Samedi 10
Si Capucine avait critiqué intérieurement le canapé de Sacha, elle avait bien passé la nuit dessus pourtant. Il faut dire que dans les bras de l'artiste, le couchage avait semblé soudainement bien plus confortable.
Comme quoi, parfois, il suffisait juste d'un petit détail pour tout changer.
Tout en s'étirant, la jeune femme réalisa qu'elle était seule désormais sur le canapé-lit. Et bien qu'elle eut l'esprit encore un peu embrumé, Capucine remarqua qu'une faible lumière éclairait le fond de la salle.
Est-ce que cela faisait longtemps que Sacha était réveillé ? Avait-elle joué à la Belle au Bois Dormant ?
— Salut, souffla la voix de l'ancien étudiant.
C'était plutôt agréable d'entendre ce ton dès le petit matin.
— Salut, répondit Cap en s'asseyant, la main droite tenant le drap sur sa poitrine.
— Je n'avais pas grand-chose à grailler alors je suis allé nous chercher des croissants. Ça te convient ?
A cette question, la brune réalisa pleinement ce que cela voulait dire : c'était le samedi, et elle n'était pas rentrée chez elle.
Si durant quelques secondes, elle avait été sur son petit nuage, désormais qu'elle en redescendait, tout le reste réapparaissait. Et parmi le reste, elle comptait ses impératifs du moment.
— Est-ce que ça va ? s'inquiéta Sacha en avançant vers elle.
— Oui, oui, murmura Capucine. Je... je cherche juste mon portable.
Elle semblait paniquer. Et justement, plus la conseillère pénitentiaire paniquait, plus elle se retardait généralement.
— Il est quelle heure ? demanda-t-elle d'une voix stressée.
Sacha semblait tellement détendu à côté d'elle.
— Neuf heures passées, pourquoi ? demanda le jeune homme.
— Oh non, putain de merde ! s'exclama Capucine en se levant.
Elle manqua de tomber en se prenant les pieds dans le drap. Au moins, elle n'avait fait que frôler la catastrophe.
— Est-ce que tout va bien ? répéta Sacha, désormais perdu face à la réaction de la brune.
— Oh oui, oui, pardon. Tout va bien, merci pour les croissants, c'est adorable de ta part. Et tout était super. Vraiment. Mais je ne peux pas rester. J'ai promis à une amie d'être là pour un rendez-vous médical important et il a lieu à dix heures.
Lorsque Léane lui avait avoué qu'aujourd'hui, il s'agissait de la dernière séance de chimio et surtout de l'entretien avec son médecin pour savoir quoi faire par la suite, Capucine avait promis à son amie d'être à ses côtés. Élodie aussi aurait aimé pouvoir être là, seulement en étant dans le commerce, elle bossait le samedi.
Bien évidemment, Capucine ne comptait pas révéler toute l'histoire à Sacha car Léane ne lui avait pas donné son accord. En effet, la blonde n'avait parlé à personne (sauf ses amies) de son cancer, alors les petits amis n'avaient pas à être mis au courant.
— Où est-ce que j'ai mis mes fringues ? s'impatienta-t-elle en tournant autour du canapé.
— A droite, je les ai pliées sur la chaise, l'informa Sacha.
Quel homme plein d'attention. Elle était la première à laisser traîner ses vêtements par terre puis les sniffer pour voir si elle pouvait les porter à nouveau.
— Ah, merci ! s'exclama la concernée avant d'attraper ses affaires.
Capucine avança vers Sacha pour déposer un baiser sur ses lèvres afin que celui-ci ne soit pas trop perturbé par son départ soudain. Oui, elle venait de se mettre à sa place et elle comprenait que sa réaction pouvait troubler une personne qui ne savait pas ce qu'il se passait dans sa tête.
— Je te jure que je serais volontiers restée, s'il n'y avait pas eu ce rendez-vous.
— D'accord, je te crois, répondit le châtain.
Mais Cap vit à son visage qu'il était tout de même déçu. Et elle vit autre chose aussi, le portrait d'elle qu'il avait commencé à faire pendant qu'elle dormait.
— J'espère que ça ne te dérange pas, souffla-t-il en la voyant planter devant. Mais tu étais tellement belle, la position, les couleurs, ton visage, je n'ai pas pu m'empêcher de vouloir tout immortaliser sur toile.
Il était la première personne à faire un portrait d'elle et même s'il n'était pas fini, elle devait reconnaître que c'était magnifique. Pas forcément le modèle, car elle n'avait pas la prétention de se trouver parfaite, mais c'était le tout.
— C'est...
Capucine ne trouvait pas les mots.
— Ça me touche beaucoup.
Et elle était sincère. En fait, toute l'attention que portait Sacha à son sujet la touchait. Ceci dit, la conseillère pénitentiaire n'avait pas oublié qu'elle devait se dépêcher. Aussi, elle se força à revenir au sujet de l'instant : son départ.
— Je vais te mettre les croissants dans un sachet, comme ça tu pourras les manger plus tard, lui apprit Sacha.
Désormais habillée, elle hocha la tête et laissa le jeune homme faire ce qu'il avait prévu. Le sac à la main et les lacets de ses chaussures à moitié faits, elle ressentit soudainement le besoin de s'éloigner de ce portrait qui aurait pu la retarder encore plus qu'à l'instant.
— Juste deux minutes et tu pourras partir avec un chocolat chaud. Ensuite, promis, je ne te retarde pas plus ! l'informa Sacha en allumant son micro-ondes.
Surpris de ne pas entendre de réponse à son annonce, le jeune homme finit par se retourner et découvrit Capucine plongée dans la contemplation des photos qu'il avait accrochées au-dessus de son bureau.
