Ken
Nice - plage
C'est mon avant-dernier jour ici à Nice.
Je profite encore du beau temps et de ma famille qui m'avait tant manqué. Je suis content d'avoir passé ces quelques jours avec eux. Je ne les vois pas souvent alors j'ai tout fait pour profiter d'eux. Et puis j'ai aussi passé ces quelques jours à me reposer et à penser à autre chose. Toutes mes pensées à propos de Paris sont restées en off.
Mais s'il y'a bien une personne qui ne quittait pas mon esprit, c'est May.
Ça peut paraître hypocrite au vue de mon comportement avec elle. Je le sais que j'ai mal agis avec elle. Encore une fois je l'ai mis complètement de côté après avoir quitté Paris mais je ne pouvais pas m'en empêcher. La vérité c'est que j'ai fais ça pour son bien.
Le truc c'est qu'elle est trop accroché à moi, trop focalisée sur moi et trop dépendante de moi. C'est mignon d'un côté mais d'un autre, c'est nocif pour elle. Non seulement en agissant ainsi elle me met sur un piédestal mais en plus elle s'oublie. Je sais qu'elle fonctionne comme ça lorsqu'elle devient attachée à quelqu'un mais c'est pas bon. Il faut qu'elle apprenne à vivre sans constamment penser à moi. J'ai limite l'impression qu'elle s'empêche de vivre quand je suis absent.
En vérité, si je suis venu ici c'était aussi dans le but qu'elle se détache de moi et qu'il y ait une légère distance entre nous deux. Je veux qu'elle voit qu'elle peut très bien s'en sortir sans forcément que je sois près d'elle. D'autant plus qu'avec mon état mental actuel, il vaut mieux pour elle qu'elle s'éloigne de moi...
Mais au final, rien de tout ça n'a vraiment fonctionné... elle est encore plus accro à moi.
Je soupire.
Pour l'heure, je me prépare car ce soir je revois mes amis d'enfance. Comme il fait chaud, je porte un t-shirt noir, un pantalon de la même couleur et des baskets clairs. Parfois je me dis que je devrais porter plus de couleurs mais j'aime trop le noir pour ça. J'arrange ma casquette sur le haut de ma tête et je quitte mon chez moi.
[...]
— Ken, une bière ?
— non juste une canette de soda s'il te plaît.
Ce soir, sur la plage, je suis entouré de mes quelques amis d'enfance que j'ai retrouvé. Ils m'ont organisé une petite soirée tranquille à se raconter nos vies.
— alors t'es content de retourner sur Paris ? Me demande Ambre.
Elle s'assoit près de moi sur le sable. Je lui souris. Je l'aime bien cette fille. Elle n'est pas prise de tête et elle ne s'invente pas une personnalité même si elle sait que je suis Nekfeu.
— ouais mine de rien, ça m'a manqué.
— je comprends. Ça doit être cool de vivre sur la capitale.
— oh tu sais, c'est pas un truc de ouf ! A choisir, je préférais vivre ici.
— bah reste !
Je rigole avant de boire une gorgée de ma canette. Si seulement c'était aussi simple !
— crois moi si rien ne me retenait là-bas, je vivrais à Nice ou ailleurs.
— et qu'est-ce qui te retient ?
— ma copine, mes frères, ma carrière et pleins d'autres trucs.
— hm je vois, dit-elle.
La petite brune sourit avant de me piquer ma casquette. Elle s'amuse à la poser sur sa tête. Son geste me fait tout de suite penser à May et ça me rends mal à l'aise. Je récupère très vite ma casquette et la remets sur mon crâne.
C'est que maintenant que je me rends compte de notre proximité. Je me décale légèrement alors que sa cuisse était collée à ma jambe. Sa robe légère vole a cause du vent, ce qui dévoile ses cuisses. Je me relève.
— je vais marcher un peu, dis je soudainement.
— ok, elle hausse simplement les épaules.
Je m'éloigne du petit groupe pour me promener. Je repense à la scène de tout à l'heure. À aucun moment je ne me suis posé la question sur notre proximité, c'est trop bizarre. Je ne dis pas que je commençais à apprécier Ambre de façon ambiguë mais c'était quand même étrange. Je me trouvais un peu trop à l'aise avec elle.
Pour me rassurer, je décide d'appeler ma brune. Au début de deux sonneries, elle décroche. Pourtant ce n'est pas sa voix que j'entends mais celle de Deen.
— May est là ? Demandai je.
— ouais jte passe ta meuf après, elle est à fond dans sa crêpe là, il rigole.
— heu ok, dis je perdu.
De là j'entends May et Deen se chamailler à l'autre bout du fil. Puis d'un seul coup, j'entends enfin la voix de la brune. Mais il n'empêche que je suis agacé. Pourquoi faut toujours qu'il embête ma meuf ?
— salut.
— j'ai cru que j'allais jamais t'avoir, dis je blasé.
