Nous sommes à table, Brad dîne avec nous ce soir, nous dinons un gratin de courgette quand un sujet sensible vient sur la table.
- Nous avons reçu les derniers documents d'Emma venant de l'hôpital par rapport à sa carte de groupe sanguin, on l'a reçu par la poste dans une lettre banale sans recommander. Dis mon père
- Ce n'est pas comme ça qu'on va être discret retorque ma mère avec mine énervé.
- On n'aurait pas besoin d'être discret si tu n'étais pas parti voir ailleurs.
Le sujet devient piquant, on se regarde tous les trois avec Brad et Alex très gênés, ils ne se crient pas dessus souvent à table. L'ambiance est tendue.
- Je fais ce que je peux pour cacher ça déjà. Toute seule. En chuchote ma mère.
- Avec mon argent. Répond dédaigneusement mon père.
Indigner ma mère se lève en un bon de sa chaise.
Il en est trop, ils vont en venir à divorcer.
- Ça va, détendez-vous. Pas besoin de s'énerver comme ça.
- Ho Emma, ne t'en mêle pas, c'est de ta faute, si tu ne t'étais pas blessée on vivrait une vie sans problème ni tension comme avant.
- C'est de ma faute maintenant ? dis-je énervé
- Sans aucun doute. Et tu ne me réponds pas.
- C'est sûr que j'aurais préféré avoir un con de père qu'un ivrogne.
Je me lève en furies de ma chaise, et pars vers les escaliers. Mon cœur bat la chamade, et les larmes me montent
- C'est toi qui voulais aller au camp de scout déjà, on ne pouvait pas prévoir qu'elle se blesse. Tu nous à emmener dans un champ de mine. C'est plutôt de ta faute si tu as brisé ta famille parfaite en apprenant cette annonce. Me défend Brad.
- Ne la ramène pas Brad, t'es chez moi, si tu veux la défendre tu prends la porte.
Je sens un vide, un froid et une gênante intense, alors que j'ai le dos tourné. Quelques secondes plus tard j'entends la porte d'entrée claquée violement. Il est parti. Il préfère donc prendre la porte que de continuer à me défendre.
Les propos de John sont vraiment incompréhensibles, toute cette colère, ce dégout, Il a tout lâcher comme ça en une fraction de seconde sans qu'on le prévoie.
Je me sens rejeter, John me remet la faute dessus, mon vrai père n'a pas l'air de vouloir me connaitre, pourtant, la personne que je rencontre à travers son livre me renvoie de la douceur, de la sagesse, de la gentillesse. Pourquoi il a tout abandonné ?
Je décide de relire ce livre une seconde fois, du début jusqu'à la fin.
Il fait nuit, la fenêtre est ouverte, je suis allongé sur le côté dans mon lit et le livre est sous mon bras. Je sens un poids derrière mon dos, quelqu'un est dans mon lit. Je ne me fais pas de soucis car je connais cette odeur, je reconnais cette peau qui est contre la mienne, son coude est le long de mes hanches, sa joue est contre mon omoplate. Il m'a donc rejoint. Comme moi je l'ai fait la nuit dernière, j'hésite entre ne pas bouger d'un poil ou bien me retourner pour lui faire face.
Son souffle lourd s'écrase lentement dans sa poitrine.
Je me retourne, je l'observe, ses longs cils sont paisibles, sa bouche, ses lèvres sont calmes. Il ne fronce plus les sourcils et il est revenu. Il est revenu pour moi. Je me rendors, aux anges.
Je décide d'aller parler à ma mère, elle est en train de se préparer et je dois bientôt partir au lycée, la discussion d'hier m'a faite réfléchir, je pense que je dois lui montrer ce qu'il a écrit, peut-être qu'elle le sait déjà.
- Maman, j'avais quelque chose à te montrer.
Je sors le livre de derrière mon dos, ma mère scrute la couverture puis instinctivement le retourne pour y découvrir l'auteur.
