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By Afroheidi

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Son regard se leva vers l'astre nocturne, s'agenouillant sur le sol en pierre dans un silence religieux. Un s... More

Informations avant lecture de la fiction
Prologue - Mnémosyne
Chapitre 1 - Nouvelle vie à Eel
Chapitre 2 - Le Conseil
Chapitre 3 - Nom d'un crylasm
Chapitre 4 - L'Astral
Chapitre 6 - Ashkore
Chapitre 7 - Rejoindre les rangs de la Garde
Chapitre 8 - Fille de la Lune
Chapitre 9 - Première Mission
Chapitre 10 - Alliances et Secrets
Chapitre 11 - L'Ombre
Chapitre 12 - Fenghuangs, Fô et Dragons
Chapitre 13 - Âmes-Sœurs
Chapitre 14 - Lune de sang
Chapitre 15 - Cousins phoenix
Chapitre 16 - Illusion
Chapitre 17 - Submersion
Chapitre 18 - Prison corporelle
Chapitre 19 - Le bras droit de l'Ombre
Chapitre 20 - Le baiser du vampire
Chapitre 21 - S'appartenir
Chapitre 23 - Agonie
Chapitre 24 - Retrouvailles déchirantes
Chapitre 25 - Fantôme du passé

Chapitre 5 - Invasion

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By Afroheidi


Ses améthystes fixèrent le plafond de la chambre où elle s'était glissée pour la nuit. Une énième après sa première aventure avec Valkyon. La lunienne, depuis, avait enchaîné les partenaires de tous sexes, et de toutes races faëliennes. Son record personnel dépassait les codes de la société qui trouvait cela choquant qu'une femme ait autant d'aventures sans lendemain, tous les jours. À côté d'elle gisait son partenaire au corps rachitique, un elfe, plus jeune qu'elle et qui avait découvert les plaisirs de la chair avec la sulfureuse cendrée. Ça avait été court, mais distrayant. Il dormait à poings fermés, un bras entourant la taille de la jeune femme. Elle s'extirpa en douceur de cette emprise, Moody se l'était promis, et avait toujours énoncé ses règles : une seule fois. Aucun baiser. Pas d'attache. Le lendemain ils redeviendraient des inconnus.

La lunienne ramassa ses affaires pour s'habiller silencieusement dans un coin de la pièce, jetant un dernier regard à l'elfe dont elle avait déjà oublié le nom. Comme une ombre, elle quitta la chambre du jeune gardien pour se glisser dans le corridor des gardes. Une énième fois, elle avait pu profiter du luxe du quartier général. Moody se recoiffa prestement. Il ne fallait pas qu'elle reste ici trop longtemps, au risque de subir le gourou de Miiko. Pire encore, celui de Lance. Elle s'avança dans le couloir, escarpin à la main pour se glisser en silence hors du Q.G. Cependant, la cendrée se figea en apercevant une silhouette non loin d'elle, et qui sortait aussi d'une chambre en catimini. L'homme était tout aussi fautif, puisqu'il s'agissait de Nevra. Et qu'il s'était glissé dans les draps d'une recrue de la garde. Moody relâcha la pression autour de ses épaules pour continuer son chemin. Le vampire marchait devant elle, vers sa chambre, et se stoppa net afin de faire volte-face. Un sourire malicieux étira les lèvres pleines de la jeune femme lorsqu'elle croisa le regard du borgne.

« Tu n'as pas le droit d'être ici. Et de quelle chambre sors-tu ? Je ne pensais pas que tu ferais ça tous les soirs. Et au premier soir avec une personne à peine rencontrée. » dit Nevra d'un ton cinglant.

« Pourquoi ? Vous êtes jaloux parce que vous n'avez pas été le premier à avoir mon attention ? » rétorqua-t-elle, tout sourire.

Son ego avait mal digéré le fait que Valkyon fut le premier à découvrir le corps voluptueux de la lunienne. Elle s'en amusait, croisant ses bras sous sa poitrine pour en faire ressortir son décolleté pigeonnant. Il était si simple de capter son attention.

« Pour répondre à votre question : ça ne vous regarde pas. Mes petites aventures nocturnes sont des secrets qui appartiennent à la Lune. »

Elle fit un pas. Nevra lui barra le chemin. Moody arqua un sourcil. De sa main libre, le vampire déverrouilla une porte avec dextérité. Sa chambre. La lunienne retint un gloussement.

« Entre. On va discuter de ça. » dit le vampire en l'invitant à entrer.

Moody resta stoïque, un sourire malicieux au coin des lèvres. Nevra soutint son regard. La tension était si palpable entre eux que la jeune femme aurait pu se laisser tenter. D'après les rumeurs, le vampire savait y faire. Elle était curieuse c'est vrai, mais le petit jeu qu'ils avaient été bien plus excitants que ce qu'elle avait connu avec d'autres. Ne pas céder tout de suite.

« Sans façon. » déclina-t-elle poliment.

Nevra serra la mâchoire. Moody lui offrir un sourire lubrique en s'approchant de lui, effleurant du bout de ses doigts sa peau froide et légèrement rougit par des baisers fiévreux. Elle le sentit frémir sous ses doigts, contracter ses abdos alors qu'elle continuait ses caresses, un peu plus bas.

« Je ne passe pas après quelqu'un de médiocre. Je devrais être votre premier choix tous les jours. Et pourtant... Vous me remplacez si vite. C'est que vous ne me désirez pas tant que ça. » susurra-t-elle de sa voix suave.

Pour toute réponse, le vampire déposa une main aux creux de ses reins.

« Et puis, vous pourriez ne pas vous lasser de moi. Si on couche un jour ensemble : ce ne sera qu'une seule fois. » énonça-t-elle, frôlant le seul vêtement que portait le vampire.

« Tu es une sadique. » déclara le vampire, d'une voix rauque en la toisant.

« Et vous aimez ça. » rétorqua-t-elle, chaudement.

Ses améthystes observèrent le vampire, apercevant le bout de ses crocs contre sa bouche charnue. Elle avait éveillé, chez lui comme chez elle, ce feu ardent. Et elle ne voulait pas tout de suite céder à ses avances.

« Si vous voulez quelque chose, faites tout pour l'avoir. » susurra Moody à l'oreille pointu du vampire, après s'être mise sur la pointe des pieds.

La lunienne faisait exprès de se coller à lui. Il était si réactif. Prêt à craquer. Mais son ego d'homme voulait reprendre le contrôle.

« Tu as fait foirer mon coup à la taverne. Et crois-moi, quand je t'aurais attrapé entre mes doigts, tu te feras pardonner et tu regretteras de ne pas m'avoir choisi comme premier partenaire. » annonça Nevra, à voix basse dans le creux de son oreille.

Un sourire narquois se dessina au coin des lèvres de la cendrée. L'égo de l'homme pouvait être une arme redoutable dans la vengeance. Ses fameux doigts lui en feraient sûrement voir de toutes les couleurs. Mais c'est elle qui dominerait la danse. Et Nevra se laisserait volontiers faire. La lunienne se recula d'un pas.

« Si vous le dîtes. » provoqua-t-elle avant de le contourner pour continuer son chemin.

Le regard ardent du vampire lui brûlait le dos, alors pour toute récompense, elle souleva les pans de sa jupe pour lui montrer la chair blanche de ses fesses bombées. En entendant le grognement du vampire, elle eut un gloussement en disparaissant dans la nuit.

Ses pas la menèrent à son habitation miteuse, à laquelle elle avait fini par s'y habituer en la décorant à son goût. Des bougies, des pierres, des encens et une penderie garnie de vêtements. Elle s'assit lourdement sur son matelas en soupirant, demain il fallait qu'elle fasse de nouveau face aux rumeurs qui courraient les rues à son sujet. Et une fois encore, la lunienne saurait répondre à toutes ces joutes verbales. Son corps se laissa tomber en arrière et se mettre en position fœtale sous les rayons de la lune.

Depuis les quelques mois qu'elle vivait à Eel, Moody s'était fait une réputation qui lui passait au-dessus de la tête. La lunienne était devenue celle pour qui les hommes cédaient et qui rendaient les femmes jalouses jusqu'à ce qu'elle leur accorde à elles aussi du plaisir. On avait eu vent de ses petits jeux, chaque nuit. Chacun et chacune avait tenté leur chance, toutes races confondues. Et Moody leur avait offert gracieusement. Elle n'avait jamais dit non, et pour cause : elle en était devenue accro. Accro à cet attachement, cet amour éphémère. Cependant, la lunienne n'était jamais satisfaite du plaisir qu'elle ressentait. Le bonheur des uns passait avant le sien.

