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By nasuseonhwa

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// repost d'un OS écrit en octobre 2020 // « Tu crois que je vais finir par être complètement fou ? » Le blon... More

intro

myosotis

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By nasuseonhwa

Les pieds traînant dans le couloir, Hoseok marchait en direction de sa salle de cours sans grand engouement. C'était le jour de la rentrée, et rien ne laissait présager que ce serait une bonne journée. Réprimant un bâillement disgracieux lorsqu'il entra dans la pièce, le jeune homme prit place derrière un bureau au hasard, réagissant à peine lorsque les vitres autour de lui se levèrent pour l'enfermer dans un cocon de glace stérilisé. Sur l'écran digital, il sélectionna son nom et soupira en regardant la date affichée dans un coin, retirant son masque qui l'empêchait de respirer correctement.

1er août 2237.

Hoseok sortit un petit boitier de son sac de cours, déposant le dispositif de sauvegarde automatique sur le cercle au coin de la table prévu à cet effet. Au moins, il pourrait rattraper ses heures de sommeil et réécouter le cours plus tard dans la journée.

Au milieu de tous ces visages familiers, le garçon remarqua à peine une silhouette brune qui se frayait un chemin, s'asseyant au bureau sur sa gauche avec des yeux ronds comme des soucoupes. Mais le mouvement de recul du nouveau venu attira son attention, faisant lever un sourcil au jeune homme qui se creusa la tête pour déterminer qui était ce drôle de personnage.

En trois ans d'université, il ne l'avait jamais vu, bien qu'il ne connaisse pas tout le monde, le département des statistiques virales ne se composait que d'une seule classe où tous les visages étaient connus.

Alors l'arrivée incongrue de cet inconnu éveillait sa curiosité. Hoseok roula des épaules, esquissant quelques sourires à ses amis qui lui faisaient des signes de la main. Les vacances n'avaient pas été de tout repos et malgré le retour des cours soporifiques, il était heureux de les revoir.

La caméra du professeur s'ouvrit sur la paroi de verre, saluant ses élèves qui ajustèrent leur son dans le bocal à ciel ouvert. Bien que l'enseignant se trouve en face d'eux dans la pièce, les restrictions sanitaires avaient nécessité de mettre en place une nouvelle manière d'enseigner depuis une cinquantaine d'années.

Distrait, Hoseok écoutait à peine son interlocuteur, zieutant du coin de l'œil son téléphone portable qui vibrait sur son bureau. Ses amis lui demandaient de les rejoindre le soir-même au café où ils avaient l'habitude de se retrouver, et bien que la proposition était alléchante, le jeune homme déclina poliment.

« Comme vous avez peut-être pu le constater, nous avons un nouvel élève dans notre département cette année. Park Jimin, si vous voulez bien vous présenter en quelques mots. »

Hoseok regarda son voisin de gauche, levant un sourcil interrogateur en l'apercevant appuyer sur tous les boutons de son écran translucide pour tenter de trouver la touche de son micro. Il était visiblement peu habitué à cette technologie, et pourtant, elle avait été déployée dans tout le pays depuis bien longtemps.

« Euh oui ! s'exclama-t-il finalement. Je m'appelle Park Jimin, j'ai vingt-trois ans et j'ai fait les trois premières années de licence à distance, donc c'est la première fois que je suis en classe.

- Merci beaucoup pour votre intervention, déclara platement le professeur avant de reprendre son discours de début d'année. »

Jimin semblait perdu, prenant des notes comme il pouvait sur des feuilles volantes qui tombaient dans le bocal de verre et qu'il peinait à ramasser. Mais l'attention d'Hoseok se détourna bien vite, continuant de discuter avec ses amis sur son téléphone.

L'enseignant commençait déjà son cours, faisant soupirer d'agacement le jeune homme. Ils n'avaient même plus le temps de s'accommoder qu'ils rentraient déjà dans le vif du sujet. Dessinant des cercles du bout de son doigt sur sa table, le garçon regardait d'un œil vide l'écran où un diaporama peu moderne défilait.

Il connaissait déjà parfaitement les notions abordées, ayant pris de l'avance pendant ses vacances qui n'en avaient pas été. Les lèvres pincées, Hoseok soupira en voyant que des travaux de groupes étaient déjà annoncés, regardant du coin de l'œil la conversation avec ses amis qui se répartissaient déjà en groupe. Il était courant qu'ils travaillent ensemble, et lorsque Minjae lui proposa de se mettre avec lui, le jeune homme accepta sans plus de cérémonie.

Pendant les semaines qui suivirent, les deux amis se retrouvèrent après les cours à la bibliothèque, rédigeant leur dossier avec minutie. Hoseok ne restait jamais très tard, trouvant toujours une excuse pour quitter son camarade non sans promettre de terminer le travail chez lui. Mais un soir, alors qu'il était en train de se glisser sous ses couvertures, un message dans leur groupe de discussion attira son attention.

Le nouveau c'est un fou furieux.

Légèrement déconcerté par la déclaration de Chinho, son ami qui avait décidé de briser la glace avec la nouvelle tête de leur promo, Hoseok fronça légèrement les sourcils et demanda plus de détails. Leur ami était réputé pour partir au quart de tour, pourtant, il émettait rarement un jugement sans connaître quelqu'un.

Et après de longues minutes de discussion accompagnées de blagues mal placées, le jeune homme décida d'aller se coucher sans les avertir. Il ne comprenait pas bien les propos de Chinho qui affirmait qu'il avait entendu leur camarade parler à voix haute pendant une dizaine de minutes. Jimin était peut-être étrange, mais il n'était pas pour autant fou.

Les premiers mois se déroulèrent à merveille, et bien qu'il était encore tôt pour l'affirmer, Hoseok sentait déjà qu'il réussirait ses examens. Il avait obtenu une bonne note à son dossier avec Minjae, et les cours lui semblaient toujours aussi ennuyeux. Sa seule source de distraction était son voisin de gauche qui s'efforçait à répondre à toutes les questions de leurs professeurs, visiblement passionné par leurs cours qui n'étaient pourtant pas si ludiques que ça.

Alors, quelle fut sa surprise lorsqu'un soir, assis sur l'une des banquettes de l'hôpital de la capitale en train de faire ses devoirs, Hoseok vit la silhouette de Jimin se dessiner au bout du couloir. Il cligna des yeux à quelques reprises avant d'ouvrir la bouche et de la refermer avant de le reconnaitre.

Son camarade de classe ne semblait pas l'avoir vu, il marchait comme s'il savait où il allait, les mains croisées dans le dos et une expression plutôt joviale sur le visage.

« Bonsoir Jimin, dit doucement le jeune homme lorsque ce dernier arriva à sa hauteur. »

L'intéressé sursauta, les yeux écarquillés et ses traits reflétant une interrogation soudaine.

« Toi aussi tu viens voir quelqu'un ? le questionna Hoseok pour tenter de détendre l'atmosphère.

- Excuse-moi mais... Est-ce qu'on se connait ? »

Bien que légèrement interloqué par sa question, le jeune homme n'y décela ni méchanceté, ni impolitesse. Jimin avait l'air sincèrement intéressé par la réponse.

« Non enfin... On est voisins en classe, je pensais que tu le savais. »

Le garçon posa son doigt sur le bout de son menton avant de faire une drôle de moue et d'hocher de la tête.

« Maintenant que tu le dis, tu me rappelles quelque chose. »

Hoseok esquissa un sourire tout en reprenant ses révisions, levant à peine le visage lorsque son vis-à-vis s'assit près de lui. Ils demeurèrent silencieux pendant de longues secondes avant que le plus âgé des deux ne finissent par prendre la parole, levant finalement les yeux de sa feuille de cours.

« Tu viens souvent ici ?

- On va dire que oui, répondit le plus petit. Et toi ?

- Ma mère est tombée malade cet été donc je connais bien cette banquette maintenant. »

La bouche de Jimin forma un « o » tandis qu'il regarda la porte qui se tenait de l'autre côté du couloir, une expression triste jouant sur ses traits fins.

« Qu'est-ce qu'elle a ? finit-il par demander, visiblement curieux.

- La même chose que la moitié des gens de cet hôpital. Elle est sous respirateur artificiel depuis plusieurs semaines, mais on a bon espoir que ses symptômes s'amenuisent. »

Hoseok passa une main dans ses cheveux blonds tentant de croire à ses propres paroles. De nombreuses vies avaient été fauchées par le virus, notamment celle de son père, des années auparavant. Il traînait depuis des centaines d'années maintenant, mutant de plus en plus, devenant de plus en plus indétectable, de plus en plus mortel.

Le jeune homme prit une longue inspiration avant de regarder son camarade de classe, tentant de lui adresser un sourire convaincant.

« Et toi, alors ? s'enquit le blond.

- J'ai... »

Jimin s'arrêta dans sa phrase, visiblement un peu perdu avant de reprendre, détournant le regard de son interlocuteur.

« J'ai pas très envie d'en parler, finit-il par dire. »

Et bien que cela pouvait paraître froid, Hoseok ne lui en voulu pas. Ce n'était pas toujours facile d'étaler sa vie, surtout celle qu'on passait entre les quatre murs d'un hôpital. Leur conversation s'arrêta là, et bientôt, le plus grand des deux dû rentrer chez lui. Il fit un petit signe de la main au plus petit avant de prendre la direction de la sortie, son sac de cours coincé contre son torse.

Il ne mit pas bien longtemps à arriver à son appartement, ignorant les messages de ses amis qui se moquaient du petit nouveau dans leur conversation groupée. Allongé sous ses couvertures, Hoseok lu les messages en soupirant avant d'éteindre sa lampe de chevet. Visiblement, tout le monde prenait Jimin pour un déséquilibré, pourtant, sa conversation avec lui quelques heures plus tôt avait été agréable. Et tout en sombrant dans un sommeil profond, Hoseok se promit d'essayer de comprendre ce qui n'allait pas chez lui.

Les semaines qui suivirent, les deux jeunes hommes se retrouvèrent tous les soirs sur la banquette de l'hôpital, discutant principalement de leurs cours auxquels ils assistaient tous les jours. Le blond apprit que le plus jeune venait voir sa grand-mère qui l'avait élevé, mais cette dernière allant se coucher tôt, il se retrouvait bien vite seul dans les couloirs. Jimin était une bonne oreille dans laquelle Hoseok laissait ses pensées s'échouer, soupirant lorsqu'il voyait ses camarades qui se moquaient de ses tocs réguliers qu'il avait en classe.

Jimin n'était pas méchant, et bien qu'il tentait de le défendre de temps à autre, Hoseok ne pouvait pas arrêter les rumeurs qui circulaient à son propos. Certains disaient qu'il sortait tout droit d'un asile, et que c'était pour cette raison qu'il avait des cours à distance auparavant. D'autres suggéraient qu'il était simplement un idiot profond et qu'il n'avait rien à faire dans leur classe.

Le brun était peut-être un peu spécial, collant de nombreux post-it sur la paroi de son bocal de verre en cours, ou encore retirant et remettant ses lunettes sans s'arrêter pendant dix minutes d'affilées. Mais il n'y avait pas de mal à être différent.

Alors Hoseok se rendait tous les soirs à l'hôpital, espérant secrètement que son camarade y serait aussi.

Cela faisait deux mois, peut-être trois depuis que la rentrée était passée, et ce soir-là, Jimin vagabondait dans le couloir comme à son habitude. Mais son comportement étrange n'échappa pas à Hoseok qui déglutit difficilement, ayant peur qu'il soit arrivé quelque chose à sa grand-mère.

« Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il à son attention lorsqu'il fut à sa hauteur. »

Son interlocuteur cligna des yeux à quelques reprises avant d'hocher de la tête, s'asseyant près de lui en passant une main dans ses cheveux d'ébènes.

« Excuse-moi, je suis juste un peu fatigué.

- Ne t'en fais pas. Tu as eu de mauvaises nouvelles ? s'enquit prudemment le blond. »

Jimin sembla hésiter, ses yeux regardant tout autour de lui comme s'il était à la recherche de quelque chose.

« Mon... Mon frère va bien. Il est parti se coucher. »

Le plus grand des deux fronça des sourcils, un peu surpris. Il ne savait pas que Jimin avait un frère. Était-il aussi hospitalisé ? Cependant, il ne fit aucune remarque et lança quelques banalités, tentant d'ignorer le comportement étrange de son vis-à-vis.

Il semblait profondément absent, hochant de la tête par moment en plissant des yeux, comme s'il tentait d'assimiler ses paroles.

Le brun se frottait aussi régulièrement le front avec la paume de sa main, regardant à gauche puis à droite avec un air désorienté qui commençait à inquiéter Hoseok. Son comportement n'était pas normal.

