𝐕𝐄𝐍𝐃𝐄𝐓𝐓𝐀 | 𝘱.𝘫𝘮

By anxleti

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dans lequel Lim Soojin, une docteure ayant abouti dans un asile psychiatrique, se voit trainée dans la rancoe... More

personnages
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FEMME FATALE














Virevoltant son regard sur ces hommes, humant facilement l'avarice affable qui se dégageait de leur bouche, la jeune dame s'amusait à tenter de trouver celui qu'elle cherchait. Cette recherche était un jeu d'enfant. Un jeu capricieux qui ne cessait de la réjouir et de l'emplir de joie à chaque fois qu'elle y jouait. Une partie de cache-cache. Seulement, elle n'était pas une enfant et la personne qu'elle devait trouver était loin d'être dotée de la même empathie et innocence qu'un enfant.

Tout ça avait pourtant une ressemblance accrue et hilarante avec un jeu. L'allégresse qu'elle ressentait, la concentration qui dilatait ses pupilles brunes, l'engouement et le petit rire qu'elle expulsait alors qu'un homme l'approchait. L'enthousiasme qu'elle mettait dans son rejet, sachant qu'aujourd'hui, un seul d'entre eux aurait la chance de valser avec elle. Tout ça l'amusait et la rendait rouge de plaisir. Elle était folle. Et elle le savait. Quelqu'un qui admettait son anormalité faisait normalement partie de ceux qui appréciaient la façon dont ils vivaient. Un genre de sociopathe ayant accepté la signification de ce mot et ayant admis à leur égo que c'était ainsi que la vie les avait façonné. Impulsif.

Buvant dans son verre, ignorant ce qu'il contenait, sachant uniquement que la merde qu'elle buvait provenait d'une bouteille coûtant une fortune, elle sourit. Cette femme au rictus charmeur se retourna à l'entente de plaintes bruyantes en direction d'une table voisine. Regardant premièrement la richesse du bois qui sculptait leur table, elle darda des yeux ces hommes, tous des figures importantes de la politique ou de l'économie, des sujets qui la passionnaient et qui l'enivraient d'une ampleur sans égale. Et ça, c'était parce qu'elle était celle qui portait le rôle de les persécuter. Elle était celle qui devait les punir de leur bonté quasi-inexistante, de leur puissance agaçante, de leurs actions infidèles et inhumaines. Ainsi, elle commettait un péché pour détruire ceux qui abusaient de ce concept qu'était le mal. Ou le bien.

Un peu trop de compassion, un peu trop d'allocentrisme ou de l'argent donné à la mauvaise organisation pouvait apporter à quelqu'un la mort. Et elle, elle était seulement un pion au milieu des ébats agressifs qui montaient l'Homme contre sa propre espèce. Un pion tueur, meurtrier, empli d'une fougue dangereuse. Elle aimait son métier. Elle aimait son rôle dans cette pièce de théâtre. Elle n'avait pas le rôle principal, elle ne risquait pas la mort autant que ce personnage. Cette femme était celle qui n'était pas souvent sur scène. Elle était celle qui apparaissait rarement, qui restait dans l'esprit de celui qui écoutait les dialogues ampoulés des acteurs, mais qui disparaissait aussitôt. Elle était celle qui tirait sur les ficelles lorsque le rideau se déployait, elle rendait les gens misérables, elle les tuait, tout ça pour ensuite se mettre dans la merde avec des clans quelconques.

Lorsqu'on lui demandait pourquoi avoir tué un de ses proches, elle aura la joie de leur expliquer que ce n'était que pour de l'argent. Que ce désir et cet acte de tuer leur ami, amant, frère, collègue, étaient seulement motivés par quelques papiers colorés, un chèque de banque ou une envie irréfléchie. Beaucoup avait envie de la tuer, peu arrivait à l'effleurer. Elle n'avait pas d'amis, des associés peut-être, mais aucun amis. Elle n'en avait pas besoin. Elle faisait le travail, récoltait ce qu'elle semait et sa tâche s'arrêtait à ce point. La compassion semblait être une illusion non atteignable lorsqu'elle la comparait à de l'argent.

L'argent n'était pas la seule chose qui l'avait convaincu de s'enfouir sur cette route que les fédéraux qualifiaient d'abominable et de sadique. Les sensations extérieures étaient le déclencheur de cette décision de se précipiter dans le domaine du meurtre. La pression que ressentait quelqu'un alors qu'un humain, une femme en plus, se trouvait en position de pouvoir sur lui. La sueur qui coulait de leur front alors qu'elle appuyait un fusil sur leur tempe, demandant d'une voix si mignonne quels étaient leurs derniers mots. La peur. L'appréhension. La crainte. Le sentiment d'alacrité qui l'assaillait alors qu'elle enlevait la vie d'un minable, d'une merde qui rendait la société encore pire qu'elle ne l'est déjà.

C'était meilleur que tout au monde. Les nymphomanes abandonneraient le sexe pour goûter à cette drogue de la réalité. Les alcooliques abandonneraient l'alcool et les fumeurs abandonneraient la cigarette.
C'était une drogue aux effets d'excitation dépassant ceux de l'opium ou de l'héroïne. Elle était fière de faire partie de ceux qui l'avaient gouté.

   Les pensées jubilatoires torturant son esprit, c'est en s'abreuvant d'une autre gorgée du morceau de crystal qu'elle verrouille une œillade avec un de ses hommes. Ils étaient assis à la table située au centre de ce bar fastueux. Leurs postérieurs engraissés par la luxure se reposant sur ses chaises carissimes, ils s'écriaient et parlaient l'un sur l'autre, avides de faire régner leur opinion à eux. Les élections présidentielles arrivaient. Ce devait être le sujet qui les animait tant et qui faisait tourner toutes les têtes vers eux.

Coupant le lien qui reliait leurs prunelles, elle se retourna, sentant cette paire d'iris la détailler alors qu'elle sourit, certaine d'avoir attiré l'attention de ce spécimen. Attirer quelqu'un avec des yeux froids et désintéressés pour ensuite montrer un minimum d'intérêt, afin de faire durer l'échange. Marcher main dans la main, jusqu'à plonger celui qui nous abordait dans le piège qu'était la mort. Horrible comme c'était horrible. Satisfaisant comme c'était satisfaisant. Personne n'appréciait penser ou être face à sa mort.
À part certains détraqués.

