𝐕𝐄𝐍𝐃𝐄𝐓𝐓𝐀 | 𝘱.𝘫𝘮

By anxleti

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dans lequel Lim Soojin, une docteure ayant abouti dans un asile psychiatrique, se voit trainée dans la rancoe... More

personnages
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DEUX JOURS PLUS TÔT


















Séoul
la Maison
17:38























      — Cette maison pue la merde, marmonne quelqu'un à voix basse, regardant autour de lui.
— Contente-toi chanceux que la police a pas débarqué, lui répondit son compagnon, passant ses mains sur la table poussiéreuse où ils avaient l'habitude de manger tous ensemble.
— On peut pas savoir si cette maison est vraiment vide, affirme un autre, à la caricature imposante. Le silence se rabat sur le groupe. L'homme qui venait de s'exprimer sort son téléphone. J'vais donner un coup de fil au maire pour lui avertir qu'on est de retour ici. Taehyung, relance le système de caméras et fais en sorte de découvrir si quelqu'un s'est introduit à l'intérieur de cette maison, ordonne-t-il et celui qui s'est fait octroyé l'ordre hoche la tête, se dirigeant vers sa chambre. Hobi, Yoongi, fouillez la maison entière. je veux chaque chambre, chaque lit et chaque étagère fouillée de haut en comble, ajoute-t-il et un des deux charge son flingue et s'enfonce dans le couloir à petits pas silencieux, l'autre sur ses talons. Dès qu'Hoseok vérifie que cet endroit est toujours sécuritaire, toi et Taehyung, vous irez au Panorama. Reprends contact avec Dionysus, dit-il à l'adresse d'un autre homme aux cheveux noirs. Il sourit. Il était toujours souriant, jamais quelqu'un ne pouvait savoir ce qu'il pensait, s'il était réellement heureux ou s'il vous voulait carbonisé sur un bûcher.

L'homme joyeux dégage son téléphone de sa poche et compose le numéro de leur vieil ami, fixant le dos de leur chef, voyant comment ce dernier passait sa main dans ses cheveux bruns acajou. Alors qu'il allait appuyer sur la touche verte d'appel, il s'adresse à leur leader.

— Et pour cette femme? Tu vas vraiment laisser quelqu'un comme elle se joindre à nous? celui aux cheveux rougeâtres se retourne, des plis s'amoncelant sur son front alors qu'il affiche un air ascétique, sévère.

Les deux autres qui étaient restés, un homme magnifique aux épaules proéminentes et un autre avec des poches mauves en-dessous des yeux, s'assissent sur les chaises de la table noire. Elle n'avait pas été nettoyée depuis un long moment et la poussière régnait en maître sur sa surface de charbon. Les deux alcolytes, dont la fatigue se voyait sur leur visage, affichèrent un intérêt naissant envers le conciliabule qui reliait les deux âmes.
Eux aussi s'étaient posé la question, mais n'avaient pas osé la questionner lors du chemin du retour.

— À moins que t'aies réellement l'intention de faire d'elle un membre permanent? propose le noiraud et le silence suivi par le déchaînement flegmatique de cette voix basse et moqueuse fut lourd. Celui qui s'était exprimé était conduit par une rancoeur horrible et meurtrière ainsi qu'un orgueil qui, pour la première fois depuis longtemps, se faisait cracher dessus par une fille minable. Les autres le savaient. Il le savait lui-même.
Un assassin il était. Talentueux quand il s'agissait de répandre le sang sur le sol. Étrangement heureux quand d'autres âmes se chicanaient devant lui. Colérique quand quelqu'un lui refusait de tuer une cible qu'il avait déjà dans sa ligne de mire.

   — Je n'ai pas perdu la tête. Je sais très bien que l'avoir dans notre groupe serait fou, marmonne son interlocuteur d'une voix nonchalante et il sourit.
— Et Yoongi? Tu crois qu'il a perdu la tête? Tu crois que c'est sécuritaire de l'avoir autour de nous? dit-il d'un ton mesquin, arrachant un certain plaisir à semer la confusion dans le cerveau songeur de leur chef.

— Et si on parlait de la tienne, mhm? Ton esprit logique a disparu le jour où t'as déclenché une tuerie dans une putain d'école à l'âge de 17 ans. Pas mal comme cible, des adolescents, déclare le bel homme assis à la table, déclenchant le sourire de son partenaire. Face à cette offense, l'assassin sourit. En voyant une telle animosité, l'homme assis à la table se leva, dans le seul but malsain de provoquer une plus grande fureur chez l'assassin.
— Nam', j'ai jamais pensé que ce serait une bonne idée de laisser une étrangère dans nos rangs, mais je crois que c'est un peu trop tard. Et peut-être que ce serait bien d'avoir un autre médecin. Peut-être qu'elle sera utile. Elle connaît déjà nos noms et nos visages, dit-il avec fiel et ce Nam' regarde le sol.
— C'est exactement pour ça qu'on doit la tuer! Elle va rien rajouter, elle est inutile et elle en sait trop. On sait même pas si elle est vraiment une doc, riposte agressivement le criminel, visiblement enclin au meurtre de cette femme malheureuse, tombée dans un ravin dangereux au gouffre sans fond.
— Yoongi peut vérifier si tout ce qu'elle m'a dit est vrai. Rien ne serait plus facile que de découvrir si elle est vraiment allée à l'Université de médecine de Busan ou pas, déclare l'anémique, se levant à son tour, parlant comme si ses phrases étaient récitées et non dites.
Les demi-cercles mauves sous ses yeux hurlaient à quiconque passant proche qu'il était en besoin de sommeil et de tranquillité d'esprit.
— Jin, quel serait le pire et le meilleur déroulement futur? demande Nam', frottant son menton avec son index et son pouce. Jin dissimula son sourire.
— Le meilleur qui pourrait arriver serait qu'elle devienne loyale envers nous, que le trafic d'organes recommence et que chaque branche du business recommence son travail comme avant, déclare ce Jin, regardant le plafond au lampadaire de crystal défectif.
— Le pire? demande-t-il ensuite, faisant les cent pas autour de la pièce.
— C'est une moucharde que Satan a envoyé sur notre dos. Elle nous trahit. Pire des cas, on se fait arrêter. Meilleur du pire, on réussit à s'en sortir, mais on sera affaibli de nouveau, ajoute Jin d'une faible voix. Celui assis proche de lui, un homme du nom de Jungkook, sort lentement un petit sac de sa poche, l'ouvrant, empoignant une petite quantité de cette collation qu'il grignotait depuis plusieurs jours.

Commençant doucement à manger, il soupire.

— Si je dois être honnête, je sens que y'a quelque chose qui cloche avec cette fille, admet-il et les trois autres se retournent vers lui.
— Qu'est-ce que tu veux dire? demande Nam' et Jin fronce des sourcils. Le dernier homme sourit, satisfait de voir les choses légèrement tourner en sa faveur.
— Elle me donne un mauvais sentiment. Je sentais qu'elle me mentait, mais en même temps, tous les signes m'indiquaient qu'elle disait la vérité. Je sais même pas comment l'expliquer, dit le plus jeune, posant sa main sur sa tête, ébouriffant ses cheveux bruns.
— Est-ce que ce serait trop demander d'élaborer? roulant des yeux devant le sarcasme qu'on lui offrait, le benjamin de ce groupe ténébreux s'engage dans une explication dont lui-même ne comprenait pas l'acception.
— Elle avait peur. C'était une vraie peur. Une peur naturelle d'humain normal. Ça, j'en suis sûr, mais à un moment, j'lui ai demandé où elle était née et elle m'a dit que Busan était sa ville de naissance.., regardant le sol, il pianote ses doigts blanchâtres sur la table, essayant d'organiser ses pensées alors qu'il se remémore l'inquisitoire de la veille.
— Mais..? tous les yeux étaient sur lui, attendant patiemment une réponse détaillée de l'homme.
— On aurait dit qu'elle avait déjà prévue d'dire ça, finit-il par dire et deux soupirent, l'autre riant de façon hystérique.
— On doit l'éliminer. C'est ça que j'arrête pas d'répéter! s'exclame le noiraud avec frénésie et excitation.
— Baisse d'un ton! s'exclame Jin, regardant le couloir.
— On aurait dit que quelqu'un lui avait dit de dire ça, mais peut-être pas... en fait, poursuit l'anémique, levant la tête vers ses membres, hésitant. Après quelques secondes de réflexion, il finit par rire. Bon sang, je sais même pas si elle a menti ou pas. Il faudrait normalement des années de pratique pour me rendre incapable de déterminer si c'était un mensonge ou une réalité, précise-t-il et le silence se préserve. Ils connaissaient tous les qualités et les attributs psychologiques de leur camarade. L'entendre douter ainsi sur un sujet dont il connaissait chacune des parcelles les rendait inquiets, perturbés.