« M-Moody. » s'exclama d'une voix forte Purreru.

L'interpellée sortie de ses pensées, relâchant le minaloo qu'elle brossait. Elle adressa un faible sourire au félin avant de remarquer Purral à ses côtés.

« Tiens. Voilà le plus beau des Purrekos. » minauda la lunienne.

Purreru baissa la tête tandis que l'autre hérissait ses poils pour se donner une carrure plus imposante avant de lui donner un coup de baluchon sur le crâne. La cendrée fit la moue en se relevant.

« Je croyais que tu m'adorais, joli chat. » dit-elle.

« Ne prends pas trop tes aises ou il pourrait t'arriver des choses. » marmonna le roux.

« Tu penses que je ne sais pas me défendre ? » rétorqua Moody.

« Tu me menaces ma mignonne ? » gronda Purral.

Purreru rabattit ses oreilles en arrière, resserrant l'œuf qu'il avait entre les pattes contre son torse.

« P-Pas de di-dispute d-d-dans ma bou-boutique. » intervint ce dernier.

La lunienne glissa ses ongles sur le haut de son crâne puis épousseta sa longue jupe en reposant son regard sur Purral.

« Je te préviens simplement que je ne me laisserai pas faire. » Elle marqua une pause en jaugeant son homologue. « Que viens-tu faire par ici ? » finit-elle par demander.

« J'ai cru que tu n'allais jamais poser la question. » s'indigna le félin roux.

Moody leva les yeux au ciel, manquant de patience.

« Les familiers c'est cool. Mais j'ai trouvé encore mieux pour toi ma p'tite. Comme t'aime bien aider autrui, je me disais, que peut-être, t'aimerai bien bosser à l'orphelinat. »

La lunienne inclina son visage sur le côté, puis haussa les épaules avec indifférence. Elle n'avait rien contre.

« Tu commences cet après-midi ! » annonça Purral. « Ne me regarde pas comme ça, la main d'œuvre n'est pas des plus explosives, tout le monde semble fuir ces petits monstres. Mais on m'a rapporté que t'avais aidé le petit Mery, t'as déjà fait le plus dur. » argumenta-t-il.

« Mery n'est pas si infernal qu'on le dit. Et depuis quand tu m'espionnes ? » soupira la cendrée.

« Ordre de Miiko ma mignonne. Ça rapporte gros. Et puis, pas besoin de t'espionner, tu es le centre d'attention de la cité depuis ton arrivée. » expliqua le félin.

Moody serra la mâchoire, agacée. Quoi qu'elle fît dans cette cité, tout retombait dans l'oreille de la kitsune. Et cette dernière ne semblait pas vouloir lui donner la paix, surtout depuis son dérapage avec Valkyon. Elle soupira.

« Tu veux peut-être que je te signe un autographe pour te faire encore plus de pièces d'or ? » proposa, d'un ton sarcastique, la lunienne.

« Oh, si tu insistes ! » s'exclama honnêtement Purral.

Excédée, Moody tourna les talons pour se diriger vers une pièce qui renfermait les stocks de nourriture. L'air renfrogné, elle s'occupa de créer des minis trous noirs pour les enfermer dans des fioles à l'attention des homonculus de minuit. Son humeur était maussade et sa moue fermée trahissait ses émotions. Elle n'était ni en colère, ni frustrée. Juste agacée de ne pas être libre de pouvoir vivre la vie qui lui convenait pour le moment. De toute manière, quoi qu'elle ferait, elle serait suivie dans ses moindres faits et gestes. Miiko s'inquiétait pour la protection de son peuple, malgré ses consultations chez Eweleïn qui la déclarait inoffensive. La lunienne avait fini par se plier aux us et coutumes de ce peuple qui n'était pas le sien. Elle avait obéit aux demandes de la cheffe, détaillant les moindres pouvoirs qu'elle avait, les dernières choses qu'elle avait découvert sur ses pouvoirs, les faibles brides de mémoire qui lui étaient revenues.

« Moo... »

Purreru coupait une nouvelle fois le cheminement de ses pensées. Moody lui adressa un faible sourire.

« Je ne suis pas énervée mon beau, ne t'en fais pas. J'essaie d'avancer ton travail avant d'aller à l'orphelinat. » lui dit-elle d'un ton calme.

« M-merci pour tout ce que tu as fait pour les fa-familiers. » se confia le félin.

« Je continuerai à le faire, même si je passe la moitié de mon temps avec les enfants. Ce sont bien les seules choses qui me font plaisir ici. » confessa la cendrée.

Oui, c'étaient les uniques événements qui lui donnaient une raison de rester dans la cité. Et de ne pas craquer. Plusieurs fois, elle avait fait le tour de la cité pour s'en échapper, filer sous la vigilance des gardes. Mais Lune lui avait intimé de rester et comme une bonne disciple, elle l'avait écouté. Leiftan aussi étonnamment. Il faut dire que les deux se voyaient après le travail de la cendrée pour de simples balades. Un sourire se dessina sur ses lèvres, elle appréciait sa compagnie. En fin de compte, il n'y avait pas que du négatif dans sa nouvelle vie.

La lunienne se redressa de son tabouret pour finir les tâches dans la boutique des familiers. Elle salua le félin avant de sortir pour arpenter la ville en direction de l'orphelinat. C'était une vieille bâtisse près des jardins de la cité. Elle entourait un jardin de haut mur où l'on entendait les rires et les cris des enfants. Lorsque la lunienne pénétra dans le bâtiment, les enfants la regardèrent avec curiosité en s'arrêtant net dans leur activité de maülix et musarose.

« Une nouvelle maman ! » s'exclama l'un des bambins.

Et tous se précipitèrent vers la cendrée, surprise de cet assaut. Un rire lui échappa alors qu'ils l'entourèrent pour s'accrocher à ses jambes. La purrekos en charge de l'orphelinat fut horrifiée de voir un tel comportement de la part des petits garnements.

« Mais c'est pas une maman ! C'est Moody. » cria la voix fluette de Mery qui tentait de tirer ses camarades en arrière pour la sauver. « C'est elle qui a sauvé mon crylasm. »

« Oh ! C'est donc une héroïne ! » comprit une petite brownie bériflore.

Moody ne put s'empêcher de glousser en regardant la bande de bambin.

« Est-ce que tu es aussi une gardienne ? » demanda un autre enfant.

Tous la regardèrent avec de grands yeux, impatient de connaître toutes les réponses.

« Les enfants, laissez Moody respirer et retourner vous asseoir dans l'herbe pour suivre votre cours d'Histoire eldaryenne ! » intervint une voix un peu plus bourrue.

La lunienne leva son regard vers l'homme-licorne. Leiftan l'avait présenté à lui. Elle inclina respectueusement la tête vers Keroshane qui remontait ses lunettes sur le bout de son nez.

« Je suis navré. »

« Ce n'est pas grave. Ce sont des enfants. »

La licorne se contenta de lui sourire, les joues légèrement empourprées. A vrai dire, il était fasciné par la petite femme qui se tenait devant lui et remerciait l'Oracle silencieusement de l'avoir mise sur son chemin.

« Purral m'a dit que tu viendrais me donner un coup de main à l'orphelinat. Tu penses pouvoir gérer ? »

« Les enfants sont comme des familiers. Ou le contraire. Je saurais m'adapter. » lui sourit la lunienne. « Tu me fais une rapide visite pour que je prenne mes repères ? »

« Quel étourdi ! » s'exclama-t-il en se frappant le front.

Keroshane se râcla la gorge.

« Si tu veux bien me suivre. »

L'homme fut rapide et concis dans ses explications. Il fit visiter l'orphelinat tout en lui contant les tâches à faire dans une journée normale. Si on arrivait tôt le matin, alors on se devait de préparer le petit-déjeuner et réveiller les enfants avant de les amener à l'école. Les orphelins vivaient dans l'internat de la bâtisse, dans l'aile droite. Celle de gauche possédait les lieux de vie des enfants de la cité.

« C'est ici qu'ils jouent et étudient lorsqu'il pleut. Les plus grands s'occupent des plus petits. Nos orphelins sont plus autonomes. Certains plus cancre que d'autres. C'est quand ils ont atteint l'adolescence que les Purrekos se chargent d'eux pour leur offrir un travail et un toit. Nos objectifs à nous est de les éduquer et d'être des remplaçants aux parents qu'ils n'ont pas. » dit la licorne, un brin de voix triste.