— On dirait que vous êtes bonne lorsqu'il s'agit de les éconduire, marmonne quelqu'un à son adresse et elle relève les yeux, les plongeant avec insolence dans ceux de son interlocuteur. Il était le barman. Ou peut-être même le responsable de ce bar. Il était affublé de vêtements chers, différant de ceux des autres serveurs s'arrêtant de tables à tables. Des vêtements vaguement efféminés, des habits de marque qui moulaient sa caricature musclée.
— Est-ce que rejeter les avances de tes clients me donne le droit de savoir ton nom? demande-t-elle, tendant son verre vers l'homme, qui, haussant un sourcil, relève la tête en la reluquant, remplissant son verre d'un liquide ambré.
Il la regarde.


      — Hyunjin. Hwang Hyunjin, répondit-il d'une voix lasse. Et vous? Ai-je le privilège de connaître votre nom? demande-t-il, ouvrant une bouteille de champagne d'une main habile, versant le liquide carrément transparent dans une flûte à la clarté impeccable. Passant sa langue sur sa lèvre inférieure, cette femme fixe sans scrupules l'ouverture qu'offrait le costume qu'il portait. C'était fou ce qu'un vêtement pouvait nous dire sur la personne qui le portait.
      — Je doute que tu veuilles savoir, lui dit-elle et il crispe sa mâchoire, ne dissimulant pas son énervement. Tu sembles me détester... Est-ce que c'est parce que je vole l'attention de ses enfoirés? chuchote-t-elle d'une voix doucereuse et Hyunjin se penche vers elle, ses longs cheveux blonds entourant son visage alors qu'il s'adresse à cette antagoniste.
      — Ne les appelle pas comme ça, ma chérie. Ses hommes possèdent une bonne quantité de ressources intéressantes et avec un peu d'audace, juste en tendant la main, on peut y avoir accès, dit-il et elle prit une gorgée, fixant les lèvres pulpeuses de cet homme. Mais j'imagine que tu dois déjà le savoir, non? ajoute-t-il et elle réprime un rire.
      — Mieux que quiconque même, répondit-elle, mouvant ses jolies clavicules proéminentes alors qu'elle rit. Cet homme était attiré par la masculinité. Ça se voyait dans la façon dont il bougeait, jusqu'aux vêtements qu'il portait. Il était doté de la même avarice cruelle qui envahissait les femmes en quête de vengeance. Il savait combien les hommes puissants étaient ceux qui avaient le cerveau le plus facile à manipuler et à ramollir. Il en profitait.
      — Je ne connais toujours pas votre nom, lui rappelle-t-il et, une moue aux lèvres, elle tourne son verre, regardant le liquide pivoter de droite à gauche, frappant les murs de crystal qui le retenaient prisonnier.
      — J'ai la désagréable impression que tu sais déjà comment je m'appelle, elle le regarde. Il la connaissait. Il avait sûrement déjà entendu parler d'elle et s'était douté qu'une femme espiègle balayant son bar du regard correspondait à sa description. Comme pour confirmer sa théorie, il esquisse un sourire, agréablement surpris par sa perspicacité. Elle fit de même, le suivant des yeux alors qu'il recule, la même ironie coincée sur les lèvres.
      — Est-ce que je vais devoir te tuer toi aussi? demande-t-elle et le regard de son allocutaire exprime une pure folie. En tuer un sera amusant. Te tuer toi le serait sûrement encore plus, Hyunjin, lui dit-elle et il penche la tête vers le côté. Redressant le crâne, affichant cet air de dominateur que tout homme montre lorsqu'il est menacé, Hyunjin pose ses deux mains sur le comptoir du bar, soupirant.
      — C'est moi qui règne ce territoire. C'est moi qui vole leur argent, que ce soit en leur vendant de l'alcool à un prix irraisonnable ou en leur arrachant directement des mains. Voir quelqu'un comme toi marcher sur mon terrain, c'est menaçant, mais savoir que tu vas t'attaquer à un de ses poissons l'est encore plus.
Sa seule réponse fut un sourire mystérieux, qui pouvait vouloir dire n'importe quoi. Après quelques secondes, il finit par soupirer de nouveau.

— Qui est ta victime? finit-il par demander, vaguement agacé.
       — Comment tu me connais?
       — Crois-moi, la réponse que je te donnerais ne va pas te plaire et c'est sûrement pour ça que je vais m'abstenir de te le dire, lui dit-il et elle fixe un autre des employés du bar. Ce dernier la regardait avec un mélange d'appréhension et de haine. Elle put voir ses mains se joindre en-dessous de la table qui lui bloquait la vue. Un fusil. Elle sourit, une autre gorgée d'alcool brûlant sa gorge. Je te l'ai déjà dit, c'est mon territoire ici. Fous la merde et tu finiras sous terre, au dédain du respect que je te dois, dit-il et elle soupire à son tour.
— Shin Min-ho, ça te dit quelque chose? lui dit-elle et son contradicteur pousse un rire offusqué, carrément impressionné par l'aplomb de cette femme.
— Tu le touches pas, lui! vocifère-t-il à voix basse.
— Pourquoi? C'est ton jouet? T'as pas envie de partager ton plaisir de conquête avec moi? déclare-t-elle, levant la tête au ciel. Ses yeux vitreux balayaient le plafond aux parures dorés qui dupliquait son apparence. Elle pouvait voir son visage, provoquant, malicieux ainsi que sa silhouette d'un certain angle. Elle voyait sa robe blanche vaguement transparente se refléter à travers ce miroir doré.
      — Ce mec est mon plus grand client. Il est responsable de la campagne électorale. C'est pas toi qui va venir ici et qui va le tuer. C'est hors de question, lui interdit-il et elle passe ses doigts dans sa chevelure brune.
— Crois-moi, j'ai pas l'intention de seulement le tuer, sois sûr de ça, précise-t-elle et Hyunjin sourit, guère effrayé ou dégoûté.
— Tu vas pas le toucher, il détache chacune des syllabes, décidé à faire passer le message d'une manière ou d'une autre.
— Dans ce cas, tues-moi, demande-t-elle, retenant son menton à l'aide de ses doigts entrelacés. C'est soit ça ou un fanatique de torture m'enferme dans sa chambre rouge pour une longue éternité, lui dit-elle en soupirant, sirotant avec nonchalance son verre.
       — Tu diras à ton client qu'il peut aller se faire enculer.
       — C'est un homme violent. Il ne souhaite rien d'autre que la mort de ce Shin Min-ho, confie-t-elle d'une voix calme. Si je le fais pas, je suis morte, donc j'ai que trois solutions. Un ; j'me fais butée par toi. Deux ; j'me fais butée par lui. Trois ; je t'arrache tes couilles et tue le gars qu'on m'a demandé d'assassiner. Je récolte ensuite l'argent et je n'y pense plus jamais. Et en ce moment, crois-moi, je penche pour l'option trois. Pardonne mon instinct de survie.