— Elle mentait ou pas? finit-on par lui demander et le jeunot grince des dents, fixant le sol, puis, le plafond, avant de se tourner vers le chef.
— Pour le moment, je dirais qu'elle est louche. Elle m'a pas menti sur tout. J'doute seulement des réponses de quelques questions, répondit-il, hochant la tête.
— J'crois que je suis avec Jimin, déclare Jin, faisant sourire celui qui portait ce nom. On doit la tuer, dit-il et un petit silence funeste accueille cette phrase à bras ouverts. On devrait éviter cette fille. On devrait éviter toutes sortes de danger qui risqueraient de nous mettre dans la merde, chuchote Jin et Jungkook plisse ses lèvres.
— Je crois que la tuer sans s'interroger un peu plus est exagéré, mais j'approuve avec le fait qu'on doit être discrets, marmonne Jungkook et les autres hochent la tête.
— Ordre de tuer? cette phrase nonchalante, toujours sortie par la même personne, la même bouche qui s'étirait en un sourire. Cette phrase faisait sécréter de l'adrénaline du corps du chef.
— Accepté, répondit Namjoon, pinçant ses badigoinces. Lorsque Taehyung revient, tu pars directement avec lui. Ne mentionnez cette discussion à personne. La dernière chose que j'veux, c'est un Yoongi éberlué me sautant à la gorge parce que je complote à tuer cette fille. Me demande bien pourquoi il a tant insisté à ce qu'elle reste vivante. C'est pas son genre, marmonne-t-il d'une voix inaudible.
      — Tu le connais. Il en a rien à foutre qu'une partie du bateau coule tant que lui et sa drogue soient en bon état, dit Jungkook et tous hochèrent la tête face à l'ironie de sa voix.
— D'ici deux heures, je veux que cette maison soit sécurisée et propre. Ramenez un martyr à l'Hôpital et faites en sorte de rassembler les Sulpiciens. On va avoir besoin d'eux, dit Namjoon et les autres remuent leur tête, imprimant les directives dans leur cerveau.
Ils se regardent entre eux.
— L'extraction va quand même avoir lieu? Nam' bouge la tête d'en haut en bas, dans une motion positive.
— Hobi possède encore un contact avec l'un de ses malfrats du marché noir. Je vais lui demander d'organiser un échange avec eux. Ça va donner l'illusion que nous sommes de retour dans les affaires et on aura quelques mois de plus de répit, explique-t-il et Jin soupire, croisant une jambe sur l'autre, agacé à son tour.
— Les clients vont bien finir par se révolter, Joon. Ça fait quatre mois qu'on a arrêté de marchander les organes. Nos alliés commencent doucement à se retourner contre nous et tu l'vois toi-même, Namjoon, dit Jin, irrité, s'exprimant à l'aide de mimiques énervés.
      — Impossible, nomme-moi en d'autres qui pourraient rivaliser avec nous, dit Jungkook, s'adossant à sa chaise alors qu'il esquisse un maigre sourire confiant.
— Il y en a un, Jungkook. Et tu'l connais mieux que quiconque, dit Jimin, voyant le rictus de son camarade perdre de son éclat en quelques secondes seulement.
— Il faut se débarrasser de quiconque jouant aux compétiteurs avec nous. On aura aussi besoin de l'écarter de la carte lui aussi, déclare Namjoon et tout le monde se retourne vers lui, carrément choqué et embarrassé qu'il ait l'audace de projeter ce genre de crime devant Jungkook. Ce dernier se lève de sa chaise.
— Mais t'as perdu la tête? On a déjà tué mon oncle. T'as envie que ma famille tue la tienne et que vous finissiez tous morts? il était indigné, Jin aussi. Ce dernier affichait une surprise teintée d'effroi face à cette perspective.

Jimin, lui, riait .

— Un fratricide. Intéressant, dit-il et Jungkook ne prit qu'une seconde pour pointer son flingue vers lui.
— Répète ça pour voir! il était énervé. Des veines frontales avaient commencé à apparaître dans la région de ses tempes. Un homme pacifique, timide, quoi qu'agonistique à certains moments.
— Calme-toi. Je pensais pas à un génocide, mais plutôt à une collaboration avec lui. Tu crois que tu pourras régler ça? demande le chef et Jungkook se rassoit, soupirant de soulagement.
— Je sais pas, Jimin pousse un autre rire.
      — Vous vous connaissez mieux que quiconque. Je vois pas qui d'autre pourrait le faire, dit son chef et Jungkook fronce des sourcils.
— Vraiment? fait-il mine de s'étonner. C'est pas toi qui jouait aux poupées avec lui quand vous étiez des gosses? Jin camoufle un sourire tandis que Namjoon en esquisse un qui dissimulait son irritation.
      — Tu vas le contacter et si tu l'fais pas, je vais leur envoyer ton putain de cadavre et crois-moi, peut-être qu'une guerre va réellement commencer à ce moment, dit Namjoon et Jin passe sa tête sous la table, étouffant un rire. Et en passant, on était des gamins et on jouait avec des camions de pompier, pas avec des femmes faites en plastique, ajoute-t-il et Jungkook grince des dents.

Jimin s'assoit sur le canapé autrefois gris, faisant face à une grande télévision. Fronçant des sourcils, il se retourne vers Namjoon.

— Où est la fille? demande-t-il et tous fixèrent Jungkook, le dernier à avoir eu un contact avec elle.
      — Elle est à l'Hôpital, ça fait un jour qu'elle pionce comme un bébé. Les effets du sédatif vont sûrement lui donner une heure de plus de nébulosité. Je savais pas quand on allait avoir besoin d'elle donc j'ai juste mis la plus grande dose. Hobi m'a aidé avec les chaînes, explique-t-il et Jin se lève, marchant vers la cuisine, ouvrant le grand frigidaire d'une main, soupirant devant le vide qui s'imprimait dans ses yeux.

Un îlot de granit couvrait une grande partie de la superficie de la pièce.

Le luxe s'amassait dans cette Maison. Le même s'adonnait aux autres demeures qu'ils avaient construites, chacune établie dans les villes les plus importantes du pays.
Un luxe adamantin dont tous exploitaient la richesse à tous les jours.
Des maisons calmes, rejetées de la partie citadine de la ville, enfoncées au beau milieu de nulle part, dissimulées de la population par des politiciens qui bénéficiaient de leur alliance une belle somme d'argent. Juste assez pour qu'il ferme leur gueule affable.

— Je vois, laissons-la passer la nuit pour qu'elle se calme. L'ablation aura lieu demain, indique Namjoon et les autres l'écoutent d'une oreille distraite, occupés à témoigner de l'absence de nourriture.
— C'est quand que Jimin va la tuer exactement? demande Jin, plissant ses lèvres alors qu'il réalise que cette phrase macabre sonnait beaucoup trop naturelle.
— Juste après l'opération, répondit Namjoon, se tournant vers Jimin, qui fixait d'un œil vitreux le canapé, les phalanges de ses doigts passant leur surface sur ses lippes roses et pulpeuses.

Au même moment, Taehyung fit sa réapparition dans la pièce, baillant alors qu'il clame à ses camardes qu'il avait la dalle.

      — Tu pars maintenant, Jimin, va avec lui, ce dernier se lève du canapé qu'il regardait méticuleusement, adressant au leader un sourire espiègle et un signe de tête complice.

Le chef reconnaissait ces gestes.

C'était ceux qui précédait la survenance d'un meurtre sur lequel ils s'étaient entendus.
Et cette phrase, cette question.
   Ordre de tuer.
   La réponse qu'il offrait n'était que l'autorisation ou le refus de l'assassinat de quelqu'un, qui qu'il soit.

Et jamais cet assassin, ce génie, non au talent intellectuel, mais bien meurtrier, n'avait refusé ou failli au meurtre d'une personne. Park Jimin était un outil majeur à cette équipe.
   Namjoon le savait. Park Jimin lui-même le savait. Il connaissait sa valeur. Et c'est bien ce qui lui faisait peur. Jamais ce dernier ne pouvait savoir s'il possédait l'allégeance loyale de ce personnage mystérieux et chaotique. Cela résultait donc à une relation dépourvue de confiance qui reliait ses deux personnages mythiques entre eux.
   Mais aucun d'entre eux ne s'en plaignaient.
   Ce lien ne les dérangeait pas.

Taehyung pointe du menton la grande porte centrale et Jimin sourit.

— Suga et Hobi sont au deuxième étage. Ils n'ont rien découvert d'anormal. Pas de bombes. Pas d'autres caméras ni rien. J'ai relancé le système et l'électricité devrait revenir dans pas longtemps, s'écrie Taehyung, adressant un signe de main à ses compagnons alors qu'il se dirige vers la porte, Jimin le suivant, les mains nonchalamment enfoncées dans ses poches.

Namjoon et Jin les regardent quitter la maison en riant aux éclats, visiblement heureux de reprendre cette activité après une longue période d'arrêt.

Ces deux-là étaient comme des âmes sœurs. Étant allés à la même école pour privilégiés, les deux avaient trouvé un moyen de décevoir leurs parents en s'enfonçant dans le monde de l'illégal. L'élève lunatique aux antécédents inconnus que tout le monde croyait comme arriéré et stupide. Ainsi que le président de classe souriant et charmeur qui passait ses nuits sur un ordinateur à pirater n'importe quoi sous les ordres de clients qu'il se procurait sur le dark web.

Les deux ont clamé ne jamais avoir été réellement amis à l'école.

Namjoon en doutait fortement. Il avait bien essayé de découvrir ce qui s'était passé il y a 8 ans lorsqu'un adolescent tout à fait normal, introverti, avait tué à lui tout seul une centaine de gosses, mais les sources d'information manquaient. Les archives policières n'indiquaient rien sur la tuerie. C'était comme si elle n'avait jamais eu lieu. Seul quelqu'un de doué avec un clavier aurait pu camoufler toutes les traces de ce que la société avait clamé comme étant une tragédie. Seul quelqu'un avec des bases en technologie aurait pu accéder au dark web afin de se procurer des armes à feu à bas prix. Seul un hacker expérimenté aurait pu brouiller les caméras de surveillance d'une académie religieuse et bourgeoise aussi facilement.

Regardant Taehyung rire suite à quelque chose que Jimin lui avait chuchote à l'oreille, il se dit que ses deux-là avaient dû collaborer d'une certaine façon. La collusion qui les liait avaient toujours surpris les autres.
De nos jours et surtout dans ce monde cruel, le mot amitié était trop quétaine pour être utilisé par quiconque. Taehyung et Jimin ne s'étaient jamais référés au mot amis. Personne ne savait vraiment si l'un tenait à la vie de l'autre. Ils se contentaient de vider des bouteilles d'alcool en riant ensemble, l'un assassinant humains sur humains en éprouvant le plaisir et l'euphorie qu'apportait le meurtre, l'autre s'amusant à cambrioler virtuellement des dizaines de pièces d'art sous l'influence du péché de la convoitise.

Un couple étrange. Carrément amusant à voir.

Même aujourd'hui, leur chef n'avait toujours pas compris ce qui s'était passé cette journée-là, le jour où 112 étudiants furent tués par la main de Jimin. Le dernier jour où les parents de Taehyung avaient vu leur fils et le dernier jour de plusieurs dizaines d'adolescents gâtés et auréolés par le succès et l'argent que possédaient leurs parents. La police n'avait pas essayé de découvrir les motifs de Jimin. Les policiers ne savaient pas s'il avait une dent contre un des étudiants ou s'il souffrait d'une schizophrénie quelconque qui l'avait poussé à tuer pour la première fois.

Peut-être qu'il était né fou ou qu'il était incapable de vivre en société.

Il était semblable à ses clowns qu'on voyait aux anniversaires de gamins.
Constamment souriant, sans qu'on ne sache ce qu'il ressentait vraiment. Agissant de façon rigolote car c'était sa manière de vous berner. Perdu, il devenait meurtrier et instable lorsqu'il faisait une apparence dans les films d'horreur, un clown. Feignant l'amour et l'affection envers les gens afin de les charmer et de les duper. Tout ça pour ensuite retourner à la maison lorsque la fête était terminée, empochant de ses actions une belle somme d'argent dans les poches, le sourire toujours bien encré sur les lèvres. Un vrai clown.

