LÉNAÏC
Le claquement d'un tiroir de commode me tira de mon coma ensommeillé en résonnant dans chaque coin de mon crâne.
En ouvrant un œil, je maudissais mentalement le garçon qui avait osé entrer chez moi pour me faire chier de si bonne heure.
Sauf que ce n'était pas mon plafond puisque que je n'avais pas de réveil qui y projetait l'heure et ce n'était pas mon lit vu que mes draps n'étaient pas en satin. Le parfum qui les imprégnaient m'était aussi étranger.
-J'ai cru que tu te réveillerai jamais.
La voix me poussa à redresser la tête vers elle.
-Debout marmotte, je dois aller au boulot moi.
À l'instant où je me demandais qui c'était, quelques flashs passèrent dont un où nous étions tous les deux nus dans ces mêmes draps.
D'ailleurs je l'étais encore.
Bordel de merde je ne me souvenais même pas de son prénom. Ni de comment j'avais atterri ici.
Ayant comprit qu'elle s'attendait à ce que je me bouge, je me levais dans une tentative de retrouver mon caleçon. Je n'avais aucune envie de m'attarder non plus.
-T'étais mignon.
-Mignon ? Répétais-je en enfilant mon jean tout en tentant d'ignorer l'affreuse migraine, conséquence d'un trop plein de whisky.
-Ouais. Tu m'as demandé quelque chose de bizarre alors que c'était à peine terminé.
-Du genre ?
-Ce que je préférais entre les chats à six pattes et les chiens à quatre oreilles.
Je m'arrêtais net dans le laçage de mes lacets.
-Je t'ai demandé ça ?
-Si t'avais pas été toi je t'aurais sûrement pris pour un psychopathe.
J'étais complètement perdu entre ma gueule de bois et les battements fous de mon cœur qui ne réalisait toujours pas que je me sois réveillé dans un lit qui n'était pas le mien.
-Je peux te déposer quelque part si tu veux je vais bosser en voiture.
-Non je vais prendre le métro.
Je devais juste sortir le plus vite possible.
Mon cerveau passa en veille le temps que je rentre chez moi, bien emmitouflé dans la capuche de mon sweat et ma doudoune pour ne pas risquer que l'on me reconnaisse avec la gueule que je me payais.
Un haut le cœur me prit après avoir retiré mes baskets et je renvoyais une bonne quantité d'alcool et de bile mélangée à très peu de nourriture.
Une longue douche parvint à me réveiller complètement additionnée à un bon expresso.
J'eu à peine le temps de répondre à un SMS de ma mère que l'interphone sonna.
Ces mecs ne dormaient jamais.
Mais surprise, c'était ma sœur.
-Oh t'as une sale gueule.
-Bonjour à toi aussi.
-T'as pas dormi ou quoi ?
-Pas beaucoup. T'aurais pu m'envoyer un message.
-Je l'ai fais.
-T'aurais pu attendre que je te réponde.
-Ça il aurait fallu que j'ai une semaine devant moi ce que je n'ai pas. Et toi non plus si tu veux lancer le développement de la pochette rapidement.
Elle me suivit dans la cuisine où j'ouvris le frigo.
-Tu veux un truc ? Lui demandais-je en sortant une bière.
-Non merci.
Je fouillais la poche de mon survêt, cherchant mon briquet avant de m'en servir pour décapsuler la bouteille que je portais à mes lèvres.
-Len, il est 10h30.
-Et ?
-Tu vas boire une bière ?
-Apparemment oui.
-Tu vas bien ?
-Oui. Pourquoi ?
-Parce qu'encore une fois tu bois une bière à 10h30.
-Je suis levé depuis un moment.
Elle ne semblait pas convaincue.
-Je vais bien. Aller on se met au boulot.
On s'installa sur la grande table du salon où elle sortit son carnet de croquis et son pc.
-Tu voudrais quoi ?
-J'hésite encore. On a fait un shooting avec Raph et il y a quelques photos qui me plaisent bien. Soit tu redessines par dessus, un peu comme t'avais fais pour les illustrations à l'intérieur de la ré édition, soit tu t'en sers de base pour une illu.
-Pour la pochette ?
-Ouais.
En petite sœur et graphiste appliquée, elle me fit des maquettes vite fait pour me conceptualiser ses premières idées.
-Ça j'adore.
-Ouais ? C'est vraiment rien à faire. Les chansons sont prêtes ?
-Quasiment.
Elle revint un instant à son bureau d'accueil et un dossier attira mon œil.
-C'est quoi ton dossier "croquis famille"?
-J'ai scanné les dessins que j'ai fais dans mon carnet à Noël.
Depuis toute petite Nolwenn avait la manie de dessiner tout ce qui l'entourait ce qui agaçait notre mère au plus au point puisque même à table elle ne se séparait pas de son carnet et de son crayon.
-Fais voir.
Au milieu des portraits de la famille, des chiens et des croquis du jardin et de l'océan, une page attira mon œil.
Plusieurs croquis de mon grand père et moi se succédaient avec des petites annotations correspondant certainement à la discussion que l'on avait. Ou plutôt de l'énième désaccord que l'on avait, mon grand-père ne trouvant pas que rappeur était un vrai métier.