   Hyunjin déglutit, posant sa paume sur sa joue. Il pouvait voir l'impassibilité qui brouillait ses yeux. Elle n'en avait rien à faire. Absolument rien à faire. Son employé, obéissant aux ordres de l'homme aux cheveux flavescents, charge son fusil, prêt à viser et à décharger à n'importe quel moment. Étrangement, Hyunjin n'avait pas envie de la tuer. Ce n'était pas une question d'attachement, il n'aimait pas les femmes.
   Par un désir et un instinct incompréhensibles, il ne souhaitait pas la voir mourir, surtout pas par sa main.
      — Ne crois surtout pas que j'en suis pas capable, ajoute-t-elle dans un murmure et la gaminerie qui allumait ses yeux d'une étincelle railleuse agaçait le jeune homme à un point phénoménal. Excitée à l'idée de deux meurtres et de sang à déverser, elle porte sa main à sa cuisse, où un revolver déjà chargé régnait, coincé entre la corde de son porte jarretelles et son épiderme.
Leur affrontement visuel fut interrompu par un autre employé du bar offrant un verre à la femme.
      Elle hausse un sourcil.
      — Le verre est sur cet homme. Il l'a payé pour vous, répondit-il en pointant du menton quelques mètres à leur droite. Tournant sa tête vers l'homme en question, l'assassin retient son sourire. Le poisson avait mordu à l'hameçon.

Shin Min-ho. Un gars bossant en politique, s'assurant de la propagande et de la promotion d'un certain groupe souhaitant accéder au trône de la Corée du Sud. Il s'avérait qu'en-dessous de ses airs charmeurs ayant trompé une quasi-majorité des citoyens, eux qui votaient en la faveur de son groupe électoral, cet homme était un enculé de première classe, profitant de son statut et de son emprise pour dissimuler un certain côté désagréable de sa personne.

   Peu de personnes le savaient, elle-même ne l'avait découvert que récemment, mais cet homme avait amorcé et fortifié sa fortune dans l'esclavage sexuelle et la prostitution d'immigrantes clandestines. Il était discret et savait que sa notoriété serait heurtée si certains détails de ce genre deviendraient publics auprès de la population. Ce serait la fin pour lui. Plusieurs le détestaient. D'autres l'admiraient avec des yeux aveugles, des yeux leur offrant une qualité mauvaise, trop insuffisante pour qu'ils ne s'aperçoivent de la supercherie dans laquelle ils tombaient.

Ceux qui régnaient sur cette branche du monde criminel et ceux qui en tiraient profit considéraient cet homme comme un danger, une source de peur amère. On lui avait demandé de le tuer. On avait su que la seule façon d'arriver à atteindre un homme de politique avec des gardes du corps était bien en l'amadouant et un homme ne pouvait faire cela.

Car Shin Min-ho n'était pas gay, il était hétérosexuel. Il semblait justement être fortement attiré par cette femme aléatoire qui venait d'entrer dans son bar favori. Cet endroit qu'il visitait tous les vendredis pour se décontracter, fumer un cigare et boire en compagnie de bavards que son for intérieur qualifiait d'idiots. Assis au bar, il la regarda et fut assouvi par sa beauté divine. Rares étaient les moments où il était réellement attiré par une femme et jamais il ne l'avait été de cette façon. Détaillant la façon dont elle parlait au propriétaire, puis la manière avec laquelle elle le fixait, il passe sa langue sur sa lèvre inférieure, son instinct naturel d'homme remplissant son esprit de libidos et de pensées salaces.

Hyunjin lui parlait toujours, un air flegmatique à l'œil.

Les mafieux ont reconnu en ce politicien la figure du Judas et lui ont attribué le blâme de leur irritation. Son client était énervé et en colère de voir que son business s'écroulait et ce, à cause d'un homme ayant vécu dans la richesse toute sa vie. Le sentiment était réciproque pour les autres groupes qui abusaient de l'argent sale que ce boulot inhumain leur rapportait. À un moment ou l'autre, quelqu'un aurait fini par le toucher d'une façon quelconque. Hyunjin le savait. Cette meurtrière le savait. Elle se détourne du regard enjôleur que Min-ho lui offrait, un sourire aux lèvres.

— On dirait qu'il m'aime bien, marmonne-t-elle du bout des lèvres.
Hyunjin exhale bruyamment de l'air de sa bouche. Il se penche vers elle, cachant sa bouche de ses cheveux blonds alors qu'il lui verse un verre de champagne cette fois.
— Fais ça vite. J'veux pas de sang sur mon putain de tapis sinon tu finis sur une guillotine, ma vieille. Considère-toi chanceuse que j'te laisse foutre la merde, Jennie, chuchote-t-il et cette dernière s'empare de son verre, satisfaite, arrogante, une jambe croisée sur l'autre.




      — On finira par se rencontrer de nouveau mon joli. Et quand ce moment viendra, peut-être que ce sera ton dernier jour sur Terre, dit-elle et Hyunjin fronce des sourcils. Il comprenait l'allusion qui suintait et qui collait à sa voix, il comprenait la soif et l'envie de meurtre qu'elle projetait. Mais pourtant, il était confus, carrément énervé de ne pas comprendre complètement ce qu'elle venait de lui dire.

   Il la fixe pendant plusieurs secondes avant de s'éloigner du bar, son verre de champagne à la main. D'un signe de tête, il demande à son employé de ranger son fusil. Des gardes du corps, habillés en costume noir ouvrent précipitamment la porte alors que leur patron s'approche. Ils frémissent quand ce dernier passe devant eux, d'un pas conquérant. Jennie remarque leur effroi en plissant des yeux, se demandant encore comment il la connaissait et d'où il avait entendu son nom.

Elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions car un visage nouveau s'assît à ses côtés, commençant doucement la conversation, n'ayant aucune idée de l'immensité de son erreur ou de ce qui se cachait en-dessous de ses yeux malicieux de chat. Mais il voulait savoir, il voulait la connaître, il voulait la goûter, sans savoir que cet intérêt et cette curiosité étrangement enfantines lui apporteraient la mort comme seule récompense.

Trente mètres plus loin, le gérant de l'établissement marchait à vive allure, slalomant entre ces employés, passant la cuisine à toute vitesse, sortant son téléphone cellulaire alors qu'il s'isole dans une pièce vide aléatoire.

Il déverrouille l'écran de son cellulaire et compose rapidement un numéro. Il pose l'appareil à son oreille, faisant les cent pas alors qu'une sonnerie nasillarde frappait ses tympans. Au bout de quelques secondes, celui qu'il contactait répondit à l'appel. Hyunjin déglutit.

