Au sein du célèbre quartier français, une pluie diluvienne s'abat, frappant frénétiquement toute cette étendue de fenêtres closes. Ne se souciant très peu de tout ce tapage, la main de Chris est en appui sur le seul mur carrelé de la douche italienne. L'eau s'écoule sur son visage, ruisselle le long de son corps élancé et musclé jusqu'à n'en oublier aucune partie.
Rebekah, accoudée à l'encadrement de la porte de la salle de bain, le regarde avec fascination. Pour la première fois de sa vie, il semblerait qu'elle se trouve chanceuse parce que c'est bien grâce à son immortalité qu'elle a pu croiser sa route. Cela aurait été tellement dommage pour eux de se rater.
— C'est presque irréel ! ronronne-t-elle d'une petite voix.
L'ayant entendu, il se tourne vers la jolie blonde et demande avec curiosité :
— Qu'est-ce qui te paraît l'être ?
En le voyant complètement nu face à elle, elle ne peut s'empêcher de sourire. Rebekah se languit de ses bras puissants, de son torse dessiné ainsi que de cet imposant V juste au-dessus de sa virilité. Son regard est ancré sur ce corps où l'eau se faufile sur lui comme ses propres mains l'ont fait toute la nuit.
— Toi !
Quand elle voit l'homme qui est désormais le sien, elle se dit que sa patience a été récompensée. Parce que oui, elle ne pouvait espérer mieux !
— ... Tout ce qui est en train d'arriver ! elle termine en s'approchant de lui sans jamais le quitter des yeux.
Ses pas s'arrêtent à la limite du receveur. En étant ici, contrairement à lui, elle restera au sec.
Cependant, c'était mal le connaître. Taquin, Chris l'attrape par les hanches et l'entraîne sous le pommeau de douche.
Aussi surprise que choquée, la blonde finit par s'éclaffer nerveusement. Désormais, complètement trempée, elle vient coller son corps contre celui du jeune loup.
Elle en est maintenant convaincue, elle est précisément en train de vivre son rêve. Sa vision du futur est en marche. Chris capture ses lèvres et l'embrasse délicatement et il le fait d'une façon si sensuelle, si protectrice comme si elle était la chose la plus précieuse qu'il possédait.
Et quand on y réfléchit, c'est le cas.
Parce qu'aujourd'hui, lui a tout perdu. Plus le moindre repère, il n'a plus qu'elle. Rebekah devient sa famille et avec ce bébé qu'elle dit porté, tous les deux le deviennent.
Enroulant ses bras autour de son cou, elle l'interroge:
— Dois-je comprendre que tu n'es plus fâché ?
— Je ne l'ai jamais été, Rebekah ! admet-il. J'ai seulement peur... pour toi !
— Tout ira bien ! dit-elle afin de le rassurer.
— Tu m'as dit avoir déjà vu ces enfants dans ta vision du futur et jusqu'à maintenant jamais je ne t'ai posé la moindre question, mais aujourd'hui je te le demande Rebekah..., continue-t-il en attrapant son visage en coupe. Dis-moi... dis-moi que nous allons avoir une fille et qu'elle aura beaucoup de toi !
Il cherche à être rassuré parce que chez son espèce seuls les garçons détiennent le gène de loup originel et il le sait. Avec une fille, Rebekah ne risquerait pas de perdre la vie en la mettant au monde.
La jolie blonde souffle comme le font les femmes entre deux contractions lorsque le travail a déjà bien commencé.
Une fille ? Il n'en a jamais été question et après l'avoir vu, il est comme elle le souhaite et elle le désire exactement ainsi.
— Nolan ! lâche-t-elle avec une émotion palpable quelle peine à contenir. Il s'appelle Nolan et c'est un magnifique petit garçon et... il aura beaucoup de... toi !
Il soupire et laisse son front se reposer sur celui de la jolie blonde, il s'en veut de l'avoir mise en danger de cette façon et pourtant il ne peut le nier que ce petit être en elle, il l'aime déjà. Son instinct protecteur très prononcé chez lui n'attend que de pouponner.
