MEET ME

By JustCrowns

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« Rencontrez l'âme-sœur. Rencontrez l'Amour grâce à Meet Me et son concept si particulier. » C'est un réel co... More

Prologue : L'amour
Chapitre 1 : Douceur d'Honoré
Chapitre 2 : Dimanche de bois
Chapitre 3 : Une fleur de la nuit
💌
Chapitre 4 : Fleur fanée et nouveau pétale
💌
Chapitre 6 : Le faucon rapporteur
Chapitre 7 : En comptant les étoiles
Chapitre 8 : Là où le tonner crève les cœurs
Chapitre 9 : Bouquet de muses
Chapitre 10 : Amor fati

Chapitre 5 : Un double et des phases

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By JustCrowns

J'ai sur mes genoux mon ordinateur portable, ouvert sur les messages de l'administration de l'université. Un mélange de tout et de rien, entre avertissements quant à la maintenance future du site, et publicités. Entre eux se trouve celui que les chercheurs attendent, que je lis à l'instant – le combat des alphas aux dix années d'études dans la poche, le concours d'éloquence des enseignants-chercheurs. J'ai un sourire désinvolte. La liste des compétiteurs n'est pas encore visible, seulement la date. Vendredi prochain, à dix-huit heures. Émilie souhaitera sûrement s'y rendre... pour se moquer.

L'écran de mon portable est resté allumé toute la nuit sur le message d'Hugo.F. Je ferais ma malpolie, en y répondant plus tard. J'entends ma mère s'activer dans le salon, elle partira certainement en trombe, comme à son habitude. Je sors lentement de mon lit. Quand elle me voit, elle affiche un grand sourire.

— Bonjour ma chérie, elle lance en cherchant ses clés sur le buffet et j'y réponds en la regardant s'agiter. Est-ce que tu pourras aller chercher mon colis à la librairie, s'il te plaît ? Tu sais, pas très loin de la Fnac ?

— Ouais j'irai, après mes cours.

Elle dégotte le trousseau, le brandit et accourt me déposer un bref baiser sur le front.

Ma mère n'a jamais su calmer sa bibliophilie. « Ce qu'il y a de plus profond, d'interdit, d'inviolable, ce qui nécessite la pudeur absolue – c'est l'âme. L'âme seule. Un personnage, un lecteur, des personnages, des lecteurs. D'une part, ceux qui comptent l'Homme comme dieu. Ceux dont l'existence n'a d'intérêt que pour une minorité ciblée. Ceux dont l'habitat est de papier. D'une autre, ceux qui créent. Le lecteur est une fusion du personnage et de l'auteur – il se laisse guider et construit, en même temps. » C'était ce qui figurait sur le petit morceau de papier, coincé entre les pages des Misérables. Elle tend vers les classiques français, le mal du siècle romantique, l'exile. Sans doute souffre-t-elle, aussi, du mal de la vie, depuis sa séparation avec mon père.

Nous étions soudés, nous nous aimions. Nous nous aimions jusqu'au jour de cette rencontre. Nathalie est venue bouleverser mon univers, saccager celui de ma mère, égayer celui de mon père. Père qui, depuis quelques temps désormais, nous a radiées. Nous n'existons plus. Je sais seulement qu'il mène une vie tranquille dans le sud de la France, avec sa nouvelle femme, et leur fils. Un événement brutal, lamentable, qui aura valu près de six mois de suivi à ma mère. Elle est esthéticienne, et, vendeuse à domicile. Cela fait trois ans.

*
* *

Ce que le temps est lourd, aujourd'hui. Si lourd. Oxygène, où es-tu ? L'humidité t'aurait-elle capturé ? Tu manques. Je m'enfonce dans l'espace vert, me dirigeant vers le bâtiment des amphithéâtres. J'ai mon sac sur le dos, et je suis inquiète de n'en voir aucun. Le campus n'est pas très vivant. Pourtant, vers les coups de onze heures, les étudiants se ruent vers la cantine. Sans me questionner davantage, je parviens à la grande porte blindée et décide de l'ouvrir.

