May
Paris - appartement de Ken et May
Quelques jours plus tard...
— vous voulez pas qu'on fasse une pause ? Demande Louise. On reprend après si vous voulez.
Je pouffe de rire. Les connaissant, si on fait une pause maintenant, on ne reprendra plus les révisions tellement on aura la flemme.
Louise s'affale sur sa chaise et souffle. Lola l'imite quelques secondes plus tard. Moi aussi j'ôte mes lunettes de vue et les pose sur le haut de mon crâne.
— je commande à manger ? Propose Lola.
On répond positivement. Elle choisi de nous prendre des pizzas. En attendant que ça arrive, on décide de se poser dans le canapé. Fatiguée, je baille exagérément.
— t'as l'air claquée, dit Louise.
— entre mes rendez-vous professionnels, les révisions et mes insomnies, je dors pas beaucoup, avouai je.
— pourquoi tu fais des insomnies ?
— je sais pas trop d'où ça vient. Je crois que c'est parce que Ken me manque et que j'ai du mal à m'y faire sans lui.
— une semaine qu'il est parti et t'es déjà perdue, se moque Lola.
Je roule des yeux.
— après les examens, tu pars en vacances ? Demande la blonde.
— non, fin je sais pas. Je pensais qu'on partirai tous ensemble avec le crew comme l'année dernière mais dès que j'en parle à Ken, il change de sujet. C'est bizarre quand même, pensai je.
— ça se trouve il te prépare une bête de surprise pour que vous partiez qu'à deux !
— ah ouais tu penses ?
— c'est possible, répond Lola.
— mais si j'ai faux sur toute la ligne, je propose qu'on parte toutes les trois en voyage ! Lance la canadienne.
C'est vrai qu'on est jamais parti rien que toutes les trois ensemble. Ça serait bien qu'on s'organise ce voyage.
— ok marché conclu, je souris.
En parlant du brun, je décide de checker mon téléphone pour savoir si j'ai raté un message ou un appel de Ken mais rien du tout.
Ça recommence...
Une semaine qu'il est reparti à Nice et il m'a encore jamais appelé ou envoyé de message, comparé à moi. Et dire qu'il m'avait promis de ne pas me mettre de côté comme la dernière fois.
Je sais que ça fait qu'une semaine et que je m'en fais peut-être un peu trop pour ce que c'est mais je ne peux pas m'en empêcher, surtout après les derniers jours qu'on a passé collés ensemble.
— ça va May ? Demande Lola.
— j'attendais un message de Ken mais je suppose que ça arrivera plus tard...
— il vient à peine d'arriver, laisse lui temps de se poser, me conseille-t-elle. En plus vous ne pouvez pas vous passez l'un de l'autre donc c'est sûr qu'il t'enverra un message très vite.
— hm ouais, dis je peu convaincue.
— vous voulez pas qu'on se mette un film en attendant les pizzas ? Propose Louise.
Connaissant Louise, je sais que c'est aussi un moyen pour que j'arrête de focaliser mes pensées sur le grecque. Et elle a raison.
— tu veux regarder quoi ? Demandai je.
— HSM 2 ça vous dit ?
Je souris grandement. Bien sûr que ça me dit ! On lui répond positivement. Elle allume Disney+ puis elle nous met High School Musical 2. Rien de mieux que de regarder l'une de mes comédies musicales préférée pour arrêter de cogiter.
Bien évidemment les filles et moi n'avons pas repris les révisions. On s'est improvisé une soirée film jusqu'à pas d'heure. Enfin, on est quand même parti nous coucher un peu avant minuit pour être au taquet pour demain. C'est la dernière ligne droite avant que l'on passe nos examens de fin d'année. Puis dans trois jours, ce sera le grand jour.
N'arrivant pas à dormir, je sors du lit que je partage avec Louise et quitte la chambre. Carnet de croquis en main, je m'installe dans le canapé. Je branche mes écouteurs à mon téléphone, je clique sur une musique au hasard et je commence à dessiner. Ça me fait passer le temps et puis au moins je rentabilise ma nuit.
Quand la fatigue se fait ressentir, je pose mon crayon sur le carnet et m'étire. Je crois qu'il est de temps d'essayer de dormir maintenant.
Trois jours plus tard...
Examens passés, le stress retombe enfin.
Ça y est c'est fini. J'ai enfin terminé ma licence. Je ne sais toujours pas si je continue mes études ou si je me lance pleinement dans le développement de ma marque mais ce que je sais c'est qu'une nouvelle page se tourne.
Je ressens toute la fatigue accumulée ces derniers jours. Je baille fort presque à me décrocher la mâchoire. J'espère que ce soir je vais passer ma meilleure nuit et ne pas la passer à me tourner dans tous les sens pour trouver le sommeil.