Moody sourit faiblement. Le temps d'un instant, elle fronça les sourcils. Tout ce qu'elle connaissait de ses parents à ce jour n'étaient que leurs prénoms. Séléné et Máni.

« Alors, on leur donnera autant de connaissance et d'amour que nous avons. Même si sur ce premier point je n'ai pas grand-chose à apporter. » se dénigra-t-elle.

« Ne dis pas ça. Je suis sûr que tu pourras leur apprendre à s'occuper d'un familier, ce n'est pas quelque chose de facile. » la rassura Keroshane. « Et puis, tu sais... Leiftan croit beaucoup en toi. Je ne l'ai jamais vu comme ça avec quelqu'un d'autres. »

L'homme parut surpris le temps d'un instant.

« Enfin. Je ne t'ai rien dit. Il le fera sûrement ! » se reprit l'homme à lunettes.

Moody gloussa en secouant sa queue-de-cheval, emboîtant le pas de son congénère vers le jardin où les enfants étaient installés dans l'herbe pour suivre le cours d'histoire d'un vieux sylphe à la longue barbe blanche. Keroshane lui expliqua que pour ceux qui prenaient la relève du soir c'était d'assister les enfants à leurs devoirs, les laver, les nourrir et les coucher. Pour les plus jeunes, leur conter des histoires. Enfin pour l'équipe de nuit, c'était de faire une ronde, faire du ménage et faire peur aux monstres sous les lits. La jeune femme enregistra chacune des données avec un petit sourire, s'installant sur un banc pour contempler la petite assemblée.

Un nouveau flash passa devant son regard, elle crut défaillir, attrapant prestement le bras de son collègue, la bouche ouverte.

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Il n'y avait pas grand-chose à dire sur les premiers jours de vie de la petite déesse. Comme dans tout royaume, elle avait à sa disposition des nourrices et des servantes prêtes à s'occuper d'elle. Sa mère venait par moment la voir pour lui offrir le sein, son père venait lui conter des histoires sur la Lune. Lorsqu'elle fut en âge d'apprendre, et de comprendre le monde, elle se retrouva sous l'aile de Thot. C'était un dieu aux traits égyptiens, à la mâchoire saillante et aux yeux d'un noir profond. Telle était sa forme humaine, sa vraie nature arborait une tête d'ibis mais cela n'effrayait aucunement Moody.

Il offrait à cette dernière la sagesse et la connaissance. Elle était curieuse et pleine de vie, ne se lassant jamais des histoires de son maître. Attentive, elle buvait ses paroles sans jamais ne l'interrompre. C'était une enfant à la beauté resplendissante, autant que l'était sa mère. Séléné, déesse et reine de l'Olympe lunaire, était une femme splendide sous ses airs froids. Elle avait traversé de lourdes épreuves lors de sa vie, perdant son frère dans une noyade et son père dans une bataille. Elle avait été la femme de plusieurs hommes, les conduisant dans un sommeil immortel pour la plupart. Allait-elle suivre ses pas ?

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« Moody ! » s'inquiéta Keroshane, accroupi devant elle.

La jeune femme inspira bruyamment en posant une main contre sa poitrine, la gorge sèche.

« J'ai... J'ai besoin d'eau. » quémanda-t-elle.

Mery, qui avait été distrait, se chargea d'apporter un verre à la cendrée. Il la regarda avec des yeux apeurés.

« Est-ce que tu as besoin d'un nuage de sucre pour aller mieux ? » demanda le petit garçon.

La lunienne lui adressa un faible, mais tendre, sourire. Sa main ébouriffa les cheveux blonds du gamin avant qu'elle ne boive une gorgée d'eau.

« Ne t'en fais pas. Ne vous en faîtes pas. » dit-elle d'une voix rassurante. « Ce n'est rien. »

Il faut juste que j'en parle avec Leiftan. Un sourire se peignit sur ses lèvres charnues, les autres semblaient croire à son mensonge. Elle devra songer plus tard à ce qu'elle venait de voir et l'Etincelant serait sa meilleure oreille.

Le reste de la journée fila à une vitesse folle et lorsqu'elle sortit du bâtiment, son mentor l'attendait déjà en bas des marches. Moody s'empressa de dévaler les marches pour aller à sa rencontre. Leiftan pencha son visage sur le côté, la surprise se lisant sur son visage.

« Il faut qu'on parle. Loin de la cité. S'il te plaît. » dit rapidement la lunienne.

L'homme la sonda et hocha la tête.

« La plaine ? »

« La plaine. » ajouta-t-elle.

Il lui offrit son bras, et l'entraîna hors des murs de la cité. Moody soupira en relâchant la pression de ses épaules, baissant le regard sur le chemin qu'ils parcouraient pour se trouver au milieu de la plaine. Le blond l'observait du coin de l'œil, s'inquiétant pour sa protégée. Un tas d'émotions semblait traverser ses traits opalins.

« J'ai eu une nouvelle vision aujourd'hui. » annonça la cendrée de but en blanc.

Voilà ce qui la tracassait. L'étincelant posa sa main sur celle de Moody avec douceur, s'arrêtant dans sa marche pour la regarder avec plus d'intérêt. Elle ne parlerait pas plus que ça, il avait appris à la connaître. La lunienne soupira faiblement, resserrant son poing libre. Son regard se détourna lorsque Leiftan prit son visage entre ses mains avec délicatesse. Il lui caressa un instant les pommettes avant de dégager l'une de ses mèches rebelles qui tendaient à devenir violine. La lunienne aurait voulu fondre en larmes dans ses bras, mais elle ne voulait pas montrer cette faiblesse alors elle se dégagea de l'emprise de l'homme.

L'instant d'après, impuissant, Leiftan la regardait se défouler sur un pauvre rocher. Elle avait commencé crescendo en envoyant sa pluie d'étoiles blanches qui ne faisaient qu'effleurer le minerai. Puis, la lunienne avait joint ses mains pour les écarter, dévoilant une boule blanche, crépitante. Cette attaque fit plus de dégâts. Leiftan resta stoïque, les mains dans le dos, attendant patiemment que sa colère redescende pour discuter.

Moody se déchaînait, grognant parfois de frustration, s'épuisant petit à petit jusqu'à ce qu'une dernière offensive face sursauter le blond. Il n'avait pas prévu ce paramètre. La puissance et la forme de sa magie avaient évolué brusquement. Une sphère noire, plus grosse que les minis-trous noirs qu'elle offrait aux homonculus avait fendu l'air et avait fait disparaître le rocher. Il n'y avait plus qu'une trace humide, là où avait été élu la demeure du minéral. La lunienne se laissa tomber à genoux sur le sol, haletante, essuyant rageusement d'un revers de main la larme clandestine qui roulait sur sa joue.

Ses doigts étaient toujours envoûtés d'une nuée blanche, paraissant plus pacifistes que ce qu'elle lui avait offert quelques instants plus tôt. Un long silence s'installa entre les deux. Moody observait la nuit tomber lentement sur la cité, reprenant calmement possession de ses moyens. Ce n'est que quelques minutes plus tard que sa voix brisa l'air :

« Je vivais dans un palais, blanc, flamboyant. Ma mère était la reine, on vivait sous le pouvoir féminin, comme nous l'indique notre déesse Lune. J'avais des... Gens à mon service. Des nourrices, des gouvernantes. »

Leiftan retira son manteau pour le déposer sur les épaules de la peau pâle, puis s'installa à ses côtés pour l'écouter, prenant délicatement sa petite main. Elle ne le regardait pas, par pudeur de ses émotions.

« Thot me transmettait son savoir. Sur Luna. Sur l'Histoire. J'étais, tout le temps, cachée dans la bibliothèque. Je n'en sortais que la nuit tombée. Parce que j'avais soif de savoir. Une future reine se devait d'avoir de nombreuses connaissances. »

La jeune femme ressentit un vide profond dans le creux de sa poitrine, baissant la tête pour observer sa main liée à celle de l'homme. Il lui serra avec douceur.

L'homme, qui jusqu'à-là n'avait rien dit, commença d'une voix douce :

« Je te laisserai les clés de la bibliothèque pour ce soir. Mais soit aussi discrète qu'une musarose. Je ne voudrais pas nous attirer les foudres de Miiko. »

Le blond sentait qu'elle avait besoin de s'y réfugier, pour creuser sa mémoire. Moody hocha faiblement la tête. Il lui releva de deux doigts pour capter son regard, elle le détourna aussitôt. Ce qu'elle pouvait être à la fois expressive et fermée.