— Oh je t'en prie, ne regarde pas ces clichés. J'étais gosse et j'étais fan de grimace, se moqua-t-il en arrivant à côté de la jeune femme.
En vérité, ce n'était pas sur les grimaces de Sacha que Capucine bloquait mais plutôt sur le nombre de photos prises avec Mathilde. Joue contre joue, les deux anciens amis s'amusaient parfois à déformer leur visage ou d'autres fois, se contentaient de sourire, comme des élèves modèles.
— Quand j'étais étudiante, commença Capucine, j'ai rencontré un homme. Il s'appelait Gabriel et il était brillant. Avec lui, je me sentais tout le temps sur un petit nuage.
Elle l'avait été, en effet, jusqu'au jour où il avait détruit son cœur à coups de couteaux, métaphoriquement bien sûr.
Peut-être était-ce pour cela qu'elle avait douté au départ avec Sacha ? Parce qu'avec l'ex-étudiant en arts, ça avait pris un peu le même chemin et que ça lui avait rappelé des souvenirs d'une relation qui l'avait comblée avant de la faire sombrer.
— On adorait prendre des photos au photomaton comme Mathilde et toi, continua la conseillère pénitentiaire.
Où s'aventurait-elle ? Capucine l'ignorait. Mais cette jalousie et surtout ce sentiment d'impuissance face au regard que les deux anciens amis se lançaient sur les clichés, tout l'avait prise de court.
— Je sais même pas pourquoi j'ai encore ces photos, avoua Sacha en retirant les punaises de deux clichés où la belle métisse était présente.
Avait-il compris que la présence de celle-ci perturbait Capucine ? Sûrement. En même temps, il aurait fallu être vraiment bête pour ne pas capter.
— Je devrais y aller, trancha la brune après s'être raclé la gorge.
C'était bizarre de se sentir à nouveau comme une ado, d'avoir l'impression de revivre sa première relation amoureuse et encore plus de se poser une multitude de questions après avoir fait l'amour avec un homme qu'on ne pensait pas laisser entrer dans sa vie, quelques semaines plus tôt.
Mais le pire, c'était cette part d'ombre, cette incertitude qui peu à peu commençait à s'immiscer dans son esprit. Une part d'ombre qui n'avait en réalité pas de visage sombre mais au contraire, lumineux.
— Ah, et tant que j'y pense ! lança Capucine, désireuse de penser à autre chose. La compagne de Pierre fait une fête pour son anniversaire et nous sommes invités, toi et moi.
La sonnerie du minuteur du micro-ondes empêcha Sacha de répondre.
— Voilà, lança-t-il en rejoignant Capucine une petite minutes plus tard.
Il avait mis le chocolat chaud de la brune dans un gobelet Starbucks et lui avait préparé son petit-déjeuner comme s'il était un serveur professionnel.
Ce qu'il est, aussi ! se corrigea intérieurement Capucine.
Qu'est-ce que le temps passait vite ! Elle avait presque déjà oublié que c'était dans un petit café qu'ils s'étaient vus la première fois.
— Merci Sacha, souffla-t-elle en prenant le sachet en carton qu'il venait de lui tendre. Tu es un ange.
La fossette du châtain se creusa.
— Pour la fête d'anniversaire de Pierre, tout dépend de quel jour c'est.
Capucine avait presque cru qu'il avait oublié son annonce. Fort heureusement, ce n'était pas le cas.
— Ce sera un samedi.
Est-ce que Sacha devait travailler ce jour-là ? Elle espérait que non.
— J'ai juste une petite question, continua le jeune homme tandis qu'ils se dirigeaient vers sa porte. Je suis invité sous quel nom à cette fête ?
Et voilà qu'un nouvel élément venait contrarier Capucine. Le mensonge à propos de son faux petit ami du début ! Après tout ce qu'il s'était passé, elle l'avait zappé.
— Euh... Eh bien, étant donné que ma mère est invitée aussi et que je n'ai pas encore... Enfin, sous le nom de Liam.
Sacha l'avait sauvée lors du premier repas, d'ailleurs, elle ne pourrait jamais le remercier suffisamment. Et c'était vrai que lorsqu'elle avait débuté une véritable relation avec l'artiste, elle s'était dit qu'elle s'éloignait peu à peu de ses mensonges. Mais c'était encore loin d'être le cas en vrai.
— Parce que, maintenant que j'ai la chance de faire partie de ta vie, j'aimerais que l'on puisse m'appeler par mon vrai prénom.
Sacha n'en demandait pas trop, Capucine le comprenait parfaitement.
— Je sais, soupira-t-elle. Je sais. Et je te promets de mettre les choses au clair très prochainement. Mais la fête de Pierre est...
— D'accord, capitula Sacha dans un léger sourire.
Capucine se sentit mal en remarquant que celui-ci n'était pas sincère et cachait de la déception.
— Bon, il faut vraiment que j'y aille ! s'exclama-t-elle pour sortir de ce cercle étouffant. Encore merci pour tout, à bientôt.
La jeune femme embrassa Sacha puis ouvrit la porte et essaya d'oublier sa culpabilité qui semblait vouloir l'ensevelir.
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NDA : Trente-huitième chapitre !
Nous avons le droit à un Sacha adorable avec Capucine. Malheureusement, cette derrière est à la bourre et gâche un peu l'instant. Bon, après c'est vrai qu'elle est excusable : la pauvre Léane va avoir un rendez-vous important.
Puis alors que Capucine se prépare pour partir, voilà qu'elle aperçoit les photos de Mathilde...
On comprend la déception de Sacha vis-à-vis du rôle que Capucine lui demande de jouer encore pour la fête de Pierre. Mais c'est vrai que la jeune femme n'est pas dans la meilleure des situations. Pas facile tout cela, n'est-ce pas ?
Que nous réserve la suite d'après vous ?