— Hyunjin? dit une voix suave d'homme. Ce dernier soupire. Il ne l'avait pas contacté depuis longtemps, une période de temps pendant laquelle il avait réalisé qu'une partie de lui était soumise à cette personne, cet homme qu'il aimait si profondément.

Hyunjin se racle la gorge, contenant et dissimulant la joie qu'il ressentait d'entendre son nom se faire interpeller par lui.

— Elle est ici. À l'instant même. Elle est là, au bar, répondit-il, une voix haletante remplaçant celle qu'il empruntait pour parler aux autres personnes peuplant cette terre. La voix qu'il lui réservait et qu'il était incapable de préserver lorsqu'il s'adressait à lui.
Une voix transparente, vulnérable.

Du côté de Jennie, trente minutes plus tard, elle marchait en arrière de sa proie, d'un pas lent, d'un pas qui savourait et qui dégageait une puissance et une estime de soi incroyables. Sa proie s'était écroulée, au sol, une place qu'un idiot comme lui n'avait sûrement jamais touchée ou même effleurée. Mais le voilà, rampant sur l'asphalte dur, la jambe saignant abondamment. Une balle le traversait à cet endroit. Il pousse un gémissement, porte une main à son flanc droit. Une autre balle le traversait. Elle était certaine d'en avoir déposé d'autres, tout autour de son corps.

Elle sourit, arrêtant sa marche. Elle regarde les alentours alors que Shin Min-ho continue de ramper, jusqu'à sa voiture. Une belle voiture. Gagnée avec de l'argent sale appartenant à ceux qu'ils avaient volé ou qui provenait des viols répétitifs de femmes et d'hommes qu'ils avaient soumis à son emprise. Mais bien sûr, tout cela n'était qu'un détail pour lui. Chaque chose qui composait la vie humaine n'était qu'un détail avant que quelqu'un n'ait l'audace ou l'intelligence de souligner son existence ou de l'utiliser pour innover une nouveauté.

Et elle, elle était une CHIMÈRE. Elle tuait, un crime bien malheureux, mais que pouvait-elle en faire? C'est ainsi que la vie l'a construite, c'est ainsi qu'on a voulu qu'elle devienne. Elle ne faisait que suivre les ordres, tuer, faire couler le sang et tuer, encore et encore. Et elle aimait cela. Jamais une de ses cellules n'avait protesté face à la douleur ou la souffrance physique que lui apportaient ce métier.

Doucement, il la voit le fixer alors qu'il ouvre la portière de sa voiture. Il s'y engouffre avec peine, gémissant, l'âme brisée, détruite par elle, celle qu'il avait désirée le temps de quelques minutes seulement. Sa convoitise avait fini par se rabattre sur la pire personne possible. C'était elle. Elle était la mort. Elle sera toujours l'indicateur de la mort pour lui. Elle sera la cause de ma mort, s'était-il dit, persuadé de son échec alors qu'elle lève son fusil, éclatant chacun de ses pneus un à la fois, le tout en gardant les yeux sur lui. Elle s'avance et il vit le diable en elle. Il hurle, il pleure, il se morfond comme un enfant. Il s'excuse au ciel, essaye désespérément de se faire pardonner auprès de quiconque, mais personne n'est là. Seule elle l'était.

Il la voit froncer des sourcils, regarder sa si belle voiture avec confusion et incertitude. Elle y pose ses doigts et il voit un liquide huileux s'accrocher à la pulpe de ses phalanges.
   C'était de l'huile.
Elle sourit étrangement, l'indécision encore accrochée à son visage alors qu'elle lève les yeux pour fixer la noirceur de la rue.
Shin Min-ho y vit le noir, l'obscurité, rien de bien particulier pour lui qui écrasait sur chacun des détails que son cerveau remarquait, mais que son esprit refermé rejetait. Il condamnait la sensation des stimuli autour de lui et ne les voyait tout simplement pas. Ce qui semblait être le noir complet pour lui était pour Jennie la figure d'un être humain, grand, à la figure légèrement fine et à la posture élégante. Elle le vit et ce fut par l'éloquence et la beauté de cette caricature au visage invisible qu'elle reconnut qui était ce fantôme tapi dans l'ésotérisme de la nuit.
Elle fronça des sourcils, la colère l'assaillant.
Que faisait-il ici? Que voulait-il d'elle?

Sa victime commençait à crier. Il perdait la tête et abandonnait toute lucidité ou humanité devant une situation que tout assassin avait déjà expérimentée au moins une fois dans leur vie.
Ce monde était soudainement devenu un enfer à la chaleur brûlante pour lui. C'est ce qu'il se dit.
Cette prophétie se réalisa. Criant au diable, Jennie vit cette silhouette s'accroupir et ouvrir un briquet d'où il était. La bouche ouverte, n'arrivant pas à y croire, elle vit un filet d'huile sur le sol qui reliait cet homme à la voiture.
L'huile se braisa par le feu que projetait ce briquet à l'éclat doré et l'Enfer débuta.

   Une ligne d'huile prit feu et enveloppa la voiture de Min-ho. Sous la sensation de chaleur qui se propageait dans l'air, Jennie recula rapidement. Elle fut submergée par ses flammes oranges, elle vit leurs pointes bleutées de proche et bien que sous l'effet de l'admiration de ce spectacle, elle en fut pétrifiée.

Bientôt, la voiture fut submergée par un feu ardent. Horreur peinturant son visage, déception et amertume la traversant, elle regarde la rue de nouveau, mais l'homme n'était plus là.
Il s'était éclipsé du bassin de lave qu'il avait créé. Elle se revêtit de ses talons de nouveau et s'approcha d'où il était. Jennie vit le briquet qu'il avait utilisé pour foutre son opération en l'air.
   Des armoiries étaient gravées sur l'or de l'objet.

Elle reconnut ses armoiries.
Ce briquet appartenait à son cher ami, à ce criminel si gentil, Kim Taehyung.

Devant le massacre qu'il venait de faire, elle pensa à le tuer. Elle allait le tuer. Elle en avait tellement envie, mais elle était rationnelle.
Elle savait que le tuer lui apporterait la mort et pire encore. Elle fit donc la chose la plus rationnelle possible. Elle s'enfuit.

Jennie venait d'échouer sa mission. Elle était pourtant simple, divisée en deux choses faciles à exécuter. La première était de tuer Shin Min-Ho. Il brûlait à l'instant même. La deuxième était de récupérer une clé USB qui lui appartenait. Cette clé USB se trouvait dans la voiture de Min-Ho. Elle brûlait elle aussi à l'instant même.
La clé USB était une partie importante de la mission. Elle en était même le cœur.