« J'ai le sentiment d'être aussi perdue qu'avant. Ces flashs me donnent l'impression d'être une autre personne. Et je n'arrive pas à comprendre ce qu'on attend de moi. » dit-elle à voix basse, honteuse.

Leiftan passa ses doigts contre sa joue humide et se mit face à elle, embrassant délicatement le dos de sa main avant de reprendre de sa voix apaisante :

« Sois comme tu as envie de l'être. Les flashs que tu vois, ne sont que le reflet de ton passé. Oui c'est une réponse à toutes tes questions. Mais ne te met pas autant de pression. »

Elle soupira, frustrée. Elle voulait tout et tout de suite.

« Moody. Tu progresses depuis que tu es ici. Autant dans ta thérapie qu'à t'intégrer au sein de notre cité. Les Purrekos sont fiers de toi. Je suis fier de toi. Tu as découvert les éléments dont on avait besoin pour te faire confiance. Tu n'es pas ici pour créer une quelconque discorde. Tu sais te battre, manier les armes et utiliser de la magie. Tu es même l'élue de la Mère Lune, une prêtresse. »

L'homme marqua une pause. La lunienne posa enfin son regard sur lui, pinçant ses lèvres.

« Ce n'est pas grave si tu prends ton temps pour te redécouvrir. Fais de ton amnésie une force. Et prends ces nouveaux flashs comme la réussite d'une quête. Ce n'est pas grave de ressentir ce vide, d'être à l'écart d'une société. Tu n'es pas seule pour ce combat. »

« Je suis seule. Tu ne sais pas le bordel qu'il y a dans ma tête à cet instant précis. Tu ne sais pas ce que ça fait de ressentir un trou béant dans la poitrine, de ne pas savoir tout sur toi, d'avoir l'impression de n'être qu'acteur de ta vie, de se lasser de la moindre chose. »

La lunienne tenta de se dégager de l'étreinte de son mentor, mais il serra sa poigne et elle fut surprise de sa force.

« Je sais très bien ce que ça fait d'être seul au monde. De ne plus avoir de famille. D'être le seul survivant de son espèce. Le plus triste dans tout ça, c'est que je ne pourrais pas faire à partir à nouveau ma race, parce que mon âme sœur est morte. » dit-il d'un ton froid. « Et moi, je me souviens de tout. »

Moody contracta la mâchoire, blessée. Leiftan soupira en l'attirant à lui pour la serrer contre son torse. Ce n'était pas la première fois que le duo se retrouvaient dans cette position. La lunienne se laissa étrangement faire alors qu'elle n'aimait pas les marques d'affection, posant son front contre son thorax. Le blond massa sa nuque avant de reprendre :

« Je ne voulais pas te blesser. Mais tu n'es pas la seule à vivre un fardeau dans ce monde Moody. Tu ne seras jamais seule avec, parce que je serai là pour toi, comme je te l'ai promis sur le bateau quand je t'ai ramené de l'île. »

Il serra un peu plus sa prise autour d'elle en sentant une larme humidifier le tissu de son haut. L'Etincelant était désolé pour elle, et il comprenait cette phase de détresse. Moody était complétement perdue et bouleversée par ses émotions.

« Tu n'es pas seule. Tu n'es pas faible. Tu es simplement une femme perdue et brisée, mais je te fais la promesse que tu te reconstruiras et que tu trouveras toutes les réponses à tes questions. Lune te guidera. »

Moody pleurait silencieusement contre lui. Il avait raison, mais cela lui serrait un peu plus le cœur à chaque fois. Désemparée, elle se colla un peu plus contre son corps et il lui offrit une plus puissante étreinte, la berçant doucement. Ils restèrent ainsi aussi longtemps que Moody avait besoin de réconfort. Elle se détacha pudiquement, inspirant un bon coup pour se redonner de la contenance. La lunienne détestait être dans une telle situation. Son regard croisa celui de son homologue qui vient essuyer de ses pouces les traces de maquillage sur sa peau opaline.

« On ne voit même plus la beauté de tes yeux avec tout ce soir. » lui fit-il remarquer.

« Fais chier. » répondit-elle avant de rire faiblement. « Comment vais-je pouvoir séduire quelqu'un ce soir avec tout ce désespoir ? »

Leiftan replaça une mèche cendrée derrière son oreille sans rien ajouter. Il connaissait les rumeurs, mais il ne la jugeait pas.

« Si tu veux mon avis : contente-toi de toi ce soir. Tu as besoin de te retrouver, pas de sombrer dans les bras d'un ou une partenaire parce que tu es désespérée et en manque d'attention. »

Il n'avait pas entièrement faux, ce pourquoi elle hocha la tête. C'était ce que lui apportait ses histoires d'une nuit, du réconfort et de l'attention pour combler le manque dans sa poitrine. La souffrance était son lieu sûr, mais elle finirait par sombrer. Leiftan se releva et lui tendit sa main afin de l'aider à se lever. Elle lui adressa un faible sourire auquel Leiftan répondit par un clin d'œil. L'Etincelant savait pertinemment qu'elle ne s'éterniserait pas.

« Marchons un peu, et discutons de ce que j'ai pu voir. » dit-il pour changer de sujet.

Moody s'accrocha de nouveau à son bras en suivant ses pas à travers la grande plaine, en direction de la falaise.

« Comment as-tu fait ça ? » demanda Leiftan après quelques minutes.

« J'ouvre mes grimoires de magie. » répondit-elle en haussant les épaules.

« Moody. »

« D'accord. J'ai lu quelques passages intéressant sur la magie noire. »

L'homme tourna son visage vers la petite femme à ses côtés. Elle leva les mains en signe de paix, une aura violine dansant entre ses doigts.

« Nécromancie ? » demanda le blond.

« Non. Je ne joue pas avec la Mort. C'est un peu plus occulte que ça. Et je peux devenir plus puissante dans ce domaine si je fais les bonnes offrandes à la Nouvelle Lune. Le sang d'elfe ne court pas les rues. Après je peux toujours égorger Ezarel. Ça ferait du bien à tout le monde, non ? » taquina-t-elle.

« Moody... » soupira Leiftan, un rictus amusé au coin des lèvres.

« Plus sérieusement. » reprit-elle, le regard rivé devant elle. « Tout n'est qu'une question de main. La main droite est ma partie claire. La gauche, la plus sombre. Je suis autant équilibrée que Lune lors de ses deux grandes phases. La pleine et la nouvelle. Tout se joue sur l'intention que je veux donner à ma magie. »

Elle observa le ciel qui se voilait d'une teinte plus sombre, une moitié de lune presque apparente.

« Je ne peux tout naturellement pas faire de multiples trous noirs à la suite. Non seulement parce que ça me fatigue, mais parce que je bouleverserai l'équilibre. Je me dois de rester neutre en tant que prêtresse de la lune. Je pense que j'utiliserai ma pleine puissance si je me sens en danger. » déclara la lunienne.

Leiftan lui sourit.

« C'est tout à ton honneur. As-tu appris d'autres choses dans tes grimoires ? »

Elle secoua négativement la tête. Pas d'autres choses qui puissent l'intéresser, puisque cela concernait ses rituels. Le mentor et sa protégée arrivèrent au bord de la falaise, une brise fraîche faisait balancer leurs cheveux. Moody glissa sa petite main dans celle de Leiftan en contemplant l'horizon puis la mer en contrebas. Un nouveau silence s'installa entre eux, leurs doigts s'enlacèrent.

« On regarde les étoiles en méditant et on rentre ? » proposa la lunienne.

Leiftan l'invita alors à s'allonger à ses côtés dans l'herbe humide, contemplant le ciel à peine étoilé. Il observait Moody du coin de l'œil qui s'apaisait en suivant du bout de son index chaque constellation, murmurant leur nom. Elle tentait d'entretenir sa mémoire défaillante, pour se rassurer qu'elle n'eût pas tout perdu. Après une heure, le duo remonta vers la cité et se dirigea vers le quartier général où Leiftan lui confia la clé de la bibliothèque.

« Quand tu auras fini, cache les derrière le bois de l'encadrement de la porte. On m'attend en salle du cristal. Ne fais pas trop de bruits petite musarose. » chuchota le blond avant de la laisser seule dans le grand bâtiment.

Elle s'enferma aussitôt dans la bibliothèque et se perdit quelques minutes entre les allées. La pièce était baignée par la lumière de la lune dont on pouvait apercevoir le croissant dans la voûte des vitraux. Les améthystes de la lunienne parcoururent les différents noms de livre, jusqu'à vouloir trouver ce qui répondrait à sa question : comment Luna avait pu disparaître ? Ses doigts s'arrêtèrent sur la reliure bleue d'un manuel d'Histoire.

