☾ 𝐒𝐊𝐘 ☾
Mes gants de combat à la main, je stationne devant la salle de boxe du campus attendant un signe du destin me provoquant à y entrer.
Du haut de mon mètre soixante-cinq, je ne suis ni très grande, ni très large. Et ce qui me porte le plus préjudice, d'après mon père, c'est mon joli visage. Il est facile de croire à mon innocence en voyant mes grands yeux noisette. Mais la vérité est tout autre.
4 événements majeurs ont forgé la combattante que je suis à présent :
Le premier, j'avais 6 ans. Mes deux grands-frères Emilio et Santiago étaient parti s'amuser dans le parc à côté notre ancienne maison. Le quartier n'était pas aussi chic que celui dans lequel nous habitons maintenant. Mes parents venaient d'immigrer depuis le Mexique, et ils avaient un long chemin à traverser avant de vivre le rêve Américain, cette fameuse ruée vers l'or.
Je n'avais pas le droit de suivre mes frères pour jouer dehors avec eux, parce que j'étais trop jeune, et surtout, parce que j'étais une fille. Alors j'ai attrapé une casquette, j'ai remonté mes cheveux bruns pour les dissimuler dessous, et je suis parti les rejoindre. Mais lorsque je suis arrivée, ils n'étaient pas là. J'étais seule, sur le territoire des gamins du quartier qui ne me connaissaient pas. Je voulais juste m'amuser, mais ils disaient que je ressemblais trop à une fille, alors ils m'ont poussée au sol, et m'ont frappée jusqu'à ce que du sang s'échappe de mes blessures. Lorsque je suis rentrée chez moi, toute débraillée et ensanglanté, mon père est sorti en trombe pour retrouver les enfants qui m'ont blessée. A ce jour, je ne sais toujours pas ce qu'il leurs a fait.
Le second, j'avais 10 ans. Mes frères avaient déjà commencé leurs entrainements au combat avec mon père. Moi j'étais cloitrée dans ma chambre. Alors encore une fois, je me suis échappée pour les rejoindre dans le garage. J'ai ouvert la salle dans laquelle je n'avais pas le droit d'accès. J'ai toujours été discrète, c'était ma seule façon d'avoir un peu de liberté. Alors je me suis faufilée derrière les boites en métal du garage et j'ai observé mes frères s'entrainer à frapper contre des punchingballs, et même à manier des couteaux en bois. J'ai alors attrapé un couteau de combat dans une des boites en métal, et j'ai suivi les instructions de mon père, toujours à l'abris de son regard. Jusqu'à ce qu'il entende un cri. Je m'étais coupé au niveau de la cuisse, si profond que j'ai eu besoin de point de suture. J'en garde toujours une cicatrice.
Le troisième, j'avais 13 ans. Nous avions déjà déménagé dans notre nouvelle maison. Nous étions devenus riches et je ne comprenais pas exactement comment. Mais j'étais curieuse et je voulais faire partir de l'aventure. Alors j'ai commencé à m'entrainer dans notre nouvelle salle de combat en plein milieu de la nuit. J'ai toujours eu des cauchemars, des visions de ma famille au milieu d'un carnage. Je voyais du sang, des armes, des ennemis. Alors même si l'on me cachait tout, au fond, je savais... Mais un jour, Santiago, mon grand frère de quatre ans de plus que mois est rentré de soirée très tard le soir. Il a entendu du bruit et m'a surprise en pleine série de pompe. « Mais qu'est-ce que tu fous, Andréa ? » m'a-t-il dit d'une voix trahissant son taux d'alcool. « Tu veux apprendre à te battre, je vais te montrer » a-t-il ensuite dit avant de se planter devant moi, me demandant de le frapper. Je n'ai pas hésité, nous nous sommes battus, une gamine de treize ne pesant pas plus de 40kg et un grand gaillard de dix-sept ans faisant le double de son poids. Il m'a mis une raclée tout en riant. Il était trop soul pour se rendre compte qu'il me faisait réellement mal et j'étais trop bête pour lui dire d'arrêter, je voulais apprendre. Le lendemain matin, devant ma piteuse apparence, il s'est mis à genoux devant moi et m'a promis de ne plus jamais s'en prendre à moi.