Et alors qu'il s'apprêtait à lui demander si tout allait bien, une main apparut sur l'épaule de Jimin. Le plus grand des deux remonta son regard le long du bras avant d'arriver sur le visage d'une infirmière qui esquissait un sourire doux, contrastant avec ses sourcils légèrement arqués.

« J'espère que tu n'embêtais pas ce charmant jeune homme, Jimin.

- Non c'est un ami à moi. On se retrouve ici tous les soirs, répondit l'intéressé en acquiesçant en même temps qu'il parlait.

- Il faut que tu remontes dans ta chambre te coucher. Le médecin a dit que tu serais fatigué après ton traitement. »

Et alors que les deux s'éloignèrent avec un petit geste de la main pour saluer Hoseok, ce dernier sentit une boule se former dans sa gorge. Jimin n'était là ni pour sa grand-mère, ni pour son frère. Jimin était tout simplement malade.

Les jours suivants, le jeune homme ne croisa plus son camarade de classe dans les couloirs de l'hôpital, et ce détail l'inquiéta plus que de raison. Il était pourtant présent en cours la journée, mais la place qu'il avait l'habitude de prendre à côté de lui sur la banquette demeurait vide.

Les moqueries continuaient de fuser dans la classe, mais Jimin semblait imperméable à tout ce qui se disait sur lui, suivant les dires de ses enseignants avec agitation avant de quitter la pièce à toute vitesse à la fin des cours.

Alors, ce soir-là, Hoseok se leva doucement de sa banquette pour marcher dans le long couloir vide, une boule se formant au fond de sa gorge. Il marcha à l'aveuglette pendant quelques minutes, ne sachant plus se repérer dans l'hôpital qui semblait se ressembler à chaque détour. Une infirmière passa à proximité de lui, et alors que le jeune homme se courba respectueusement, il demanda d'une voix fluette où se trouvait la chambre de Park Jimin.

Visiblement perturbée par cette question, la jeune femme haussa des épaules en disant que ce n'était pas un de ses patients. Hoseok la remercia, continuant sa route avec une certaine angoisse. Il ne savait pas ce que son camarade de classe avait, alors trouver le bon service allait sûrement ne pas être de tout repos.

Sentant son esprit se fatiguer, le jeune homme finit par abandonner et revint sur ses pas pour rentrer chez lui, non sans rester préoccupé. Pourquoi Jimin était-il hospitalisé ? Pourquoi lui avoir menti sur la raison de sa présence dans l'hôpital ?

Le cerveau encombré par de multiples questions, Hoseok s'étira le dos sous la douche, laissant l'eau détendre ses muscles crispés. Tant que son camarade allait en cours, il pouvait estimer que tout allait bien pour lui.

Légèrement apaisé, le blond se jeta sur son matelas, lisant les nombreux messages qu'il avait reçus sur la conversation de groupe. De nouveaux photomontages idiots y avait été envoyé, certains se moquant du petit nouveau de la promo, d'autre étant seulement à but humoristique. Quelques mois auparavant, peut-être qu'Hoseok aurait ri à de telles sottises. Mais depuis que sa mère avait contracté le virus, il avait eu du mal à ne serait-ce que sourire.

Agacé par ses amis, le garçon se recroquevilla dans ses couvertures en marmonnant des insultes à leur intention. Que Jimin soit un malade mental ou non, il ne méritait pas de recevoir tant de haine de la part de parfaits inconnus.

Le lendemain, Hoseok reproduit le même schéma, cherchant à l'aveuglette dans les couloirs la présence de son camarade de classe comme un fantôme invisible à ses yeux. Il tenta de demander à quelques infirmières, qui ne surent lui répondre, laissant le garçon vagabonder à la recherche d'un patient qui n'existait visiblement pas.

Mais, alors qu'il passait près des grandes baies vitrées, le blond aperçu un visage connu parmi les buissons de la cour intérieure. Jimin se tenait là, observant les fleurs avec une fascination qui intrigua celui qui le regardait de loin.

Le cœur au bord de lèvres, Hoseok s'approcha des portes en verre, ne sachant pas s'il devait remettre son masque ou non. Le port de ce dernier était obligatoire en extérieur, mais il se trouvait pourtant toujours dans l'enceinte de l'hôpital.

Cette hésitation fut suffisante pour que Jimin le remarque, se redressant en clignant des yeux sans un son, visiblement profondément perturbé. Il ouvrit la bouche avant de parler, sa voix sortant plus fluette qu'à son habitude.

« Je te connais, dit-il doucement. Ho...Ch... Chinho, c'est bien ça ? »

Le blond hocha négativement de la tête, un peu désarçonné. Son vis-à-vis sembla réfléchir de nouveau, mais voyant que l'attente était longue, le plus grand prit finalement la parole, un pli inquiet se formant entre ses sourcils.

« Hoseok, se présenta-t-il de nouveau.

- Oh, oui, c'est vrai ! Excuse-moi, j'ai souvent des trous de mémoire. »

L'intéressé ne s'en inquiéta pas, Jimin était peut-être tout simplement tête en l'air. Le brun se concentra de nouveau sur les petites fleurs qui formaient un tapis bleuté sous leurs pieds, s'accroupissant pour caresser leurs pétales du bout des doigts.

« C'est moi qui les ai plantées quand je suis arrivé ici, murmura presque le patient en soupirant. Je voulais pouvoir les voir tous les jours.

- Ce sont de jolies fleurs, répondit Hoseok, un peu perturbé par son discours son discours. »

Jimin prit une longue inspiration avant de se redresser, s'asseyant sur le banc en pierre derrière lui avec nonchalance. Les iris toujours rivées sur la mer de fleurs qui s'étendait dans tout le petit jardin intérieur, le brun esquissa un sourire triste avant de regarder son interlocuteur qui se balançait d'un pied sur l'autre.

« Est-ce que tu connais la légende autour des myosotis ? demanda-t-il subitement. »

Hoseok hocha négativement de la tête, tentant de suivre son camarade qui semblait parti dans un autre monde.

« Un chevalier a voulu ramasser une de ces fleurs au bord d'une rivière pour sa bien-aimée. Mais emporté par le poids de son armure, il tomba la tête la première dans l'eau. Alors qu'il était en train de se noyer, il a lancé la fleur qu'il venait de ramasser à sa belle en lui disant « ne m'oubliez pas », expliqua doucement le patient, la voix pas plus haute qu'un murmure.

- C'est une histoire triste, commenta l'autre qui s'était également retrouvé à regarder les fleurs.

- Je la trouve belle. C'est pour cette raison que le myosotis est synonyme d'amour qui dure et de fidélité à travers le temps. »

Ne sachant pas réellement où voulait en venir son interlocuteur, le blond acquiesça doucement en le laissant parler. Il ne savait plus où se mettre et ne comprenait pas où cette conversation le menait.

« C'est aussi le symbole de ma maladie, finit par murmurer Jimin en soupirant. C'est pour ça que tu es là, non ? Pour savoir pourquoi tout le monde me traite de fou ? »

Hoseok bégaya, se sentant brusquement coupable. Il n'avait jamais voulu mettre Jimin dans l'embarras, et pourtant, il l'avait fait en voulant fouiner dans ce qui ne le regardait pas. Sentant le rouge lui monter aux joues, le jeune homme détourna le regard, n'osant plus répondre à son camarade de classe qui reprit doucement.

« Je ne t'en veux pas, au moins, toi tu essayes de comprendre pourquoi. »

Jimin releva la tête, se penchant pour attraper la corolle d'un myosotis pour la faire tourner entre ses doigts.

« J'ai été diagnostiqué avec la maladie d'Alzheimer à l'âge de quatre ans, mais on ne savait pas quand je commencerais à la développer et on a décidé de ne pas m'en informer. Depuis que la maladie a muté, on peut plus ou moins prédire quand elle se déclenchera, et tout ce qu'on savait pour moi c'est que je ne dépasserai pas les vingt-cinq ans. »

Le blond cligna doucement des yeux, tentant d'assimiler les paroles de son interlocuteur qui parlait sans grande émotion, les pupilles rivées sur la fleur dans le creux de sa main.

« J'ai été scolarisé à la maison toute ma vie, et je suis entré à l'hôpital à la fin du lycée parce que certains de mes neurones commençaient à dégénérer. C'est à cette période-là qu'on a pris la peine de me dire que j'étais malade. Mais cette année, le médecin a donné son autorisation pour que j'aille à l'université parce que la maladie n'a pas progressé depuis un long moment. »

Jimin soupira, lâchant le myosotis qui alla se déposer délicatement sur le tapis violine sui s'étendait à leurs pieds.

« Je suis très tête en l'air, donc je ne sais jamais si je perds la boule ou si je suis juste normal.

- Mais tu... Tu as juste des trous de mémoire, n'est-ce pas ? demanda le plus grand des deux avec une certaine incompréhension. »

Un long silence s'ensuivit avant que le patient ne reprenne la parole, sa voix légèrement étranglée par l'émotion.

« Oui, jusqu'à ce que la maladie atteigne ma mémoire profonde et que je sois incapable de communiquer ou de me rappeler qui je suis. Jusqu'à ce que je m'étouffe avec ma propre salive parce que je ne sais plus comment avaler. Jimin se redressa sur le banc, prenant une longue inspiration avant de continuer. Les fins de vie provoquées par Alzheimer ne sont jamais très belles à voir. »

Et bien que son interlocuteur paraissait complètement accepter son sort, Hoseok ne put s'empêcher de se sentir profondément triste. Il n'était pas fou, il était juste étourdi, bien que cela n'allait pas s'améliorer avec le temps, Jimin n'avait rien à voir avec le psychopathe dépeint par ses amis.

À mi-voix, le blond remercia son vis-à-vis, sentant à son tour sa gorge se nouer. Il ne savait pas quoi dire. Alors peut-être qu'il valait mieux qu'il ne dise rien. Jimin était malade mais pas idiot, il savait ce qui l'attendait. Et de cette conversation naquit un profond respect qu'Hoseok conserva précieusement au fond de son cœur.

Bientôt, une infirmière vint chercher Jimin qui fit un petit signe de la main à son camarade de classe, regagnant probablement sa chambre. Alors, sous les rayons de lune automnaux, le plus grand demeura immobile, observant les myosotis illuminés d'un halo blanchâtre, presque mystique.

Quelque part, il trouvait ça profondément beau que Jimin ait planté ces fleurs le jour de son arrivée, et il l'imaginait s'assoir sur ce banc pour observer le parterre azuré s'étendre de plus en plus loin, et qui finirait probablement par envahir le petit jardin intérieur de l'hôpital.

Encore un peu ébranlé par leur conversation, Hoseok se leva pour rentrer chez lui. Il marcha silencieusement dans le vacarme nocturne de la rue, les mains enfoncées dans les poches de son sweat-shirt et ses baskets traînant sur le macadam froid et humide.

Il ne mit pas longtemps à arriver chez lui, allant avaler un reste de riz, qu'il avait mis au frigo la veille, avant de filer sous la douche pour détendre ses muscles courbaturés. Il resta longtemps sous l'eau chaude, tentant de laver sa culpabilité qui ne cessait de tordre son estomac depuis de longues minutes.

Et alors qu'il était dans son lit, les bras étendus pour lire la conversation groupée qu'il avait avec ses amis, le blond éclata soudainement en sanglots. Les insultes et les moqueries qu'il y lisait avaient fini de lui briser le cœur. Il voulait le défendre, retourner à ces idiots les mots cinglants qu'ils prononçaient sans savoir.

Et alors que des messages d'insultes s'immisçaient dans son esprit, Hoseok soupira et décida de laisser tomber. S'ils voulaient jouer aux idiots, ce n'était pas son problème. Ça n'avait pas à l'être.

Ce soir-là, le blond ne dormit pas, parcourant le PommeNet pour découvrir tout ce qu'il avait à savoir sur cette drôle de maladie qui sévissait autant les personnes âgées que les plus jeunes, se renseignant sur les différentes étapes de progression. Et bien qu'il apprit beaucoup de chose, le PommeNet était très limité. Lancé il y avait à peine quelques dizaines d'années auparavant par une entreprise américaine bientôt tri-centenaire, le remplaçant de l'internet n'était pas mieux renseigné que lui.

Frustré de ne pas pouvoir en savoir plus, Hoseok se promit d'aller à la bibliothèque de la faculté de médecine les jours suivants, pour pouvoir comprendre Jimin. Et, alors qu'il sombrait dans un sommeil agité, Hoseok se promit de comprendre.

L'hiver commençait à s'installer au fil des jours, et le paysage du petit jardin intérieur changeait. Les fleurs se fanaient, laissant place à un tapis de feuilles sèches, abimées par le froid et le manque de soleil.

