Des pompiers prennent Erika avec eux. J'ai beau tenter de l'approcher, un policier m'en empêche.
- S'il-vous-plaît, j'ai besoin de lui parler !
Je suis obligé de crier, à cause du bruit de la foule qui couvre ma voix. Jamais je n'ai vu une manifestation aussi violente et sans réel objectif. C'est encore pire que la fois où on a attaqué l'entreprise du père d'Adam !
D'ailleurs en parlant d'Adam, il était censé rester en bas. Alors pourquoi depuis tout à l'heure, Erika crie qu'il est mort ?
Il faut que j'en sache plus.
- Monsieur, laissez cette dame tranquille. Vous ne voyez pas qu'elle est blessée et en état de choc ?
Blessée ? Bien sûr que je le vois !
Même un aveugle pourrait voir cette énorme plaie qui s'est ouverte dans son bras.
J'ai eu tellement peur pour elle lorsque la vitre du troisième étage à explosé. Tout le monde l'a vu contre la parroit.
- C'est ma petite amie Erika ! Je dois lui parler !
Je repousse le policier et essaie de me frayer un passage parmi mes amis et les secouristes. Mais on me rattrape vite.
- Monsieur, cesser votre insolence envers les autorités !
- Il a raison.
Colin est intervenu, les mains dans les poches.
- Vous êtes ? demande le policier.
- Colin Spencer. Mon ami Owen a raison, c'est bien son petit ami. Il peut accompagner Erika aux urgences non ?
- Navré, mais seuls les membres de la famille sont autorisés à monter.
De toute façon c'est trop tard. Erika est déjà partie, me laissant inquiet et frustré.
- C'est quoi ces conneries ? Vous le laissez comme ça, sans même pouvoir rassurer Erika ?!
- Je fais seulement mon travail monsieur.
Et il s'éloigne déjà en direction d'un casseur.
- Quel pourri ce flic... peste Colin.
Je soupire et contemple avec tristesse la Carter Corp, dont l'entrée est complètement ravagée. Certains ont même faits exploser d'autres vitres, blessant un nombre incalculable de personnes.
Les gens brandis leurs pancartes à la con, sans se douter qu'ils manifestent contre la mauvaise personne.
- Je suis désolé... dis-je.
- T'as pas à t'excuser pour ça Owen, répond Matt. T'as quitté le groupe avant qu'ils n'agissent. Tu n'y es pour rien.
- Arrête tes conneries. Adam c'était mon meilleur ami. J'aurais parfaitement pu le convaincre de stopper tout ce bordel...
Et en parlant de lui, le voilà allongé sur un brancard. Je peine à le reconnaître avec tout ce sang sur lui. Je m'approche de lui, sans un mot. C'est bel et bien Adam.
Sa poitrine se soulève doucement. Il est encore vivant...
- Pourquoi... Pourquoi est-ce qu'il a fait ça ...? dit Matt.
- Personne ne le sait, répond Colin. J'sais pas vous, mais moi j'ai du mal à croire qu'il ait agit de lui-même. J'suis sûr que c'est cet abruti de Derreck qui lui a mis toute cette merde dans la tête.
- Tu crois ?
La petite voix qu'on a entendu, c'est Lisa. Matt la prend dans ses bras.
- Bordel Lisa on te cherchait de partout ! On croyait que tu étais resté à l'intérieur !
- Non heureusement. Juste après avoir envoyé un message à Erika, j'ai fuit avec les autres au parking. Toutes les sorties de secours étaient bloquées par ces crétins !
- Mais ça va, tu n'as rien au moins ? lui demandé-je.
- Que des égratignures de rien du tout. C'était de la folie à l'intérieur. Les portes d'entrées ont volées en mille morceaux. Plusieurs de mes collègues ont été blessés d'ailleurs... Un pur cauchemar...
Le bruit de pétards nous fait sursauter tous les quatre. Des hurlements de rage s'élèvent de plus bel, violant mes tympans.
- A BAS LA CARTER CORPORATION !
- MEUTRIER DE NOTRE PLANÈTE !
- CARTER, POLLUEUR !
Colin s'approche davantage de nous et crie pour se faire entendre.
- Restons pas là ! Il faut qu'on aille à l'hôpital pour voir Erika !
Matt attrape le bras de Lisa et nous entamons une course à contre sens. Le mouvement de foule tente de nous entraîner à l'opposé. Nous n'avons pas d'autres choix que de forcer le passage.
Matt protège Lisa des coups et des pancartes en bois qui pourraient lui déchiqueter la peau. Colin et moi poussons du mieux que nous pouvons les hommes et femmes sur notre chemin.
- A BAS CARTER ! VIVE SAFEPLANET !
- SAFEPLANET EST NOTRE ANGE GARDIEN ! LE DIEU VIVANT DE CE MONDE PERVERTIT !