— Refais-moi l'amour, Chris, lui demande-t-elle d'un ton qui pourrait être perçu comme suppliant.
Sans attendre davantage, il la soulève tandis qu'elle enroule ses jambes autour de son bassin. C'est devenu presque une évidence pour eux deux. Elle se retrouve vite piégée contre lui et le mur carrelé et pourtant elle a beau se trouver prisonnière, jamais elle ne s'était sentie aussi en sécurité dans les bras d'un homme.
-ooo-
À travers l'une des fenêtres, Caroline aperçoit Elijah. Ce dernier est de retour au QG et même s'il n'en a rien dit, elle sait qu'il était parti à la recherche de Klaus. Maintenir cette famille unie c'est sa raison de vivre.
— L'avez-vous trouvé ? lui demande-t-elle en accourant aux escaliers.
À peine entré, Elijah se stoppe en apercevant les yeux remplis d'espoirs de Caroline. Et en y faisant face, toutes les images de sa conversation précédente avec son frère s'empressent de le hanter.
— Malheureusement, non ! dit-il tout en cherchant à ne pas la croiser du regard.
Est-il franc ? Souhaite-t-il ne pas la blesser plus qu'elle ne l'est déjà ? Elle n'en sait rien.
Ses yeux se posent par mégarde sur la manche de l'originel où des traces de sang font contraste avec sa chemise blanche. Elle comprend que lui aussi ne va pas aussi bien qu'il semble vouloir le faire paraître.
— Elijah, elle l'appelle à nouveau. Je suis désolée pour Katherine, j'ai appris pour son départ.
Il se met à émettre un rictus timide, un petit sourire mélangé à une part de tristesse retenue.
— Vous ne pouvez pas vous empêcher de compatir au chagrin des autres, n'est-ce pas ? lui demande-t-il.
Elle hausse les épaules, c'est la seule chose qu'elle arrive encore à faire. Puis elle se mord l'intérieur de la joue afin de retenir ses larmes qui menacent de s'échapper. Elle n'a pas et n'aura jamais sa force de caractère.
— Je l'aime tellement Elijah !
— Je sais ! souffle-t-il avant de lui offrir une épaule amicale.
Aimer Niklaus n'a jamais été chose aisée et il ne pourra pas dire le contraire.
— Il y aura des jours meilleurs, Caroline, je vous le promets.
Cela devrait la rassurer mais ce n'est pas suffisant.
La jolie blonde a profondément mal. Eljah Mikaelson dépose un baiser sur son front et alors qu'ils mettent fin à cette étreinte, Klaus est là, accoudé contre la rambarde de l'escalier, une bouteille à moitié vide dans l'une de ses mains à les regarder d'un air glacial.
— Tu es là ! souffle Caroline, soulagée.
Et cela même si les traits du visage de l'hybride sont encore bien tendus.
Silencieux, il se détourne d'eux et monte à l'étage.
Point de vue Caroline
Dans une profonde inspiration, je me décide à le rejoindre et le retrouve sur le balcon. Il fait si froid dehors ou c'est seulement l'atmosphère entre nous qui a changé.
Prenant mon courage à deux mains, je lâche :
— Klaus, il faut qu'on parle !
— Tu m'as menti, Caroline ! raille-t-il d'une voix qui se trouve, à ma grande surprise, calme.
Et pourtant à choisir j'aurais préféré qu'elle le soit moins, parce que je ressens dans cette intonation c'est de la déception.
— Je... je ne t'ai pas menti... je n'ai seulement... rien dit ! j'avoue.
— Pendant longtemps, tu t'es demandé ce qui pouvait bien me plaire chez toi..., commence-t-il
—... Quand je me suis installé à ton chevet lorsque tu souffrais de la morsure de Tyler que j'avais moi-même commanditer... quelque chose s'est passé, quelque chose que je n'avais pas prévu dans mes plans.
Après une minute de silence, il reprend :
— J'ai été... fasciné. Fasciné par cet ange à l'agonie, un ange si bon et cela malgré cette part de ténèbres présente en toi. Il m'était alors impossible de te laisser t'éteindre. J'ai pensé que si tu pouvais m'aimer rien qu'un peu c'est que tout espoir de rédemption n'était pas totalement perdu pour moi, admet-il en se tournant enfin vers moi.