La jeune femme s'avança avec son butin jusqu'au centre de la pièce où elle prit place sur une chaise. Elle déposa devant elle le livre qui sentait les âges, la faisant faiblement sourire. Cela lui rappelait les quelques heures qu'elle avait passé auprès de Thot. La jeune femme tourna précautionneusement les parchemins qui servaient de page. « Le Sacrifice Bleu » pouvait-elle lire en titre. Moody se plongea dans cette histoire où l'origine d'Eldarya prenait ses origines, les sourcils froncés par la concentration. Tout au long de sa lecture, Moody tripota ses lèvres. Elle était si plongée dedans qu'elle ne faisait pas attention à l'heure ni même à ce qui pouvait l'interrompre, comme Nevra qui s'était installé face à elle en silence.

Tout avait commencé après les Croisades et le décès de Jeanne d'Arc, une humaine qui s'était perdue sur les terres des faeries et qui en rentrant chez elle pensait entendre des voix dans sa tête. La lunienne tourna une nouvelle page, la moue songeuse, concentrée à assimiler les informations. Ce qui la rassurait, c'est qu'elle avait de vague souvenir de tout ça. Cela c'était passé avant sa naissance et Luna avait été en paix depuis. Elle se gratta l'arrière du crâne puis s'accouda au bois de la table pour suivre sa lecture, la tête blottie entre ses mains.

On y parlait des dragons, des daemons et fenghuangs. Trois puissances qui régnaient sur les terres d'Eldarya. Tous leurs royaumes étaient liés avec des portails, détruits après la Grande Guerre. Cette dernière fut déclenchée à la suite de l'accomplissement d'un sort. Les dragons voulant être plus puissants que les autres avait rallié à leurs causes les plus vilains et les plus forts. Ashkore, qui... Moody releva la tête, un élan de lucidité dansant dans son regard.

« J'ai déjà entendu ce nom... Ce n'est pas celui qui attaque la cité ? » se demanda-t-elle à voix basse. « Mais ne devrait-il pas être mort depuis le temps ? Tous les dragons sont morts. »

Elle mordilla l'intérieur de sa joue. Ne va pas trop vite, se sermonna-t-elle. La lunienne reprit sa lecture, un peu plus loin, sautant le passage où les dragons étaient la cause du déclenchement de cette guerre. Les fenghuangs, qui étaient les plus faibles des trois puissances, n'avaient pas participés au sort et les daemons avaient fuit comme des lâches, craignant la fin de leur race. La colère des dragons avait tout ravagé sur leur passage. Eradiquant le peuple des daemons, asservissant celui des fenghuangs, déclenchant la fureur des Dieux de Luna, Roma et Ragna. Moody cilla légèrement.

« Je me souviens vaguement de ça... »

Le vampire l'observait comme une statue de marbre, n'osant pas la déranger dans ses recherches. Cela lui permettait d'en apprendre un peu plus sur elle. La lunienne soupira faiblement. Les dragons seraient-ils à l'origine du massacre de sa ville ? Ses yeux défilèrent en diagonal sur les multiples lignes, sentant son cœur se resserrer dans sa cage thoracique. Oui. Les dragons avaient tout détruit sur leur passage pour montrer qu'ils pouvaient être tout aussi puissants que les divinités. Les doigts de la jeune femme se mirent à trembler, prise d'une certaine panique, pourquoi ne se souvenait-elle pas de ça si elle avait connu cette situation ?

« Putain de mémoire. Je ne me souviens pas de cette guerre que j'aurais pu vivre. » murmura-t-elle, la voix serrée.

Avait-elle au moins vécu ça ? Ses yeux s'embuèrent, tapant son crâne de son poing serré. Moody était plus que frustrée. Nevra se pencha légèrement dans la lumière, tendant la main vers elle. La lunienne sursauta en voyant cette dernière, relevant brusquement les yeux de sa lecture pour dévisager l'homme devant elle.

« Tout va bien. » dit-il à voix basse. « J'entends ton pouls s'accélérer. Calme-toi. »

La jeune femme à la chevelure cendrée, dont les racines s'assombrissaient, se redressa droitement contre sa chaise, ne devenant plus qu'un mur sous l'œil attentif du Capitaine de l'Ombre.

« La race draconnique fut éteinte lors d'un procès à la fin de la guerre. Seuls les fenghuangs restèrent en vie et à la tête de ce tribunal. » l'informa le vampire, fermant doucement le livre.

Moody fronça les sourcils. Elle ne se souvenait pas de cette partie.

« Ça ne me dit pas comment Luna a pu être détruit, ni comment j'ai pu survivre à cette destruction et ne pas avoir su que tous les dragons sont morts. » pensa la jeune femme à voix haute.

Elle déglutit lentement en posant ses doigts sur le livre. Son peuple avait été un dommage collatéral de cette guerre, et elle n'avait pas été l'une des leurs. Il fallait qu'elle trouve un livre sur Luna, pour remettre les pièces du puzzle en place. Elle fut prête à se relever mais se stoppa dans son élan en se rappelant que le chef de garde était face à elle, le visage peint d'une moue enjôleuse dans le creux de sa paume. La lunienne croisa les bras, peu réceptive à sa présence. Nevra se rembrunit légèrement, se réenfonçant dans sa chaise.

« Que faîtes-vous ici ? » questionna-t-elle.

« J'ai ouïe dire que tu étais ici. »

Elle leva les yeux au ciel en prenant le livre et ne continua pas la discussion. Moody allait pour ranger sa trouvaille, Nevra lui emboîta silencieusement le pas. Elle redonna sa place au manuel et fit volte-face, sursautant en voyant l'homme sur ses talons.

« J'ai quelque chose à t'annoncer. » dit-il, tout sourire.

« Et ça ne pouvait pas attendre que je me rasseye ? » demanda-t-elle en penchant son visage sur le côté.

Le vampire la regarda, hébété le temps d'un instant. Elle avait toujours l'art et la manière de lui filer entre les doigts. D'être si froide et distante mais à la fois ouverte et si proche. Même si cela était des plus excitants, il était frustré de ne pas avoir ce qu'il voulait, pour une nuit. Il soupira. Elle tourna les talons, longeant l'allée à la quête d'un livre sur son pays. Nevra lui bloqua la route d'un bras.

« Arrête de bouger. »

« Faudrait-il m'attacher pour ça. » lança-t-elle d'un ton presque détaché.

Elle n'était pas d'humeur à flirter avec lui, et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de lui envoyer des piques. Il la toisa, imaginant le temps d'un instant cette jolie créature entremêlées entre des cordes. Moody lui frappa le crâne du plat de sa paume.

« Si les expressions se lisent sur mon visage, votre bave dévoilent toutes vos pensées salaces. » le réprimanda-t-elle de sa voix suave.

« Tu choisis subtilement tes mots et tes positions. » rétorqua l'homme, croisant les bras sur son torse.

Elle le scruta avant de le contourner à nouveau pour regarder une nouvelle étagère. Il la laissa faire, tout en continuant de la suivre docilement. C'est après quelques minutes de silence qu'il lâcha :

« Je vais pouvoir t'entraîner. »

Moody arrêta son index sur le haut d'un livre, levant ses améthystes vers le borgne.

« M'entraîner ? » répéta-t-elle, suspicieuse. « A quoi ? »

« Au combat au corps à corps. Leiftan a soumis l'idée depuis que tu t'es fait botter le cul par Lance. »

« Je ne me suis pas fait botter le cul. Cet abruti a expulsé sa rage contre moi parce que j'ai eu le malheur de lui répondre. » le reprit-elle.

Nevra haussa les épaules et s'accota à l'étagère en scrutant la cendrée.

« Mais grâce à mes capacités, tu pourras te venger à ton tour. »

« Vous n'êtes pas censé être de son côté ? » demanda-t-elle en tirant le livre de ses convoitises hors des autres.

« Ce n'est pas parce que nous sommes des chefs, que nous devons tous être d'accord. » fit-il remarquer.

Moody passa ses doigts sur la couverture ornée de gravure en argent, pensive. Elle tenait sûrement les réponses à son trou de mémoire. Son visage se releva à nouveau vers le brun.

« Quand commençons-nous l'entraînement ? »

« Disons dans deux jours. Pense à une tenue plus... Conventionnelle et pratique. Même si je rêve de voir ce qu'il y a sous ton jupon, je ne voudrais pas faire ça pour notre premier rendez-vous. » dit-il d'un sourire carnassier.