Et le dernier, j'avais 15 ans. J'étais déjà trop jolie pour mon âge, et ça, mon père ne s'empêchait jamais de me le rappeler, insistant sur le fait que ce n'était pas une bénédiction, mais bien une malédiction. Tout s'est confirmé alors que certains de ses associés étaient à la maison pour conclure un contrat. L'un d'eux m'a aperçu et m'a regardé comme si je n'avais pas quinze ans, comme s'il voulait me faire des choses inexplicables, et c'est à ce moment que mon père a compris quelque chose. Dès ma majorité, je serais exilée à l'autre bout de la planète pour ma sécurité et en attendant, je serais entrainée au combat aussi durement que mes frères l'étaient. Je n'avais pas le droit de participer au business familial, mais j'étais enfin inclue et ça faisait un bien fou.
A présent, me battre c'est mon carburant, j'ai survécu à ça pendant des années et j'en ai besoin comme un autre aurait besoin de respirer. Mais je ne me bats pas comme une professionnelle de boxe, ou d'aucun sport de combat de ce genre, je me bats comme une criminelle.
J'entends le bruit d'une voiture de course, elles sont rares à Oxford, les distances se font facilement à pied. Je tourne la tête et reconnais immédiatement les étudiants à bord de l'Aston Martin décapotable. Au volent, ce brun aux cheveux coupés court, à ses côtés Alexander, une paire de lunette de soleil posé sur son nez. Et derrière, allongé comme un prince, les jambes dépassant de la portière, mon stalker, mon traqueur, mon ennemi peut-être. Ils ralentissent en m'apercevant. Je me sens tout d'un coup mise à nue, mes gants de combat à la main, vêtue seulement d'un legging et d'une brassière de sports leurs laissant peu de place à l'imagination de mon corps mince et athlétique. Stanislas se relève de sa position allongée pour me faire complétement face. Il me regarde avec un mince sourire et une lueur dangereuse dans ses iris d'origine aussi vide que l'âme du diable. Et cette petite flamme me semble si familière qu'elle ne peut être qu'à l'origine que d'un mauvais présage.
J'attrape plus fermement mes gants de boxe, les levant à hauteur de ma poitrine. Je veux qu'il les voie, je veux qu'il sache que je sais me battre, et je veux qu'il ait peur de moi. Rien ne m'apporte plus de satisfaction que de voir un garçon s'abaisser devant ma force.
Stan sort un briquet de sa poche et fait danser la flamme devant ses yeux durant quelques secondes. J'ai un vilain flash devant son geste. Mais il termine son action en allumant une roulée entre ses lèvres, et le flash disparait immédiatement.
Je prends cette interaction comme le signe que j'attendais pour pousser les portes de la salle de sport et m'extraire de ce regard qui pourrait me retenir prisonnière si je ne fais pas attention.
Une fois à l'intérieur de la salle, je déglutie en voyant que la présentation de l'association de boxe a déjà commencé. La porte claque dans mon dos en se refermant ce qui attire absolument tous les regards sur moi. Et tous ces regards sont masculins, sans aucune exception.
- Salut, tu es ici pour l'asso de boxe ? me demande un grand bonhomme à la peau noire et aux épaules larges.
Je lève mes gants en sa direction pour toute réponse.
- La boxe féminine se rejoint le mardi et non le jeudi. Tu peux les rejoindre mardi prochain durant la première semaine de cours, c'est pas grave si tu as raté la présentation, me dit-il avec un sourire.
Je n'avais pas fait attention au fait que ce n'était pas mixte. Le mardi n'est pas pratique avec mon futur emploi du temps alors j'ai choisi de venir à ce cours. Voyant toute la testostérone autour de moi, je comprends bien que j'ai eu raison. Toute ma vie, je me suis entrainée avec des hommes. C'est contre eux que je suis formée et ce sont eux que j'aime mettre à terre. Je n'ai pas l'intention de m'inscrire à des compétitions, je veux juste me battre contre garçons, comme j'ai toujours fait.
- Merci, mais jeudi colle mieux avec mon emploi du temps. Et je n'ai pas de problème à m'entraîner contre des hommes plus grands et plus lourds. J'apprécie les challenges, dis-je en souriant le plus gentiment que je peux.
Je vois tous les étudiants assis sur le sol se dévisager entre eux. Encore une fois, je n'ai rien à faire ici. Moi et mon corps minces, entourés de ces hommes aux muscles dont les muscles font facilement le double des miens.