Jin et Namjoon échangent un regard alors que Suga et Hobi pénètrent la pièce, clamant qu'il n'y avait rien de différent dans cette maison.
Jungkook remarque leur tension et se contente de jeter le sachet vide.
Il n'avait pas mangé depuis longtemps. Ça se voyait dans la façon dont il était constamment énervé. Physiquement, sa cage thoracique commençait doucement à se faire voir. Elle saillait violemment son ventre et ressortait. Son gras naturel commençait à s'évaporer et la froideur réussissait à l'envelopper beaucoup plus facilement qu'avant. La maladie? Elle, elle s'amusait à profiter de sa faiblesse pour le ronger de l'intérieur.

capricieuse elle était.

Le jeune sourit, se levant alors que la porte principale se ferme. Il put sentir le regard de ses ainés suivre sa caricature alors qu'il s'enfonce dans le couloir, montant les escaliers, marchant vers sa chambre. Arrivé au seuil de sa porte, il baisse les yeux vers le cadenas qui la verrouillait. Jungkook avait averti Hobi de ne pas s'aventurer dans sa chambre. Ce dernier n'avait pas insisté plus et s'était contenté de faire comme il lui avait demandé.
— Il s'en doutait, marmonne le plus jeune tandis qu'il enfonce une petite clé dans le cadenas, ouvrant lentement la porte.

Il fixe le sol alors que l'obscurité habituelle de sa chambre le submerge. Même la nuit, Jungkook n'ouvrait jamais les lumières. Il possédait une belle petite quantité de lampes qu'il accrochait à divers endroits de sa chambre. Juste assez de lumière pour qu'il puisse distinguer tout sur son passage, mais pas assez pour donner à sa chambre un éclat joyeux et illuminé. Le blanc était la dernière couleur qui submergeait son âme.

Le noir s'était déjà installé dans son esprit.

Souriant à cette pensée, il s'enfonce dans sa chambre spacieuse, dont le thème était l'ésotérisme obscure. La même table était toujours là où elle était, sauf qu'elle était renversée, griffant le sol en bois tandis que son contenu s'éparpillait. Une table qu'un de ses accès de colère avait renversée. Sur son bureau demeurait des dizaines de piles de feuilles emmêlées et empilées les unes sur les autres de façon maladroite. Des feuilles qu'un esprit torturé n'avait pas pris la peine d'organiser dans un ordre quelconque. Devant lui, une porte coulissante en vitre le protégeait de vents durs qui auraient fait frissonner le jeune à l'apparence anorexique. Un balcon se trouvait de l'autre côté.

Et à droite, juste en haut de son lit, se trouvait quelque chose qui provoque un sourire nerveux chez l'homme vêtu de noir. Étrange que ce soit encore là. Connaissant son sens de survie, s'enfuir aurait pu être une option. Maintenant, il fallait qu'il s'en débarrasse.
   Débarrasser?
   N'était-ce pas un terme trop vulgaire et cruel pour être employé sur un humain?

Se forçant à redresser la tête, c'est avec des yeux froids et vides qu'il fixe l'horreur qu'il avait placardé sur son mur.
Une horreur qui avait un jour été l'une des femmes les plus désirées.
Même crucifiée par des clous, même si on ne pouvait voir ses joyaux bruns magnifiques à travers ses paupières, cette femme avait réussi à préserver jalousement une beauté et une dignité constante alors que le benjamin l'avait torturé avec une ardeur triste, carrément mélancolique.
Lorsqu'il l'avait plaquée au mur à l'aide de clous enfoncés sur les paumes de ses mains ainsi que ses pieds, elle n'avait rien dit. Elle avait seulement cherché un contact avec ses yeux éteints afin de le laisser savoir qu'elle ne portait aucune haine envers lui.

Elle s'était jouée de lui sans qu'il ne le sache et peut-être qu'elle-même avait succombé à sa propre moquerie en tombant pour l'homme farouche qu'il était. Du moins, c'est ce qu'elle avait clamé alors qu'il se fatiguait à la blesser physiquement. Elle était une espionne.
Et lui, un tortionnaire sensible qui s'était laissé allé par le flot du jeu et qui s'était fait détruire par ce dernier, accumulant ainsi haine et honte.

Cette femme, magnifique, belle, désirée, il avait fini par la conduire à sa mort en allant au-delà de l'amour qu'il apportait envers cette âme impulsive et indépendante, ainsi que ce corps qu'il avait maculé de sang.
Et le voilà en train de fixer sa création, le propre du brouillon qu'il avait entamé, les lèvres étirées en un sourire blessé, les yeux embrumés par une douleur insupportable.

— Tu l'as mérité, chuchote-t-il, s'avançant, posant un pied sur son lit. Ses pieds s'enfoncent dans le matelas confortable. Deux enjambées suffirent pour qu'il soit face à face avec ce visage si magistral.
Elle avait perdu du poids, comme lui. Son corps avait aussi perdu d'une grande partie de sa graisse, comme lui.

Ses cuisses étaient plus minces que jamais et on pouvait aussi voir combien ses pommettes étaient anguleuses. Elle avait pris l'apparence d'un cadavre parce que c'est ce qu'elle était. Torturée par quelqu'un qui l'aimait, crucifiée par l'homme qu'elle avait heurté, abandonnée pour une durée de 5 mois sans nourriture et sans eau, dans un environnement dépressif et dépourvu de chauffage. Pendant combien de temps avait-elle survécu?

Deux semaines? Non, elle était coriace. Une femme forte, confiante, courageuse, beaucoup plus qu'il ne l'a jamais été. Un mois je dirais.
Elle aurait pu s'enfuir.
Pour une femme comme elle, rien n'aurait été plus facile que de se délivrer de quelques clous insignifiants.
Elle ne l'avait pas fait.

Peut-être que le désespoir avait aussi remporté sur son cœur et qu'elle avait volontairement laissé la mort s'emparer douloureusement de sa personne. Il ne le savait pas.
Si c'était le cas, il y a une chance qu'elle n'ait pas menti en hurlant être tombée amoureuse de lui.

Un rire guttural oblige son accès hors de la bouche du benjamin tandis que d'un coup de poing violent, il frappe le mur. La force avait quitté son corps, les larmes avaient coulé de ses yeux et l'évanouissement avait possédé son corps. C'était drôle. Il trouvait la situation drôle et ça l'attristait de voir combien il n'était pas heurté.
Il se réveilla quelques minutes, quelques secondes ou bien quelques heures plus tard. Le corps de sa bien-aimée était toujours enchainé au-dessus de sa tête. Il arborait la même position qu'elle, couché sur son lit, les pieds collés ensemble, les mains ouvertes, chacune pointant vers un côté.

La maison était silencieuse, c'était comme si elle était vide.

D'une main tremblotante, il pose son bras sur sa hanche, cherchant son téléphone à l'intérieur des méandres de l'une des poches de son pantalon. Il ressort son bras et l'appareil encombrait sa paume aux longs doigts.
Le déverrouillant après plusieurs secondes de lutte, il pèse sur l'icône verdâtre d'une application et appelle quelqu'un. Il savait que cette personne faisait partie du groupe restreint de gens qui pourraient l'aider avec la merde qui salissait ses mains et qui le rendait nauséeux et malade.






— J'ai besoin de ton aide

























•••


















— Qui était-ce?







   S'approchant d'une démarche dégingandée vers un homme nonchalamment assis sur un siège rose bonbon, le vieil homme tend un verre à son invité, cet ami de longue date avec lequel il adorait entreprendre des conversations. À la fin de ces dernières, les deux compères finissaient toujours par pointer un fusil au visage de l'autre, tous deux irrités et étrangement satisfaits.
Finir en cadavre ne les effrayait pas.
Et chacun possédait une parcelle de la mort, de comment ils l'avaient évitée au fil des années et c'était avec une dérision certaine que ce vieillard et que cet homme moquaient la possibilité de mourir.

— Pourquoi tu veux savoir? As-tu peur que Nam' ait finalement décidé de se débarrasser de toi? le vieux spécimen reste silencieux, philosophant sur ces paroles avant de pousser un rire rocailleux.

Il s'étouffe quelques secondes plus tard et tousse à plusieurs reprises, s'assoyant sur son siège alors qu'un sourire fébrile étire ses lèvres.
— Si le petit Namjoon a décidé que le moment était venu de se débarrasser de moi, je vais pas m'y opposer. L'arthrite me détruit les mains. Il me fera une faveur s'il me tue, répondit-il et son interlocuteur refroidit ses yeux face à ses paroles d'agonie, ne laissant aucune émotion de pitié filtrer le brun foncé de ses iris.
   Était-il triste? Non, il ne l'était pas. Chacun finissait par mourir. Mourir à leur yeux était même un privilège, un signe de paix que les autres traitaient comme une malédiction touchant les personnes emplies d'abnégation.
   « Pourquoi Dieu l'a pris!? Il était si bon » « Pourquoi les meilleurs sont toujours ceux qui partent les premiers? » l'homme esquisse un sourire antirabique.

C'est parce que l'innocence et la philanthropie que détenaient les êtres humains les rendaient faibles. À la fin, leur corps peu aguerri par la souffrance ainsi que leur cerveau peu insalubre sombraient. Leur âme entière finissait par se faire détruire par ceux qui avaient souffert le martyr et qui avaient côtoyé l'angoisse toute leur vie. Mais les gens bien, aisés, riches, ceux qui avaient réalisé la signification, la formule de cette vie si cruelle, ils offraient des services et un travail aux âmes détruites.

Ils travaillent pour nous et nous travaillons pour eux. Une chaîne dans laquelle les deux clans bénéficiaient d'une assez belle somme d'argent.

      — C'était Jungkook. Il veut que je me débarrasse du corps de Lisa, marmonne finalement l'homme, croisant ses jambes alors qu'il pose son poing en dessous de son menton.

  Le vieux soupire, hochant distraitement de la tête.