« Voyez-vous cela. Le vampire aux multiples conquêtes changer sa manière de faire pour avoir la petite lunienne dans son lit. Comme c'est adorable. » minauda-t-elle.

« Je t'offre même rendez-vous dans les caves du Q.G. »

« Vous cassez vraiment les codes. » s'amusa-t-elle. « Peut-être que je vous céderai. »

Le visage du vampire sembla s'illuminer de lubricité.

« Ou pas. » ajouta la jeune femme, de son regard malicieux.

La lunienne plaqua son livre contre sa poitrine opulente et se dirigea à nouveau vers le centre de la pièce pour reprendre place sur la chaise. Nevra se pencha à son oreille pour y murmurer, de son cheveu sur la langue :

« Tu sais, tu pourrais beaucoup t'amuser avec moi. » commença-t-il.

Moody frémit légèrement. Elle ne doutait pas de ses capacités, loin de là. Mais le tenir hors de portée était quelque chose de très alléchant, tout autant de le voir lui courir après.

« C'est quand je le déciderai. Il ne faudrait pas gâcher votre seule chance avec moi. »

« Tu es si insaisissable et pourtant, un jour tu ne pourras plus me fuir. C'est moi qui choisirai le jour, le lieu et... »

« Vous devriez vous taire. Je peux tout aussi vite vous oublier comme mes différents partenaires. Mais, vous n'êtes pas comme eux, n'est-ce pas ? » provoqua Moody.

Nevra grogna faiblement à son oreille. Elle avait touché à son égo. Un sourire narquois se peignit sur les lèvres de la jeune femme. Elle finit par feindre l'ignorance, ouvrant le livre qu'elle avait choisi.

« Maintenant, si vous le permettez, je voudrais être seule pour continuer ma lecture. N'y-a-t-il pas quelqu'un pour vous occuper ce soir ? » demanda-t-elle.

La petite lunienne le sentit se redresser derrière elle, passant ses doigts longs et fins sur sa nuque dégagée. Un frisson s'empara de son échine, une énième promesse d'une nuit sulfureuse. Elle lui jeta un regard en coin tandis qu'il s'éloignait de son pas silencieux. Lorsqu'il quitta la pièce, refermant la porte derrière lui, Moody secoua son visage et se reconcentra.

C'est après deux heures de lecture qu'elle commença à assembler les morceaux entre le Sacrifice Bleu et la fin de son peuple. Même si sa première lecture avait été un pêle-mêle, elle avait compris assez vite qu'il n'y avait pas eu qu'une guerre d'ego. Tout avait été orgueilleux de la part des dragons. Le fils d'Ashkore avait voulu séduire Séléné, éclipsant le temps d'un soir la lune du ciel. Moody fronça les sourcils.

« Mais si Séléné avait cédé à ce dragon... N'aurait-il pas été plongé dans un profond sommeil comme le dise les légendes ? » se demanda-t-elle à voix haute, levant les yeux vers son astre encore visible à travers la fenêtre. « Mh. Non. Les rumeurs de ce livre disent que cette éclipse précisent serait l'œuvre d'un dragon qui tenterait de la dévorer. »

Elle marqua une pause dans sa réflexion.

« Ou alors, ils ont tenté de négocier. Ce pourquoi les magiciennes de Thessalie étaient réputées pour faire fuir ces lézards volants. Puisque Séléné a eu recours à elles à cet occasion précise. »

La lunienne se massa les tempes en soupirant. Elle se devait de digérer ce trop plein d'information. Le fils d'Ashkore, Ondredcrys, aurait donc mis à sang sa ville parce qu'il n'avait pas eu le cœur de Séléné ? Elle grimaça. Quel égo. Les hommes sont définitivement tous les mêmes. Mais pourquoi est-ce que je ne me souviens pas de ça ? Moody soupira une énième fois, encore une perte de mémoire. Ses pupilles se levèrent vers le vitrail tandis qu'elle se laissait aller contre la chaise, croisant ses bras sur son ventre.

« Lune, il faudrait sincèrement m'éclairer sur cette partie. Comment ai-je pu survivre ? Et comment me suis-je retrouvée sur une île déserte, dans un autre monde, si les portails ont tous été détruits ? »

Elle ferma les yeux, se massant l'arête du nez.

« J'ai le début de l'histoire, jusqu'à disons... mon enfance. Je ne connaissais pas l'histoire entre Ondredcrys et Séléné, ça a dû se passer avant ma naissance. Car je me souviens vaguement des traités. »

Un bâillement lui échappa. C'en était trop pour une seule soirée. Apprendre tout ça l'avait fatigué et elle commençait à avoir du mal à tout assimiler. Moody rouvrit les paupières pour observer la voute céleste à travers les vitraux. Je n'ai plus qu'à trouver la partie entre mon adolescence et maintenant. La lunienne se redressa pour fermer son livre et se motiver à le ranger sans laisser de traces. Malgré la confusion des événements d'aujourd'hui, elle se sentait un peu plus légère. Elle avait réussi à répondre à quelques questions. Elle poussa le livre dans sa fente et quitta la bibliothèque sans omettre de cacher la clé de Leiftan.

Deux jours passèrent et Moody vivait le même quotidien. La journée à l'orphelinat, le soir dans les draps d'une nouvelle conquête. L'ironie du sort, c'est qu'elle se demandait comment elle pouvait avoir autant d'énergie pour tout ça. Nue devant son miroir, la lunienne avait délaissé une note écrite dans son petit carnet :

" Vous êtes-vous déjà senti si seule que même votre présence était un fardeau ? Vous avancez droit devant vous, vous demandant s'il était mieux d'en finir maintenant ou de continuer à vivre avec la compagnie d'une coquille vide. Ils vous appellent par des noms de fille de joie, mais ce qu'ils se foutent de savoir c'est de reconnaître votre seule échappatoire pour stimuler ce vide. Alors votre regard se baisse vers votre partenaire de ce soir, haletant, rassasié. Il vous a blessé, et vous avez aimé. C'était malsain. Vous vous demandez ce que serait la vie de couple avec lui. Et la réalité vous rattrape. Vous mourrez seule. Et personne ne vous aimera."

Ce soir, elle avait rendez-vous avec Nevra pour son entraînement. Elle s'offrit une toilette tout en observant ses cicatrices sur les cuisses d'un air perdu. Serait-ce une preuve que j'ai tout de même fait la guerre ? Oui, elle avait déjà délaissé les pensées qu'elle avait écrite dans son carnet. Moody s'apprêta rapidement pour la suite de sa soirée. Elle se demanda le temps d'un instant comment aller se passer cette soirée. Allait-elle céder aux avances du vampire ? Un gloussement s'échappa de sa gorge. Non. Le jeu était bien trop intéressant.

Elle se dirigea d'un pas lent vers le lieu de son entraînement. La lunienne avait tiré ses cheveux en queue-de-cheval et avait opté pour un décolleté plongeant, un corset et un pantalon qui lui permettrait de se battre au corps à corps. Grandie par ses talons, la demoiselle descendit lentement les marches qui menaient à la cave de la cité. Ses pas résonnèrent contre les murs humides, à peine éclairés par des flambeaux. Lorsqu'elle descendit la dernière marche, son regard scruta la pièce immense.

Elle sentait l'humidité, comme toutes les caves, quelques perles d'eau glissaient contre les parois. Il y faisait frais mais pas assez pour la faire frissonner. Le plafond était haut, beaucoup trop haut pour que Moody puisse l'atteindre de sa petite taille. Dans un recoin gisait quelques armes et matelas pour les combats. Son regard continua son cheminement vers une lourde porte dans le fond où l'on pouvait entendre des bruits étouffés de vague qui s'échouaient. La lunienne s'avança vers celle-ci, curieuse.

« Où penses-tu aller ? » résonna la voix grave du vampire dans son dos.

La jeune femme glapit après avoir sursauté, faisant volte-face à l'homme. Il lui décocha un sourire malicieux.

« Tu fais autant de bruits qu'un Chiromagnus. Reste toujours sur tes gardes. J'aurais pu t'attaquer par surprise. Mais comme je suis un homme gentil... » commença-t-il.

Moody croisa ses bras sous sa poitrine en le toisant.

« Pourquoi me faire venir dans une cave si vous vous plaignez de mes pas ? C'est vous qui avez choisi le lieu de notre rendez-vous. » rétorqua-t-elle.