S'enfuyant le plus loin possible du bar, elle commençait à se questionner.
Elle n'avait pas menti à Hyunjin. Son client était réellement quelqu'un de violent. S'il savait qu'elle avait échoué à sa mission, il essayera de la tuer. Son influence n'était pas aussi grande que celle de Namjoon, mais il fallait qu'elle se débarrasse de cette source d'angoisse le plus vite possible. Avant que les choses ne se dégénèrent et qu'elle n'ait un groupe de malfaiteurs à sa recherche.

Il l'avait déjà payé. Il avait cru qu'elle aurait pu réussir cette mission facilement. Il avait eu une confiance aveugle en elle. Même si elle le remboursait, il la tuerait quand même. Combien de jours avant qu'il ne réalise qu'elle avait échoué. Cinq? Deux? Elle commença à rire.

« Maudit sois-tu Taehyung » se dit-elle « Tu es un homme mort »
   Taehyung, lui, sourit en pensant qu'il venait de provoquer la colère de cette femme. Il s'attendait bien à recevoir des offenses très bientôt. Il n'en avait pas peur pourtant.












LIM SOOJIN




    — Sale fils de pute!

   Alors qu'ils entrèrent dans une boîte de nuit, une affiche aux lettres néons récitant le mot « Panorama » accrochée au-dessus de la porte, je crachai sur le sol, m'enorgueillissant par son silence.
   — Tu veux bien la fermer! finit-il par s'écrier et je souris, presque fière d'avoir dégoté une réaction de sa part.
   — Vous êtes qu'une bande de kidnappeurs toi et tes potes! Que des putes et des clébards! m'exclamais-je et il me poussa violemment contre le mur, ma tête frappant brutalement les briques. Il me tenait par les cheveux. Mes mains étaient liées par des menottes.
  Il posa son index sur mes lèvres, un sourire aux lèvres.
   — On va jouer à un jeu, ma belle, me dit-il et il poussait de plus en plus ma tête contre la surface rude en voyant combien mon visage était amère. Ça s'appelle le Roi du silence. T'ouvres ta jolie bouche encore une fois et j'te tire une balle dans la tête. T'as compris?

   Quelques secondes plus tard et nous entrons dans cet endroit. Je restai silencieuse.

   Je m'étais réveillée dans une chambre. Ils m'avaient encore drogué. Je ne me rappelais pas de comment j'avais abouti ici. Lorsque je m'étais levée, remarquant avec horreur la présence de Jimin, j'avais crié.
— Garde le silence, m'avait-il demandé.
Jetant un regard vers ma gauche, je vis une fenêtre. À travers cette dernière il y avait une rivière. La rivière Han. Je fixai les bâtiments au loin. J'étais toujours à Séoul.

— Yoongi est en déplacement. C'est moi qui doit m'occuper de toi, me dit-il avant de poser des menottes sur mes poignets, sans que je n'aie la force de faire quoi que ce soit, éberluée.

Peu après, je fus traînée par la main à travers des escaliers et des couloirs. Je vis des hommes couverts de haut en bas par des habits scientifiques ainsi que des gants. Les voyant me regarder à travers les vitres, je sus que mes plaintes les avaient distraits de leur travail. Alors que nous descendons au premier étage, un environnement totalement différent m'accueillit. On aurait dit une simple salle de sport, de boxe plus précisément.

Des altères étaient jonchés sur le sol. Des dizaines de sacs remplis de sable étaient reliées au plafond avec une chaine de fer. Deux arénas entourées de grillages se trouvaient au milieu de la salle, spacieuse et bondée. Des dizaines d'hommes s'y trouvaient. Certains se battaient. D'autres alimentaient leur masse musculaire en soulevant des poids. D'autres frappaient sur des sacs de boxe. Plusieurs avaient des tatouages. Je vis quelques hommes arborer le même.
Jimin entra dans la pièce et ils arrêtèrent ce qu'ils faisaient. Ils se divisèrent en deux lignes et inclinèrent leur échine vers lui. Vaguement confuse, je finis par me taire, sentant leur regard discrètement perché sur moi.

Il restait hermétique face à toutes les questions que je lui ai posées sur le trajet, me disant seulement qu'il avait besoin que je soigne quelqu'un.
Quelques minutes plus tard et il me ramenait à une boîte de nuit, toujours sans m'avoir donné de détails satisfaisants.

À l'intérieur nous attendait déjà des personnes,  tous habillées avec des sarraus blancs. Jimin rit en les voyant.
— Si c'est pas les esclaves du cher Dionysus, comment allez-vous mes amis? demande-t-il et aucun d'entre eux ne répondit. Tous semblaient éhontés et timides. Je compris après peu que la raison pour laquelle ils fixaient le sol était à cause qu'ils avaient tous peur de lui. Où est-il? demande Jimin et un osa parler.
— On l'a transporté dans sa chambre, répondit-il nerveusement.
   — Bien, bien, marmonne Jimin, penchant la tête sur le côté, resserrant son étreinte sur ma main. Vous avez suivi le protocole? Ils reculèrent tous d'un pas.
   — Oui, oui! On a fait comme vous nous l'aviez demandé, s'empresse-t-il de dire.
   — J'vais pas avoir une surprise en entrant, pas vrai?
   Ils bougèrent rapidement leurs têtes de droite à gauche, déniant quelconques accusations que Jimin projetait. Il se retourne vers moi.
   — Entrons
   Je déglutis.

La position du soleil et la couleur du ciel me disaient qu'il était à peine une heure du soir. La boîte de nuit était immense, mais dépourvue de clients. Il était trop tôt. Seules quelques figures se trouvaient au bar, buvant et marmonnant entre eux, saluant d'une politesse accrue Jimin.
Nous montons les escaliers. Il ouvrit une porte et je paniquai. Voyant ma peur, il sourit et posa un index sur ses lèvres. C'est vrai. On jouait encore à ce jeu.