— toi t'as besoin de dormir, me lance Sneaz.
Je ferme la portière après m'être bien installée dans sa voiture.
— ouais mais je veux aussi rester avec vous, dis je.
Les gars nous ont invité, les filles et moi, pour se faire une petite soirée chill chez l'un d'eux. Depuis que Ken est parti, je déteste rester seule alors je profite de la compagnie de mes amis et de ma famille le plus possible.
— on pari combien tu t'endormiras avant même qu'on commande à manger ?
— c'est possible, je baille encore. Sinon, t'as passé une bonne journée ?
— ouais j'ai beaucoup gratté, j'ai enregistré deux trois sons et j'suis parti voir ma miff aussi.
— ah ouais t'as été sacrément productif ! Il rigole. Ta sœur va bien ?
— ouais, d'ailleurs elle te passe le salam.
J'aime bien la sœur de Mohammed même si je ne l'ai vu que peu de fois.
Le reste du trajet, aucun de nous deux ne parle. A vrai dire, je suis bercée par la voiture. Je ferme les yeux et somnole. Quand on arrive enfin, mon meilleur ami me secoue légèrement. J'ouvre les yeux et me détache puis je sors de la voiture pour le suivre.
— alors les examens ? Me demande Hakim. Tu les as raté ?
Je le regarde blasée.
— t'aurais bien aimé mais non. Je pense avoir réussi.
— c'est cool, il sourit.
Je souris aussi.
Je m'installe entre Idriss et Doums dans le fauteuil. Ce dernier tire sur ma casquette pour me l'ôter et m'ébouriffer les cheveux. Déjà que je n'étais pas coiffée mais là ça doit être pire.
— oh t'es relou là, je souffle agacée. Rends moi ma casquette !
— ta casquette ? C'est pas celle de Ken ?
— tout ce qui est à lui, est à moi aussi.
Doums se moque de moi avant de me rendre enfin mon dû. Je la repose sur ma tête.
— comment va mon bébé d'amour ? Demandai je.
— tranquille, il est avec sa daronne. Par contre il commence à faire ses dents, il est insupportable.
— oh, je dis tristement. Il fait des crises de larmes ?
— ouais, il grimace. Mais bon ça finira par passer.
Je me note mentalement de passer voir Ismael et passer du temps avec lui. Je l'aime trop ce petit bébé.
— Éh les gars ! Crie Théo. Y'a le fennec qui appelle.
— ah bah tiens quand on parle du loup, rit Doums.
Comme tous les gars, je me lève pour le voir puisqu'il a appelé en FaceTime. Malheureusement, étant la plus petite et tout derrière, je me retrouve à ne rien voir.
Je suis contente qu'il appelle enfin. Certes, il ne m'a toujours pas appelé individuellement mais enfin j'entends sa voix.
— j'sais que je devais vous rappeler hier mais on m'a forcé à aller faire les courses.
Sa phrase me fait sourciller. Les gars rigolent et le vannent alors que moi je me mets à réfléchir.
— ouais comme y'a trois jours où tu devais nous appeler mais t'es parti pêcher, se moque Hakim.
En plus d'avoir une sensation désagréable dans l'estomac, je me mets à cogiter. Si j'ai bien compris c'est bien la deuxième fois qu'il appelle ses amis.
Deux fois en moins d'une semaine.
J'ai mon cœur qui se serre de plus en plus dans ma poitrine. Moi qui pensais être dans le même lot que ses amis... au final ils avaient tous des nouvelles de Ken sauf moi qui restait dans l'attente d'en avoir.
Je comprends pas. Je ne dis pas que je suis au dessus de ses amis, ses frères de cœur, mais je pense avoir quand même une grande place dans son cœur.
J'avoue que ça me pique.
— jvois que y'a du monde de l'autre côté de la caméra, ça fout quoi ? Demande Ken.
— les filles ont terminé leur exam' alors on s'est improvisé une ressoi à l'appart, explique Idriss.
— ah oui c'est vrai, dit-il pensif. Merde je devais envoyer un message à May en plus.
C'est bien, il se rappelle de mon existence...
— tranquille elle est là.
Les gars s'arrêtent de parler et se tournent brusquement en ma direction. Je rougis. Tous ces regards d'un coup sur moi me rendent un peu mal à l'aise.
— je peux l'avoir ? Demande-t-il.
J'avance jusqu'à Théo pour récupérer le téléphone. Après l'avoir remercié, je m'isole dans une chambre.
— salut, dit-il.
— salut, je réponds sans émotions.