- Hum, je peux pas te faire participer aux championnats universitaire, mais si ça te dérange pas, je suppose que tu peux t'entraîner avec nous... Assied- toi avec les autres... , dit-il, marquant une pause, en attendant que je lui donne mon prénom.
- Skyler, dis-je en tendant ma main.
Il observe mes ongles recouverts d'un vernis beige en se demandant surement si je suis suicidaire. Mais il est trop bien élevé pour me demander de dégager, et j'apprécie ça.
- Dave, dit-il en serrant ma petite main dans la sienne.
Sans prêter attention à tous les regards tournés vers moi, je prends place à côtés de la dizaine de garçon et écoute la présentation de Dave. Il explique tout un tas de chose sur le respect du matériel et d'autrui. Il termine en expliquant qu'il veut nous voir deux par deux sur le ring pour connaître notre niveau.
Sans grande surprise, personne ne veut se mettre avec moi. Comme s'ils craignaient que je me casse sous leurs poings. Mais ils ignorent que j'ai déjà été brisé par tant de coups auparavant que j'ai appris à aimer la douleur.
- Skyler, tu commences avec moi. On va voir de quel bois tu te chauffes, ma belle.
Je me lève en vitesse et le rejoins sur le ring. J'enfile mes mitaines de boxe en souriant comme une tarée. Dave est perplexe, je le vois à ses yeux légèrement trop écarquillés pour être naturels. Tous les garçons me regardent et attendent sans un bruit que sois mise à terre par la montagne de muscle en face de moi.
Dave lance le départ, et je ne perds pas une minute. J'attaque. J'envoie une droite si fort que mon adversaire recule de quelques pas.
- Oh bordel, chuchote-t-il en me regardant avec une étrange émotion derrière les pupilles.
Je souris, imaginant un certain démon aux yeux glacials en face de moi. Il contrattaque, j'esquive. Papa disait toujours que ce n'était pas grave d'être moins fort que son adversaire, tant qu'on parvenait à éviter sa force. J'ai toujours été agile, mais au milieu d'un combat, je suis intouchable.
- Te refrène pas, Dave. J'ai l'habitude, ris-je en profitant du moment présent.
Ce sentiment d'excitation, d'adrénaline, de vie que je ressens lorsque je me bats... Il n'est peut-être pas normal, pas sain, mais il est divin. D'autant plus lorsque j'imagine la bonne personne en face de moi. Et cette fois-ci, j'ai une image claire, nette et précise de l'objet de toute ma frustration : Stanislas Knight.
L'homme a la peau ébène enchaîne les coups. Il réussit à me toucher une fois à la hanche. Il ne s'est pas réfréné, la douleur explose dans mon corps comme un rappel de ma vulnérabilité. Je gémis, puis souris. Parfois, ça fait du bien d'avoir mal.
- T'es quelque chose toi, souffle Dave en me dévisageant avec autant de choc que d'admiration.
Je profite qu'il ait baissé sa garde pour l'attaquer. Droite, gauche et coup de pied. Il lâche un juron :
- Pas de coup de pied en boxe anglaise, Skyler.
- Mince, je suis américaine, dis-je en lui assenant un second coup de pied juste sous le menton.
Papa disait aussi que j'avais une qualité et c'était ma souplesse. Je me devais de l'utiliser en combat. Je tape surement moins fort que ces garçons, mais je tape plus haut.
- On va s'arrêter là pour ta démonstration. Heureusement que tu veux pas faire de championnat, tu respectes aucune règle. Mais t'es douée ma belle, ça, je te l'admets. Tu peux te battre avec n'importe quel mec ici.
Je saute du ring et traverse la salle sous les regards curieux et intéressés des étudiants. A présent vidée de cette rage que je gardais en mois depuis mon arrivée, je quitte les lieux.
La violence ne résout rien, disent-ils. Moi, elle me sauve la vie.
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J'aime bien ce chapitre parce qu'on plonge un peu plus dans le personnage de Skyler. Qu'en pensez-vous ? Vous aimez son personnage ?
N'oubliez pas de liker le chapitre ★
𝐈𝐠: 𝐥𝐞𝐚_𝐧𝐞𝐦𝐞𝐳𝐢𝐚