— Bonjour, Dionysus, dit-il d'une voix traînante. Les yeux froncés, je remarquai que c'était bel et bien une chambre. Les murs étaient tapissés de peintures. De portraits plus précisément. Sur le lit de velours rouge se trouvait un vieillard aux yeux bleus. Ces yeux nous crachaient justement dessus. Il marmonnait des mots dans une langue étrangère, visiblement malheureux qu'on soit là.
— C'est qui elle?
— Lim Soojin. Elle est celle qui va te soigner aujourd'hui.
   Je voulais protester, mais me rappelant du jeu qu'il avait mis en place, je me retiens.
   — C'est donc elle?
   — Tu l'as déjà vu quelque part? demande Jimin et le vieillard dénie de la tête.
   — Je la connais pas.
   — Je te l'ai dit récemment, mais Lim Soojin ici est une médecin. Elle serait capable de te soigner en quelques heures seulement. Je le regarde, me demandant de quelle blessure il parlait. Tu peux parler pour l'instant, m'autorise-t-il et je grince des dents.
— Et pourquoi est-ce que je le soignerais? En quoi est-ce que ça m'apporterait quelque chose?
— Le soigner t'apportera la vie, me dit-il et je recule d'un pas, lui me tenant toujours par le bras. Pour l'instant, dans ta situation, la plus grande récompense que tu pourrais recevoir de moi est le privilège de rester en vie. Tu mérites pas plus.
Il venait de réduire la valeur de ma vie, de dénigrer mon existence au complet, elle qui s'était résumée à un combat pour rester en vie et le voilà qu'il me le rappelait. Ma rancune envers lui ne cessait de monter et pourtant, je ne dis rien.
— Où est-il blessé?
Jimin s'empara de la couverture et la jeta à terre.

   Je vis les jambes frêles de cet homme. Elles qui étaient déjà caduques par l'âge et constellées de veines stellaires, leur apparence en était avilit par la présence de deux plaies terribles. Quelqu'un lui avait tiré dessus.
   — Pendant combien de temps ses balles se sont retrouvées dans son corps?
   — Presque deux jours, répondit Jimin, s'asseyant sur un siège avoisinant, se servant un verre d'alcool.
   — Aucun employé ne s'était dit qu'il serait bien d'appeler l'ambulance ou de s'occuper de lui?
   — Les hôpitaux sont reliés à la police et la police pose des questions. C'est dans leur protocole de pas appeler qui que ce soit en cas de problème. Et ils sont des scientifiques, pas des médecins. Ils n'auraient rien pu faire.
  — Et comment suis-je supposée l'aider sans instruments? Jimin ouvrit sa mallette. Des instruments de médecine s'y trouvaient.
   — J'ai ramené de l'Hôpital tout ce dont tu as besoin. Quelque chose d'autre?
   Je brandis mes mains menottés, les sourcils froncés. Souriant avec malice, comme s'il avait oublié cette restriction, il sortit une clé de sa poche et déverrouilla les menottes. Je frottai mes poignets. Mes mains étaient ankylosées.

   — Qui lui a tiré dessus? je m'assis sur le lit, sous les yeux sceptiques et lunatiques de Dionysus. Son front était couvert de sueur. La fièvre commençait à l'affaiblir. Son corps ne réagissait pas très bien à la présence des balles de plomb.
   — Moi, dit simplement Jimin et je n'en fus pas surprise.
   Examinant les deux plaies, une se trouvant sur le genou droit, l'autre au milieu de la cuisse gauche, je méditai. Dans la mallette se trouvait des anesthésiants, de la morphine surtout. Je sortis une seringue, mais le vieillard me retint d'une main ferme.
— Ose me droguer et je te tue jeune femme!
Je le regarde pendant quelques secondes.
— Vous allez souffrir sans morphine.
— Et je te dis que je n'en veux pas. Fais-le comme ça, m'ordonne-t-il et je me penche vers lui.
— Et pourquoi voulez-vous donc rester sobre?
Il tourne alors son regard vers Jimin. Ce dernier nous regardait de son fauteuil, la joue compressée par son poing.
— Cet homme est dangereux. Il pourrait me faire quelque chose de mal si tu me drogues, chuchote-t-il sur le ton de la confidence et je pose ma paume sur son front. Il était brûlant. Il délirait. Sa situation n'était pas très bonne. Il avait dû être en agonie totale lors de ces deux jours. Mais je n'arrivais pas à ressentir la moindre pitié pour lui. Savoir que j'allais performer une chirurgie sur un patient éveillé était assez pour que je sois heureuse. Ma passion pour la médecine avait toujours été honorable. Mon habileté à faire preuve de moralité et de principes éthiques et respectables était douteuse et la plupart du temps, défaillante.
— Très bien. Comme vous voulez. Mais sachez que ça va être douloureux. Extrêmement douloureux même.
   — Je peux très bien le supporter, me dit-il et je souris encore plus, l'excitation perlant de mes iris.
   — Faites en sorte que votre sobriété n'affecte pas mon opération. Ce serait malheureux que vous bougiez au mauvais moment et que je rupture un de vos artères.
   Il déglutit.

   Je sors un scalpel.
   — Dis-moi tu vas faire quoi.
   Jimin se lève et s'assoit sur le lit à son tour, le visage neutre alors qu'il voit comment Dionysus le fixait avec appréhension et haine.
   — J'vais retirer celle qui se trouve sur le genou et nettoyer la plaie sur la cuisse et la refermer.
   — Pourquoi?
   — J'ai pas d'images précises d'où se trouve la balle, mais elle semble être enfoncée plutôt profondément dans sa chair. Il y a beaucoup de chance qu'elle ait déjà rupturée l'artère fémorale. Si je l'enlève, ça va lui faire une hémorragie et il mourra.
   — Et la balle dans le genou? Pourquoi tu l'enlèves?
   — Elle est dans l'articulation qui relie le tibia et le fémur. Si je l'enlève pas, ça va lui causer des difficultés à marcher et la balle va finir par s'enfoncer. Le pire des cas, les ligaments proches du genou se font endommagés et il souffrira d'une hémorragie interne. En plus, la plaie est superficielle, on peut voir la balle. Elle est pas encore enfoncée au complet dans la peau. Mieux vaut l'enlever. C'est toi qui a enfoncé l'autre balle dans sa peau?
Il hoche de la tête.
— J'avais envie de le faire souffrir, me dit-il simplement et je camoufle mon horreur.
— T'as fait un beau travail. Cette balle va rester dans son corps jusqu'à sa mort. Il va pas l'oublier crois-moi.
Jimin se retourne vers le vieux russe.
— T'as entendu c'que la toubib a dit? demande-t-il et son interlocuteur ne répond pas. Tu vas garder mon empreinte jusqu'à ta mort. À chaque fois que tu vas regarder ta jambe, tu vas t'rappeler de moi.
Voyant le regard conique qu'il projetait, ma mine neutre se métamorphose en une qui était beaucoup plus désemparée. Je sus que je m'étais retrouvée dans une situation qui me dépassait. La façon dont ses gens agissaient différait grandement de la mienne. Leurs rires. Leurs armes. Leurs métiers. La manière dont ils vivaient et gagnaient de l'argent. Je n'étais pas dans leur ligue. Je n'avais pas la même désorientation morale qu'eux. Je ne riais pas en voyant la souffrance que j'apportais aux autres, peu importe le taux de sadisme que j'atteignais.