Et comme les pétales qui jaunissaient, Jimin semblait perdre ses couleurs et devenir plus renfermé, plus tête en l'air. Il semblait perdre ses moyens en classe, cherchant en permanence ses papiers qui étaient éparpillés dans son bocal, remontant ses lunettes qui ne tombaient pas sur son nez, se noyant dans ses post-it qu'il collait partout où il y avait de la place.

Mais tous les soirs, les deux jeunes hommes se retrouvaient dans le petit jardin de l'hôpital, discutant longuement de leurs journées tout en observant le bout de nature épouser l'hiver. Mais, alors qu'il était assis sur le banc de pierre, le téléphone d'Hoseok vibra brusquement.

Il le consulta d'un œil distrait, un petit sourire le gagnant lorsqu'il aperçut le nez de Jimin arriver dans son champ de vision tandis qu'il se penchait pour lire par-dessus son épaule.

« Tu vas aller à une fête étudiante ? demanda le brun, des étoiles illuminant ses yeux. T'as de la chance !

- Je ne pense pas y aller, marmonna Hoseok en rangeant son cellulaire dans un soupir.

- Mais pourquoi ? Au moins tu y es invité, toi. »

Le blond sentit son cœur se comprimer dans sa poitrine, ses iris croisant celles humides de son interlocuteur. Il prit une longue inspiration avant de répondre, pesant ses mots avec précaution.

« Je ne veux pas y aller parce que ce sont des idiots et que je préfère rester ici avec toi plutôt que de me mélanger à eux. »

Une drôle d'expression traversa le visage de Jimin avant qu'il papillonne des paupières, ses yeux trouvant le sol où les myosotis ne fleurissaient plus.

« Je suis sûr c'est encore le coup du jardinier, il a arraché tous mes plants ! »

Un peu désorienté par ce changement de conversation, Hoseok regarda à son tour le sol avant de déglutir difficilement, tentant de se rappeler ce qu'il avait lu sur le PommeNet.

« Non Jimin, c'est juste que c'est l'hiver. Les fleurs reviendront au printemps, comme tous les ans.

- Ah bon ? Mais on est dans quel mois ?

- On est en novembre. »

Le patient acquiesça doucement avant de détourner le regard, lâchant un soupir à fendre l'âme.

« Ça y est, je commence à perdre la boule, marmonna-t-il.

- Ce n'est pas très grave d'oublier le mois dans lequel on est. »

Un long silence s'ensuivit tandis que chacun se perdit dans ses pensées, laissant le froid automnal mordre leurs joues qui rougissaient à vue d'œil. S'emmitouflant un peu plus dans son manteau, Jimin finit par soupirer, son regard triste trouvant l'herbe jaunâtre.

« J'ai toujours rêvé d'aller à une fête étudiante, murmura-t-il. Je pensais qu'une fois que je serai à l'université, je pourrais en faire au moins une, j'avais même réussi à négocier avec les infirmières. Mais ils me prennent tous pour l'idiot du village qui ne pipe rien à rien. »

Une nouvelle fois, Hoseok sentit son cœur prendre un coup violent. Évidemment, son camarade était conscient de ce qui se disait sur lui. Tout ce qu'il avait souhaité, c'était d'avoir la vie d'un étudiant normal, et pourtant, il s'était retrouvé avec les pires côtés de la scolarité.

« Je... commença doucement le blond. Je peux peut-être t'emmener avec moi ? »

À l'entente de cette phrase, des lumières s'illuminèrent dans les pupilles de Jimin bien que son visage tenta de rester sérieux et nonchalant.

« Je veux pas te déranger, dit-il brusquement, son visage plus sérieux qu'auparavant.

- Ça ne me dérange pas. Si ça te fait plaisir, je suis prêt à t'y amener. »

Le brun hocha doucement de la tête, ses traits regagnant quelques couleurs qui rassura son vis-à-vis. Ce dernier se leva, lui tendant sa paume pour l'aider à se redresser à son tour. Ensemble, ils quittèrent le petit jardin automnal, rentrant dans l'hôpital silencieux.

« Il faut que je demande l'autorisation de partir d'abord, prononça Jimin en prenant une direction qu'Hoseok ne connaissait pas. »

Ils marchèrent pendant quelques minutes avant d'arriver devant une porte d'apparence simple. Le patient tourna la poignée, invitant son camarade de classe à entrer à sa suite tandis qu'il se dirigeait vers un bouton sur le mur.

La chambre de Jimin n'avait rien d'une pièce d'hôpital. Décorée de bas en haut par de nombreux posters de groupes inconnus, ou de peintures aux traits étranges, on aurait pu croire à la chambre d'un jeune adulte banal.

Remarquant que son invité était obnubilé par ses éléments de décoration, le brun sourit timidement avant de regarder l'intérieur de son armoire d'où dégoulinaient nombre de vêtements colorés.

« Comme je suis un patient à long terme, j'ai eu le droit de décorer ma chambre avec ce que je fais pendant mes ateliers de mémoire.

- C'est très chouette en tout cas, commenta Hoseok qui continuait de vagabonder pour découvrir l'univers de son camarade. »

Jimin s'arrêta dans ses mouvements, se retournant lentement pour faire face à son interlocuteur. Ses yeux balayaient le sol, visiblement gêné ou honteux d'un trouble que le blond ne réussit pas à identifier de lui-même. Il sembla réfléchir quelques secondes avant d'ouvrir la bouche, l'émotion se lisant dans sa voix étranglée.

« C'est la première fois qu'un ami vient dans ma chambre. »

Hoseok s'approcha de quelques pas, déposant la paume de sa main sur l'épaule de son vis-à-vis avec un sourire. Il n'était peut-être pas très doué avec les mots, mais il ne voulait pas qu'il se sente seul. Et s'il fallait qu'il se mette tous ses autres amis à dos pour cela, il y gagnerait plus qu'il n'en perdrait.

La porte de la chambre s'ouvrit à la volée, révélant le visage d'une infirmière qu'Hoseok identifiait désormais sous le nom de Jieun. Cette dernière, dont les traits paniqués se transformèrent en un agacement visible, fronça les sourcils en s'avançant à grands pas, levant un doigt accusateur pour réprimander son patient.

« Combien de fois je t'ai dit de ne pas presser le bouton de la chambre si tu n'as pas d'urgence !

- Mais c'est une urgence ! »

Jieun soupira en se pinçant l'arête du nez, écoutant d'une oreille distraite le brun qui s'agitait dans tous les sens.

« Hoseok veut bien m'emmener à une soirée étudiante, tu te rends compte !

- C'est trop tard pour y aller, Jimin. Tu iras une prochaine fois, il va falloir que tu ne tardes par à te coucher.

- Et si demain je ne suis plus capable d'aller à l'université ? C'est une opportunité qui ne se représentera peut-être pas deux fois, je t'en supplie. »

La jeune femme lança un regard inquiet au blond qui tentait d'esquisser un sourire rassurant, pesant visiblement le pour et le contre dans son esprit. Elle finit par lever les mains en signe de défaite, demandant cependant à s'adresser à Hoseok en privé pendant que le patient se préparait pour sa première soirée.

Alors qu'ils attendaient dans le couloir, Jieun se gratta doucement le haut du front, cherchant des mots qui ne semblait pas venir. Elle soupira avant de prendre la parole, non sans une pointe d'inquiétude que le jeune homme discerna aisément.

« Il ne faut pas qu'il boive d'alcool. Si tu vois qu'il fatigue, insiste pour le ramener. Tu ne dois le laisser seul sous aucun prétexte.

- Je ferai très attention, c'est promis. »

L'infirmière acquiesça doucement avant de reprendre, sa voix légèrement étranglée.

« Je m'occupe de Jimin depuis son arrivée ici, et je sais qu'il meurt d'envie d'aller à cette fête. Mais sa maladie continue de progresser et on est pas à l'abris qu'il sombre subitement. Il faut que tu restes vigilant et que tu n'hésites pas à appeler les secours s'il agit bizarrement.

- J'en suis conscient, c'est aussi pour ça que je lui ai proposé.

- Je sais que vous vous retrouvez dans le jardin le soir, donc je te fais confiance. Mais s'il lui arrive quoi que ce soit... »

La jeune femme fit une pause avant de reprendre, son visage devenant brusquement bien plus sombre.

« Je m'assurerai que tu ne t'approches plus de lui, c'est bien clair ? Je suis au courant de ce qui se dit dans votre université et j'essuie les larmes de Jimin tous les soirs, si tu lui fais quoi que ce soit, tu ne l'approcheras plus. »

Le cœur au bord des lèvres, Hoseok hocha doucement de la tête. Ce n'était peut-être pas une bonne idée de l'amener à une fête organisée par ses amis. Mais les étoiles dans les yeux du brun lui avait fait oublier ce simple détail.

La porte de la chambre s'ouvrit, révélant Jimin qui avait revêtu une tenue plus décontractée que celle qu'il portait en classe. Son sourire illuminait son visage qui avait terni au fil des semaines, faisant vaciller une lueur de vitalité dans le fond de ses iris.

Il passa une main dans sa chevelure charbon, visiblement impatient de se mettre en route.

« Je veux que tu sois ici à une heure du matin, c'est compris ? s'enquit Jieun envers son patient.

- Une heure ?! Mais c'est tôt ! J'ai entendu que ce genre de soirée durait jusqu'au petit matin !

- Je veux que tu sois rentré avant la fin de mon service pour que je m'assure que tu ailles bien. »

Quoiqu'un peu déçu, Jimin acquiesça avant de prendre la main d'Hoseok pour s'enfuir dans le couloir. Ils coururent jusqu'à l'entrée de l'hôpital, faisant vaciller le blond qui ne s'attendait pas à cette course soudaine. Il reprit sa respiration difficilement, regardant son camarade de classe qui semblait infatigable.

« On doit aller où ? demanda-t-il en penchant la tête sur le côté. »

Le plus grand des deux consulta son cellulaire pour retrouver l'adresse, profitant de ce moment de calme pour leur indiquer qu'il viendrait avec un ami. Mais malgré tout, il ne pouvait empêcher la boule dans sa gorge de se former.

Et s'il précipitait Jimin dans la gueule du loup sans le savoir ?

D'un pas tremblant, il prit la direction du campus sur lequel la fête était organisée. Le brun le suivait de près, commençant à déblatérer tout ce qu'il aimerait faire au cours de cette soirée. Mais Hoseok demeurait silencieux, hochant par moment de la tête tout en consultant son téléphone qui le menait à destination.

Ils finirent par entendre les basses d'une musique électronique, faisant s'exclamer Jimin qui voulut courir en direction de la maison étudiante pour profiter de l'ambiance. Mais le blond le retint par la manche, prenant soin qu'il reste près de lui non sans lui souffler quelques mots inquiets.

« Ne t'éloigne pas trop vite. »

Et bien qu'il aurait pu rouspéter de se faire infantiliser, le malade ne dit rien, avançant plus calmement aux côtés de son ami qui soupira de soulagement. S'il perdait Jimin des yeux, il prenait le risque qu'il lui arrive quelque chose. S'il le perdait des yeux, il prenait le risque qu'un étudiant alcoolisé vienne le traiter de psychopathe.

Les deux jeunes hommes entrèrent dans la maison bruyante, leur présence ne se faisant pas immédiatement remarquer parmi la foule d'étudiants. Quand soudain, des voix familières appelèrent le blond de loin, le faisant se retourner brusquement.

Minjae arriva à sa hauteur, visiblement content de le voir, mais bien vite, ses yeux dérivèrent sur la silhouette près d'Hoseok. Un large sourire fendait le visage de Jimin qui se présenta poliment sous les rires des autres étudiants.

« T'aurais dû dire que tu ramenais le fou furieux, j'aurais prévu de quoi s'amuser, rit Chinho qui avait déjà plusieurs coups dans le nez.

- On ne restera pas longtemps, commenta Hoseok en attrapant discrètement le poignet de son camarade de classe. »

Les yeux de Minjae naviguèrent entre les visages des deux jeunes hommes, les sourcils froncés et les lèvres pincées dans une drôle de moue avant de finalement hausser des épaules et faire volte-face. Mais la présence de Chinho n'aida pas le blond à se détendre, sentant une profonde animosité l'habiter lorsque son ancien ami s'approchait un peu trop d'eux.

C'était lui qui était à l'origine de toutes les rumeurs sur Jimin. C'était de sa faute s'il n'avait aucun ami et que tout le monde le considérait comme un psychopathe.

Finalement, Hoseok réussit à s'éloigner suffisamment et soupira de soulagement en entrant dans la cuisine, tirant le malade à sa suite. Avec un sourire, il lui servit un verre de soda que son camarade regarda avec une certaine déception.

« Je veux une bière, marmonna-t-il dans sa barbe.