— Un pauvre garçon, une bien mauvaise chose qui lui est arrivé. La trahison d'un proche est souvent la pire chose qu'un être pourrait expérimenter, chuchote d'une voix faible le patron de la boîte de nuit.
— Il a été idiot. Il s'est laissé charmé par une femme. Il est allé jusqu'à la laisser pénétrer son esprit.
— Il lui faisait confiance, rétorque le vieux, provoquant le roulement des yeux de son hôte. Un jour, tu comprendras combien avoir confiance en quelqu'un ramollit l'esprit, ajoute-t-il, ses paroles sages, flegmatiques, rompant l'équilibre de cette conversation, qui profite d'un blanc confortable de quelques minutes.

      — Le trafic va recommencer? le vieux finit-il par demander, soulevant la tête vers son visiteur.
— On a trouvé une médecin. Yoongi a envie qu'on l'ajoute dans le cercle, marmonne l'autre homme, ses yeux fixant le tapis oriental, puis le bureau luxueux se trouvant au fond de la pièce. Les murs étaient tapissés d'œuvres d'art renommés.
— Quelle est son nom? s'interroge le vieil homme, ses cheveux hirsutes plaqués vers l'arrière.
— Lim Soojin, répondit-il et le vieillard regarde le plafond en plissant des lèvres, n'ayant jamais entendu ce nom-là. Agrandissant la trajectoire de sa vision, il remarque le sourire de son convive.
— Et..? Qu'est-ce que tu ne me dis pas, Jimin? l'homme âgé se sert un verre de whisky ambré et le boit d'une traite. Son ami mimique cette action, son visage ne réagissant même pas face à la saveur forte de cet alcool dispendieux.
— C'est une fille normale. Du moins, elle agit comme si elle l'était. Les autres pensent à la tuer. Jungkook avait des doutes donc Namjoon m'a demandé de m'occuper d'elle, un sourire malicieux avait fait son retour sur le visage de l'assassin, un sourire heureux, plaisantin, évoquant une joie enfantine impure.
— Est-ce que Namjoon s'est au moins informé sur elle? demande le vieux, commençant doucement à s'énerver.
— Mhm... Dionysus, ce dernier déglutit. Aussi amusantes qu'étaient leurs discussions, elles terminaient toujours sur une note agressante. Si seulement tu savais combien je n'en ai rien à faire, marmonne Jimin, son rictus prenant des proportions extrêmes alors qu'il se lève. Il était vêtu d'une chemise noire de satin lousse ainsi que de pantalons noirs moulants. Portant les vêtements du diable, il s'était démarqué à son arrivée dans la boîte de nuit et l'avait réalisé en remarquant les regards enflammés du garde du corps et des employés de Dio, détaillant sa caricature et fronçant des sourcils alors qu'ils réalisent que c'était réellement lui. Ils savaient ce que sa présence, leur présence plutôt, voulait dire. Taehyung était antipathique. Son grand sourire carré s'était évaporé. Ses lèvres tressaillaient nerveusement. Il voulait être euphorique et ces corps dansant, ruisselant de sueur, avinés par l'alcool et drogués par l'opium. Tous ces détails auraient dû l'exciter, mais il ne ressentait pas le moindre confort.

Une minute et Taehyung était heureux. Une minute plus tard et il sombrait dans une dépression dévastatrice.

Jimin sourit en pensant à lui. Même après plusieurs années de connaissance, il était toujours incapable de percer la logique et la mentalité que l'esprit de Taehyung suivait à tous les jours. Il était une personne incompréhensible. Cette impression était réciproque pour son acolyte. Les deux ne se comprenaient pas. Ils étaient inaptes à s'adapter aux différentes personnalités et facettes qu'empruntaient l'autre.

      — Ça fait 5 mois que vous êtes dans le noir, Jimin. Si vous n'avez pas envie de rester dans les abysses pour l'éternité, vous devez sortir de cette obscurité, vocifère à voix basse le fossile, regardant la porte comme si quelqu'un était en train d'y coller son oreille afin de capter leurs voix et leurs mots.
— Dis-moi, tu dis ça pour que tes poches se remplissent de nouveau? Pas vrai? demande Jimin, posant sa paume sur son torse de façon théâtrale. T'es qu'un fils de pute, Dio. Un méchant capitaliste. J'suis dégoûté de t'parler, marmonne Jimin, sarcasme collant à chacun de ses mots, les lèvres neutres, pulpeuses, carrément aussi roses que le siège sur lequel il était assis.

Les pensées de cet ancêtre étaient blanches ou noires, il n'y avait aucune nuance, pas de gris et encore moins de couleurs. Savoir quel était le sous-entendu en arrière de ses paroles s'avérait être un jeu d'enfant. Les humains étaient captivés par l'argent et un portefeuille bien rempli. Dionysus n'échappait pas à cette vérité qui rendait l'humain ivre de puissance.
Il était frustré par l'arrêt du trafic et était désireux de le relancer afin que son compte bancaire augmente son effectif de plusieurs milliards.
   Blanc ou noir j'ai dis?
   Hobi le qualifierait plutôt de logique simple ou de comportement humain intuitif. Un tas de mots saugrenu utilisé pour qualifier une pensée facile à comprendre et à percevoir sur le visage de quelqu'un.

— Oui, Jimin sourit devant cette réponse franche. Avoir un compte en banque rempli et de l'argent prêt à être hérité à ma famille de dégénérés, je vais l'admettre, rien ne me plairait plus que ça, Dionysus croise sa jambe sur l'autre. Par contre, voir le commerce de ce cher Namjoon s'effriter me blesse un peu, admet-il d'une voix placide.

Tenait-il réellement à Namjoon? Appréciait-il vraiment leur chef? C'était des questions auxquels seule la personne en question pouvait savoir, les autres ignoraient la réponse.
— Et que se passerait-il si on tombe? Dionysus sourit, regardant le plafond, les souvenirs de ses jeunes années le submergeant.
— La ruine du commerce illégal d'environ tous les pays avec lesquels vous marchandez. Un bon millier d'adolescents laissés sans travail. Une guerre civile peut-être? Une autre pour déterminer qui sera le nouveau groupe dirigeant et une certaine baisse du taux de criminalité, c'est sûr, répondit Dionysus et Jimin regarde le sol, se rassissant, tentant de se rappeler le nombre de personnes qu'il avait tué ce dernier mois. Moins que d'habitude, quoi que, quand même beaucoup.
— Qu'est-ce qu'on devrait faire selon toi? demande Jimin, croisant ses jambes.
— On dirait que tu recommences à me poser des questions. Ta colère s'est-elle évaporée? Dio sourit et Jimin fixe ses pupilles bleues. C'est bien. C'était assez chiant de passer des années à parler dans le vide. Détester quelqu'un pendant longtemps ne sert à rien, ajoute-t-il et Jimin penche la tête.
— J'ai posé une question, lui rappelle-t-il d'une voix doucereuse.
— Je sais et cela prouve bien que le disciple a toujours besoin de son maître, marmonne Dionysus et Jimin ne sut comment contrôler l'expression de son visage. Le passage de différentes émotions dont il ne comprenait pas l'effet, ni la signification, eut lieu sur son visage. Il savait qu'il était en colère par contre. C'était ça, cette sensation qui lui bouillonnait l'estomac, c'était elle qui le rendait si maladroit et gauche émotionnellement.
   Et comme d'habitude, la première réponse à ce sentiment irritable était le revolver pointant vers son interlocuteur, celui qui avait osé dire les mauvais mots à la mauvaise personne.

— Je pourrais très bien te tuer à l'instant et la seule chose qu'il restera de toi serait un squelette enfoui sous terre, Dionysus se retourne et échange un regard avec son ancien protégé. Ironiquement, Jimin put clairement distinguer la petite lueur alarmante qui avait éclairé ses yeux. Croyait-il sérieusement qu'une quelconque relation les reliait? Croyait-il que cet assassin regretterait ou hésiterait à peser sur la gâchette? Croyait-il qu'il était encore un adolescent facilement manipulable qui possédait la capacité, aussi maigre qu'elle était, de s'attacher aux autres et de leur faire confiance?
      — Baisse cette arme, nous savons tous les deux que tu ne vas rien me faire. Tu ne le peux tout simplement pas. C'est contre toi, dit le vieillard et quelque chose dans sa voix sema la psychose dans l'esprit de Jimin. Une tonalité mystique, doublée d'une conviction agaçante qui le rendit méfiant. Il est encore en toi, pas vrai? Ce garçon qui n'aurait jamais touché à un de mes cheveux, ajoute le vieux, buvant avec allégresse son verre, humidifiant ses lèvres de sa langue.
La main de Jimin tremblait et le vieil homme sourit en remarquant les soubresauts secouant ses phalanges.

— Je t'ai sauvé avant que tu ne rencontres Namjoon ou que tu t'associes avec ce sale timbré d'Hoseok. Tu ne peux me renier, tu ne peux poser la main sur moi, car un jour, l'enfant innocent que tu étais a vu en moi la figure d'un sauveur.

   Il avait dit les mots parfaits pour l'achever. Le noiraud se demanda si Dionysus les avait récité dans son sommeil dans le but de les lui balancer au bon moment afin de le désarçonner. Jimin regarde son ancien protecteur fixer le sol d'un air flegmatique, carrément pacifique. On aurait dit qu'il attendait que la mort le frappe de plein fouet. Devant cette perspective, le visage du mafieux se crispe de nouveau. Sa main perd de sa rigidité. La gravité finit par l'emporter et c'est avec exaspération que son bras heurte sa cuisse.    Il sourit.
— Je n'ai plus rien à te dire, lui dit-il, rangeant son flingue. La fille va sûrement se faire tuer et le trafic prendra finalement fin. Tu seras libre et t'auras qu'à attendre ta mort, Dio. Le dernier échange se fera après-demain. on te ramènera le fr—, commence-t-il mais il fut coupé par son compère.
— Ce ne sera pas la dernière ablation, rétorque Dionysus. Namjoon est intelligent. Il ne sera pas assez stupide pour laisser son territoire entre les mains de Jung-Hyun, Jimin soupire, carrément las à l'idée d'être toujours là à blatérer avec lui. Même si ces deux-là ont eu leurs moments de complicité lorsqu'ils étaient jeunes, c'est la guerre. Et gagner une bataille ne veut pas dire gagner le tout. Il faut triompher sur tous les champs de bataille, marmonne le vieux, se penchant un peu vers l'avant, chuchotant sur le ton de la confidence.
— Qu'est-ce qu'on doit faire alors?
— Relancer les échanges avec la totalité des acheteurs. Conclure une paix avec la Mafia italienne. Crois-moi, leurs racines sont puissantes, être en conflit avec eux n'apporte rien de bon, conseille-t-il, supportant chacune de ses idées avec des signes de main.
   — Comment tu sais pour les Italiens? demande Jimin, balayant du regard une œuvre d'art sublime. Dio l'avait sûrement peinturé avant, lorsqu'il avait encore la capacité de bien tenir un pinceau.
— Ils ont pratiquement débarqué ici à votre recherche. Ils ont sûrement cru que rien ne serait aussi facile que de vous retrouver, marmonne l'homme, grattant son menton en exhalant de l'air hors de sa bouche.
— Tu nous as pas vendu? le vieillard improvise un rire.
      — J'étais pas à la boîte de nuit ce jour-là. Ils sont tombés sur mes employés et les ont terrorisé, mais aucun d'entre eux ne savaient où j'étais ou la position exacte de Namjoon, répondit-il et Jimin se sert un autre verre.
      — J'ai pitié de tes employés. Ils font le sale boulot et se font menacés par tout le monde à cause de toi. Tout ça pour un salaire merdique, dit Jimin, ressentant de la gaieté alors qu'il se permet de le narguer.
— J'ai dû diminuer leur salaire justement, sur ces mots, un regard accusateur se dresse sur la silhouette de Jimin. J'ai même fermé le Panorama pendant quelques temps, ajoute-t-il sur un ton peu allègre.
— Où es-tu allé? demande Jimin.
— J'suis retourné en Russie et j'ai pris le temps d'visiter ma famille. Mon petit-fils venait de mourir et l'ambiance était atrocement morose là-bas. Cet idiot s'est encore mis dans la merde et il a fini par payer le prix de ses erreurs. Il devait dix millions de dollars à je-ne-sais-qui. Pour de l'ecstasy, je crois, explique-t-il et son interlocuteur se permet un rire.