En vérité, je ne sais pas trop comment réagir. J'ai beaucoup d'émotions qui me viennent. Je suis mitigée entre la joie de le voir mais je suis aussi très agacée qu'il daigne m'accorder de l'attention seulement quand l'un de ses amis lui rappelle mon existence. Ce mélange bizarre fait que je fini en colère.
— alors tes examens ?
— ça va, je réponds vaguement.
J'ose à peine le regarder. Je préfère m'amuser avec les boutons de mon haut.
— t'as quoi ?
J'arrête de tripoter mon top et relève la tête.
— rien, je mens.
— bah si y'a quelque chose. Tu ne me parles à peine, il soupire.
— bah tu veux que je te dise quoi ?
— t'as toujours un truc à dire d'habitude. Là tu me calcules à peine.
— ça te fais mal ? Il fronce les sourcils. Ça te fait chier que je ne te calcule à peine alors que tu veux me parler ?
— bah ouais. J'comprends pas c'que t'as.
Je souffle avant de vider mon sac.
— depuis que t'es parti, il ne passe pas un jour où je ne pense qu'à toi, Ken. J'attends rien d'extraordinaire de ta part, mais ne serait-ce qu'un message de toi me ferait plaisir.
— c'est compliqué. J'ai beaucoup de choses à gérer ici et j'essaye d'être moins sur mon téléphone en même temps.
Je rigole sans émotions.
— pourtant t'as le temps d'appeler tes copains.
— t'es en train de me reprocher quoi là ? Sa voix sonne agacée.
— je dis juste ce que j'ai remarqué. Tu me dis que tu fais une detox, je le comprends. Ensuite tu me dis que je dois pas douter de toi, je le fais aussi. Mais d'un autre côté tu ne fais rien pour me rassurer. Je te demande pas la lune Ken mais j'ai l'impression que tu ne le comprends pas.
Il souffle.
— t'as toujours besoin d'être rassuré May. Je te l'ai déjà dis que y'a que toi que j'aime. C'est fatigant de toujours devoir te le répéter. C'est pas parce que je ne te parle pas h24 que je ne t'aime plus.
Mon cœur se fissure. Lui qui veut toujours que je lui parle de mes craintes, aujourd'hui il en a marre de me rassurer ?
D'autant plus que le fond du problème ne vient pas de là. Le vrai problème c'est qu'il me rallie au second plan comme si j'étais une personne lambda qu'il côtoyait à peine. Et ça, ça fait mal. Je pensais que je comptais autant que ses frères dans son cœur.
— d'accord j'ai compris, ça te soule de me rassurer. J'en parlerai plus, je conclus.
— j'ai pas dis ça, il soupire.
Ma gorge se serre. Je m'attendais à tout sauf à ce genre de discussion avec Ken. J'ai envie de pleurer de rage mais je me retiens.
J'ai l'impression qu'il y'a un fossé qui se situe entre Ken et moi depuis la première fois en un an et demie de relation. Pourtant avant d'aller à Nice, il m'avait rassuré et les bons moments qu'on avait passé ensemble avaient suffit pour effacer mes doutes. Mais il faut croire que c'est revenu.
Avec ma phobie de l'abandon, j'ai qu'une peur : que Ken me quitte. J'ai bien peur que ça arrive avec son absence et mes craintes amplifiées.
— écoute faut que j'y aille mais on se rappelle plus tard, d'accord ? Dit-il.
— ouais si t'oublie pas encore que j'existe, je ne peux m'empêcher de dire.
— May arrête. Tu sais très bien que c'est pas vrai.
J'hausse les épaules alors qu'il souffle. Il me salue avant que je clique sur le bouton pour raccrocher.
Je m'étale sur le lit de tout mon corps et regarde le plafond. Le silence qui suit notre appel me laisse un goût amer. J'aurai tellement voulu que ça se passe autrement. Je souffle.
Quelqu'un toque à la porte puis elle l'ouvre. La petite tête de Lola apparaît dans l'entrebâillement.
— Théo demande si t'as fini avec son téléphone ?
— ah oui désolé, je me redresse.
Lola s'avance jusqu'à moi et s'assoit à mes côtés. Elle récupère le téléphone que je lui tends.
— ça va ? J'hausse les épaules. Tu veux en parler ?
— non t'inquiète, je souris faiblement. On y va ?
Je me lève du lit mais Lola reste assise. Elle m'analyse quelques instants avant de finalement se lever elle aussi.
Je ne vois pas pourquoi je devrais lui parler de ce qu'il vient d'arriver. Au fond, ce n'est pas si grave. Tout ne peut pas être tout beau, tout rose dans un couple. Demain ça ira mieux...
Enfin c'est ce que j'espérais.