-C'est vachement marrant on dirait une bd.
-Il faudrait faire un film à chaque fois que vous discutez tous les deux.
-Les débats entre papa et tonton en mériteraient un aussi.
Justement, la page suivante représentait les deux frères de la même manière mais eux étaient en plein débat politique.
-Quelle famille de tarés.
-C'est drôle que tu parles de bd parce que ça me trottes dans la tête depuis un moment.
-Tu veux en faire une ?
-Je sais pas encore, d'abord il faudrait que je trouve un style graphique, un thème, plein d'autres choses et surtout que je fasse quelques planches test.
-La bd des Morvan ferait fureur.
-Pépé qui radote la guerre et tonton le facho, c'est sûr que ça va vendre ça.
-J'adorerais faire ça.
-Et si ça marche moyen j'ai juste à rajouter mon grand frère la star.
-J'ai intérêt à être la dès le début. Tu me dois bien ça en reconnaissance de te faire bosser.
-T'en as du culot toi.
-C'est la vérité.
-J'aurais du boulot sans toi.
-Maintenant que j'ai partagé ton boulot oui.
Elle me fila un coup de coude.
-Tu prends trop la grosse tête toi. Tu t'étonnerras pas si je te dessine avec un gros melon.
-T'as toujours eu la vengeance mesquine de toute manière.
-Tu tapais plus fort j'étais pas bête. Et puis c'était tellement drôle de te voir chercher tes ballons pendant des heures.
Son portable coupa nos chamailleries.
-Un SMS de ton amoureux ?
-Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
-L'amour est pas censé te rendre aigrie.
Elle leva les yeux au ciel en tapant sa réponse.
-Ça se passe avec Hakim?
-Ouais.
-Mais encore ?
-Bah ça se passe quoi, voilà.
-Je le verrais plus de cinq minutes un jour ?
-Pour quoi faire ?
-Discuter par exemple.
-Vous n'avez rien en commun.
-Si, toi.
-Ça fait un peu léger pour que vous passiez plus de cinq minutes ensemble. Et ne propose pas de double date avec Juliette, ce serait pire que tout.
Mon sourire fâna en une fraction de seconde.
-J'ai dis quelque chose qu'il fallait pas ?
-Non. Pas du tout.
Enfin si, elle avait réveillé la culpabilité qui s'était gentiment tapie dans un coin de ma tête.
Avant qu'elle ne pose une autre question, son pc l'informa qu'il était bientôt à court de batterie et elle s'empressa de le brancher.
-Bah merde ça veut pas.
-Ça veut pas quoi ?
-Il se met pas en charge. Elle marche sans interrupteur ta prise ?
-Oui. C'est ton chargeur qui doit déconner.
-Il est tout neuf.
-Tu peux même pas essayer avec le mien on n'a pas le même embout.
Elle pestait encore quand je remarquais que la lumière de la box ne fonctionnait plus non plus.
-Ça a peut être disjoncter en fait.
Effectivement, la lumière ne s'allumait plus non plus.
Deux minutes plus tard, j'avais relancé le disjoncteur et le pc de ma sœur était en charge pour que l'on continu à bosser.
-Tu me fais écouter les chansons en fait ?
-Si tu veux ouais. Je les ai pas sur mon tel donc il faut que tu bouges ton cul jusqu'au stud.
Elle se vautra dans le canapé alors que j'appuyais sur le bouton de démarrage du Mac.
-T'as encore stressé tout le monde pour que ça sorte si vite ?
-Pas tout le monde. Juste Brian et Medhi.
Je n'avais pas eu une envie particulière d'enregistrer mais j'avais tout de même fait cinq sons dont j'étais assez content en quelques semaines. Sachant que mon prochain album ne sortirait pas avant quelques années, j'avais décidé de sortir un EP pour ne pas les perdre.
-Je croyais avoir appuyé sur le bouton pourtant, pourquoi il s'est pas allumé ce con ?
Après trois nouvelles tentatives, une petite sueur froide me glaça la colonne vertébral : il ne s'allumait pas.
-Il a peut être prit un coup de chauffe si t'es dessus h24 depuis des semaines.
Mon Macbook ne s'allumait plus non plus.
Ni la console de mixage.
Ni l'autre écran.
-Putain.
-Quoi.
-Je crois que ça a tout foutu en l'air quand ça a disjoncté.
-C'est pas possible.
-Rien ne s'allume.
-Ton Macbook non plus ?
-Il était aussi branché.
Appuyer comme un malade sur tous les boutons ne fit pas de miracle.
-Len ?
-Quoi?
-Dis-moi que t'avais une sauvegarde de tout ce qu'il y a dans tes ordis.
La sueur froide se transforma en frisson d'horreur en réalisant que non puisque j'étais toujours parti du principe que mes projets en cours ne quittaient pas mon studio.
-Putain je suis dans la merde.
-Me dit pas que...
-Si, j'ai tout perdu.
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Un instant entre frère et sœur qui aurait été très mignon sans ce petit soucis technique...