- Où à tu trouver ça ?
Elle semble ébahie, je pense qu'elle ne connaissait pas l'existence de cet objet.
- Tu devrais le lire. Il raconte des choses magnifiques.
- Je ... je ... je ne savais pas qu'il avait écrit un livre, je l'ai connu charismatique et poétique, mais pas auteur.
Je hoche la tête, et décide de partir en petits pas, je pense qu'elle a besoin de lire ça
Je me déplace dans les couloirs pour aller à mon prochain cours, j'y croise ma mère. Elle est surement là pour « nous couvrir ». Néanmoins, je remarque qu'elle tient quelque chose : le livre de son amant.
Mes yeux rencontrent les siens, génance ou douceur ?
Elle pose une main sur mon bras
- Tu devrais le reprendre.
Elle sourit et repars dans la direction similaire à son arrivée.
Je vais donc aller le déposer à la bibliothèque. Je vais le remettre à sa place maintenant que toutes les personnes qui devait le lire l'ont découvert.
Je le soulève quand un bout de papier dépasse de l'intérieur.
C'est une lettre, une lettre signée par ma mère.
Devrais-je la lire ?
La curiosité me brule les doigts et les yeux.
Gabriel,
Tes mots heurtent mon cœur, jamais je n'aurais cru avoir bouleversé ta vie comme je le lis dans ce magnifique bouquin.
Aussi courte soit notre idylle, j'ai toujours pensé à toi, et à l'homme qui m'avait fait vivre des moments doux et inoubliable.
Comme tu le dis si bien, toi aussi tu m'as fait voir le sens de la vie. Mes yeux se souviennent encore de ton image et ma peau de tes caresses.
Tu es une personne incroyable, aimante et joyeuse. J'espère que c'est toujours le cas.
Il y a des choses que je ne t'ai pas dite, beaucoup de choses pendant ces longues années.
Ainsi, mêmes si les secondes passent, le train de la vie continue, les ombres et les devoirs apparaissent. Tout Homme à des obligations.
Si soudaine et surprenante a été notre histoire, en découle une personne incroyable, notre nous à une forme. Et je m'excuse d'avoir transformé ce produit en l'attribuant à quelqu'un d'autre.
Il a des erreurs qu'on ne veut pas réparer pourtant, quand la solution apparait d'elle-même, il faut assumer.
Merci pour ce que tu m'as donné, désolé pour ce que je ne t'ai pas dit.
Je te présente Emma, ta fille.
Avec tout mon cœur, la femme qui t'as fait découvrir la vie.
Une larme coule le long de mes joues, ce que je viens de lire c'est comme une discussion entre les deux êtres qui m'ont fait, qui m'ont conçu. La personne que j'ai rencontrée n'a rien à avoir avec ce que je lis et ce que les autres pense de lui. Comment l'alcool peut autant détruire la vie d'un homme ? comme l'alcool peut en venir à abandonner toute existence et tout charisme. Enfin... je me demande vraiment comment l'addiction a pu le rendre comme je l'ai vu.
Tout de suite j'ai un espoir, j'ai envie de le rendre meilleur, j'ai envie de le rencontrer comme il l'est dans ces récits, j'ai envie de respirer l'amour et la bienveillance.
N'ai-je pas simplement besoin d'être aimé à l'instant T ?
Il faut que je lui rende. Pourquoi ma mère aurait écrit ces mots sur ce papier si c'est pour que personne ne le lise ?
La dernière fois je me suis faite rembarrer. Très fort et j'ai été vexée. Depuis que j'ai lu ce récit, c'est comme si j'avais oublié cette rancœur, comme si cette rencontre était la mauvaise, c'était la mauvaise personne et que je rencontre mon père, à travers l'amour qu'entretiens mes deux parents à travers ce récit.
C'est comme si un pardon était possible, j'entrevois un espoir et l'envie de le connaitre. J'ai envie de le sauver de cette addiction qui a ôté en lui tout charme.