de te rappeler Lyviee.

-Ne t'excuses pas. Surtout pas Alyah. C'est la meilleure chose qui a pu m'arriver.

Parler d'elle, rien que de penser à elle, fait battre de nouveau mon cœur. Je pensais que l'effaçait de ma mémoire était la solution, mais j'avais complétement tort.

Peut-être qu'en la faisant vivre dans mon cœur, je n'aurais pas sombré aussi profond qu'en l'oubliant.

Nous restons sur les marches du palier jusqu'à que le soleil commence à se lever.

J'ai toujours aimé les lever de soleil, mais je les aime encore plus quand Alyah est avec moi pour les regarder, et me serrer dans ses bras.

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