   Jimin reçut un appel. Lorsqu'il finit par raccrocher, après avoir marmonné des mots que je n'entendis pas, il me dit qu'il avait des choses à faire et qu'il allait revenir dans une heure.
   — Ça te regarde pas, se contenta-t-il de me dire lorsque je lui demandai où il allait. N'essaye même pas de t'enfuir. Tu ferais que me donner une excuse pour te tuer.

   Il partit de la pièce, me laissant seule, à ma plus grande surprise.
   — Il est parti, marmonnais-je à moi-même. Mon cerveau sembla se réveiller à cette pensée. Je m'empare soudainement du col de cet homme. Monsieur, y'a des caméras dans cet établissement? Y'en a? Monsieur!
   Je le secoue à plusieurs reprises. Il ne me répondit pas. Je pousse de petits gémissements, telle une gamine sous l'effet de la frustration.
   — Tu vas t'enfuir? me demande-t-il et je tremble à cette perspective. Me disant qu'il le faisait par exprès, qu'il me provoquait afin que je m'enfuisse, je grince des dents.
   — Non, non, j'peux pas. Il va m'retrouver.
   — Comment tu peux en être sûre?
   — Il n'est pas stupide. Il m'aurait jamais laissé sans surveillance. Mais pourquoi est-il parti alors? Pourquoi me laisser seule? Pourquoi?
   Je m'agrippe à son chandail et le secoue de nouveau, répétant « Pourquoi! » une bonne dizaine de fois, mes jointures tressautant alors que je me creuse la tête. J'étais une otage. Comment pouvait-il avoir la stupidité de laisser une otage en liberté, au beau milieu de Séoul, dans une ville vaste. Non, je n'étais pas une otage. J'étais leur médecin. J'étais tout autant qu'eux fautive lorsqu'il s'agissait de crimes reliés au trafic humain. Je l'avais fait. J'avais contribué à leurs obscénités. J'en faisais maintenant partie. Essayait-il de tester ma loyauté? Non. Ça ne lui importait pas. Il ne m'appréciait pas. Il souhaitait ma mort. C'était ça qu'il voulait, non? Il voulait que j'essaye de m'enfuir pour avoir une raison valable de me tuer, sans avoir à recevoir les représailles de ses autres membres. Je pince des lèvres, mon cœur s'agitant.
   — Cet enfoiré essaye encore de me tuer, chuchotais-je à moi-même.
   Lorsque je regardai mon patient, je vis que ses yeux s'étaient fermés. Il était plus pâle que jamais. Il n'allait pas tenir pendant longtemps.

   Ma mâchoire se contracta en réalisant que j'allais devoir soigner un autre de ses criminels.
Je me mis pourtant au travail.
Je verse une bonne quantité de bétadine sur les deux plaies et désinfecte la peau autour. En fouillant et en cherchant nerveusement dans la mallette, je n'arrive pas à trouver un tourniquet. Paniquant, mes yeux s'égarent sur le drap blanc du lit. Instinctivement, j'en déchire deux bandes et les serre en un noeud sur la cuisse et juste au-dessus du genou afin d'arrêter un futur flot de sang. Je pris un scalpel et coupe une petite incision sur la blessure du genou afin d'élargir la plaie et voir de façon précise quel était exactement les dégâts. Aucun ligament n'avait été touché et la balle n'était pas assez profonde pour avoir causé des dommages sur les nerfs. Je considère les gants pendant quelques secondes, mais décide finalement de prendre l'option la plus sécuritaire. M'emparant des pinces, j'approche mon visage, les plongeant avec délicatesse vers la balle.

Coinçant la balle entre les deux tiges de métal, je la retire. Immédiatement, le sang commençait à remonter vers la surface. Je ressers encore plus le garrot misérable que j'avais fait et couvrit la plaie de gazes médicaux. Lorsque le sang finit de couler, je fermai l'incision avec une aiguille et du fil, stérilisant de nouveau l'épiderme.

   Me retournant vers l'homme, voyant qu'il était toujours évanoui, je vérifie son pouls. Il était toujours vivant. Son front était tiède. Il allait mieux.

Je fis le même processus sur la cuisse, mais je n'enlevai pas la balle. Je me contente de la laisser où elle est, réparant les dommages internes qu'elle avait causées, suturant la peau.
Après avoir terminé, je m'assis sur le même fauteuil où était assis Jimin une heure plus tôt. Il n'était toujours pas revenu. Sentant son parfum sur le cuir du siège, je manquais de pousser un cri, une certaine peur s'emparant de moi. N'ayant rien à faire, sentant les murs de cette pièce se refermer sur moi, je fis les cent pas, sentant une hyperventilation me guetter. Je fixais cet homme. Il n'était toujours pas éveillé. Que pouvais-je faire? M'enfuir? Tuer cet homme et m'enfuir? Rester ici et attendre sagement que Jimin revienne?

Je vis le scalpel. Celui que je venais d'utiliser sur cet homme. Il était toujours couvert de sang. Le matériel médical était encore étalé sur le lit. Je m'approche du lit et commence à ranger chaque instrument, le remettant à sa place. Je referme la mallette et fixe le scalpel, que je n'avais pas rangé. Je n'avais aussi pas l'intention de le ranger. Je le fourre dans ma poche.

   — Tu vas faire quoi avec ça? mon patient s'était réveillé.
Mon premier réflexe fut de ramener la lame sur sa gorge, posant un index sur mes lèvres, de la même façon que l'avait fait Jimin.
   — T'as rien vu, lui dis-je et la lame ne l'empêcha pas de parler encore plus.
   — Tu vas le tuer? me demande-t-il et je pousse son menton vers le haut, l'inclinant vers la gauche, exposant la partie droite de sa gorge.
   — Une lame est faite pour se protéger. Elle n'est pas faite pour tuer quelqu'un, répondis-je et je m'approche de lui, entendant sa respiration saccadée. J'enlève la lame après quelques secondes, embarrassée par cette conduite violente.
   — Tu sais combien il vaut? je fronce des sourcils. Son prix sur le marché noir? Son prix aux yeux du gouvernement? La somme que le gouvernement te donnerait pour une infime quantité d'informations sur lui? Tu le sais ça? il essayait d'attiser mon attention, je pouvais le sentir.
   — Combien vaut-il? demandais-je, feignant l'indifférence et il sourit, gémissant alors qu'il essaye de se relever, appuyant son dos sur la tête du lit.
   — 30 millions de won pour de l'information sur lui. Le gouvernement coréen donne 4 millards de won à celui qui le tuerait. Encore plus si quelqu'un le capture vivant, me dit-il et je repose le scalpel sur sa gorge.
   —  Le gouvernement laisse la population le chasser? demandais-je et il rit faiblement.
   — Qui a dit que je parlais de la population? 
   — Qui donc a l'autorisation de le tuer?
   — Des membres spécialisés de l'armée. Des groupes de tueurs à gages sous leur contrôle. Et si nécessaire, d'autres mafias.
   — Et sa valeur sur le marché noir?
Il rit encore plus face à cette question. Son visage gardait pourtant une teinte amère, une grimace irritée.
   — 5 millions d'euros, me crache-t-il et je déglutis. Crois-le ou non, mais cette vermine est l'une des plus chères de ce groupe. Et sa valeur ne cesse de monter à mesure qu'il tue. Une vraie machine. Peu de gens l'aiment. Le monde entier lui voue une haine horrible. Tu n'es pas la seule.
   — Pourquoi aurait-il l'audace de s'afficher en public si sa vie coûte aussi cher?
   Le vieillard me regarde dans les yeux.
   — Dis-moi ma fille, aspires-tu à le tuer?
   Un silence suit ses paroles. Elle remarque la façon dont ses yeux s'étaient réanimés. Elle réalisa plutôt facilement qu'il désirait se venger. Lui qui avait maintenant une balle dans la cuisse, il voulait se venger, rétablir son honneur et guérir son orgueil heurté.
   — Pourquoi vous demandez?