- Je sais que tu veux faire comme les jeunes de notre âge, mais j'ai promis à Jieun que tu ne boirais pas d'alcool. Je pense qu'elle est plus au courant de ce qui est compatible avec ton traitement ou non. »

Jimin se plaint pendant encore quelques minutes avant de se conformer au choix de son ami qui commença à se détendre. Tout se passait bien. Ils allaient pouvoir profiter pendant quelques heures avant de rentrer à l'hôpital.

Quelques heures où il pourrait réaliser un des désirs de Jimin.

Avec grande précaution, il suivit son camarade à travers les corps suintants et suants, faisant bien attention qu'il ne se retrouve pas embrigadé par des étudiants saouls. Les lumières violines se reflétaient sur la peau de porcelaine de Jimin, illuminant son teint terne d'un sourire amusé.

Voyant que le garçon semblait bien s'adapter aux lieux, Hoseok alla lui murmurer quelques mots, se dirigeant vers la cuisine pour se servir un verre de jus. Il se sentait plus détendu, bien que ses épaules soient toujours contractées par le stress. Un coup d'œil nerveux à l'horloge de la pièce lui suffit pour voir qu'il ne lui restait pas beaucoup de temps, et, son verre à la main, il revint vers la véranda où il avait laissé Jimin.

Mais en ne trouvant pas son camarade, son sang ne fit qu'un tour. Il regarda partout, demandant aux étudiants alcoolisés s'ils avaient vu le brun, qui lui répondirent qu'à moitié. Sentant son esprit céder à la panique, Hoseok traversa toute la maison en criant le nom de son ami, les yeux écarquillés de stupeur.

Et s'il lui était arrivé malheur ?

Refusant de croire à une telle possibilité, il continua ses recherches avant de finalement débarquer dans une chambre où un corps se trouvait roulé en boule dans un coin. En entendant le blond ouvrir la porte à la volée, le malade releva son visage baigné de larmes, réagissant à peine lorsque son vis-à-vis s'approcha de lui.

« Qu'est-ce que je fais ici ? demanda-t-il d'une petite voix.

- Tu ne t'en rappelles pas ? »

Pour toute réponse, Jimin hocha négativement de la tête, comprimant le cœur du plus grand dans sa poitrine.

« Sors-moi de là, Hoseok. Je vais mourir, je vais crever ici si tu me laisses, sanglota le brun. Ne me laisses pas enfermé ici.

- Viens avec moi, je te ramène. »

Hoseok prit délicatement la main de son interlocuteur, l'aidant à se redresser et marcher en direction de la sortie. De nombreuses questions se bousculaient dans l'esprit du blond. Que s'était-il passé ? Avait-il eu un trou de mémoire ? Est-ce que quelqu'un l'avait embêté ?

Leurs baskets couinaient contre le macadam humide, le halo blanc des lampadaires éclairant à peine le chemin retour jusqu'à l'hôpital. La gorge nouée, Hoseok regarda l'heure sur son téléphone, soupirant de soulagement en voyant qu'ils ne seraient pas en retard. Il espérait simplement que Jieun ne le truciderait pas à son arrivée.

Ses iris trouvèrent le visage perdu de Jimin qui marchait à pas lents, sentant son cœur louper un battement en voyant ses petits yeux fatigués commencer à se fermer. Au moins, il aurait été heureux le temps de quelques minutes.

Il ne mirent plus longtemps avant de passer les portes automatiques de l'hôpital, prenant la direction de la chambre du patient qui sembla se souvenir quelque peu du chemin. Mais en passant devant le petit jardin intérieur, ses sourcils se froncèrent tandis que ses yeux observèrent l'herbe brûlée par le froid.

« Où sont passées mes fleurs ? demanda-t-il, un peu perturbé. Le jardinier les a arrachées ? »

L'impression de déjà-vu brisa ce qui restait du cœur d'Hoseok tandis qu'il prit une longue inspiration, tentant d'esquisser un sourire convainquant.

« On est en novembre, Jimin. Les fleurs se sont fanées mais elles fleuriront de nouveau au printemps. »

L'intéressé ne répondit pas, reprenant sa route vers sa chambre. En arrivant, le blond pressa le bouton d'appel tout en encourageant son camarade à s'assoir sur son lit. Il l'aida à retirer sa veste qu'il rangea dans son placard, soupirant de soulagement lorsqu'il vit la silhouette de l'infirmière arriver dans la chambre.

« Tout s'est bien passé ? demanda-t-elle, cependant surprise de les voir revenir si tôt. »

Hoseok hésita quelques secondes, ne sachant pas s'il devait aborder le sujet devant le malade. Mais Jieun remarqua son visage grave et ne fit aucune remarque, sortant la tenue de nuit de son patient qu'elle lui tendit gentiment.

« Tu te prépares pour dormir ? Je vais parler avec ton ami. »

Jimin acquiesça doucement tandis que les deux autres sortirent, s'asseyant sur la banquette qui se trouvait dans le couloir. La jeune femme prit une longue inspiration, posant une main rassurante sur l'épaule du blond.

« Il a oublié ce qu'il faisait là, pas vrai ?

- J'étais juste parti chercher à boire, je pensais pas qu'il... »

La voix d'Hoseok s'étrangla et il détourna le regard sur le fond du couloir avec culpabilité. C'était de sa faute. S'il ne l'avait pas quitté quelques minutes, peut-être que Jimin aurait pu profiter plus longtemps de cette fête.

« On y peut rien, murmura Jieun. Il est malade et ce genre de choses vont arriver de plus en plus souvent. Tu ne pourras rien y changer, même si tu y mets tout ton cœur.

- Est-ce que ça va être de pire en pire ? »

Un long silence lui répondit tandis que l'infirmière avait les yeux rivés sur le sol, visiblement perdue dans ses pensées. Elle finit par prendre une longue inspiration, tentant d'offrir à Hoseok son regard le plus rassurant.

« Pour le moment, sa maladie ne progresse pas. Le nouveau traitement est assez efficace pour contrecarrer le dysfonctionnement des connexions entre ses neurones. Mais elle finira forcément par repartir un jour, et on ne pourra plus rien faire pour la ralentir. »

Elle fit une pause avant de reprendre, sa voix ne se faisant pas plus haute qu'un murmure.

« Merci d'être là pour lui, même en connaissant sa maladie.

- Tout le monde dit qu'il est fou à l'université, je voulais pas faire partie de ça.

- Si tu veux partir, il ne t'en voudra pas, tu sais ? »

Le blond fronça les sourcils, reportant son attention sur le visage triste de l'infirmière. Cette dernière sentit son regard lourd et soupira avant de reprendre.

« Il finira par t'oublier, tout comme il finira par oublier tous les autres. C'est une fatalité à laquelle on ne pourra pas échapper. Et il ne pourra pas t'en vouloir si tu t'en va avant qu'il ne soit plus capable de dire qui tu es. »

Hoseok sentit son cœur tomber brusquement dans sa poitrine. Jimin allait l'oublier. Et bien qu'il sentit ses doigts trembler légèrement, un sourire triste s'esquissa sur ses lèvres gercées.

« Je ne partirai pas. Même s'il a eu un trou de mémoire ce soir, il était heureux d'être à cette fête et je veux continuer de lui faire faire des choses qui lui font envie.

- C'est très gentil de ta part, commenta Jieun en se redressant. Je vais aller vérifier qu'il est bien parti se coucher. »

Le jeune homme hocha de la tête en voyant l'infirmière entrer de nouveau dans la chambre. Au bout de quelques minutes, il se leva à son tour, prenant la direction de la sortie en enfonçant les mains dans la poche de son sweat-shirt.

Jimin finirait par l'oublier.

Au bout de quelques semaines, le respirateur artificiel de la mère d'Hoseok fut finalement retiré mais cette dernière devait demeurer à l'hôpital pour se reposer avant de pouvoir finalement rentrer chez elle. Son fils passait la voir tous les soirs après les cours, mais ne pouvait jamais rester bien longtemps, à son plus grand regret.

Cette soirée-là, une pluie torrentielle s'abattait sur la ville, obligeant les deux amis de regarder le petit jardin de l'hôpital à l'abris des gouttes. Le clapotis de l'eau sur les vitres berçait leurs oreilles d'une douce mélodie et rendait leurs paupières lourdes.

Un soupir se fit entendre et voyant que son vis-à-vis s'apprêtait à parler, Hoseok tourna légèrement son visage dans sa direction pour l'écouter.

« Tu crois que je vais finir par être complètement fou ? »

Le blond réfléchit pendant quelques secondes avant d'hocher négativement de la tête, déposant amicalement sa paume sur la cuisse de Jimin en guise de soutien.

« Tu ne deviendras pas fou. Tu seras de plus en plus malade, mais tu ne seras pas fou, parce que c'est tout simplement une autre maladie. »

Le patient sembla réfléchir avant de détourner le regard, ses yeux se perdant sur le bout du toit de l'hôpital qu'ils pouvaient apercevoir. L'eau semblait s'écouler par vagues avant de plonger en cascade vers le sol, inondant l'unique allée du petit jardin.

« Je crois que ma mémoire est comme de l'eau. Elle s'écoule indéfiniment avant qu'il n'y en ait plus. »

Les sourcils de Jimin se froncèrent, son visage reflétant soudainement une frustration profonde. Il lâcha un souffle agacé en se levant, les traits préoccupés.

« Il faut que je retourne dans ma chambre parce que quelqu'un va venir, mais je sais plus qui, dit-il subitement.

- Jieun? tenta Hoseok.

- Non pas elle. Zut, bon, je te dirai demain si je m'en souviens. »

Là-dessus la silhouette de Jimin s'évanouit dans les couloirs, ne laissant derrière lui plus qu'un vague souvenir pluvieux.

À la mi-décembre, un rayon de lumière arriva dans la vie d'Hoseok. Après des mois de maladie, il put accompagner sa mère jusqu'au domicile familial, une pointe de soulagement allégeant l'air de son appartement étudiant. Il pouvait passer ses soirées avec celle qui l'avait mis au monde, discutant de leurs vies respectives des heures durant pendant qu'un sourire soulagé se dessinait sur ses lèvres.

Et bien qu'il ne passait plus ces heures-là à l'hôpital, le blond n'oubliait jamais d'adresser un petit sourire sincère à Jimin lorsqu'il arrivait en cours avec ses affaires désordonnées.

Quelque part, il se sentait un peu coupable de le laisser seul, mais il avait eu si peur de perdre sa génitrice qu'il voulait passer du temps avec elle. Du temps qu'il n'aurait peut-être plus la prochaine fois qu'elle tomberait malade.

Alors, leurs petits sourires matinaux étaient devenus une routine à laquelle ils s'étaient habitués. Et tout comme il attendait impatiemment ses discussions vespérales avec son ami, le blond attendait leur petits échanges de regards lorsqu'ils entraient en cours.

Mais ce matin-là, Jimin ne vint pas en cours. Légèrement étonné, Hoseok tenta de se concentrer sur son cours de sociologie non sans un mauvais pressentiment au creux de son estomac. Son ami adorait se rendre à l'université, alors pourquoi n'était-il pas venu ? D'un regard inquiet, il lança plusieurs œillades en direction de la place vide sur sa gauche, se promettant de se rendre à l'hôpital pour prendre de ses nouvelles. Il espérait simplement que tout aille bien et qu'il avait eu un empêchement. C'était sûrement ça.

L'après-midi, le même schéma se répéta et l'angoisse commença à monter dans la gorge du blond. Il tenta de se rassurer, prenant des notes anarchiques sur un bout de feuille tandis que le professeur parlait sans grande émotion sur le petit écran face à lui.

Et lorsque toutes les vitres de protection s'abaissèrent en harmonie, Hoseok rangea ses affaires à toute vitesse, prenant la direction de la sortie avec une inquiétude anormale. Il marcha à grand pas sur le chemin qu'il avait eu l'habitude de prendre pendant des mois, se rongeant l'ongle du pouce au fur et à mesure qu'il s'approchait de l'hôpital.

Les portes automatiques s'ouvrirent sur son passage et presque essoufflé, il s'engouffra dans un ascenseur qui attendait là. Le jeune homme pressa le bouton de l'étage, tapant nerveusement du pied en attendant que les portes se referme et que la cabine s'élève petit à petit dans les airs. Les parois de verre laissaient une vue prenante sur la ville, mais ce soir-là, il ne voulait pas l'observer.

Lorsque les portes s'ouvrirent de nouveau, il se précipita hors de l'habitacle, marchant dans le couloir en prenant une longue inspiration. Il arriva finalement devant la porte de la chambre de son ami, frappant à cette dernière tout en tentant de se rassurer. Mais aucune réponse ne vint.

Alors qu'il s'apprêtait à appuyer sur la poignée, des pas derrière lui détournèrent son attention, pinçant un peu des lèvres en apercevant la silhouette de Jieun marcher jusqu'à lui.