Les Russes étaient des personnes intéressantes. Ils étaient conduits par un penchant pour le risque et le danger. Se mettre dans la merde avec eux était synonyme de mort. Ces gars-là ne rigolaient pas avec ce genre de truc. Leur regard de pierre, leur manque de pitié et leur caricature imposante n'étaient pas des facteurs qui effrayaient Namjoon, mais ils avaient toujours évité de marchander avec la Russie et ce, même sous l'influence des encouragements réguliers de Dionysus.
   Ces deux-là ne s'entendaient pas.
Les principes de Namjoon et de Dionysus différaient grandement.

      — Heureusement qu'il s'est pas mis dans la merde avec nous. L'ecstasy est beaucoup plus cher en Corée du Sud. Le pauvre garçon se serait fait crucifié par un chat enragé, Dionysus fronce des sourcils face à la métaphore. Yoongi. Lorsque tu passes cinq mois entre les mains du gouvernement, tes nerfs finissent bien par se briser un jour ou l'autre, explique Jimin, haussant nonchalamment des épaules.
— Organise-lui une thérapie avec Hoseok. Ce garçon est doué. Il a bien été capable de te faire oublier ta deuxième nature, non? Jimin esquisse un rictus. Irrité, il était irrité de nouveau.
— Pas nécessairement, marmonne Jimin et le Russe sourit, heureux de voir le garçon admettre sa faiblesse.
— Tu es toujours incapable de me tuer, pas vrai? déclare innocemment Dio, euphorique, souriant.
— Pas nécessairement, répète Jimin et le vieux fronce les sourcils. Ça, c'était avant, Dio relève la tête et leur regard se connecte, l'un exprimant la neutralité, l'autre l'inquisition, la curiosité. L'idée de t'effleurer m'effrayait avant. Je portais une autre identité et je te considérais comme un sauveur. Tu m'avais épargné d'une merde que toi, ton âme de masochiste plus précisément, avait créée. J'étais idiot, non? dit Jimin et il pousse un rire, ses lèvres s'étirent en un rictus impossible, dérangé.
— Arrête, Dionysus s'enfonce dans son siège, dissimulant son énervement par une expression vitreuse, ennuyée. Tu commences à me faire peur mon garçon, marmonne-t-il d'une voix sarcastique.
— Je te promets d'être celui qui te tuera un jour, clame-t-il et sur cette courte diatribe, le noiraud sort son revolver et le pointe une nouvelle fois vers le vieux. Il sourit, fermant une de ses paupières, faisant mine de viser alors qu'il bouge son flingue de gauche à droite, d'en haut en bas, choisissant un endroit précis.
— Tu peux pas m'tirer dessus. Tu le sais très bien, Jimin fronce les sourcils.
— Vraiment? fait-il mine de s'étonner et Dionysus fixe le bout du fusil, se servant un autre verre.
— Même si tu en serais capable, tu ne le feras pas. Namjoon te tue—

Une détonation semi-silencieuse perce l'air. La balle de plomb quitte l'orifice du fusil et se projette sur son genou. Le vieux pousse un grognement, courbant son échine vers ses pieds, sa main rétractant d'une nouvelle plaie du sang frais, rouge. Son sang à lui.

— Mauvaise réponse, se contente-t-il de dire, justifiant ainsi cette attaque.

La douleur se voyait sur ce visage, il goûtait cette sensation après tant d'années de retraite. Ce vieillard avait été, un jour, un mafieux lui aussi, un criminel instable avec ses propres problèmes ainsi que ses fétiches à lui. Un sadiste. Il ne l'aimait pas. Non. Nombreuses étaient les fois où il avait pensé à lui tirer dessus. La façon dont il l'aurait jaugé de yeux froids alors que la souffrance ravageait son visage.
   Peu importe le nombre de fois qu'on se fait tirer dessus, la douleur sera toujours présente et aussi cuisante que la première fois. On ne s'y habituait pas. Tirer sur quelqu'un par contre. On s'y habituait plutôt rapidement. Et quand on avait réellement envie de tuer quelqu'un, lui tirer dessus s'avérait être un plaisir indescriptible.

cette femme.
cette putain de femme.

L'homme fixe sa main. Elle tremblait. Fébrile.    Une bonne fébrilité.
Le vide, l'absence de pensées. Ces deux choses le rongeaient de l'intérieur alors qu'il se retourne lentement vers sa victime. Cette dernière jurait à voix basse, en russe, crispant des dents sous l'effet de la colère. Son verre de bourbon s'était échappé sur ses jambes. Ses pantalons de marque étaient tachés par l'alcool sur lequel il dépensait son argent et gaspillait ses dernières années de sursis, au dépit de sa santé pitoyable. Jimin tire de nouveau, sur l'autre cuisse cette fois-ci, poussant un petit « Oups ». Se penchant, ses cuisses touchant à peine le siège rose, il détaille avec attention la réaction du vieux, attachant à sa mémoire chaque détail. Sa paume appuyée sur la surface de la table, il pose un genou sur le tapis, la bouche grande ouverte alors que ses oreilles captent ces halètements saccadés. Ses yeux se condensent sur la misanthropie incendiant ces prunelles bleutées. Il se rappelle bien la première fois qu'il les avait contemplées, à un si jeune âge. Il avait tellement eu peur ce jour-là.
— Sale enfoiré! s'écrie Dionysus avant de se taire, l'élévation de sa voix entraînant une douleur plus accrue, plus prononcée. Tu es mort, mon ami, marmonne-t-il d'un accent européen, le fiel plongeant ses iris dans une noirceur carrément amusante aux yeux de Jimin.
Ce dernier s'approche encore plus, enfonçant brusquement son fusil juste en-dessous de sa carotide, son autre main appuyant vicieusement sur la balle, dans l'intention de la loger plus loin dans la plaie. Le sang s'écoule sur ses mains. Sur le tapis. Encore une merde inutile tâchée par du sang qu'il avait fait couler.
      — N'oublie pas ma promesse, dit-il en un chuchotis amoral. Quelques gouttes d'insuline et l'affaire sera terminée. T'en penses quoi? Tu préférerais une balle dans le cerveau? Et s'il te plaît, ne dis pas que Namjoon me tuera si je le fais. Ce n'est qu'une raison de plus de le faire, dit Jimin et le silence accueille cette phrase à bras ouverts. C'est bien ce que je pensais. Tu t'en branles de mourir, mais qu'est-ce que ce serait ennuyant de se faire tuer par celui qu'on a supposément sauvé, Jimin rit à l'entente de ses mots, heureux de ce calme, de ce silence lymphatique. Tu vois, mon esprit a été étiré, perturbé, j'ai simulé être quelconque d'autre, mais un reversement de la personnalité n'est pas irréversible, tu sais. Est-ce que t'étais nerveux quand t'as réalisé que ton petit Jimin était devenu un assassin renommé? À moins qu'Hoseok t'a assuré que j'étais encore inoffensif?
Dionysus ne répond pas, relevant son menton, s'éloignant de la menace du revolver.

Le sol tremblait, un morceau d'électronique horrible jouait en boucle en bas. Les cris de centaines de personnes étaient perceptibles, quoi qu'étouffés. L'alcool devait circuler, pullulant dans cette aire de plaisir pour adultes insatisfaits. La drogue aussi, surtout l'héroïne. Chaque coréen portait un penchant admiratif pour cette drogue. Ces idiots ne s'étaient jamais informés sur les effets de cette poudre. Sinon, ils se seraient doutés que la raison pour laquelle leur désespoir ne s'améliorait pas était à cause de cette drogue aux effets puissants, dévastateurs même. Ils s'empiffraient et s'empiffraient.
Les femmes, candides, vilaines ou neutres, se déhanchaient toutes au rythme d'un type de musique que l'humain pouvait supporter seulement lorsqu'il était soûl. Elles étaient trop enfoncées dans la débauche pour penser à ce que leur verre contenait. Elles ne se demandaient pas si ce serait logique de consommer la poudre qu'on venait de leur donner, en échange d'une liasse de billets qu'elles n'auraient jamais dépensées habituellement. La même chose concernait les hommes. Ils étaient pires d'ailleurs. Des animaux ayant consommé de l'alcool. Des bêtes sauvages.

L'idiotie et les comportements ordaliques. Tous les avaient et en abusaient. Une piqure que le gérant de la boîte de nuit leur avait attribué afin de récolter une petite goutte de leur sang, un simple échantillon de leur hémoglobine. Tous avaient la marque de cette piqure et tous ignoraient pourquoi. Ils étaient trop heureux d'être ici, se sentant privilégiés, pour se plaindre ou essayer de trouver une lacune ou une étrangeté à cette prise de sang. Ils se disaient que quelqu'un allait utiliser ses petites gouttes de sang s'accumulant au fil des nuits pour un genre de rituel satanique. Un rituel de cinglés auquel ils participaient, sans le savoir, jusqu'au moment où un de leur trait organique leur vaut une escapade dans le coffre d'une voiture noire blindée.