— Et je t'aime profondément aujourd'hui, Klaus.
À mes mots, il reste silencieux et se tourne à nouveau vers le quartier français.
Ce silence je n'en peux plus, qu'il parle, qu'il me hurle dessus, peu m'importe.
— Tes émotions sont en vrac, c'est à cause du retour au vampirisme ! Ne les laisse pas te submerger, je reprends tout en comblant l'écart entre nous jusqu'à ce que mes bras entourent sa taille et que ma tête s'appuie contre son dos.
Lui se raidit tellement, que ses mains accrochées à la rambarde en fer semblent se déformer sous sa poigne.
— J'ai voulu te le dire, avoué-je. J'ai d'ailleurs voulu le faire au moment même où j'en ai eu la confirmation, ça m'a pesé de conserver ce secret mais si finalement je ne l'ai pas fait c'est parce que je savais que tu n'aurais pas les idées claires le concernant parce que tu voudrais avant tout ...me protéger.
— Te protéger ?... se retourne-t-il à nouveau vers moi ...vous protéger...c'est ce que je m'obstine à faire depuis tout ce temps, Caroline ! monte-t-il le ton.
Je le vois inspirer puis expirer calmement afin de reprendre le contrôle et en le regardant faire j'ai l'impression de me trouver des années en arrière face à moi-même. À l'époque où à ma transformation je luttais pour conserver le contrôle sur la créature en moi. Et quand je le vois, bataillant, je ne peux qu'être admirative envers son combat journalier parce que lui le fait avec brio.
— Tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas nous faire ça ! il reprend d'un ton tressaillant. Il faut qu'on s'en débarrasse !
— Non !
— Tu ne sembles pas vraiment comprendre la situation. Il va te tuer quand il va sortir.
D'un coup bref, il me saisit par le bras et sa prise sur ma peau se fait douloureuse.
— Klaus ... tu...tu me fais mal , tenté-je de le repousser.
— Je ne laisserais pas cette chose te tuer, Caroline, tu m'entends ! il hurle tandis que ses iris ne cessent de clignoter.
Il perd le contrôle, je le sais et moi je ne peux m'empêcher d'avoir peur.
Brusquement, un champ magnétique se déclenche et le propulse en arrière . Il l'éloigne de moi et le fait s'écraser au sol sans ménagement.
Sonné et surpris, Klaus se relève et pointe son doigt dans ma direction :
— Est-ce que c'est lui qui a fait ça ?
— Ce n'est pas sa faute, il a seulement cherché à me protéger.
— Te protéger ? De moi ? arque-t-il un sourcil.
Et son regard s'attendrit finalement lorsqu'il prend connaissance des ecchymoses qui ont trouvé refuge sur ma peau, à l'endroit même où ses mains étaient un peu plus tôt. À cet instant, Klaus Mikaleson est redevenu l'hybride originel , l'une des créatures les plus puissantes de cette planète et il semblerait qu'il n'avait plus conscience à quel point il l'était.
Son visage est maintenant plus que peiné.
— Je suis désolé, tellement désolé d'avoir été aussi néfaste pour toi, Caroline, me dit-il laissant une larme s'échapper de la pointe de son œil.
— J'ai été qu'un égoïste de penser une seule seconde que je te méritais. Aujourd'hui, j'ai compris... le bâtard ne méritait pas l'ange.
Et ces mots, je ne les aime pas ! Ils me font songer à une route empruntée où aucune marche arrière ne pourra être envisagée. Ils me font penser à un combat terminé dans lequel on a choisi de rendre les armes, d'abandonner la lutte.
— Tu n'as pas le droit de dire ça ! Ce n'est pas de l'égoïsme, nous nous sommes choisis. En aucun cas, tu ne m'as obligé à te suivre et encore moins à t'aimer.
— Et regarde où ça t'a menée aujourd'hui ! À risquer ta vie pour mettre au monde ce bébé non désiré. Parce que tu sais quoi, je n'en veux pas ! crache-t-il avec une véhémence que j'avais presque oubliée. Je n'en ai jamais voulu et je n'en voudrais jamais !