« Hoseok ? Qu'est-ce que tu fais là ? Où est Jimin ? »

L'intéressé fronça les sourcils se redressant quelque peu avant de s'adresser à l'infirmière.

« Comment ça où est Jimin ? Il n'est pas ici ?

- Non, il est parti en cours ce matin comme à son habitude. Mais je crois qu'il n'est pas encore revenu. »

Le sang du jeune homme ne fit qu'un tour, sentant de nouveau un poids peser dans le fond de son estomac. Il ouvrit la bouche dans une tentative de réponse avant de finalement prendre son courage à deux mains, ne pouvant empêcher sa voix de trembler quelque peu.

« Il n'est jamais arrivé à l'université. »

Semblant comprendre la situation, Jieun écarquilla les yeux et sortit à toute vitesse son téléphone portable, cherchant dans ses contacts un numéro qu'elle y gardait précieusement. Mais après plusieurs tonalités, la boite vocale se déclencha, la faisant râler et froncer les sourcils.

« On va le retrouver, il ne doit pas être bien loin, prononça-t-elle d'une voix pourtant peu rassurée.

- Est-ce qu'il y a un endroit en particulier où il pourrait être ?

- S'il n'est pas venu de la journée, ça veut dire qu'il doit être perdu, sinon il serait rentré entre temps.

- Il n'y a aucun moyen de savoir où il est, alors ? »

La jeune femme réfléchit pendant quelques minutes, commençant à faire les cent pas dans le long couloirs de l'hôpital. Hoseok ferma les paupières quelques secondes, tentant de se mettre à la place du patient égaré. Il devait se sentir perdu, un peu apeuré, voire complètement en manque de repères. S'il était à sa place, qu'est-ce qu'il ferait ? Quelle direction prendrait-il ? Un peu dérouté le blond lança un regard aux baies vitrées au fond qui donnait une vue plongeante sur le petit jardin intérieur, ses sourcils se fronçant brusquement. Son esprit fonctionna à toute vitesse, tentant de creuser ses souvenirs embrumés par la panique.

Le jeune homme regarda l'infirmière, combattant l'angoisse qui le prenait à la gorge.

« Est-ce que... Est-ce qu'il y a un parc à proximité ? »

Un peu déroutée, Jieun ne répondit pas immédiatement, semblant rassembler ses esprits pendant quelques instants. Elle finit par sortir de son état second, un pli soucieux se formant sur son front habituellement lisse.

« Oui il y en a un à une vingtaine de minutes d'ici. Mais je vois pas en quoi...-

- Je reviens vite, la coupa Hoseok en reprenant à toute vitesse le chemin qu'il avait emprunté à l'aller. »

Il devait tenter le tout pour le tout. Le jeune homme se saisit de son téléphone, cherchant rapidement un plan pour situer ce parc qui ne devait pas être bien loin. Jimin aimait les myosotis, c'était un fait. Peut-être qu'avec un peu de chance, il était passé par un parc et s'y était arrêté. Peut-être qu'il s'était senti apaisé et avait décidé d'y rester pour calmer son esprit en panique.

Hoseok dévala les escaliers tout en prenant une longue inspiration lorsqu'il trouva enfin le coin de verdure sur la carte. Il avait plus d'un quart d'heure de marche, mais en se dépêchant il pouvait réduire son temps par deux.

Les portes automatiques s'ouvrirent sur son passage, laissant passer la silhouette pressée du blond. Suivant à la trace son téléphone qui lui indiquait le chemin à prendre, Hoseok courrait à en perdre l'haleine dans les rues bondées par l'heure de pointe. Sans vraiment se préoccuper des passants qui râlaient à travers leurs masques, il joua des coudes pour se frayer un passage en marmonnant des excuses peu sincères, priant intérieurement d'avoir vu juste.

Ses poumons le faisait souffrir, l'air pollué citadin circulant difficilement dans ses narines irritées et traversant difficilement son masque. Mais il ne pouvait pas ralentir. Si Jimin était bel et bien perdu, il ne pouvait pas le laisser tout seul.

Lorsqu'il aperçut le portail du parc au loin, des larmes d'effort roulèrent sur ses joues et inondèrent le tissus qui couvrait son nez et sa bouche. Il ne lui restait plus que quelques mètres à parcourir. Le jeune homme traversa la route sans regarder, s'excusant à peine auprès du conducteur de bus à hydrogène qui ne manqua pas de le klaxonner férocement.

Hoseok passa le portail de fer du parc, commençant à sentir de nouveau la panique pulser dans ses veines. Il y avait beaucoup trop de chemin à prendre, beaucoup trop de possibilités. Par où Jimin aurait-il pu passer ?

Observant avec attention ses trois options, le blond tenta de prendre le temps de lister toutes les choses qu'il pouvait voir. Il finit par se précipiter vers la voie où était indiqué une serre tropicale, espérant profondément de ne pas s'être trompé.

Tout en trottinant, il appela le nom de son ami, restant à l'affût du moindre mouvement qui pourrait le mettre sur la voie. Les branches des arbres qui se soulevaient avec le vent le faisait sursauter par instants, avant de reprendre de plus belle ses recherches.

Peut-être qu'il s'était trompé depuis le début ? Jimin pouvait être n'importe où, pourquoi serait-il ici ?

Mais alors qu'il s'apprêtait à faire demi-tour et retourner sur ses pas, une silhouette au loin attira son attention.

Assis sur un banc, les genoux repliés contre son torse et lançant des bouts de pain à des oiseaux qui se battaient pour les miettes, Jimin semblait apaisé. Ses cheveux retombaient légèrement devant ses yeux posés sur les volatiles, semblant peu se préoccuper du monde extérieur qui l'entourait.

Hoseok lâcha un souffle qu'il semblait retenir depuis de longues minutes, s'approchant doucement de son interlocuteur en baissant son masque et s'accroupissant à sa hauteur, une expression cependant inquiète demeurant sur ses traits.

« Tout va bien, Jimin ? »

L'intéressé tourna légèrement la tête vers le blond, la surprise se lisant au fond de ses yeux auparavant inexpressifs.

« Qu'est-ce que tu fais là ? s'enquit-il, visiblement perturbé.

- Tu n'es pas venu à l'université aujourd'hui, je m'inquiétais.

- Oh. »

Jimin ne dit rien de plus, semblant profondément perturbé, passant une main sur son visage fatigué. Les sourcils froncés et les lèvres légèrement pincées, le brun finit par hocher négativement de la tête, un soupir lui échappant brusquement.

« Avant je pensais que j'étais juste tête en l'air. Il m'arrivait de m'emmêler dans mes pensées ou de juste oublier la raison pour laquelle j'étais entré dans une pièce, murmura le patient. »

Un peu surpris par le changement de discussion, Hoseok se redressa, tentant de prendre une position attentive bien qu'il savait qu'ils devraient rentrer à l'hôpital.

« C'est des choses qui arrivent à tout le monde, j'imagine, continua Jimin en soupirant. Mais le jour où je fus incapable de reconnaître le visage de mes proches, j'ai compris que c'était autre chose. Toute ma vie on m'avait caché ma maladie, et je suis rentré à l'hôpital du jour au lendemain. Jamais personne ne vient me visiter, de toute manière, j'ai oublié tout le monde et je suis incapable de faire la différence entre ma mère et ma sœur. »

Le brun fronça les sourcils et secoua la tête, une expression peinée jouant sur son visage.

« Je crois même pas avoir de sœur, je crois que c'est un frère mais je suis plus sûr.

- Ce n'est pas grave, tu sais.

- Mais ça me fait de la peine d'être tout seul. »

Hoseok baissa légèrement des yeux, prenant une longue inspiration avant de répondre.

« Mais tu as pensé à eux ? Ça leur fait sûrement aussi de la peine que tu ne te souviennes pas d'eux. Et ils ne veulent peut-être pas te voir être triste parce que tu n'arrives plus à te souvenir de qui est qui. Ils ne veulent peut-être pas que tu te rattaches à ton passé pour mieux avancer. »

Jimin demeura silencieux, avant de finalement se remettre sur ses pieds, légèrement chancelant. Son vis-à-vis le rattrapa tant bien que mal, les yeux écarquillés sous la surprise.

« Tu te rappelles de comment tu as atterri ici ? demanda finalement Hoseok, un peu hésitant.

- C'est un peu brumeux, j'étais perdu et je savais plus trop où j'allais. J'ai vu ce parc et je m'y suis arrêté un peu pour m'asseoir et tenter de reprendre mes esprits, marmonna-t-il en s'étirant difficilement le dos. »

Le blond acquiesça sans un son tout en aidant son ami à marcher, prenant la direction de l'hôpital silencieusement. Ils arrivèrent à l'entrée du parc, observant la vie citadine fourmiller sous leurs yeux fatigués. Hoseok se tourna quelque peu vers son vis-à-vis, un pli inquiet entre ses sourcils.

« Tu as ton téléphone portable ? demanda-t-il, souhaitant prévenir l'infirmière qui se faisait un sang d'encre.

- Je ... Je crois pas ? Je sais plus où je l'ai mis, je l'ai cherché toute la journée mais impossible de mettre la main dessus.

- C'est pas grave, on va se dépêcher pour ne pas que Jieun s'inquiète. »

Là-dessus, ils reprirent leur route, tentant de se frayer un chemin à travers les passants qui rentraient à leur domicile. Le jour commençait à tomber, rasant l'horizon encombré par les buildings modernes. Et alors qu'ils arrivaient à l'hôpital, Jimin sembla se détendre, reconnaissant enfin les environs avec plus d'aisance.

Ils passèrent les portes automatiques, prenant l'ascenseur pour monter les étages dans un silence apaisant. Hoseok prit cette fois le temps d'observer le paysage urbain tandis qu'ils s'élevaient dans les airs, un doux draps vespéral enrobant les gratte-ciels aux alentours. Une voix robotique annonça leur arrivée et les deux jeunes hommes s'engagèrent dans le couloir, apercevant une silhouette se précipiter vers eux.

« Mon dieu, Jimin, tu m'as fait une de ces peurs !

- Je suis désolé, murmura le brun en baissant la tête.

- Ce n'est pas grave, tu n'y es pour rien. J'ai prévenu ton neurologue, il s'est arrangé pour pouvoir te prendre en rendez-vous ce soir. Va te reposer dans ta chambre, je t'apporte ton dîner. »

L'intéressé acquiesça lentement avant de reprendre sa route, laissant les deux autres dans le couloir. Jieun soupira en se pinçant l'arête du nez, regardant Hoseok qui paraissait profondément triste.

« Il ne pourra plus aller à l'université, commença doucement l'infirmière.

- Je me doute...

- Merci infiniment pour l'avoir ramené. Je t'en dois une. »

Là-dessus, elle rejoignit son patient en trottinant, laissant le blond les bras ballants dans le couloirs.

C'était peut-être bien la dernière fois qu'il vit Jimin encore sain d'esprit.

Les jours qui suivirent, Hoseok se remit longuement en question. Devait-il passer son temps avec sa mère qui sortait d'une longue période de maladie, ou bien Jimin, qui lui n'en sortirait jamais ? Et quoi qu'il choisisse, il se sentait toujours coupable vis-à-vis de l'autre.

Et maintenant qu'il ne partageait plus ses petits sourires matinaux avec son ami, il était obligé de faire un choix. Mais, un soir, alors qu'il discutait avec sa génitrice qui lui racontait sa journée, cette dernière sembla remarquer l'air absent de son fils qui acquiesçait sans réellement suivre la conversation.

« Quelque chose ne va pas, mon Hobi ? demanda-t-elle, visiblement inquiète. »

Le jeune homme sembla sortir de ses pensées, secouant doucement de la tête avant de prendre une longue inspiration.

« Excuse-moi, maman, je suis juste un peu ailleurs.

- Tout va bien ?

- Je... »

Hoseok réfléchit avant de se lancer, après tout, ce n'était pas sa mère qui allait le réprimander pour un sujet aussi important.

« J'ai un ami qui est malade et je ne sais plus si je dois passer du temps avec toi parce que je ne t'ai pas vu pendant des mois, ou avec lui parce qu'il n'a pas grand monde à qui parler.

- Est-ce qu'il est très malade ? »

Le blond acquiesça, sentant son cœur se serrer dans sa poitrine.

« Il ne guérira jamais, et il va... le jeune homme hésita. S'en aller petit à petit, finit-il dans un murmure. »

La quadragénaire eut une moue triste avant de prendre une longue inspiration, posant une main rassurante sur l'épaule de son fils qui avait baissé le visage tourné vers le sol.

« Va avec lui. J'adore que tu viennes me voir tous les soirs, mais il a bien plus besoin de toi. »

Les yeux larmoyants, Hoseok remercia sa mère avant de se diriger vers la sortie, enfilant son masque en se dépêchant de se rendre à l'hôpital. Elle avait raison, Jimin avait bien plus besoin de lui, et il ne pouvait pas le laisser tout seul.

