JULIETTE
Le jour du grand shooting était arrivé.
-Ça va ? Tu te sens prête à supporter Jérôme toute la journée ?
-Du moment qu'il arrête de me demander si je suis enceinte je devrais survivre.
-De toute manière je vais lui dire de pas trainer parce qu'à 18h t'as ton rendez-vous.
-Si j'avais su plus tôt que de voir un psy écourterait mes shootings avec Jérôme j'y serais allé plus tôt.
Elle me lança un regard par dessus l'écran de son portable pour me signifier qu'elle ne trouvait pas ça drôle.
-En tout cas tu as l'air d'aller mieux.
-Moi oui mais c'est lui qui va finir en dépression à m'entendre ressasser mes histoires avec Alexander et Lénaïc.
-C'est son boulot.
-Quand est-ce que je dois voir l'avocat pour Alexander déjà ?
-La semaine prochaine. Mardi. Pourquoi ?
-Je pensais que peut être on pourrait aller à Londres ensemble si les autres filles veulent bien le rencontrer.
J'avais réussi à contacter un top russe qui avait passé presque un an avec Alexander et son ex la plus récente qui avait très vite compris quel genre de taré il était.
Savoir que je n'avais pas été la seule avait été, aussi triste soit-il, libérateur pour moi. Le psy m'avait expliqué que c'était parce que j'avais enfin la preuve que le problème venait de lui et pas de moi. Que tout les reproches qu'ils m'avaient fait étaient infondés et pure manipulation.
Je savais tout ça, enfin j'avais essayé de m'en persuader vu qu'on me l'avait répété des milliers de fois, mais pour la première fois je m'étais sentie entièrement comprise.
A peine arrivée, je n'eue pas une seconde pour moi.
Je me retrouvais vite assise sur une chaise, à moitié coiffée et à moitié maquillée, entourée d'une dizaine de personnes me parlant toutes en même temps.
Il fallu que je prétexte une envie pressante pour avoir un peu d'air.
-Juliette ? Je peux te parler cinq minutes ?
Le DA de Dior s'était détaché du troupeau et s'avançait vers moi.
-Oui, bien sûr. Il y a un problème ?
-Non pas du tout. Pas avec toi du reste.
Mes sourcils se froncèrent.
-Dernièrement il y a un regain d'énergie autour de toi qu'il serait bien d'exploiter à fond parce qu'on ne sait pas si le soufflé va retomber.
Je ne m'arrêtais pas sur le fait qu'il m'avait comparé à un soufflé, me contentant d'hocher la tête.
-On a beaucoup d'attentes pour cette couverture et surtout pour la nouvelle campagne de prêt-à-porter.
-Oui je comprends.
Il soupira théâtralement.
-Tant mieux ! Si tu savais comme tu me retires une épine du pied ! Je compte sur toi pour lui parler.
-Parler à qui ?
-À Lénaïc.
-De ?
Mon cerveau était en bug total. Déjà d'entendre son prénom qui n'avait pas résonné à mes oreilles depuis plusieurs semaines puis de ne pas comprendre ce qu'il faisait sur le tapis.
-Tu sais bien qu'il est pas au top du top en ce moment. Entre nous ce serait dommage que son flop t'écrase. Je ne te dis pas ça méchamment hein, c'est un super type et vous allez très bien ensemble mais....
Il se coupa me laissant deviner la fin de sa phrase.
"Mais si on veut continuer à se servir de ton image pour faire vendre, on n'a pas besoin de la sienne"
Alors qu'ironiquement, c'est grâce à lui que mon image vendait il y a quelques années. Enfin pas mon image, la notre.
-Bien sûr il peut venir aux events, une apparition de couple en public fait toujours son effet. Mais pour la prochaine campagne on a pensé à un acteur qui vient de poper sur Netflix...
-Juliette tu es prête ?
La maquilleuse m'appelait.
-On en reparlera. Me glissa t-il avant de tourner les talons.
Je retournais m'asseoir pour tenter d'encaisser le choc.
C'était injuste.
Injuste mais je me sentais aussi soulagée.
J'avais beaucoup pensé au fait qu'on allait devoir jouer la comédie et je ne m'imaginais pas lui faire les yeux doux après qu'il m'ait brisé le cœur.
Ça l'arrangerait aussi sûrement de son côté.
Faire semblant à une soirée était beaucoup plus simple, il y avait des gens à qui parler et aucune obligation d'être collée à lui.
Oui, c'était pour le mieux.
Je me plaçais sur les marquages qui avaient été fait au sol dans le set.