Verrouillée.

Je retente. Un second échec.

Il n'y a pas un chat. Je me retourne, l'air stupide, regarde au mieux par la grande vitre, découvrant avec stupéfaction l'absence du personnel, des femmes de ménage. Les lumières sont éteintes, le ciel gris n'aide pas.

— C'est pas possible, balancé-je dans un soupir.

Ma montre affiche dix heures. La seule personne à pouvoir m'ouvrir est le concierge. Si je presse le pas, il me sera possible de limiter mon retard. Alors, je contourne le grand bâtiment et empreinte la pente, menant au petit cabanon. Des voitures parsèment le parking, face à la foret. Parmi elles, un SUV noir, imposant. Je n'y prête pas davantage d'attention, trop occupée à réguler mon souffle. Mon souffle qui commence à se saccader. Une fois parvenue à hauteur de l'antre du concierge, j'inspire profondément, avant d'abattre mon poing contre la porte.

— Ouais ? Entrez ! Gueule l'homme.

J'ouvre timidement.

— Bonjour, fis-je.

— C'est pourquoi ?

Son crâne chauve est luisant, je crois, même, qu'il transpire à grosse goutes sous son pull. Le grassouillet n'est pas des plus aimables.

— Le bâtiment F n'est pas ouvert...

Il roule des yeux.

— Il faudrait surveiller vos mails, mademoiselle, annonce-t-il en arquant un sourcil. Vous n'avez donc rien reçu ?

— Pardon ?

— La peinture est en train d'être refaite, notamment dans l'amphithéâtre principal. Le bâtiment est, de ce fait, fermé aujourd'hui. Regardez bien vos mails, au cas où la situation serait amenée à se prolonger.

J'ai l'air stupide. Mes mails, je les avais sous les yeux, quelques heures auparavant. Soupirant, je remercie le concierge et referme. La journée commence bien. Je contourne le cabanon et longe le parking. J'ai fait mon sport de la journée. Je remarque que les vitres teintées du SUV se sont abaissées. Les phares sont allumés. Forcément, je marque un arrêt, à un mètre du coffre, pensant que le conducteur s'apprête à faire une marche arrière.

La voiture reste immobile.

J'avance, lentement. C'est un corps surgissant de nulle part qui me fait pousser un cri d'étonnement. Par instinct, je fais un pas en arrière. L'individu qui se tient face à moi, ce monstre prêt à m'avaler, je ne le connais que trop bien. Je serre les dents. Lui, placarde un sourire faux sur ses lèvres.

— Qu'est-ce que tu fous là, Victor ? Balancé-je, les poings fermés.

Calmement, il replace son bonnet, me toisant. Son regard vert-jaune me terrifie, et, il s'en amuse.

— Ma Rose, je suis si heureux de te voir. Pourquoi tu recules ? Je te fais peur ?

— Arrête de te vouloir être sympathique, Victor. Je répète, qu'est-ce que tu me veux ?

J'ai la voix qui tremblote.

— Je voulais te voir, tout simplement. J'étais sûr que tu viendrais à la fac, tu ne regardes jamais tes mails avec attention.

— Tu es déscolarisé, articulé-je.

— Mais je reçois toujours les mails de la fac, il termine dans un sourire encore plus tiré.

Mon esprit est brouillé par les souvenirs traumatisants, les rancœurs. À chaque pas fait en avant, je recule. Je recule de terreur. Victor est capable de tout et, il fallait que le campus soit désert. Tant bien que mal, j'essaie d'écourter la conversation, de contourner mon ancien petit-ami. Lui, n'étant pas de cet avis, me barre le passage.

— Laisse-moi passer ! Gueulé-je en le poussant avec force. Putain, Victor, laisse-moi passer !

— Je t'ai connu plus chaleureuse...