Le sang. Certains en voyaient plus que d'autres. Les femmes y étaient immunisées depuis le début de leur adolescence, de leur temps en tant que femme disaient-ils. Elles voyaient cette couleur rouge sanglante depuis que leur corps avait débuté leur puberté.
   Les hommes en voyaient sûrement moins. Mais les deux divisions de l'humanité ignoraient que leur sang pouvait être un outil. Ils ne savaient pas que cette boîte de nuit, une boîte de fantaisie illégale, utilisait cet outil pour déterminer qui était la victime et qui était ceux qui allaient passer une excellente soirée à se bourrer et à se droguer. Personne ne se doutait de rien. La police ne s'y aventurait pas. Ils faisaient mine d'ignorer l'existence de ce club ou des disparitions que plusieurs proches reportaient. Ils tournaient un œil aveugle devant toutes ses victimes que personne ne retrouvait, tous ayant une jeunesse inquiétante ainsi qu'un sang de donneur universel coulant dans les veines.

Leur impécuniosité semblait s'évaporer alors qu'un personnage sombre, aux traits déformés et alarmants leur proposaient une petite pilule bicolore. Parmi ces bêtes fauves, seule une d'entre elle avait fini par résister. Elle avait refusé. Vêtue d'une robe noire, les joues rosâtres par l'alcool, elle n'avait pas l'air à sa place. Cette idiote en était une ; une idiote. Elle était venue ici uniquement parce que son petit ami, cet imbécile fêtard que ses parents n'approuvaient pas, l'avait ramené ici et elle venait de le perdre de vue. La foule était immense, de quoi donner de l'anxiété sociale aux plus extravertis. La drogue dissipait cette claustrophobie assez aisément, mais elle la ressentait plus que jamais. Elle avait envie de vomir. Elle hurlait. Personne ne l'entendait. La musique horrible étouffait ses paroles, lui intimant de se taire, de se calmer et de passer un bon moment, tout comme les autres.

À sa droite, le barman servait un verre à un client. Il la regarde. Le client finit lui aussi par se retourner et détecter sa présence. Il sourit, buvant une gorgée de son verre avant de se lever, posant un billet sur le comptoir de bois du bar. Il se dirigeait vers elle, son manteau de fourrure beige et sûrement dispendieux s'ouvrant sur sa poitrine nue. Elle pouvait le voir s'approcher d'elle et remarquant les tatouages qui couvraient son torse, elle eut peur. Cette femme, innocente, vulnérable et non familière à l'éclat de ces yeux purement ludiques que tout le monde ici ne cessait de lui offrir, sentit la panique assaillir son organisme, tel un agent pathogène. Un geignement étouffé et inquiet s'échappe de ses lèvres alors qu'elle slalome entre les corps mouvants et décontractés, car eux n'avaient pas à subir la même pression qu'elle. Alors qu'ils aimaient cette atmosphère et s'en nourrissait, elle mourrait à petits feux et personne ne l'aidait. Il la suivait. Elle pouvait même sentir son souffle frapper sa nuque, comme si elle était à portée de main, beaucoup plus proche de son âme vil qu'elle ne le croyait ou qu'elle ne le voulait.

Elle perçut une lumière jaune rassurante au loin et elle y misa sa vie.
Ses talons frappaient furieusement le sol alors qu'elle pousse deux individus dansant à l'aide de mouvements vagues et lunatiques, les yeux fermés. S'ils auraient été ouverts, elle aurait été capable de discerner le rouge qui les brouillait. Tout ce sang qui s'était agglutiné dans leur iris rendait la couleur de leurs pupilles difficiles à remarquer, à voir même.
Ils étaient drogués.
Un autre cri, apeuré, disparaît dans les méandres de la musique, des discussions et des autres cris de joie et de dépravation alors qu'elle sentit des mains s'emparer de sa tignasse bien entretenue, bénie par sa douceur et ses bons soins. Elle était la proie et il était le chasseur.

Mais elle devait résister.
Telle était sa décision, son désir et son intention. Son pied, chaussé d'un belle paire d'aiguille noire pointue qu'elle avait gardée jusqu'alors dans sa boîte, aboutit sa course sur l'entrejambe de ce malfrat. Ce dernier marmonne un juron, haletant comme un porc, plaquant la paume de sa main au mur, en douleur.
   Elle court vers cette lumière jaune avec l'espoir de s'y réfugier. Ce qui allait se passer après, elle l'ignorait. Elle était prudente. Elle l'avait toujours été. Ce petit ami avec qui elle s'envoyait en l'air pour renier son anxiété grandissante avait été son premier pari. Un très mauvais visiblement ; il venait de l'abandonner toute seule, entourée de ces gens, au beau milieu de nulle part, où personne ne remarquerait son absence ou sa disparition.

   Elle aperçut un rideau rouge, semblable à celui qu'on voyait dans les pièces de théâtre, mais en plus luxueux, plus soyeux et plus brillant surtout. Ce rideau l'interpellait de la même façon qu'il la suivait. Cet homme avait seulement l'intention de la familiariser avec les produits qu'il vendait dans les environs, ceux que tout le monde achetait.
   Ses créations à lui.
   Ses drogues qu'il inventait lui-même.
Sa fierté qu'il exhibait à chacun de ses clients alors qu'il expliquait les procédés utilisés ainsi que les effets attendus. La candeur de cette femme était tombée dans son radar et il s'était dit que rien ne serait plus facile que de lui vendre une petite quantité de bonheur. Il se trompait.

   Son impulsivité lui valait l'adjectif de brutal et son manque de réflexion lui valait le titre de violent. Il avait été violent envers cette femme même s'il ne souhaitait rien d'elle. Elle n'était pas son type et il ne la désirait pas. Mais la douleur cuisante dans ses couilles n'allait pas s'évaporer plus rapidement que sa colère donc il la suivait.
   Il était légèrement soûl et avait passé une nuit lucrative, incroyable même. À force de venir se recueillir ici, il avait fini par se familiariser avec cet atmosphère et ce préau ludique. Son préau ludique. Son paradis idyllique.

   Il n'en était pas le Roi, mais la nuit, alors que ces personnes se recueillaient autour de lui, il ne voyait pas l'inconvénient de laisser libre cours à son bovarysme austère. Il agissait comme Roi pendant ces moments.
   Mais il ne l'était pas.
Rien, ni une pensée, ni une thérapie, ni des compliments ne pourraient dériver son esprit de la vraie vérité.
   Il savait qui était le Roi, les Rois pour mieux dire.

   Il ne connaissait point ce groupe mystique, mais il entendait ; ses oreilles ont toujours été son meilleur outil. Elles l'ont aidé à plusieurs reprises, une fois alors qu'il s'était enfui de chez lui et que son père l'avait suivi. Il les avait aussi utilisé pour localiser la position exacte de son père ivrogne, déambulant dans la rue en hurlant son nom, quelques secondes avant qu'il ne le tue.
   Ainsi la vie était faite. Horrible pour certains, aisée pour d'autres.

   Pour connaître quelqu'un, il faut d'abord détecter le respect qu'on lui offre, sa nature en tant qu'humain ainsi qu'une multitude de traits que personne ne douterait qu'un idiot tel que lui serait capable de détecter.
   Mais il l'avait vu, il l'avait détecté plus clairement que de l'eau translucide.

   Cette énergie qu'un d'entre eux avait dégagé, il l'avait vu en action. Tel un psychique, on aurait dit qu'il avait vu l'aura de cet homme, ce fameux Kim Namjoon. Il avait vu sa magie s'opérer, son influence menaçante attaquer chacun des hommes qu'il dirigeait avec tant d'adresse et ce, sans qu'il ne cille des yeux.
   Jaehyun, l'homme qui avait instinctivement suivi cette femme, frissonne et s'arrête au milieu de sa course. Il se rappelle encore de sa seule et unique rencontre avec ces mafieux.

   Les hommes de leur sorte étaient normalement jugés, détestés et crachés dessus par ceux qui fréquentaient les rues sombres de Séoul. Pourtant, jamais n'avait-il remarqué autant de peur chez ces derniers. Eux qui dénigraient régulièrement la stabilité de leur vie au risque du danger, ils avaient peur de ce groupe. Le mentionner était devenu un tabou, mais même si leurs noms étaient évités par tous cerveaux logiques, ils étaient connus par chaque âme peuplant les cités sombres. Certains voulaient étrangement les rencontrer, d'autres désiraient faire partie de leur groupe afin d'y occuper une place importante. Ils voulaient attacher une valeur à leur vie, qui, jusqu'à maintenant, avait été couronnée par une chaîne inexorable de combats dénués de sens, de drogues, d'alcool, de pauvreté et de misère.

   Une vague s'était emparée des jeunes délinquants de Séoul ces derniers temps. Cette vague avait pénétré dans leur esprit. Pourquoi? Personne ne le savait. Si c'était les gains plus élevés, l'ambiance de fidélité, de famille et de loyauté qui régnait parmi ces hommes-là ou même le sentiment d'intégration chez ces personnes brisées, on ne pouvait savoir ce qui les avait motivé à changer de mentalité si rapidement. Plusieurs avaient pris leur bord et s'étaient rangés de leur côté. Les gens commençaient à s'allier à ses spécimens, ses dieux, qui qu'ils étaient vraiment.

   Ils se nommaient sous le nom de BANGTAN. Les connaissait-il? Non. Pas vraiment. Jaehyun connaissait leurs visages - ils étaient placardés tout autour de Séoul - et avait rencontré leur chef à une reprise, mais il ne les connaissait pas. Ils étaient pourtant là. Pas la totalité du groupe, mais deux.
   Deux membres étaient là, dans le même espace que lui et il l'ignorait.
Au même moment, alors qu'il s'arrêta dans son élan, il eut cette sensation. Très désagréable, localisée dans son ventre, à l'endroit de ses deux reins. Ses glandes surrénales sécrétaient de l'adrénaline, mais elle n'était point agréable. C'était de l'adrénaline mauvaise, mélangée à la même peur et au même stress qu'on ressentait alors qu'on avait une présentation orale à réciter devant une classe entière d'étudiants mornes et désintéressés.