— ouais désolée il m'a fait chier à ne pas me rendre mon téléphone.
— je vous dérangeais ou ?
— quoi ? Non pas du tout ! Pourquoi tu dis ça ?
— bah j'sais pas, je t'appelle et c'est lui qui répond au téléphone. Moi je comprends pas.
— j'étais à l'autre bout du canapé et mon téléphone était plus de son côté alors il a répondu, c'est tout. Y'a rien Ken.
— d'accord ok.
Un blanc prend place. Aucun de nous deux ne parle. Je ne sais pas pourquoi je le prends aussi mal alors qu'il n'y a rien eu de grave.
— je suis contente de t'avoir au téléphone, dit-elle finalement.
Mon pied joue avec le sable.
— moi aussi, dis je en souriant.
— tu rentres bientôt ! J'ai hâte ! Dit-elle toute excitée.
Je reste silencieux. Moi je ne suis pas vraiment du même avis... je sais que mon retour va faire des dégâts.
— alors t'as passé un bon voyage ?
— ouais c'était bien. J'ai profité de ma famille et j'ai même revu des amis d'enfance.
— ah mais c'est trop bien !
— d'ailleurs ma sœur et mes parents te font des bisous. Ils étaient surpris de me voir sans toi, elle rigole. Et toi de ton côté, qu'est-ce que j'ai raté ?
May se met à me raconter son rendez-vous professionnel et ce dont elle parlé avec son équipe. Au fur et à mesure qu'elle m'explique, je souris. La voir si enthousiaste de ce qu'elle aime faire, me rend heureux.
Je suis content de la voir si épanouie dans son nouveau projet. Au début elle stressait beaucoup mais maintenant elle prend enfin conscience que c'est une nouvelle aventure excitante qui s'offre à elle.
— ...et je leur ai parlé de l'idée des vêtements assortis aux maillots de bain. Ils ont tout de suite kiffé ! Du coup j'ai pensé à-
— Ken y'a le groupe qui réclame que tu viennes nous montrer ton talent.
La voix d'Ambre interrompt May.
— quel talent ? Riai je.
— bah le rap.
— vasy j'arrive dans quelques minutes, je fini mon appel.
— pas de soucis, elle sourit et repart.
— c'était qui ? Demande May.
— Ambre, une amie de mes potes.
— ah...
Deuxième blanc de la conversation. Je ne sais pas vraiment quoi dire. C'est bizarre mais l'ambiance de l'appel téléphonique vient tout de suite de changer.
— je ne vais pas te faire attendre, va montrer ton talent Ken, elle reprend en riant.
Elle a beau faire comme si de rien n'était, j'ai cramé que son rire était faux. Je la connais assez pour savoir qu'un truc la titille. Alors je lui pose tout de suite la question.
— qu'est-ce qu'il y'a May ? Demandai je directement.
— Ambre c'est la fille avec qui t'étais en boîte ?
Je prends quelques secondes pour comprendre de quoi elle me parle puis je me rappelle de ma dernière soirée avec le groupe et je repense au snap que j'avais fais ce soir là.
— oui, lui avouais je.
— vous aviez l'air de bien vous entendre, dit-elle ironiquement.
— t'essaye de dire quoi là ?
— rien, laisse tomber.
— bah si va au bout de ta pensée.
— non mais c'est juste que sur la vidéo vous aviez l'air proches.
— et donc ça y est t'as fais ta conclusion ? Dis je agacé.
La conversation est en train de prendre une tournure que je déteste.
— j'ai rien conclu du tout mais j'avoue que je me suis posée des questions. Tu m'appelles jamais alors je m'inquiète. Puis je te vois t'amuser en soirée. C'est cool mais après je vois une fille dont t'as l'air proche, ça me rassure pas du tout.
— attends t'es vraiment en train de me reprocher de m'amuser maintenant ?
— jamais je te reprocherais ça Ken ! Le seul truc qui m'affecte c'est de te voir avec une autre fille, avoue-t-elle.
— pourquoi dès que je suis avec une autre fille faut toujours que t'imagines le pire ?
— peut-être parce que tu me calcules plus et que j'ai peur que tu me remplaces...
Je le ressens au son de sa voix que ça la touche bien plus qu'elle ne me le dit. Sauf que je ne sais pas quoi lui dire de plus pour la rassurer.
Je l'ai déjà rassuré un million de fois sur mes sentiments à son égard. J'en ai marre de lui rabâcher les mêmes choses. Je pensais qu'elle l'avait comprit qu'il n'y a qu'elle que j'aime.
— désolée, je sais que tu déteste quand je doute, dit-elle tristement. Mais essaye de te mettre à ma place Ken.
— t'excuse pas je comprends. Mais il faut que t'arrête de cogiter inutilement. Y'a que toi, May. Je te l'ai déjà dis.
Elle ne répond rien mais je l'entends renifler. Ça me brise le cœur de l'entendre pleurer par ma faute.