Je crois rêver lorsqu'il ouvre grand ses bras, dans l'espoir que mon corps secoué par les idées folles s'y range. Grave, la répugnance monte, flambe mes veines. Je me revois alors nue, dans ce lit. Et puis lui, je le revois aussi. Victor et moi sommes enfermés, sous une cloche d'immondice, où les senteurs nauséabondes sont palpables. Par senteurs nauséabondes j'entends l'odeur de son corps manipulé par ses pulsions, empestant l'obsession.

Rose n'est plus sous contrôle.

Victor avance, je recule, le bras droit engourdi par les picotements. Son sourire, j'aimerai le détruire. Les larmes montent, et, possédée par l'horreur du passé, je lui assène une gifle féroce. Sa tête bascule totalement sur le côté – il apporte sa main à sa mâchoire. Du sang coule de sa narine. S'il avait pu me tuer, il l'aurait fait. Peu m'importe. Je suis en position de commandement, lui, de soumission. Qu'il se souvienne que l'ascendant ne lui appartient plus.

— Sois content que je n'ai pas appelé les flics, craché-je avant de le bousculer.

*
* *

— C'était bien mérité ! Je suis fière de toi !

À l'autre bout du combiné, Émilie s'esclaffe durant de longues minutes. Je longe la grande place principale du centre-ville, et m'insère dans l'une des petites artères. J'ai le colis de ma mère, soigneusement rangé dans mon sac.

— Il fallait voir sa tête, pouffé-je. Ridicule.

— Je m'en doute ! Quel monstre, quand j'y pense. T'es quand même restée quatre ans à supporter ce type.

— L'amour a ses raisons que la raison, elle-même, ignore...

L'habituel place de l'homme qui cire les chaussures est inhabitée. J'ai une vague pensée pour lui, si sympathique. Émilie débute un sujet la concernant, tandis que je me rapproche du petit carrefour, dans la ruelle de Bonhomme de bois. J'ai cru comprendre que son lapin, Buny, a subi une opération ce matin.

— Mon pauvre petit lapinou, si tu l'avais vu... Oh, je te laisse, Rose, ma mère est rentrée avec lui ! Bisous !

Elle me salue et raccroche. Je secoue la tête, amusée. En refermant le journal des appels, la petite pastille rouge à côté de Meet Me m'interpelle – j'ai oublié de répondre à Hugo.F. À en croire l'absence de relance, celui-ci n'a pas l'air dérangé. J'ouvre l'application, puis, la conversation. Mais je ne tapote pas sur le champ, attendant de traverser.

Curieuse, je guette l'intérieur de la boutique, à la recherche de Julie. Demain, j'y serai à mon tour. Au passage piéton, j'en profite pour rédiger une réponse à Hugo.F :

Une-fleur-de-la-nuit : Bonjour, Hugo. J'en profite pour te répondre, assez tardivement je l'avoue et m'en excuse. Le soleil n'a pas percé le ciel, aujourd'hui, je peux vivre en paix. J'ai comme l'impression que la nuit flotte, où je suis.

Un timide rictus se dessine et, absorbée par la recherche des fautes d'orthographe de mon message, je ne prête pas attention à l'ombre qui me frôle le coude. Jusqu'à ce qu'un hurlement grave perce la lourdeur de ce jour, un hurlement étranglé par la peur. Je décolle les yeux de mon écran, lorsque le nom éclate, dans un énième hurlement :

— ROSE ! ROSE !

Je n'ai le temps de comprendre. Je ne vois qu'une voiture de sport arrivant à je ne sais combien, et une petite fille, venant de s'arrêter au milieu de la route. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sans réfléchir, je me précipite vers la petite, cramponne son bras – si fin – avec une force que je ne me connaissais pas, et la tire en arrière. J'entends quelqu'un courir, s'essouffler, la petite qui se plaint, et cette voiture qui passe à vive allure devant nous.

Elle a manqué de mourir, cette gamine.

— Mon dieu Rose, le père se précipite sur sa fille.