Ses paroles me blessent au-delà des mots.
J'essaie de ne rien faire paraître mais c'est dur. Parce que moi cette partie de nous deux, je la désire.
— Tu finiras par changer d'avis ! je lâche.
Il n'aura pas d'autre choix, je ne le lui laisserai pas.
— Si tu es capable de croire une telle chose, c'est que tu es bien plus idiote que je ne le pensais !
Une dernière larme perle ma joue, une larme que je viens essuyer du revers de ma main et qu'il ne verra pas étant donné qu'il m'a une nouvelle fois tourné le dos.
Mon monde s'effondre. Mon cœur se serre, un cœur qui me fait mal, un cœur qui saigne.
Chris
Je ne devrais pas être en mesure de ressentir l'état émotionnel de Caroline, mais c'est le cas et sa douleur est atroce.
Au sein de la meute, chaque membre est connecté les uns aux autres, mais elle, elle est seulement la compagne de l'un des miens et je ne devrais pas être en mesure d'éprouver ses émotions.
Ne voulant pas que Rebekah croie que moi aussi je rejette ce bébé, je serre ma prise sur elle et embrasse le dessus de sa tête. Tout ce que je désire c'est la garder auprès de moi, de nous.
Est-ce si mal de ne plus souhaiter perdre une personne à laquelle je tiens ?
Sur cette pensée, ma main se pose délicatement sur son ventre et je sens le sourire de Rebekah s'étendre. Elle se redresse légèrement afin que nos regards se rencontrent. Ses yeux sont remplis d'amour et je me sens bien, à ma place.
— Puis-je encore te demander quelque chose ? Si vraiment je dois me fier à cette vision du futur où tout semble s'être bien passé pour toi, j'aimerais savoir si dans ce futur je t'ai semblé... différent ?
À ma question, ses sourcils se froncent.
— En quoi veux-tu être différent ? cherche-t-elle à comprendre.
Ne pouvant pas emprunter cette pente glissante avec elle, je m'arrête et décide d'abandonner.
Et ma tête va vraiment finir par exploser. N'en pouvant plus en supporter davantage, je me redresse et quitte le lit.
— Où est-ce que tu vas ? s'inquiète-t-elle. Est-ce que j'ai fait... ou dis... quelque chose qui ne fallait pas ?
— Bien sûr que non, je vais revenir !
— Tu le promets ? me demande-t-elle d'une petite voix montrant qu'elle a besoin d'être rassurée.
Et bien qu'elle n'ait aucune raison de s'inquiéter, il est important pour moi de la tranquilliser et peut-être d'aller même plus loin que je ne le devrais.
Parce que même si je réfléchis sans cesse à la conversation que j'ai eue avec Nik concernant la suite et qu'il me dit qu'il me donne le choix, au plus profond de moi, je sais que je ne l'ai plus. Viendra un jour le moment où je tomberais et à cet instant douloureux pour elle, j'aimerais que ces mots se rappellent à elle :
— Jamais, je ne t'abandonnerais, Rebekah. Écoute-moi, attentivement et s'il te plait rappelle-toi de ces mots aussi longtemps que tu le pourras parce que je t'en fais la promesse, ma puce, je reviendrais, je te reviendrais toujours.
Je quitte alors sa chambre et traverse le couloir. Une fois arrivé à la hauteur de celle de Niklaus, j'aperçois Caroline assise sur leur lit. Ses larmes ne semblent plus avoir la force de couler, je la regarde masser son ventre dans des gestes circulaires et c'est là que la vérité me frappe de plein fouet. Ce n'est pas sa détresse que je ressens. Je ne doute pas de sa peine, mais la ressentir, je n'en suis pas capable.
Cette détresse... c'est celle de son bébé ce qui prouve qu'il est déjà connecté à la meute. Un nouveau membre dans une meute complètement dissoute ou très bientôt il n'en restera plus rien.
Mon père avait raison, les loups Originels sont clairement en train de s'étreindre.
Que va-t-il rester à nos enfants de cet héritage ?