Il marcha sur le trottoir à toute vitesse, tentant de rejoindre les lieux avant la fin des heures de visite pour pouvoir passer ne serait-ce que quelques minutes avec son ami. Le jeune homme soupira en voyant que les portes automatiques réservées au grand public s'ouvrirent, confirmant qu'il avait encore un peu de temps.

Il arriva dans le couloir, croisant Jieun qui sembla surprise de le trouver là, un plateau repas entre les mains. Une mine attristée se dessina sur ses traits tandis qu'elle soupira, un léger sourire jouant sur ses lèvres.

« Je ne pensais pas que tu reviendrais, dit-elle avec un certain soulagement.

- Jimin n'a pas grand monde de son âge à qui il peut parler, je... Je pense qu'il a besoin de moi. »

L'infirmière lui tendit le plateau, mais à travers son expression joviale, Hoseok put voir qu'elle tentait de faire bonne figure.

« Je lui apportais son dîner. Tu peux lui apporter à ma place, je... Je dois t'avouer que ça devient difficile donc il va falloir que tu l'aides un peu. »

Le jeune homme se saisit du repas, son visage trahissant une profonde tristesse. Ses doigts tremblaient un peu, secouant très légèrement le plateau entre ses mains.

« Ça s'empire, alors ?

- De jour en jour, murmura Jieun. Il faut commencer à se préparer, pour le moment il est encore conscient de ce qu'il est capable de faire ou non, mais bientôt... »

Une expression peinée traversa le visage de l'infirmière avant qu'elle reprenne, sa voix se brisant légèrement sur la fin.

« Bientôt il n'arrivera plus à faire la différence entre ce qu'il sait et ce qu'il a oublié. »

Hoseok acquiesça lentement avant de remercier son interlocutrice, comblant les quelques pas qui le séparaient de la porte de chambre de son ami. Il l'ouvrit tant bien que mal, souriant lorsqu'il l'aperçut allongé dans son lit, clignant longuement des yeux avant qu'un sourire ne fende à son tour son visage.

« Tu viens me voir ? dit-il avec une joie non dissimulée.

- Ma mère se sent beaucoup mieux donc je n'ai plus besoin de passer du temps avec elle. »

Le bonheur semblait pétiller dans les yeux de Jimin qui se décala un peu sur son lit pour lui faire de la place. Le plus grand déposa le plateau-repas sur une table roulante, l'amenant jusqu'au lit avant de s'asseoir près de son ami.

« C'est toujours aussi bien l'université ? »

Manquant de s'étouffer, le blond tenta de reprendre contenance avant d'hocher de la tête, un petit sourire se dessinant sur ses lèvres.

« Je suis pas une personne très studieuse, je n'aime pas autant les cours que toi, mais j'imagine que c'est toujours aussi bien à tes yeux.

- Je suis tellement déçu de plus pouvoir y aller... »

Hoseok réfléchit quelques instants avant de reprendre, rapprochant quelque peu la table roulante d'eux.

« Je pourrais t'expliquer ce qu'on fait en classe, si tu veux.

- Tu ferais ça ? »

Et en voyant le regard plein d'espoir de son vis-à-vis, le plus grand ne put qu'accepter. Le repas se passa en douceur, bien que le blond dû aider Jimin à boire dans le verre qu'il manqua d'échapper sur le lit. Et bientôt, l'heure de se dire au revoir arriva, et Hoseok salua son ami d'un petit signe de la main qu'il lui rendit avec engouement.

Le cœur plus léger qu'à son arrivée, le blond quitta l'hôpital pour rentrer chez lui, fredonnant une douce mélodie qui fit s'échapper un petit nuage de vapeur d'entre ses lèvres. Peut-être que Jimin n'était pas encore tiré d'affaire, et certainement qu'il allait devoir faire ses adieux un jour, mais pour le moment, il pouvait profiter, ne serait que le temps d'un instant.

L'hiver avançait à grand pas, engourdissant les doigts frigorifiés du blond qui enfonçait ses mains dans ses poches pour combattre la température du mois de février qui avoisinait les zéros. Mais dès qu'il passait les portes automatiques de l'hôpital, son cœur se réchauffait immédiatement, et un fin sourire naissait aux coins de ses lèvres gercées par le froid.

Jimin faisait par moment des progrès, la veille encore, il avait réussi à tenir ses couverts du premier coup, chose qui n'était pas arrivée depuis des semaines. Ils avaient été observer le petit jardin intérieur enneigé, un tapis blanc couvrant les fleurs dont son ami prenait grandement soin depuis son arrivée.

Il avait du mal à marcher, mais les médecins lui avait fait le privilège de ne pas utiliser de fauteuil roulant et lors d'une discussion avec Jieun, Hoseok avait compris que c'était pour que le patient garde le moral. Tant qu'il pouvait se déplacer seul, il considérait qu'il n'était pas encore assez atteint.

Mais ce soir-là, en arrivant devant la porte de la chambre, le jeune homme trouva cette dernière grande ouverte. Il pénétra avec inquiétude, découvrant la pièce étrangement vide de vie. Jimin l'accueillait toujours avec des éclats de rire et des grands sourires, mais cette fois-ci, il n'était pas là. Un peu préoccupé de ne pas trouver son ami, Hoseok se rendit à l'accueil infirmier pour se renseigner, un drôle de sentiment pesant sur son estomac. Peut-être qu'il avait simplement un rendez-vous avec le neurologue, il ne devait pas s'inquiéter autant.

Il frappa doucement contre le bois de la porte, tentant de ne pas paraître gêné lorsqu'un infirmier qu'il ne connaissait pas l'ouvrit, surpris de trouver quelqu'un ici. Sur son uniforme, le prénom Seokjin était brodé en lettres cursives, et ce simple détail détendit Hoseok qui se racla doucement la gorge.

« Je... Je suis un ami du patient de la chambre 319, j'ai trouvé la porte grande ouverte du coup je me demandais si vous saviez où il était ? demanda-t-il, peu sûr de lui. »

Son interlocuteur se gratta le sourcil avant de se tourner vers l'intérieur de la pièce, légèrement dubitatif.

« Tu connais l'infirmier en charge ?

- Oui ! s'exclama brusquement le blond avant de regretter de s'être emporté. C'est Jieun qui le voit habituellement. »

L'infirmier appela sa collègue qui vint à la porte, un gobelet rempli d'eau entre ses mains et un pli soucieux sur son front.

« Qu'est-ce que tu fais là ?

- Jimin n'est pas dans sa chambre, je sais pas s'il a un rendez-vous ou quoi du coup je me suis dit que... »

La jeune femme s'élança brusquement dans le couloir, marmonnant des mots incompréhensible et soupirant de frustration lorsqu'elle arriva à hauteur de la porte toujours grande ouverte.

« Bordel c'est la deuxième fois qu'il me fait le coup de la journée... grommela-t-elle en se pinçant l'arête du nez.

- Qu'est-ce qui se passe ? »

Une expression triste traversa furtivement son visage avant qu'elle ne se tourne vers son interlocuteur, visiblement hésitante. Elle finit par prendre la parole en semblant peser ses mots, faisant redouter Hoseok du discours qui allait s'ensuivre.

« Jimin... est passé par un nouveau stade. Il est plus souvent désorienté et... Ce matin il s'est retrouvé au service pédiatrie après s'être perdu. Je lui ai dit de m'appeler quand il veut quitter sa chambre, mais tu sais comment il est borné des fois. »

Le blond pinça des lèvres en regardant tout autour de lui, prenant une longue inspiration avant de reporter son attention sur Jieun.

« Tant qu'il est dans l'hôpital, tout ira bien, mais j'ai peur qu'il soit complètement déphasé et qu'il panique, continua-t-elle.

- On va le trouver, il est forcément dans le coin. »

Là-dessus, ils se séparèrent, partant chacun d'un côté du couloir pour tenter de retrouver le patient égaré. Et un étrange goût de déjà-vu prit Hoseok à la gorge qui essaya de refouler ses émotions en appelant son ami. Il grimpa tous les étages jusqu'au dernier, regardant jusque dans les buanderies lorsqu'elles n'étaient pas verrouillées.

Mais alors qu'il s'apprêtait à reprendre les escaliers à toute vitesse des sanglots étouffés attirèrent l'attention du jeune homme. Il tenta de suivre le son, s'arrêtant devant une porte de chambre fermée. Jusque-là, il n'avait pas osé frapper de peur de déranger des patients, mais quelque chose lui disait d'entrer. Une intuition qui naissait au creux de son estomac lourd.

Le blond frappa quelques coups contre le bois, fronçant les sourcils lorsqu'il entendit quelqu'un renifler de l'autre côté. Il ouvrit doucement la porte, et ses yeux s'écarquillèrent en voyant la silhouette de Jimin recroquevillée dans un coin, sanglotant et tremblant dans ses vêtements d'hôpital.

Hoseok se précipita à ses côtés, posant ses mains sur les genoux de son vis-à-vis pour lui signaler sa présence, avant de tenter de capter son regard larmoyant qui lui transperça le cœur. En reconnaissant son ami, le brun se jeta dans ses bras, sanglotant de plus belles dans le manteau du plus grand. Il semblait terrorisé, perdu, en plein milieu d'une crise d'angoisse qui le secouait de sanglots incontrôlables.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu fais là ? chuchota Hoseok dans la chambre vide.

- Je... Je me suis perdu et... Je croyais que c'était ma chambre mais il n'y avait personne et j'ai touché les affaires des infirmiers et... »

Jimin s'éloigna de lui en reniflant, montrant son doigt où une petite tache de sang apparaissait. Le cœur d'Hoseok se contracta d'autant plus tandis qu'il lui attrapa la main, faisant de son mieux pour que le garçon se calme. Il le ramena contre lui, inspirant et expirant avec calme, tentant de remettre en place tout ce que lui avait dit son interlocuteur.

Il s'était simplement trompé d'étage, ce n'était pas très grave. Mais l'histoire du matériel médical lui posait quelques soucis. Comment Jimin ne pouvait-il pas savoir qu'il pouvait se faire mal en touchant à des aiguilles et des ciseaux ?

Lorsqu'il sentit la respiration du jeune homme se calmer, il le prit par la main, l'aidant à se redresser sur ses pieds avant de prendre la direction de la sortie, souriant doucement lorsque son ami se cramponna à son bras pour ne pas le perdre. Il n'avait plus toute sa tête, mais il savait encore le reconnaître, et ce simple détail apaisa son cœur endolori.

Ils entrèrent à petit pas dans l'ascenseur, Hoseok pressant le bouton ayant un certain soulagement tout en regardant son vis-à-vis qui ne le quittait plus.

« Je te ferai un post-it avec le numéro de l'étage, tu le garderas précieusement avec toi, d'accord ? Comme ça tu ne te perdras plus.

- Je suis pas un gamin, je peux parfaitement me débrouiller tout s... »

Jimin se coupa dans sa phrase, un soupir le traversant brusquement. Il s'éloigna quelque peu de son ami, une mine triste assombrissant ses traits fatigués.

« D'accord... marmonna-t-il.

- Je dis ça pour toi, je veux pas qu'il t'arrive malheur un jour.

- Je sais. Ça me fait juste de la peine que tu me traites comme un gamin paumé. »

Et bien que cette phrase aurait pu lui briser une nouvelle fois le cœur, Hoseok rit doucement avant d'embrasser le haut de la chevelure de son vis-à-vis. Il s'approcha de son oreille à la manière d'un enfant qui voudrait lui murmurer un secret, son sourire ne quittant plus ses lèvres.

« Mais c'est ce que tu es, non ? »

Jimin gloussa à son tour et le poussa amicalement avant de sortir de l'ascenseur, s'engageant dans le couloir interminable. Ils entrèrent tous les deux dans la chambre, pressant au passage le bouton d'appel pour indiquer à Jieun qu'ils étaient de retour.

Décidant de mettre de côté ce qui venait de se passer, Hoseok changea de sujet, démarrant une conversation plus détendue avec son ami qui lui répondit avec engouement, partant dans des débats sans queue ni tête qui les firent rire doucement. L'infirmière passa voir si tout allait bien, souriant de soulagement en indiquant qu'elle n'allait pas tarder à apporter le dîner, avant de quitter la chambre comme elle était arrivée.

Le blond décida d'expliquer à Jimin ses cours d'université comme il lui promettait tous les soirs, tentant de restituer tant bien que mal les notions qu'ils avaient apprises au cours de la journée. Au fil de son récit, le brun acquiesçait lentement, tentant de temps à autre d'intervenir, mais il semblait s'emmêler bien vite dans ses mots. Et malgré ses tentatives de participation, le cœur d'Hoseok se serra une nouvelle fois. Au fond de lui, il savait que son ami faisait semblant. Il savait qu'il n'avait plus vraiment idée de ce dont il parlait et qu'il faisait mine de rien pour ne pas l'inquiéter.