Déconnectée, je tarde à décrocher mon attention de la carrosserie luisante du chauffard, arrêté à un feu plus loin. C'est un « merci » difficilement articulé qui me ramène à l'instant. L'individu accroupi, je le connais. Comment ai-je pu ne pas reconnaître sa voix ?

— Merci, merci, merci, il répète, presque en m'implorant.

Les effluves du parfum de Palazzi remontent et nous entourent. Il pleure presque.

— J'étais sur mon portable, il avoue en serrant sa fille dans ses bras, elle m'a échappée, je m'en veux.

— Ce sont des choses qui arrivent.

— Qu'est-ce que je peux faire pour vous remercier ?

Sur le moment, je crois rêver. Qu'il faille attendre le drame pour s'adresser la parole dignement me rend folle de rage. Tous ces enchainements menacent de me faire exploser. Je fais l'effort de rester correcte, malgré ce qui me traverse l'esprit.

— Me rendre ma copie, j'émets calmement. Juste me rendre ma copie.

L'italien se referme. Il se redresse et dit :

— Je serai à mon bureau aux alentours de dix-huit heures, je vous y attendrai pour vous rendre vos copies.

— Très bien, dis-je sur le même ton.

— Tu ne remercies pas la demoiselle ? Il interroge sa fille, d'une voix enfantine.

— Merci madame, prononce joyeusement cette dernière.

*
* *

Les derniers mètres sont les plus compliqués. J'entre dans le sas amorçant le couloir réservé aux enseignants. Celui de Palazzi est en retrait. Toutes les portes sont fermées, les enseignants sont retournés chez eux. Je m'y enfonce. Les plaques dorées se succèdent, jusqu'à celle du professeur. Je toque.

— Entrez.

Le professeur est immobile, face à la fenêtre, les poings enfoncés dans les roches dans son manteau. Sa réflexion semble si dense.

Dans l'instant, je laisse couler ma méditation le long de sa mâchoire. C'est le David d'un Michel-Ange, que je contemple secrètement. Un David que j'ai rarement vu aussi serein, sensible à la nature.

— Je vous dois trois copies, lance-t-il sans pour autant se décrocher du paysage.

Le timbre de sa voix reposée plane dans le petit bureau.

— C'est bien ça ? Il tourne enfin la tête.

— Oui, finis-je par dire. Deux en explication de texte, et une autre.

Le quarantenaire ne réagit, cloué sur place. Nous nous regardons, sans que rien ne se passe. Devrait-il se passer quelque chose ? Je n'ai pas envie de bouger – simplement car le somnambule éveillé est hypnotisé. Alors, je me fonds dans le décor, je me couvre avec l'odeur des livres anciens, je fais l'invisible. Quand il se tire lui-même de sa spirale intérieure, Francesco ouvre un tiroir, en extrait des feuilles. J'y reconnais mon écriture. Je reconnais aussi l'état d'âme qui me fend – ce n'est pas la première fois que nous jouons aux marionnettes, à qui parlera perdre. Résignée, je saisis les copies qu'il me tend.

— J'espère ne pas avoir blessé votre ami, hier.

— Non, aucunement.

— Bien.

Francesco contourne sa chaise, et, se voulant galant, ouvre davantage la porte. Je lui adresse un « bonne soirée » qu'il me rend. Je m'arrête une nouvelle fois dans le petit sas afin de fourrer les copies dans mon sac. Des claquements de talons aiguilles me fait relever les yeux. Au fond du couloir, une silhouette mince et élancée se dandine. La dame marque l'arrêt devant le seul bureau ouvert, celui de Palazzi. Ce n'est qu'après avoir arrangé sa chevelure qu'elle y entre, et, referme derrière elle, à clé.



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Hellooo ! Voici le cinquième chapitre qui, je l'espère vous a plu ! 🫶🏻

Je vous donne rendez-vous mardi prochain à 18h pour la suite. 😏

N'hésitez pas à me suivre sur Instagram : @jouweriaabboud ❤️

Pleins de bisous 🫶🏻

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