Il continua pourtant de marcher, les yeux rivés sur le rideau rouge que cette femme venait de trépasser. Jaehyun avait officiellement oublié la raison pour laquelle il avait commencé à la suivre. La raison pour laquelle il continuait de marcher sur ses pas à elle était parce qu'il ressentait de l'attraction spirituelle à ce qui se trouvait derrière ce rideau.
Cette filature n'était plus à propos d'elle ou même des drogues qu'il avait l'intention de lui vendre.

Non, il avait maintenant seulement envie de confirmer cette sensation étrange qui le secouait. Pourquoi était-il apeuré de voir ce qui se trouvait derrière ce bout de tissu écarlate?
Il connaissait cet endroit.
Normalement, il y avait un couloir, clôturé par une porte de sortie d'urgence ainsi qu'accompagné par deux pièces ; des toilettes, rarement fréquentées. Tout le monde oubliait son envie de pisser lorsqu'ils entraînaient ce monde, cet univers parallèle irréel.
   Ce qui était irréel aussi? Cette peur soudaine qui le rendait malade, qui lui tordait les boyaux, lui mordait le cœur et qui tabassait son cerveau. Voilà ce qui était irréel à son avis. Une autre chose encore plus pittoresque?
La présence de Kim Taehyung dans ces toilettes, celles des hommes plus précisément, où, justement, un autre homme l'accompagnait dans des actions qu'il aurait qualifié d'impur il y a une décennie, mais qui le laissaient maintenant nonchalant, insouciant.

Sa victime était à genoux. Taehyung s'emparait doucement de ses cheveux alors qu'il guidait une boîte crânienne d'en haut en bas, en une ligne horizontale maculée de bruits et de gémissements sensuels, Taehyung enlève sa main à l'entente d'un cri. Il soupire, passe sa main dans sa chevelure noire et se regarde dans le miroir adjacent, le seul témoin de l'émoi sexuel que ces deux hommes dessinaient. Il sourit.

Entendant un autre cri provenant du couloir, il sort une seringue remplie d'un liquide jaunâtre et l'enfonce dans l'épiderme de cet homme, celui qui avait sa verge dans sa bouche et qu'on lui avait demandé de charmer et de kidnapper. Il fut secoué d'un soubresaut et finit par tomber au sol, évanoui.
— Excuse-moi, marmonne Taehyung, un petit sourire aux lèvres qu'il essayait de dissimuler et d'enfouir au fond de son être. Il n'avait pas envie de sourire alors qu'il s'excusait de ce qu'il venait de faire. Il ne comprenait point ce qui lui arrivait, pourquoi il était si attaché à l'art de l'excuse et du pardon alors que son âme était tachée par tous les meurtres, vols et actions malfaisantes qu'il avait commis durant l'autre moitié de sa vie, celle décolorée par le mal et le crime.
Mais il s'excusa tout de même.
De la même façon qu'une mère s'excusait alors qu'elle ne pouvait se permettre d'acheter à son enfant le jouet qu'il désirait tant. Avec regret.

Un troisième cri atteint son ouïe et il reste là, à ajuster lentement sa ceinture, immunisé par cette interpellation désespérée ; celle d'une femme. Il était habitué à ce genre de cris, il l'avait trop entendu d'ailleurs, au point où seule la flegme et l'impassibilité pouvaient y être attachées.
Sa main atteint la porte et il tourne la poignée.

La première vision que ses yeux lui offrent était celle d'une femme (il s'y attendait) assaillie par la brutalité d'un homme, qui avait sa main entourant une poignée de ses cheveux. Il lui hurlait dessus pour une raison quelconque, brandissant dans son autre main des petites boules noires.
   Taehyung hausse un sourcil et sourit sincèrement alors que les deux s'arrêtent et se retournent vers lui.

   L'homme qui rossait verbalement cette femme était Jaehyun.
   Il avait fini par la suivre à travers ce rideau rouge, malgré son sixième sens, celui qui avait prédit la survenance d'une rencontre désagréable.
   Et il le regrettait. Une étude globale de la situation avait suffi pour qu'il sache qu'il était dans la merde. Taehyung ne le regardait pas. Taehyung regardait cette femme, qui, elle, fronçait des sourcils devant le corps livide se trouvant sur le sol blanc des toilettes.

   Jaehyun rétracte sa main et bégayant, dû à l'alcool, à l'appréhension maladive ou à un mélange des deux, il courbe son échine à 90 degrés devant ce personnage mythique qu'il avait souhaité ne jamais rencontrer. On lui avait parlé de lui, Kim Taehyung. Il avait entendu parler de choses à son propos. Des propos qu'on ne pouvait ignorer ou éviter. C'était impossible de choisir l'ignorance face à ce qu'on entendait. Les affres de l'horreur et de l'effroi étaient eux aussi impossibles à ignorer. Il venait de le réaliser.

      — As-tu oublié le règlement?

   Cette seule phrase suffit à le faire frissonner. La peur représentait tout à ce moment. La peur était devenue l'infini et l'infini nous dominait tous. Elle dominait Jaehyun. Il tremblait. Le poids de l'infini l'écrasait et le faisait trembler.

      — J'avais seulement l'intention de lui vendre un peu de drogues, c'est tout! s'écrie-t-il, se collant au mur, les yeux s'ouvrant grand face à la moue dubitative de Taehyung.
   Il ne le croyait pas.
      — Regarde-la, marmonne Taehyung. Elle a presque plus peur que toi.
   La panique sème ses graines dans l'être de Jaehyun et le fruit grandit rapidement, se propage plus brutalement et plus sauvagement qu'un virus. Taehyung se rapproche et le processus ne fait que s'enclencher de façon plus néfaste. La femme, elle, échafaudait dans son esprit vif un plan que son corps naïf et faible pourrait prendre en main. Un plan qui la délivrerait de cette situation.
  Elle avait peur, mais que pouvait-elle en faire de ce sentiment. Il n'allait pas la quitter de sitôt.

   Pour Jaehyun, il croyait que la mort l'attendait. Il pensait que Taehyung allait l'introduire à ce chapitre qui s'intitulait les souffrances physiques les plus horribles.
   Mais son interlocuteur n'en fit rien.
Taehyung se sentait généreux et la dernière chose qu'il voulait serait d'en agresser un autre.
   Lui et Hoseok étaient les plus tolérants et les plus patients par rapport aux châtiments physiques, mais tous deux avaient ce brin de folie qui les intronisait à un règne et à des actions dangereuses, cruelles et instables.

   Aujourd'hui, il fut miséricordieux.
   D'un signe de la tête, il indiqua au dealer de se casser et de ne plus jamais refaire une telle action, surtout sur leur territoire.
   Il ne le dit pas verbalement, ce ne fut pas nécessaire, une œillade résuma les commandes de Taehyung. Ce dernier se retourne vers la femme, un mince sourire forcé sur les lèvres. Elle en fut charmée. Ha-neul ignorait pourquoi, mais elle le fut. Cet homme ne dégageait pas réellement l'intention avide de la séduire et pourtant, il y réussit à l'aide d'un regard. Se détournant, elle regarde Jaehyun marcher d'un pas ivre vers les rideaux, puis, Taehyung. Qui était-il? Comment dégageait-il cette aura aussi menaçante et pacifique sans même essayer?
   Elle fut suspicieuse, apeurée. Elle fronce des sourcils et recule alors qu'il lui demande son nom. Il était beau. C'était un fait. Ha-neul n'a jamais essayé d'échapper aux faits; ces derniers étaient toujours véridiques.
   Remarquant son silence, il soupire.

      — Tu devrais partir d'ici. Ce n'est pas un bon endroit pour les personnes comme toi, marmonne-t-il et cela ne fit que la rendre encore plus méfiante. T'as quelqu'un pour te ramener chez toi? Une amie? Un mec?
   Elle déglutit. Un mec? Elle avait un mec, elle en avait un, mais il n'était pas là. Il s'en foutait d'elle, il était assis sur un sofa confortable, beaucoup trop luxueux pour un étudiant d'université comme lui, aux côtés d'un autre homme avare aux cheveux noirs, Jimin.
   Ce dernier était descendu en bas après son altercation avec Dionysus, peu allègre à l'idée de devoir attendre Taehyung, introuvable parmi cette marrée de gens.

Agacé, il avait refoulé sa colère sur cet idiot, lui qui portera le titre sobre de « le mec de Ha-neul ». Si cette dernière avait fini par réaliser qu'il était un idiot au bout d'un mois de relation, Jimin n'avait pas eu à le faire. Il avait déjà humé l'idiotie naïve et faussement menaçante de cet homme en le voyant pousser agressivement un autre individu ivre mort. La raison de cette chicane digne de celles que partageaient les enfants jouant dans un bac à sable était à cause d'une boisson que l'un avait échappé sur l'autre.    Un idiot.

La bouffonnerie était quelque chose qui amusait tout le monde et devant lequel chacun et chacune souriait bêtement. Jimin ne sourit pas.
Il offrit à cet homme enragé une bonne quantité de drogues qu'il accepta avec plaisir. Si voir le mec de Ha-neul s'énerver et agir comme un enfant ne l'avait pas fait rire, le voir s'égosiller autour de lignes de cocaïne amusait Jimin plus que tout. Le désir compulsif d'une autre dose et puis d'une autre le rendait joyeux, lui, le mec à Ha-neul. Il en devenait fou. Il trouvait dans l'aliénation de l'esprit droit un plaisir et il en voulait plus.
Jimin lui en donna plus et ce, jusqu'à ce que son portefeuille se vide.

Au même moment, Taehyung l'appela, marmonnant d'une voix basse que le colis était à l'intérieur des toilettes des hommes.
Jimin soupira, jeta un dernier regard à la carte étudiante qu'il avait trouvé dans le portefeuille de cet inconnu intoxiqué et ruiné, puis, il se mit en route vers les toilettes. Il pousse le rideau rouge avec galanterie. Sa rage n'affectait jamais ses mouvements ou sa façon de parler ou d'agir ; il était toujours élégant, se déplaçait toujours avec grâce et communiquait avec l'humain avec confiance et assurance.
Il était l'ombre qu'on remarquait mais qu'on ignorait. Il était celui dépourvu de mansuétude, de compassion, mais qui souriait constamment. D'un sourire qui pouvait manifester auprès de l'autrui la peur, la confiance, la honte ou la promesse de mort. Tout dépendait de ce que sa bouche expulsait, de ce qu'elle choisissait de dire et d'avouer.
Cette bouche ne parlait pas beaucoup, mais quand elle s'ouvrait, elle disait les bonnes choses, les choses fatidiques qui faisaient frissonner lui, elle et eux. Il possédait le contrôle total du mensonge et de la fourberie ; il en abusait, il possédait les bonnes manières et un usage de la parole impeccable ; il polissait et utilisait ses aptitudes avec une aménité tantôt vraie, tantôt superficielle.
« Sois prudent » était une expression qu'on instaurait à son égard, c'était telle une norme. On le craignait.