Mais le jeune homme décida de faire de même, continuant de conter ses cours de statistique à son vis-à-vis qui semblait heureux d'écouter le plus grand parler d'une voix douce. La soirée fut agréable et ponctuée de conversations qui passaient du coq à l'âne, faisant sourire le blond lorsque Jimin perdait le fil de cette dernière et partait sur un autre sujet qui n'avait rien à voir. Peut-être qu'il aurait dû être triste, mais au fond de lui, il était tout simplement heureux de pouvoir encore passer du temps avec lui. Parce que peut-être que bientôt, il serait trop tard.

En rentrant des cours pendant une belle journée de début mars, Hoseok passa devant un fleuriste qui proposait diverses bouquets aux couleurs pétillantes. S'arrêtant pensivement devant ces dernières, il se prit à vouloir acheter des fleurs pour son ami malade et alité depuis quelques semaines. Le jeune homme observa les bouquets avec attention, une moue de déception se dessinant au fur et à mesure sur son visage.

Il n'y avait pas de myosotis.

Il savait que ces fleurs représenteraient bien plus que n'importe quel bouquet de roses aux yeux de son vis-à-vis, et leur absence dans la petite boutique lui fit faire demi-tour. Alors, ce soir-là, Hoseok traversa la ville à la recherche d'un bouquet de myosotis. Jimin était toujours triste lorsqu'il voyait que le petit jardin intérieur était encore brûlé par le froid de l'hiver et que ses fleurs n'avaient pas repoussé. Alors, peut-être qu'un bouquet de bourgeons bleutés apaiserait ses pensées le temps d'une soirée.

Et lorsqu'enfin le jeune homme aperçut les pétales azurs dans le recoin d'une boutique à l'autre bout de la ville, il lâcha un souffle qu'il semblait retenir, prenant les fleurs délicates entre ses doigts avant de les emmener au comptoir pour régler. L'employé scanna la puce implantée dans son bras avant de sourire, souhaitant une bonne soirée à son client qui s'en allait déjà.

La nuit tombait moins tard, autorisant Hoseok à pouvoir marcher parmi les derniers rayons de soleil qui balayaient le macadam du trottoir. Un œil inquiet sur sa montre, le blond augmenta la cadence pour arriver à l'heure. Il ne manquerait plus qu'il se fasse arrêter à l'entrée de l'hôpital.

Mais comme à son habitude, il put faire son chemin jusqu'à la chambre de Jimin, frappant doucement contre le bois de la porte avant d'entrer. Ce dernier l'attendait sur son lit, un fin sourire dessiné sur ses lèvres et un yaourt entre les mains. Sa blouse d'hôpital était tâchée de toute part, mais ce détail ne perturba pas le plus grand qui commençait à avoir l'habitude.

« Tu es en retard, remarqua le brun.

- Je suis parti faire une petite course avant de venir. »

Le jeune homme lui tendit le bouquet sous ses yeux ébahis qui s'écarquillèrent un peu plus. Jimin cligna des paupières à quelques reprises avant de déposer son yaourt, prenant à la place les fleurs pour les coller à son nez. Il inspira longuement avant de faire une grimace, une moue déçue se dessinant sur ses traits.

« Elles ne sentent rien... Celles du jardin sentaient bon !

- C'est peut-être juste une autre variété, commenta Hoseok. »

Son interlocuteur baissa quelque peu le bouquet, un sourire fendant son visage fatigué et illuminant ses iris d'une joie que son ami n'avait pas vue depuis des mois.

« Merci, dit doucement le plus petit, soudainement timide.

- Ne m'oublie pas, lui répondit le blond. »

Il y eu un long silence avant que Jimin ne réponde, sa voix tremblant très légèrement.

« Je ne t'oublierai jamais. »

Et bien qu'Hoseok savait qu'il ne pourrait pas tenir cette promesse, il ne put s'empêcher d'être heureux. Ne serait-ce que le temps d'un instant. Tant qu'il le pouvait encore.

Il aida Jimin à terminer son repas, lui racontant sa journée sans qu'il n'ait de véritable réponses de sa part, engloutissant la fin de son yaourt lorsque son vis-à-vis lui présentait la cuillère devant la bouche. Mais alors qu'il s'apprêtait à rentrer, s'étant rendu à l'hôpital bien plus tard que prévu, il entendit le brun se mettre brusquement en colère dans son lit.

« Putain de m... Espèce de... »

Le blond se retourna vers son ami, un sourcil levé. Ce dernier tapait la télécommande de la télévision contre le matelas, une expression frustrée déformant ses traits habituellement calmes. Le plus grand se rapprocha lentement, la lèvre inférieure coincée entre ses lèvres.

« Besoin d'aide ? demanda-t-il, un peu gêné.

- J'ai essayé d'allumer cette putain de connerie toute la journée mais impossible de la faire marcher ! Je suis sûr elle est cassé c'est pas... »

En voyant l'écran s'allumer subitement, Jimin s'arrêta dans ses jurons, les yeux écarquillés de stupeur. Il regarda Hoseok qui venait de presser discrètement le bouton sur l'extrémité gauche de la télécommande. Le jeune homme soupira, ses iris fixant ses pieds qu'il bougeait sous le draps, passant brusquement de la colère à la tristesse.

Hoseok s'approcha un peu plus, déposant un baiser sur le haut de son crâne, inspirant l'odeur florale des cheveux de son interlocuteur le temps de quelques secondes. Il s'éloigna de lui, un fin sourire se dessinant sur ses lèvres.

« Je dois vraiment y aller, mais je repasse demain, d'accord ? »

Jimin acquiesça lentement tandis que Hoseok quitta la pièce, non sans avoir le cœur lourd. Le blond ne se voilait pas la face, l'état de son ami s'empirait de jour en jour, et il n'y avait plus rien qu'il pouvait faire. Il ne pouvait qu'être à ses côtés jusqu'au dernier instant, et prier pour qu'il ait une fin douce et calme. Une fin à son image.

Les semaines défilaient et le printemps revenait. Comme Hoseok le promettait chaque soir, il revenait le lendemain voir Jimin, passant des heures à discuter ou se promener avant de rentrer à la fin des heures de visite.

Mais chaque semaine, son état devenait de plus en plus inquiétant. La première, il eut du mal à raconter sa journée, se perdant dans ses mots au milieu d'une phrase ou ne retrouvant plus le nom de l'infirmier qui l'avait amené au jardin.

La seconde, il s'énerva de nouveau sur la télécommande de la télévision avant de la jeter par la fenêtre. Mais ce qui marqua Hoseok fut ses discours de plus en plus brouillon, de plus en plus incompréhensible. Les médecins avaient également décrété qu'il ne pouvait plus se déplacer qu'en fauteuil roulant, ayant chuté dans sa chambre après avoir essayé d'aller seul au petit jardin de l'hôpital.

La troisième, il tomba malade et resta alité sans pouvoir sortir. Il toussait beaucoup, et pourtant, il assurait qu'il allait bien. Jieun avait confié à l'étudiant que sa température ne retombait pas, et qu'elle commençait à sérieusement s'inquiéter.

La quatrième, il fut incapable de tenir ses couverts correctement. Il se blessait la langue avec son couteau qu'il confondait avec sa cuillère, et Hoseok dû intervenir et le faire manger pour éviter d'autres incidents.

Mais le pire fut la cinquième.

Ce soir-là, le jeune homme rentrait des cours à toute vitesse, comme à son habitude. Il emprunta les ascenseurs de l'hôpital sans prendre le temps d'observer le paysage, tapant du pied nerveusement contre le sol. Les portes s'ouvrirent, et il traversa le long couloir, fronçant légèrement les sourcils en apercevant la silhouette de Jieun devant la porte.

Le blond s'approcha d'elle, un peu étonné de la voir ici, pourtant, cette dernière semblait l'attendre. Il s'arrêta à sa hauteur et la salua, son visage se lissant lorsqu'elle ne répondit pas. À la place, elle prit une longue inspiration, ses yeux trouvant bien vite le sol immaculé sous leurs pieds.

« C'est bientôt la fin, murmura-t-elle. »

Un peu surpris, Hoseok fronça les sourcils. Jimin déraillait certes, mais il était encore loin d'être assez atteint. Voyant que l'étudiant ne comprenait pas, l'infirmière hocha négativement de la tête avant de reprendre, sa voix se brisant légèrement.

« Il a développé une pneumonie par aspiration à cause des troubles de déglutition. C'est le stade final de la maladie.

- Mais il allait parfaitement bien hier ! s'exclama le jeune homme en sentant ses doigts trembler.

- Jimin a toujours été un bien meilleur acteur que les autres. Le rendez-vous avec le neurologue ce matin a montré qu'il ne se souvient plus que par bribes de certains événements. Il ne peut plus marcher seul, ne peut plus manger seul, ne peut plus aller aux toilettes seul. Tout à l'heure, je suis entrée dans sa chambre et il m'a jeté tout ce qu'il avait à proximité en hurlant. Il m'a oublié, Hoseok. »

Une profonde tristesse transperça le cœur de l'étudiant qui s'appuya contre le mur pour tenter d'encaisser le choc, manquant de verser une larme solitaire. Il ne l'avait pas venu venir. Il passait tellement de temps avec lui qu'il ne voyait même plus les symptômes s'accélérer et son ami sombrer.

Le blond passa ses mains froides sur son visage en prenant une longue inspiration, tentant d'assimiler ce que Jieun venait de lui confier. Il finit par acquiescer, comme si, par ce geste, il acceptait la dure réalité qu'il venait d'entendre. Jimin allait partir.

La jeune femme posa une main amicale sur l'épaule du blond, tentant d'esquisser un sourire qui se voulait rassurant.

« Il peut peut-être guérir de la pneumonie, mais ce genre de choses risquent d'arriver de plus en plus souvent. Il sera mis sous respirateur à partir de ce soir, je voulais attendre que tu sois là pour que tu puisses discuter avec lui une dernière fois.

- Merci... murmura Hoseok. »

Là-dessus, l'infirmière dépassa son interlocuteur, s'engageant dans le couloir sans fin de l'hôpital. Un soupir traversa l'étudiant avant qu'il n'ouvre la porte, esquissant un sourire factice pour ne pas inquiéter son ami.

Assis sur son lit, une intraveineuse au bras gauche, Jimin le regardait avec des yeux ronds. Il lisait un magazine qu'il lui avait amené quelques jours plus tôt, la télécommande de la télévision étant introuvable depuis un moment déjà.

Le jeune homme s'approcha, s'asseyant sur le bord du lit pour le saluer tandis que le patient fit un simple hochement de tête pour lui rendre la pareille.

« Qu'est-ce que tu lis ? demanda le blond en sentant sa gorge se serrer. »

Son vis-à-vis regarda la revue entre ses mains puis haussa des épaules, la déposant sur la table de chevet près de lui.

« C'était là quand je l'ai trouvé. »

Hoseok acquiesça doucement, trouvant le comportement du brun étrange. Habituellement, les conversations fusaient, même si les mots de Jimin n'étaient plus toujours compréhensibles, ils arrivaient à tenir un dialogue. Le blond regarda tout autour de lui avant de se concentrer de nouveau sur son vis-à-vis, tentant de formuler une phrase correcte dans son esprit embrumé par la tristesse.

« Il y a quelque chose que tu veux faire ?

- J'aimerais bien aller voir les... »

Le patient s'arrêta dans sa phrase, butant sur quelques mots avant de reprendre, les yeux légèrement dans le vide.

« Les jolies fleurs bleues.

- Les myosotis ? tenta son interlocuteur.

- Oui, c'est ça. Les myosotis. »

Il ne savait pas s'il avait le droit de sortir son ami de la chambre à la suite de son diagnostic. Et s'il empirait sa condition ? Il avait trop peu de connaissances médicales pour prendre la décision et il se voyait mal appeler Jieun pour si peu.

Après une longue hésitation, Hoseok esquissa un large sourire, ce dernier se fanant quelque peu en voyant que son Jimin n'y répondait pas.

« Je ne suis pas sûr que je puisse t'emmener dans les jardins, mais je peux t'amener un bouquet jusqu'ici, si tu veux ? »

Le patient hocha doucement de la tête et l'étudiant se leva, effectuant le chemin inverse pour rejoindre le jardin intérieur. Ce n'était pas énorme, mais s'il pouvait offrir des fleurs à Jimin pour qu'il ait le moral, c'était la moindre des choses.

Il poussa la porte vitrée, soupirant de soulagement en apercevant le tapis bleuté qui avait de nouveau fleuri. Le jeune homme s'accroupit pour en récupérer quelques-unes, les déposant dans le creux de sa main gauche tout en laissant le flot de ses pensées se déverser tel un ouragan dans son esprit.