Un sourire malicieux étira les lèvres du borgne qui se penchait vers elle.

« Pour t'entraîner l'art du combat au corps à corps silencieux. »

« Je préfère m'exprimer quand je combats. Pour faire comprendre à mon adversaire ce qui l'attend. » dit la lunienne d'une voix mielleuse, levant son regard vers l'homme pour le défier.

« Concentre-toi. Je ne suis pas là pour tes petits jeux. » claqua le Capitaine de l'Ombre, d'un ton sec.

La jeune femme aux cheveux presque violine arqua un sourcil, presque surprise de son changement d'attitude. Le vampire lui tourna le dos, commençant ses explications sur le même timbre de voix :

« Choisis une arme. Celle qui te plaît le plus. Je te désarmerai et nous passerons au combat au corps à corps. J'évalue, on améliore tes points faibles. Je te pose des questions, tu y réponds correctement ou je te sanctionne. Je ne veux plus entendre le son de tes pas. »

Moody posa son regard sur les armes entreposées dans le coin et s'en approcha tout en écoutant le monologue de l'homme.

« Si j'ai choisi la cave, c'est pour t'apprendre à être plus discrète dans tes mouvements pour surprendre ton ennemi et prendre l'avantage. En tant que vampire, j'entends le moindre bruit. Si tu veux combattre avec des talons, débrouille-toi pour être aussi silencieuse qu'une musarose. »

Nevra toisa sa recrue du jour qui semblait réfléchir à quelle arme choisir. Moody se décida pour un katana, ce qui décrocha l'ombre d'un sourire au vampire.

« Oui. » répondit la lunienne. « Autre chose ? »

Bien qu'elle adorait le côté espiègle du brun, elle n'était pas non plus indifférente à son côté directif. Elle leva les yeux à cette pensée. A quoi s'attendait-elle venant de la part d'un chef de garde ? Heureusement qu'il savait diriger.

« Aucune. Mets-toi au centre de la pièce. » ordonna-t-il.

Et elle s'exécuta.

La jeune femme fit rouler sa tête en soupirant et se mit en position, prête à attaquer. Mais il lui fallut un millième de seconde pour remarquer que le vampire avait disparu de son champ de vision. Il l'agressa par derrière, passant son bras autour de son cou pour la faire basculer. Moody gronda en se sentant partir, s'extirpant aussitôt de sa prise pour lui faire face. Nevra donna un coup dans son poignet pour lui faire lâcher son arme.

« Ne tourne jamais le dos à ton ennemi. » dit le vampire.

La lunienne le fixa et assaillit l'homme d'un coup de pied. Il para de son avant-bras avant de lui attraper la cheville. Elle couina en sautillant sur un pied, la jambe en l'air.

« Ne donne pas l'opportunité à ton ennemi. » ajouta-t-il.

Moody serra la mâchoire en tentant de se défaire. Nevra relâcha sa cheville et elle trébucha sur les fesses.

« Il faudra revoir ton équilibre. » constata le vampire en l'immobilisant au sol.

Plus il parlait, plus la jeune femme bouillonnait de frustration. Son regard mauvais se posa sur lui alors qu'elle enroulait ses jambes autour de ses hanches pour le basculer par surprise. Elle prit le dessus sur lui, et lui bloqua les poignets avec un sourire malicieux.

« Ne te crois pas toujours gagnante. » lui fit-il remarquer.

D'un coup de bassin, l'homme la fit sauter et usa de sa force pour la plaquer de nouveau au sol, appuyant ses poings contre sa cage thoracique. Moody étouffa un bruit de douleur en se cambrant sur la pierre, le souffle coupé. Nevra la relâcha et se releva avec souplesse.

« On recommence. Debout. Réarme-toi. »

Il se recula. La lunienne se redressa et obéit, la mâchoire serrée, gardant un œil sur le vampire. Katana en main, elle se rua vers son adversaire, arme levée. Nevra attaqua une nouvelle fois sa main armée, lui faisant relâcher aussitôt. Elle réussit à parer sa première attaque. Plus le combat continuait plus elle se sentait reculer contre un mur auquel Nevra la plaqua sans douceur.

« Ne jamais reculer devant un ennemi. »

Moody se hissa sur la pointe des pieds pour tenter de garder un minimum de territoire. L'homme la coinçait de son corps. Haletante, elle releva le visage vers lui. Le vampire attrapa ses poignets pour les plaquer au-dessus de sa tête. Elle tenta de se défaire de son emprise, mauvaise perdante. Un faible grognement lui échappa.

« Tu es battue. Encore une fois. » déclara le chef.

Il la relâcha. Elle bougonna en reprenant son arme. Le vampire eut un rictus malicieux en la fixant, s'accroupissant avec insolence devant elle.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as tes règles ? C'est pour ça que tu es frustrée ? »

Moody darda un regard noir sur le borgne, enserrant le manche de son katana avec force.

« Vous crevez tellement de soif que vous voulez venir vérifier peut-être ? » rétorqua-t-elle, piquée dans son égo.

« Si tu le proposes si gentiment... Je pourrais. Mais je te rappelle que je peux sentir ce genre de chose et que tu ne les as pas. »

Son ton est espiègle. Moody inspira profondément pour ne pas lui sauter à la gorge de suite, par impulsivité. Elle ferma les yeux pour reprendre le contrôle sur sa colère. Quand elle les rouvrit, c'est tout naturellement qu'elle ne vit plus le brun, aussitôt elle sut se défendre alors qu'il se jetait sur elle de côté. Le katana vola au travers de la pièce, obligeant la lunienne à se défendre avec son propre corps. Par sa petitesse, elle sut filer entre les jambes du grand brun pour se ruer à quatre pattes vers son arme. Nevra lui couru après pour chasser du pied avant elle la lame au sol. Moody écarquilla les yeux et recula aussitôt pour se mettre en position de défense, mais une nouvelle fois, il sut la coincer dans un recoin.

« Prends le temps d'analyser l'endroit où tu te trouves. » lui reprocha Nevra. « Tu es encore coincée. »

Les poignets coincés dans son dos par la main de fer du vampire, Moody acôta sa tête contre la pierre. Ses yeux balayèrent rapidement la situation dans laquelle elle était, une flamme de lucidité jaillit dans ses pupilles.

« Non. » rétorqua la lunienne.

« Non ? Alors comment tu t'en sortiras ? » demanda-t-il, arquant un sourcil.

Elle fixa son adversaire, un sourire mutin se dessinant sur ses lèvres charnues alors qu'elle cambrait son corps voluptueux vers lui, l'obligeant à baisser le regard vers sa poitrine généreuse et apparente. Moody lui offrit une œillade lubrique, entrouvrant sa bouche. Tous les mêmes. Profitant de sa déconcentration, la lunienne heurta son genou entre les cuisses du vampire qui relâcha aussitôt sa prise en grondant. Elle s'extirpa aussitôt et courut à l'opposé de la pièce pour reprendre le katana en main, victorieuse.

« Toujours jouer de ses atouts. » lui fit-elle remarquer.

Le vampire ricana en massant sa masculinité attaquée. Moody croisa les bras tout en le regardant revenir vers elle et lorsqu'elle croisa son regard, un sourire malicieux étira ses lèvres.

« Mince. Ce soir, vous allez devoir rester sage. » murmura-t-elle.

Le vampire s'approcha un peu plus de la petite femme, relâchant son entrejambe.

La lunienne ricana en décroisant ses bras pour parer ses nouvelles attaques. Elle se défendait comme elle le pouvait, offrant quelques points au chef. Au bout de deux longues heures à s'entraîner, Moody s'écroula au centre de la pièce, le souffle court. Son corps endoloris n'en pouvait plus. Elle rêvait d'une douche et d'une longue nuit de sommeil. Nevra qui était resté debout et ayant abandonné son kimono pour rester en justaucorps noir, tendit sa main vers la jeune femme pour la relever. Elle se laissa tirer et essuya sa nuque humide de sa main libre.

« Tu n'es pas mauvaise. Mais il y a des choses à encore améliorer. » dit-il.

« Quoi donc ? » demanda la femme aux  cheveux sombres.

Soudainement, la petite femme se retrouva plaquer contre le mur, hoquetant de surprise.

« Ta rapidité. »

« Vous avez vraiment la manie de vouloir me serrer contre un mur. Sachez que c'est du vu et du revu, que je souhaite de nouvelles expériences. » susurra la lunienne.