C'était pour le mieux.
Moins on se verrait, mieux on se porterait.
Alors pourquoi une vague de culpabilité s'abattait sur moi ?
Parce que seul genre de "copine" j'étais à ne pas prendre sa défense alors que lui l'avait toujours fait ?
-C'est bon j'ai terminé.
-Merci.
Je retrouvais les stylistes qui me firent essayer une cinquantaine de pièces sans pouvoir se mettre d'accord sur un look.
-Tu t'es fais mal ? Demanda l'une d'elle ?
-Moi ? Non, pourquoi ?
Mes yeux suivirent les siens qui étaient bloqués sur mes côtes.
-C'est rien du tout.
Le sourire que j'avais plaqué sur mon visage vacilla un instant avant que je ne lui arrache le chemisier qu'elle tenait pour l'enfiler.
Je pensais que le rappel de mes cicatrices était terminé mais Jérôme sembla découvrir celle de mon arcade.
-Oh mon dieu mais tu es défigurée !!
J'avais instinctivement porté ma main à mon visage, pensant découvrir sous mes doigts quelque chose d'horrible mais aucun sang n'avait semblé dégouliner.
-Qu'est-ce que tu t'es fais pour avoir cette cicatrice ??
Il avait agrandi au maximum la photo qu'il venait de faire sur son appareil avant de le tourner vers moi.
-Je l'ai depuis 10 ans Jérôme.
-Pas possible ! Je l'aurais remarqué avant.
-Je t'assure que si.
-Déjà que t'as des nouvelles vergetures sur les fesses. Ah les femmes approchant 30 ans, il y a plus de boulot après que pendant le shooting.
Une réplique acerbe me monta mais fut stoppé par le regard de Claire m'indiquant que ça n'en valait pas la peine.
Il semblait pourtant lancé dans son observation et chaque partie de mon corps eu le droit à sa petite critique.
Mon cerveau se coupa de lui-même, préférant rester focus sur les poses a enchaîner pour en finir au plus vite.
On soupira à l'unisson quand on se retrouva dans le van avec Claire.
-C'est moi ou c'était particulièrement hard aujourd'hui ? Demandais-je en me massant les tempes.
-Je ne sais pas quoi te dire. T'es parfaite Juliette.
-Apparemment pas. Je devrais peut être arrêter complètement de manger pour lui plaire.
-Parce que ce n'est pas ce que tu as fais dernièrement ? Malgré les remarques de Jérôme sur ton poids, tu as beaucoup maigri.
-Je n'ai pas faim.
-Ce qui ne veut pas dire que tu ne dois pas manger.
Je soupirais en sortant mon portable.
C'était exactement dans ces moments là que j'aimais appeler Lénaïc. Il avait toujours adoré les anecdotes sur les coulisses du monde de la mode et avait toujours les mots pour me rebooster après ce genre de journée.
Mon énième soupir attira l'attention de Claire.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Rien.
-Il voulait quoi le DA tout à l'heure ?
Je ne pourrais donc pas éviter de parler de lui aujourd'hui.
-Me dire qu'ils évinçaient Len du prochain shooting parce que son EP a fait un flop.
Claire était difficile à surprendre mais elle manqua de lâcher son portable.
-Il t'a dit ça comme ça ? T'as répondu quoi ?
-Il compte sur moi pour lui dire que ce n'est rien de personnel mais que la campagne serait mieux avec un acteur qui marche bien. J'ai rien su répondre, ça m'a prise au dépourvu.
-Tu vas lui dire ?
-Bien sûr que non. Je suis même persuadée que ça le soulagera de pas être de corvée.
-Mais ?
-Je m'en veux de n'avoir rien répondu. Malgré tout il m'a toujours défendu et là on l'a traité de minable et j'ai eu aucune réaction.
-Tu n'auras pas à faire semblant si sa carrière ne repart pas d'ici la fin du contrat.
-Ce n'est pas ce que je lui souhaite. Il n'est pas si terrible son EP, je suis d'accord sur le fait que ça a l'air bâclé mais ça ne, il ne mérite pas un taulé pareil. Pas avec tout le boulot qu'il a fait pendant toutes ces années. Les gens oublient vite.
-Tu sais comment ça fonctionne, t'es aussi passée par là.
Elle me déposa devant le cabinet à 18h pétante et je passais mon heure de rendez-vous à ressasser les remarques du DA sur mon ex et celles de Jérôme sur mon physique.
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Encore un petit chapitre où ils en prennent tous les deux plein la gueule... Ça semble vachement fun d'être célèbre. 😅