C'était peut-être la dernière fois qu'il aurait l'occasion d'échanger quelques mots avec Jimin. Il pensait qu'il allait bien encore la veille, mais il ne s'était pas rendu compte qu'il jouait la comédie. Et maintenant qu'il était trop atteint, il ne pouvait plus faire semblant. Et ce constat terrifia Hoseok.

Une fois que le bouquet fut assez gros à son goût, il remonta dans la chambre, retenant un soupir de soulagement de le traverser lorsqu'il aperçut Jimin qui était toujours sagement assis dans son lit. La revue était de nouveau sous ses yeux et il leva la tête en voyant entrer Hoseok.

Le blond s'empara d'un verre en plastique, s'éclipsant quelques instants dans la salle de bain pour le remplir avant d'y faire tremper les fleurs. Il alla déposer le tout sur la table de nuit avant de reprendre sa position initiale, observant Jimin qui touchait du bout du doigt les pétales.

« J'aime beaucoup ces fleurs, commenta-t-il.

- Je sais, répondit Hoseok avec un large sourire. »

Le patient s'arrêta dans sa contemplation, tournant de nouveau son attention vers le magazine posé sur ses genoux.

« C'est toi qui m'a amené ça ? »

Le cœur d'Hoseok se serra et il soupira silencieusement avant de prendre la parole, ne pouvant empêcher sa voix de trembler quelque peu.

« Oui, je te l'ai donnée il y a trois jours.

- J'y comprends rien. »

Le jeune homme se racla la gorge, tentant de s'approcher de quelques centimètres de son ami.

« Tu veux que je t'explique ? »

Jimin acquiesça et l'étudiant se lança dans son discours, tentant de faire comprendre par des mots simples ce dont parlait l'article. Il n'utilisait pas un langage enfantin, après tout, le brun était adulte et pouvait comprendre ce qu'il racontait, mais il avait peur de le perdre au fil du récit, et demanda régulièrement si ça allait.

Et c'est ainsi qu'ils passèrent la soirée, bien au-delà des heures de visite auxquelles Hoseok avait habituellement le droit. Lorsque finalement quelqu'un frappa à la porte, les deux regards se tournèrent vers Jieun qui entra à petit pas, esquissant son éternel sourire rassurant.

« Le médecin ne va pas tarder à arriver. Il est temps de rentrer, Hoseok. »

Il aurait voulu rester plus longtemps. Il aurait aimé pouvoir parler encore quelques minutes avec Jimin. Mais il n'avait pas le choix. Le jeune homme se leva du lit, saluant son ami avec le cœur lourd, mais ce dernier lui attrapa la manche au dernier moment. Les yeux du plus grand observèrent les petits doigts qui serraient le bout de tissus avant de reporter son attention sur le patient qui semblait un peu agité.

« Est-ce que tu vas revenir ? demanda-t-il subitement.

- Oui, bien sûr. Je reviendrais tous les soirs. »

Jimin sembla réfléchir avant de papillonner des yeux, ses iris se posant de nouveau dans le regard de son vis-à-vis.

« Est-ce que tu pourras m'amener d'autres fleurs ? J'aime bien les fleurs bleues du jardin. »

La gorge d'Hoseok se noua tandis qu'il acquiesça doucement, un fin sourire se dessinant sur ses lèvres tremblantes.

« Je t'en amènerai tous les soirs, c'est promis. »

Le brun sembla se calmer et fit un petit signe de la main à son ami qui lui rendit avant de quitter la pièce, non sans échanger un regard lourd de sens avec l'infirmière. Il ne savait pas si Jimin savait ce qui allait s'ensuivre ou s'il n'avait pas été tenu au courant. Mais ce qu'il pouvait affirmer, c'est que Jieun prenait soin de lui du mieux qu'elle le pouvait. Et, elle comme lui, allaient sûrement très bientôt partager un chagrin qu'ils ne pourraient pas consoler.

Les semaines suivantes fut longues et silencieuses. Seules les machines qui aidaient son ami à respirer semblaient briser le mutisme de la chambre d'hôpital, et berçaient les oreille d'Hoseok d'une mélodie mécanique.

Parfois, Jimin avait les yeux ouverts et le regardait, mais la plupart du temps, ses pupilles étaient plongées dans le vide, semblant observer quelqu'un ou quelque chose qui n'existait pas. Alors, pour combler ces instants silencieux, Hoseok parlait de ses cours et de ses journées, tentant de remplir celles du brun qui devaient être bien vides.

Mais ses discours étaient toujours sans réponse, bien que par moment, Jimin se mettait brusquement à gesticuler dans son lit en échappant des cris rauques. La première fois, le plus grand avait paniqué, se retrouvant tétanisé entre le lit et la porte sans savoir quoi faire. Il avait regardé son ami avec des yeux terrifiés, tentant de murmurer des paroles rassurantes qui n'avaient pas beaucoup de sens.

Il avait dû appeler Jieun qui avait injecté un sédatif, observant en silence le patient plonger dans un demi-sommeil aseptisé. Les deux s'étaient lancé une œillade triste avant que l'infirmière ne retourne à ses tâches, laissant les deux garçons profiter de leur présence mutuelle.

Mais Jimin n'était plus vraiment là. Hoseok avait l'impression de parler dans le vide.

Il n'y avait pas un soir où il arrivait sans un petit bouquet de myosotis à la main. Il les déposait toujours dans un verre qui faisait office de vase près du lit de son ami. Quelque fois, Jimin regardait longuement les fleurs et parvenait à les toucher du bout des doigts. Mais la plupart du temps, il restait amorphe sur son lit, les yeux mi-clos et le long tuyau dans sa gorge faisant se soulever ses poumons à un rythme régulier.

Dès que le regard du jeune homme croisait le corps frêle et malade de son vis-à-vis, il retenait un sanglot de le secouer brusquement, se raclant la gorge pour éviter que son ami n'entende sa voix tremblante et ses larmes qui menaçaient de s'échapper sur ses joues.

Il devait être fort pour lui.

Alors, soir après soir, il tentait d'avoir une discussion monologue, fixant par moment les fleurs sur le coin de la table à côté de lui pour éviter de regarder son ami au bord du gouffre. Son état ne s'améliorait pas, et même si Jieun ne lui avait pas dit de but en blanc, il savait que le sablier était presque écoulé.

Il ne restait plus beaucoup de temps.

Lorsqu'il rentrait chez lui, se jetant sur son lit avec un soupir fatigué, Hoseok laissait enfin s'échapper tous les sanglots qu'il avait retenus, et les perles salées qui roulaient sur ses joues rejoignaient ses oreillers encore humides des larmes de la veille.

Son cœur se déchirait, tentant de projeter l'image d'une personne qui n'existait plus sur le corps malade et mourant de Jimin. Mais il lui avait promis de revenir tous les soirs. Et même si son ami s'était évanoui avec le temps, il voulait continuer de prendre soin des reliques de sa présence, de son existence.

Mais ce soir-là, alors qu'il remontait en direction de la chambre après s'être arrêté au petit jardin de l'hôpital, Hoseok eut un étrange sentiment. Sans vraiment comprendre, il entra dans la chambre de son ami, effectuant cette routine qu'il s'était installé. Il salua Jimin tout en s'emparant du verre que Jieun avait nettoyé dans la journée, y déposant les fleurs avec un fond d'eau tout en racontant une partie de sa journée pour combler le silence. Mais alors qu'il déposa le vase de fortune sur le bord de la table de nuit, une petite main frêle et tremblante vint s'entourer autour de son poignet.

Hoseok regarda son vis-à-vis, croisant son regard qui était fixé sur lui. Il ne sut pas si c'était son imagination qui lui jouait des tours, mais au fond des iris du patient, il lut de la gratitude. Le jeune homme déglutit difficilement, amenant son autre paume à la tête du brun, balayant avec tendresse les mèches de cheveux légèrement sèches.

Il prit une longue inspiration, s'emparant d'un myosotis du vase pour le déposer entre les doigts de son ami, commençant son monologue non sans garder un œil attentif sur le visage du malade. Mais l'attention de ce dernier était tournée vers la petite fleur qui tournait maladroitement entre ses doigts, avant de ne faire plus un geste.

Le patient restait parfaitement immobile, les paupières tombantes, tandis qu'Hoseok continuait de parler sans laisser paraitre son inquiétude naissante. Il se comportait bizarrement. Cela faisait trois, peut-être quatre semaines que Jimin était sous respirateur artificiel, et il l'avait rarement vu aussi vif que ce soir-là.

Il resta longtemps, peut-être plus que d'habitude, quittant la pièce au bout de plusieurs heures tout en promettant de revenir le lendemain.

Mais l'image des doigts blancs de son ami enroulés autour de son poignet ne cessait de revenir au fond de son esprit. Peut-être qu'il devenait fou. Il était persuadé que Jimin l'avait oublié, et pourtant, la scène qui s'était déroulée dans la chambre semblait prouver le contraire.

Hoseok eut du mal à trouver le sommeil, tournant et retournant dans son lit avec le cœur profondément serré. Quelque chose semblait ne pas tourner rond.

Le lendemain, il se rendit à l'hôpital à la première heure, laissant tomber sa grasse matinée du samedi pour visiter son ami. Il devait en avoir le cœur net. Le blond ne manqua pas de se rendre au jardin, cueillant quelques fleurs pour pouvoir les offrir à Jimin. C'était une habitude qu'il ne voulait pas abandonner.

Il grimpa dans l'ascenseur, prenant une longue inspiration dans son masque pour tenter de calmer les pulsations trop rapides de son cœur. Tout irait bien. Tout se passerait pour le mieux.

Les portes mécaniques s'ouvrirent, laissant le jeune homme s'engager dans le couloir vide de vie. Il avança à grandes enjambées, tentant de reprendre son souffle qui se faisait court. Il frappa doucement à la porte, l'ouvrant à la volée sans attendre une réponse qui ne viendrait pas.

Il fit quelques pas dans la pièce, son visage se lissant brusquement de toute émotion. Ses doigts tressautèrent, échappant les fleurs qui vinrent se déposer souplement sur le sol. Hoseok eut besoin de cligner des yeux à quelques reprises, inspirant brusquement un souffle qu'il retenait et échappant des larmes sans même s'en rendre compte.

Le lit était vide. La chambre était sans vie.

Jimin avait disparu.

Des pas dans son dos le firent se retourner, tentant de retenir ses larmes qui menaçaient de s'échapper du coin de ses yeux. Jieun se tenait là, le visage fermé et les sourcils légèrement froncés. Elle inspira longuement, détournant son regard de la silhouette du jeune homme avant de prendre la parole, son souffle ne se faisant pas plus fort qu'un murmure.

« Il... Il a retiré son respirateur pendant la nuit.

- Quoi ? Mais comment c'est possible ? s'affola le blond en serrant les dents.

- Il se l'est retiré de force. Normalement il n'aurait pas pu au vu de son état, mais je l'ai retrouvé ce matin en arrivant.

- Il... Il était... »

L'infirmière ne répondit pas de suite, fermant les paupières pendant quelques secondes avant de s'appuyer contre le mur de la chambre, passant une main dans sa chevelure ébène.

« Il a fait une insuffisance respiratoire. Je... Je suis pas sûre que ce soit un accident si tu veux tout savoir. Il avait l'air plutôt conscient et éclairé hier soir. Il avait une fleur entre les doigts quand je suis arrivée. »

La gorge d'Hoseok se noua et il fit quelques pas, posant sa main sur l'épaule de Jieun le temps de quelques instants. Il prit une longue inspiration avant de quitter la chambre, traversant le couloir en sens inverse. Il n'arrivait tout bonnement pas à réaliser.

C'était comme si son cerveau court-circuitait.

Ses pas le menèrent vers la grande baie-vitrée qui surplombait le petit jardin intérieur, observant la végétation qui s'était ravivée avec le printemps. Un doux tapis bleus jonchait les brins d'herbe, donnant une ambiance mystique à ce lieu qu'il avait tant côtoyé.

Les doigts tremblants et le cœur au bord des lèvres, le blond prit une longue inspiration fébrile, fermant les paupières en sentant sa peau pâle frissonner. Il rouvrit les yeux, posant de nouveau ses iris sur ce bleu si beau, soupirant silencieusement.

Jimin l'avait peut-être oublié, il ne le saurait jamais. Et tandis qu'il observait le petit jardin, la légende des myosotis que son ami lui avait conté lui revint en tête. Il sentit son cœur se serrer et laissa s'échapper une larme, déposant lentement sa paume sur la vitre.

« Je ne t'oublierai jamais, murmura-t-il. »

Sa silhouette s'évanouit dans le couloir et bientôt, sa présence ne fut plus qu'un souvenir qui serait oublié avec le temps.

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