Elle le toisa en souriant d'un air narquois, remontant une de ses jambes contre sa hanche. Nevra saisit sa cuisse galbée, serrant faiblement la chair protégée par le tissu. La position était des plus sensuelles, et pourtant aucun des deux n'osa continuer, pour le moment, ce petit jeu de séduction.

« Ta discrétion. » ajouta-t-il en approchant son visage du sien.

Moody redressa le menton, le regard planté dans le sien. Elle pouvait sentir son souffle contre sa peau suintante.

« Tu ne m'auras pas comme ça. » commença-t-elle en glissant son doigt le long de son nez droit.

« Tu me tutoies maintenant ? » remarqua le vampire.

Un sourire malicieux étira la bouche de la femme aux cheveux presque violines, continuant ses allers et venues du bout de sa phalange sur son nez. Elle humecta les lèvres.

« Joli nez. »

Nevra lui décocha un rictus aguicheur, une flamme lubrique dans le fond du regard. Il connaissait très bien ce genre de langage codée. Moody savait parfaitement mener des illusions, tourner chaque phrase de la plus subtiles des façons pour quelques choses de plus pervers. Et ça lui plaisait. A lui. Mais aussi à elle, qui s'embrasait en silence de sa réceptivité. Elle avait le pouvoir sur lui. Qu'il le veuille ou non.

« Je sais parfaitement où il pourrait encore être plus joli... » commença d'une voix enjôleuse Nevra.

Le vampire avait clairement envie d'un nouveau tour de chauffe, comme la dernière fois, dans les couloirs où il l'avait surprise. Mais un raclement de gorge les coupa dans leur élan sensuel. Nevra relâcha la cuisse de la demoiselle et se recula pour poser son regard sur l'autre postée sur les marches, l'air mécontent, les bras croisés et les cheveux bicolores.

« Voilà ce que tu fais alors que j'ai besoin de toi. Tu as oublié. » reprocha-t-elle.

Nevra changea de comportement, se précipitant vers l'inconnue pour prendre son visage entre ses mains, déposant un baiser sur son front. Moody détourna le regard pour laisser de l'intimité à ces deux-là, refusant d'entrer dans un conflit dans lequel elle n'était pas en tort.

« Je vous rappelle que vous n'avez pas le droit d'approcher mon frère. » provoqua l'autre.

« Karenn ! » gronda le vampire.

La lunienne rangea le katana qu'elle avait utilisé, ignorant totalement le pique lancé envers elle. A vrai dire, Moody avait fini par ignorer toutes les paroles virulentes à son sujet. Ce n'est qu'une gamine. La lunienne observa un instant les armes puis, se dirigea vers les deux vampires pour commencer à gravir les marches.

« Moody ! » s'exclama cette fois-ci Nevra.

« Une bonne soirée à vous. Il ne faudrait pas que j'abuse de votre temps. Votre sœur a besoin de vous. J'imagine que vous saurez où me trouver pour me donner un autre cours. » trancha-t-elle en posant ses billes améthyste sur lui.

Elle vit le vampire serrer la mâchoire par frustration. Dommage, ça aurait pu être intéressant. Moody salua d'un signe de tête Karenn avant de monter l'escalier qui la mènerait vers la sortie. Malgré cette interruption, elle fut satisfaite de ce qu'elle avait appris et se promit de continuer à progresser pour exceller dans ce domaine qui n'était pas celui de prédilection. Faisant danser un mini-trou noir entre ses doigts, la lunienne s'enferma chez elle pour le reste de la soirée.

Un enfant sur la hanche, un autre qui lui tenait fermement la main, Moody avançait avec la petite troupe derrière Keroshane pour se diriger vers les plaines ensoleillées en direction du terrier. Aujourd'hui, les plus jeunes avaient le droit à un cours sur les familiers et leurs lieux de naissance. Mery s'enquit :

« Mais c'est l'endroit du crylasm ici ! »

Moody sourit tendrement en hochant la tête. Elle avait troqué ses habits d'assistante de Purreru pour une robe violette, ornée de doré, dont la traîne suivait le mouvement derrière elle. Un châle protégeait sa pâleur du soleil. Ses atouts avaient été mis finement en valeur pour ne pas choquer les enfants et leurs parents, pour ceux qui en avaient. Jamais on n'approuverait une assistante maternelle avec des décolletés pigeonnant. Ses cheveux violines avaient été tressés par les demoiselles de l'orphelinat pendant la récréation.

En compagnie de la petite assemblée, la lunienne s'installa à genoux dans l'herbe, en arc de cercle devant Keroshane qui prit maladroitement l'attention de tout le monde. L'introverti grattait sa nuque nerveusement et Moody l'encouragea d'un sourire en laissant un petit d'environ un ou deux ans s'installer contre sa poitrine, la tétine en bouche.

« Allez, les enfants, on écoute le cours et on discute après. » sermonna doucement la lunienne.

« Mais Moody, moi je connais déjà tout sur les crylasms ! » bouda Mery.

« C'est pour ça qu'il faut que tu aides tes camarades à devenir aussi incollable que toi. » lui répondit-elle, toujours d'une voix calme.

Elle était méconnaissable en compagnie des enfants. Toujours maternelle envers eux. Tout comme elle était douce et avenante avec les familiers. Moody se plaisait énormément dans ses deux métiers. Et adorait voir comment sa personnalité changeait la nuit tombée. Alors que Keroshane commençait timidement ses explications sur les familiers, la lunienne baissa le regard vers l'enfant blotti contre sa poitrine et la regarder avec intensité. Le temps d'un instant, elle sentit son cœur se gonfler d'une sensation agréable, inexprimable et étrange. Elle cilla. Son index passa sur le petit nez du bébé qui se mit à gazouiller en resserrant sa poigne autour de son sein.

Son humeur oscilla entre la mélancolie et l'envie. La mélancolie de se dire que ce bébé avait aussi perdu ses parents. L'envie de lui donner une famille. D'être sa famille. Sa mère. Moody pinça les lèvres, se surprenant à penser cela. Ses yeux se promenèrent sur le visage du poupon, caressant sa petite touffe de cheveux. Aurait-elle la chance d'être maman, un jour ? Pas si tu continue à te comporter comme la traînée de la cité, lui susurra sa conscience. Elle secoua imperceptiblement la tête pour chasser cette pensée. De toute manière, elle ne tomberait pas enceinte tant que Lune ne l'aura pas décidé pour elle.

Moody berça le poupon d'un air songeur. Qui voudrait d'elle comme la mère de son enfant, de toutes manières ? Qui voudrait d'une figure maternelle nymphomane ? Une maman qui comble ses vides, ses problèmes par la luxure. Ce n'est pas une vie pour une progéniture. Elle soupira faiblement puis embrassa le front du bambin dans ses bras alors qu'il s'endormait. Son regard scruta l'assemblée d'enfants, attentifs et émerveillés par les discours de l'homme licorne. Tous ces enfants seraient les siens. Un faible rictus étira ses lèvres, cela lui convenait presque.

L'après-midi passa et les enfants furent autorisés à jouer sur la plaine sous le regard attentif de la lunienne et du bibliothécaire. Moody n'avait pas perdu son tendre sourire devant la troupe d'enfants gais qui jouaient au jeu de la musarose et du molecat. Elle n'avait pas lâché le plus jeune enfant qui dormait contre elle. Mery couru jusqu'à elle, le regard pétillant de curiosité.

« Regarde Moody, dans le ciel ! » dit le jeune brownie en pointant un arc de cercle qui crépitait dangereusement.

Il était menaçant dans ce ciel dégagé. La lunienne fronça les sourcils, ce n'était pas normal. Le sol trembla, faisant rire les enfants qui tombèrent à terre. Moody jeta un bref coup d'œil à Keroshane qui avait blêmi. Tétanisé, il ne savait pas comment réagir. Elle regarda les enfants, évaluant la situation. Son instinct lui hurlait de les mettre en sécurité sans leur faire peur.

« OK les enfants ! J'ai un jeu à vous proposer avec un cadeau à la clé ! » cria-t-elle, sans montrer sa peur.

Le danger sonnait aux portes de la ville.

« Le but est très simple. Un énorme goûter vous attend dans la cantine de Karuto, dans le quartier général. Vous devez y courir le plus vite possible. La première ou le premier qui arrive gagne... Un extra gâteau chocolaté. »

Elle déclencha chez eux une frénésie certaine. Sans crier gare, ils se mirent tous à courir vers les portes de la cité dans des rires innocents. Moody attrapa le poignet de son collègue pour l'entraîner dans sa course. Un hurlement menaçant déchira le ciel, au loin, une masse noire arrivait par la forêt. Merde.

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