— tu me manques, dit-elle d'une voix brisée. C'est trop dur quand t'es pas là.
— je sais bébé... je reviens vite, pleure pas.
— je t'aime.
— je t'aime aussi.
J'entends encore sa respiration avant qu'elle ne décide de raccrocher.
Cet fin d'appel me laisse un goût amer. Je ne l'ai eu qu'au téléphone et pourtant j'ai l'impression de m'être pris une gifle. J'ai bien senti sa souffrance à travers ses mots. Elle a beau ne pas m'avoir tout dit, je la connais.
Je reste quelques instants à regarder les vagues de la mer s'échouer sur le sable. Je me rends compte que notre relation agit de la même façon. Plus elle avance, plus elle rentre droit le mur.
Peut-être qu'au final c'était une mauvaise idée de mettre cette distance entre nous mais je fais ça pour son bien. Je veux juste qu'elle remarque qu'elle ne peut pas continuer à vivre en étant dépendante à moi. Mais d'un autre côté, ça me fait mal de la voir autant souffrir.
Je passe nerveusement ma main dans mes cheveux. J'aimerais tellement partir loin et tout quitter. Tout ça devient compliqué pour moi. Je me sens telle une cocotte minute qui va bientôt exploser. Entre le rap, la pression des fans et ma relation amoureuse, je me sens submergé par mes émotions.
Ce voyage qui était à la base un moyen d'évasion ne fait que surchauffer mon cerveau.
Après avoir inspirer et expirer un grand bol d'air, je retourne vers le groupe. Je mets mes pensées sombres de côté et j'affiche un faux sourire sur mon visage. Je m'assois à leurs côtés.
— ah ouais comment tu te fais attendre ! Lance un des gars.
— désolé j'étais au téléphone.
— tranquille, Ambre nous a dit.
La brune me fait un clin d'œil.
— bon montre nous ton talent, rit l'un d'entre eux. On veut un freestyle !
— vous êtes vraiment des groupies les gars, me moquai je.
Finalement, sur une instru totalement inconnue, je me mets à rapper. Je ne rappe pas longtemps mais ça suffit pour les rendre heureux. De là s'en suit une battle de rap. Ça me rappelle une ancienne époque...
On s'amuse toute la soirée à faire les idiots jusqu'à ce que la nuit tombe. Je passe un bon moment avec eux en rigolant et en se racontant des anecdotes drôles. Finalement, quand il commence à faire vraiment tard, chacun d'entre nous décide de rentrer chez lui.
Contrairement aux autres, je fais un détour pour ne pas rentrer tout de suite chez moi. Ce ne sont pas les rues parisiennes mais les rues niçoises font tout aussi bien le taffe. Marcher me permet de vraiment cesser de cogiter.
Je ne rentre pas trop tard chez moi car demain matin je me lève tôt. Je partirai à la pêche avec mon père. J'ai trop la flemme de l'accompagner mais il m'a forcé pour mon dernier jour avec eux.
Je m'allonge sous les draps mais ce n'est pas pour autant que je m'endors. Après avoir tourné et retourné mon corps dans tous les sens pour trouver une bonne position, je quitte mon lit. Dans le salon, j'y vois ma mère assise dans le canapé.
— tu dors pas Ken ?
— j'y arrive pas.
— assis toi, je reviens.
Elle quitte la pièce pour revenir quelques instants plus tard avec une tasse fumante. Je la remercie lorsqu'elle me la tend. J'ai l'impression d'être retourné en enfance.
— alors ? Dis moi ce qui ne va pas.
— y'a rien, mentis je.
— si tu ne veux pas m'en parler, je comprends.
On reste quelques secondes entourés du silence avant que je ne craque.
— maman ? Elle me regarde en souriant. T'as déjà voulu prendre une décision même si tu savais qu'elle ferait du tord à quelqu'un ? Tout en pensant que tu la prenais pour la protéger ?
En attendant sa réponse, je bois le contenu de ma tasse.
— oui je l'ai déjà fais. Quand ton père et moi avons pris la décision de te mettre dehors, j'ai jamais autant souffert de ma vie. J'ai eu très mal mais surtout j'ai eu très peur pour toi, pourtant je savais que c'était pour ton bien.
— et aujourd'hui tu la regrette ?
— oui et non. Oui parce que c'est sûr que les choses auraient pu se passer d'une autre manière et dans des meilleures conditions. Mais en même temps je ne regrette pas car elle t'a permit d'être l'homme que tu es aujourd'hui.
Je reste silencieux le temps d'assimiler tout ce qu'elle m'a dit.
— si toi aussi tu penses prendre la meilleure des décision même si tu sais qu'elle blessera quelqu'un, réfléchis bien Ken. Parfois nous pensons bien faire mais certaines situations deviennent irréversibles par la suite.
Je me mets à cogiter.
Ma mère a raison. Il faut que je réfléchisse bien avant de faire ce que j'ai envie de faire...