Taehyung avait eu l'habitude de le craindre quand ils étaient jeunes. Il avait su dès son arrivée que rien à propos de ce garçon n'était normal. C'était du doute et du scepticisme aigus qu'il avait ressentis.
   Qui aurait cru que ce serait leur rencontre qui allait déterminer la vie d'adulte sur lequel Taehyung avait si longuement méditée pendant ses années d'adolescent.

Taehyung avait arrêté d'y penser. À l'instant même, son esprit était focalisé uniquement sur ce GPS et les directions que ce robot projetait. À ses côtés, Ha-neul avait le front posé sur la fenêtre de la voiture, absorbant la froideur de cette vitre, haletante. Taehyung remarque son malaise, ouvre la boîte à gants et lui offre une bouteille d'eau. Elle suit le mouvement et aperçut lors d'un court instant le contenu de la boîte à gants.
   Un fusil. Il y avait un fusil.

Elle se retourne vers lui, confuse, inapte à avoir une réaction appropriée. La drogue qu'elle avait pris 30 minutes plus tôt avait commencé à agir. Elle transpirait. Elle avait faim. Sa vue se dégradait et devenait de plus en plus floue à chaque molécule d'air qu'elle inhalait. Elle vit un sourire casser les lèvres de cet homme.

— Tu vas m'tuer? marmonne-t-elle, les yeux fixés sur son assaillant. Ce dernier continue à sourire.
— Non, ce n'est pas mon intention
Ha-neul, lui répondit-elle et elle fronce des sourcils. Je vais te ramener à ton appartement et tu poursuivras ton rêve de devenir une médecin aux côtés de ton petit ami. Je ne vais pas perturber ton futur. Ne t'inquiète pas. Bois.

Comment connaissait-il son nom? Comment savait-il qu'elle était une étudiante? Taehyung lui sourit. Ses doigts se resserrent autour du volant de sa voiture. Son pied pèse plus intensément sur l'accélérateur. Les fenêtres s'ouvrent, l'air circule à flot abondant et cette femme ouvre le couvercle de la bouteille, s'hydratant grandement afin de taire sa soif et sa faim. Le sourire de cet homme s'élargit. Elle ne croyait pas qu'il allait la heurter. Elle en avait le pressentiment.

Taehyung n'était pas insensé. Il ne reconduirait pas une femme quelconque chez elle si cette dernière n'était pas bourrée au point où elle ne se souvienne de rien le lendemain et c'était le cas. Ha-neul ne se rappellera pas d'avoir rencontré lui ou Jaehyun demain. Il le savait. Le minimum qu'il pouvait faire pour elle était de s'assurer qu'elle ne finisse pas en mauvaises mains. Cela devrait sonner ironique, non? Surtout quand on sait qu'il était un criminel et une pourriture de la pire espèce, mais devinez-quoi?
Taehyung était pieux.

   Plus pieux que vous, un peu moins que le pape. Il portait dans son cœur une aversion et un fantasme pour la religion qui l'effrayaient. Il priait avant une mission. Dans des mots plus directs, il priait pour le soutien et le pardon de Dieu avant qu'il ne tue quelqu'un. Dieu le protégeait. Le pendentif avec cette croix argentée qu'il portait au cou le protégeait du mal.

   Si Yoongi avait la mentalité d'un nihiliste et ne trouvait aucune raison à la vie, Taehyung était son contraire absolu. Malgré ses nombreuses tentatives du passé, Taehyung ne voyait pas d'importance au suicide. Son intérêt pour cette activité s'était atténué. Il avait trouvé son vrai seigneur. Pas celui que son père avait fabriqué. Non. Son seigneur à lui. Le vrai seigneur.

   Ha-neul remarque cette piété. Elle voyait la façon dont les veines bleutées de cet homme se fermaient sur cette croix bien aimée alors qu'il conduisait à grande vitesse, une seule main contrôlant le volant de la voiture.
   Elle était en extase, l'extase qui frappait tous ceux qui devenaient témoins d'horreurs et de fantaisies burlesques. La drogue et l'alcool n'aidaient pas à la régénération de son acuité intellectuelle. Elle se sentait stupide. Ses yeux se refermaient sur eux-mêmes.

   Elle arriva chez elle quelques minutes plus tard. Ses souvenirs s'étaient effritées et avaient même disparus lorsqu'elle se réveilla le lendemain, dans son propre lit. L'impression d'être une intruse et une étrangère dans sa propre demeure n'avait jamais été aussi puissante. Elle vit des marques de main et des bleus sur sa peau et elle en fut effrayée. Le souvenir du dealer de drogues violent qu'elle avait rencontré la veille avait disparu. Elle ne se souvenait pas de Jaehyun.
   Ni de Taehyung. Son visage avait disparu de l'emprise assurée de son cerveau fiable. Ce dernier ne fonctionnait plus. Il était perturbé.

   Son cerveau était le seul qui était conscient de la connexion qui la reliait à cet homme qu'elle avait oublié et malheureusement, il ne savait former les phrases suffisantes pour qu'elle se rappelle de lui. Elle devait se rappeler de Taehyung. L'euphorie et l'amour discret qu'elle avait ressenties en sa compagnie, ceux que son état d'ivresse avait refoulés revenait à chaque semaine à des moments aléatoires.
   À l'université, entourée de ses amis ou même dans son appartement, choyée par l'accolade que lui offrit ses parents en visite à Séoul.

   À ces instants, une bouffée de joie et d'allégresse la secouait et elle revenait au même stade de paralysie et d'engourdissement de cette nuit. Elle ne pouvait bouger, son esprit se ramollissait comme si elle était encore sous consommation de drogues, mais aucune n'avait passé la barrière de son nez. Une sensation désagréable de dopamine la figeait sur place tandis que son visage laissa paraître un sourire lunatique et endormi.
   Elle sut que quelque chose n'allait pas.
   Son cerveau la convulsait de petites images qui la déroutaient. Une balade en voiture. L'air froid la frappant. Une bouteille d'eau qu'elle buvait. Elle les associait aux marques que son corps portait et elle en perdit la tête.

   Quelqu'un l'avait-elle frappée? combattue?
Une autre idée la percuta et la suivit pendant de nombreux jours et de douloureuses nuits. Elle en fit des cauchemars et elle arriva à la conclusion du pire, ce qui ne l'aida en rien.
   Le sentiment d'euphorie réelle qu'elle continuait à ressentir se transforma en goût amer et en torture psychologique. Les jours devenaient plus longs. Les nuits étaient emplies de souffrance émotionnelle et elle en perdit sa clairvoyance au fil du temps.

   Les symptômes d'hystérie qu'elle ressentait devenaient graves. Elle se rappelait avoir bu de l'eau de sa bouteille à lui, de cet homme, qui qu'il était. Son besoin naturel et humain pour l'eau finit donc par s'éclipser. Elle satisfaisait maintenant sa soif grâce à des fruits qu'elle engloutissait, car la vue de l'eau la rendait malade. Un souvenir et deux émotions refoulées laissaient place à un dégoût qui la dégoûtait elle-même.
   Un mental endommagé la détruisait de l'intérieur et commençait à affecter sa santé et son esprit. Ha-neul en était consciente.
   Elle ne cessait de ressentir un vent froid la secouer. Le même vent froid qui s'était expulsé de la fenêtre de cette voiture cette nuit-là. C'était comme si un climatiseur était installé à sa droite et qu'il expulsait de l'air froid sur elle.

   Son côté droit devint paralysé, ankylosé par ce froid constant. Elle ne fut plus capable d'écrire. Sa main tremblait trop. Les cours à l'université devenaient impossibles et une voix masculine ne cessait de lui répéter de poursuivre son rêve de devenir médecin.
   Lorsqu'elle mentionna son désespoir à son petit ami, il se contenta de lui dire qu'il ne se rappelait de rien de cette soirée. Lui qui parlait avec confiance et prétention, le voilà à être confus et agité.

   Le froid la consumait.
   Ha-neul passait la majorité de son temps libre à dormir ou à sortir dehors afin de profiter d'un minimum de chaleur qui rendait son corps tiède. Même la chaleur de Dieu n'était capable d'annihiler complètement cette froideur qui avait détruite son âme.

   Trois semaines plus tard et elle avait l'apparence d'un fantôme peinant à rester visible dans ce monde. Elle avait perdu du poids, mais un traumatisme non existant qu'elle s'imaginait pesait sur sa conscience et la détruisait.
   Ses facultés mentales et physiques étaient atrophiées. Ses marches tièdes étaient son seul confort et elle en abusa, au point où ses pieds furent parsemés d'ampoules.

   Tournant à gauche, sans même voir où elle allait, Ha-neul tomba sur un mur de béton bordeaux, un cul-de-sac dont le sol était parsemé de mégots de cigarettes et de sacs de poubelle. Elle se retourna, prête à reprendre sa marche vers le côté opposé, mais une feuille placardée sur le mur attira son attention.
   L'euphorie revenait dans son ventre. Elle avait un arrière-goût âpre et acerbe dans la bouche.

   C'était un avis de recherche. Sur 6 hommes.
Elle les regarda un par un. Des criminels faisant partie d'une mafia. Une somme énorme en échange d'informations. Une aura criminelle et vivifiante s'échappant de chacun d'entre eux.

   Les symptômes qui l'accablaient depuis bientôt un mois revinrent et la frappèrent violemment alors qu'elle rencontra le visage d'un d'entre eux en particulier. Son visage fut instigateur et innocent pendant plusieurs secondes.
   Ce fut seulement lorsqu'elle lit son nom qu'elle se rappela de lui et de cette balade en voiture.

   "Kim Taehyung" murmura-t-elle et l'épée de Damoclès s'abattît sur lui, l'épée du blâme qu'elle gardait avec honte depuis un mois trancha sa tête à lui alors qu'elle tomba au sol, la froideur s'évanouissant peu à peu alors que la chaleur et le goût irascible de la colère l'engloutirent.

    Ce jour fut celui où elle décida qu'elle serait celle qui allait le tuer.

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