   Il ne répondit pas, souriant avec la même once de délire fiévreux. S'emparant de la mallette, c'est avec empressement qu'elle se dirige vers la porte, camouflant un sourire étant soudainement apparu de façon incompréhensible.

   Elle descend les escaliers et remarque avec une légère appréhension la foule qui se trouvait à l'intérieur de la boîte de nuit. Des centaines d'humain s'y trouvaient. Les personnes qui étaient au bar, ceux qui avaient salués Jimin en entrant, Soojin les vit rôder au milieu de la foule. Ils ne fêtaient pas. Ils semblaient surveiller.
   « Alors c'est comme ça? s'était-elle dit. Il m'abandonne au beau milieu de ses personnes, sans même se soucier de la possibilité que je m'enfuisse »

   Mais Jimin la surveillait. De loin peut-être, mais il la surveillait. Il souriait en se demandant si elle allait réellement essayer de s'enfuir.
   Mais elle ne s'enfuit pas.
Elle alla au bar, scrutait les gens se mouver entre eux.
   « Elle me cherche » se dit-il, passant sa langue sur ses lèvres.

   Elle finit par le trouver. Il se leva et la regarda.
   Les deux se souriaient de façon trop sereine. Leur silence était solennel, mais empli d'une acception qu'ils ignoraient. Les deux le réalisaient. Mais les deux ne dirent rien.

   Ils rentrèrent en silence au même endroit où elle s'était réveillée.

   — Je peux pas t'expliquer tout en détails aujourd'hui, je le ferais demain, mais sache que cet endroit est ta nouvelle demeure, lui dit-il et elle n'eut aucune réaction. Elle fixait à travers la fenêtre le bâtiment. Entre à l'intérieur et trouve un homme du nom de Eunwoo. Il te ramènera à ta chambre.
Elle tourne lentement sa tête vers lui.
— Tu vas me laisser seule avec tous ces hommes?
— Tu vas survivre.
Elle crispe sa mâchoire et ouvre la portière, la claque et entre dans l'établissement. C'est à ce moment que Jimin réalisa qu'il s'était passé quelque chose. Pourquoi était-elle si obéissante? si calme? Que lui avait dit Dionysus? Pourquoi n'avait-elle pas essayé de s'enfuir?
   Il regarde longuement la mallette. Il finit par l'ouvrir.

   Remarquant l'absence de plusieurs éléments, il sourit. Le scalpel n'était plus là. Elle l'avait pris avec elle, mais le scalpel n'était pas la seule chose qui manquait.
   Elle s'était aussi emparée des seringues, ainsi que de la morphine et d'autres anesthésiants. Elle se planifiait une évasion? La pire des hypothèses serait qu'elle planifie son meurtre, mais même cette idée ne le fit réagir. Il souriait même en y pensant. Si elle désirait réellement lui faire du mal, est-ce que ca ferait d'elle une ennemie? ou une potentielle alliée?
Alliée? Cette femme n'était pas puissante, elle était même bien faible. Quels seraient les avantages de l'avoir de mon côté? Pouvoir la berner? La manipuler? La soumettre à ses ordres? À moins que le meilleur avantage de se l'approprier ne serait d'éviter la mort? Elle était si proche de lui. Elle allait dormir dans son bâtiment, le regarder, lui parler. Elle avait un scalpel. Ne serait-il pas sage de se l'approprier afin d'éviter qu'elle n'essaye de mettre un scalpel dans sa carotide?
Non, il savait quelle serait la meilleure commodité de former une discrète connivence avec cette femme. Celle de pouvoir la distraire de sa haine pour lui et camoufler la sienne pour elle alors qu'il planifiait son meurtre avec prudence.

Il sourit. La tuer.
  Tuer cette femme. Elle était une calomnie.
Et une menteuse. Elle semblait avoir le calibre de mentir. Elle leur mentait, essayait de les berner à l'aide d'une innocence horrible. Elle clamait être un bon humain. Elle avait tremblé en voyant le corps étendu sur la table d'opération. Une fausse peur. Soojin n'était pas une bonne personne, encore moins une philanthrope. Elle était une menace. Quiconque entrant dans leur groupe devenait instinctivement une menace jusqu'à preuve du contraire.

Lim Soojin, née à Busan, médecin, ayant abandonné la médecine afin de prendre un travail dans un asile psychiatrique. La raison restait inconnue.
Yoongi n'avait récupéré presque aucune information sur elle. Il n'avait pas fait l'effort. Il disait que sa vie était chiante et que faire des recherches approfondies sur elle serait inutile.
Mais si la fadeur de sa vie n'était pas la réelle raison pour laquelle Yoongi ne la prenait pas au sérieux? Et s'il essayait de dissimuler quelque chose?

De quoi était composé son passé? Namjoon semblait trop éberlué pour se poser la question. Qui était ses parents? Jungkook était trop éreinté pour avoir pris la peine de bien l'interroger. Était-elle une espionne? Une tueuse à gages?
C'est ainsi que Jimin réalisa combien la débauche et l'aliénation avaient frappé ces gens. Ce groupe avec lequel il s'était associé. Il était maintenant atteint d'une aboulie.

Cette idée le laissa nonchalant, quoi qu'étrangement amère.

— Lim Soojin, marmonne-t-il, découvrons ensemble qui tu es réellement.

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