Et ce qui devait arriver arriva. Je me prends le coin d'une pancarte en bois dans l'épaule. La blessure me brûle instantanément.
- CA VA ? hurle Matt.
- T'EN FAIS PAS JE VAIS TENIR LE COUP ! ON DOIT JUSTE SE DÉPÊCHER !
Les rues sont complètement remplis de manifestants. La progression devient tellement difficile que nous devons improviser.
On monte sur plusieurs voitures abîmées pour tenter de sortir de ce pétrin. Mais la foule s'étend de partout. Impossible d'aller plus loin.
- Comment on va faire ?! crie Lisa. Il y a trop de monde !!
Colin et Matt continuent de la protéger en se plaçant devant elle. Je monte sur une énième voiture et tente de trouver une solution.
(Bingo !)
- Il y a une ouverture là-bas !
Je leur montre de la main le trottoir d'en face.
- Là ! Il y a une petite ruelle vide ! Je connais l'endroit. Si on passe par là, ça nous fera faire un sacré détour mais on y arrivera !!
Une voiture de police passe sur la route, forçant les gens à s'écarter. Mais ils se ruent dessus, furax.
- C'est l'occasion ou jamais ! dis-je en criant. Il faut qu'on monte et qu'on traverse ensuite la route.
Ils hochent tous la tête. J'aide mes amis à monter sur la voiture, à défaut de pouvoir la contourner. Je passe le dernier et esquive de justesse une batte de baseball qui vient percuter la carrosserie.
Je les retrouve enfin dans la ruelle que je leur ai montré, me tenant l'épaule.
- Owen, ça va aller ? me redemande Matt.
- T'en fais pas pour moi ! On doit pas trainer par contre. Je suis sûr que d'autres manifestants vont passer par là si on ne se dépêche pas !
Et nous courons, échappant à toute cette violence sans but et dénuée de sens. Des chaînes de télé se ramènent, nous fuyons juste à temps.
Erika... Ne t'en fais pas, je serai bientôt là.
Arrivés à l'hôpital, c'est un vrai champs de bataille. Les ambulanciers et médecins affluent de tout par, certainement en sous effectif. La foule est encore présente ici même si elle est moins dense.
L'entrée des urgences est saturée de va-et-vient. Nous passons alors par l'entrée principale. Une fois à l'intérieur, c'est le bordel. Les secrétaires ne cessent de passer des coups de fils et de recevoir des familles venues voir leurs proches.
- Bordel où est-ce qu'elle est...
Je grogne. Je reste groupé avec les autres mais je cherche la moindre trace de Erika. Nous traversons de nombreux couloirs et arrivons dans la partie urgence.
Erika est assise sur une chaise, une énorme compresse sur le bras. Elle semble complètement perdue. Un homme l'accompagne, probablement le garde du corps dont parlait Ryan.
- Erika !! crié-je.
Elle relève la tête vers moi, surprise de me voir ici.
- Owen ?
Je pose une mains sur son épaule, rassuré d'enfin pouvoir sentir sa présence près de moi.
- Vous êtes sont petit-ami ? demande le garde du corps.
- Oui. Et vous...?
- Jake...
Nous sommes tous les trois blessés et personne ne nous prend en charge.
- Pourquoi vous êtes encore là ? Pourquoi aucun médecin n'est venu vous voir ?
- Ils sont en sous effectif, répond Jake. Ils n'ont pas d'autres choix que de faire passer en priorité ceux qui ont de plus graves blessures !
Je lui désigne le trou dans sa veste.
- Vous avez pris une balle ! Vous devriez déjà être opéré !
Il grimace de douleur.
- Je sais... mais ne vous inquiétez pas. J'ai été soldat dans ma vie, j'ai enduré pire que ça !
D'ici nous pouvons quand-même entendre le brouhaha incessant de la ville et de la colère de Safeplanet. Matt semble de plus en plus en colère. Il attrape alors un médecin qui passait devant lui.
- Deux de mes amis sont blessés à l'épaule, et l'autre au bras ! Vous allez faire quelque chose ? Ça fait une heure qu'ils attendent d'avoir les soins appropriés !!
Le médecin paraît désolé et embêté. Il intercepte deux de ses collègues qui passaient par là et leur dit quelque chose. Ils se dirigent vers nous et nous prennent enfin en charge.
Mais vidé de la moindre énergie, Jake s'effondre au sol. Un infirmier vient aider les autres à le transporter jusqu'à une salle d'opération libre. Quant à Erika et moi, on nous conduit rapidement dans une autre salle.
Je remercie d'un regard Matt. Sans lui, nous serions encore là à attendre...
Plusieurs heures plus tard, nous sortons enfin des urgences. Colin est parvenu à ramener le van et l'a garé en lieu sûr, loin des casseurs.
- J'viens de me renseigner à l'accueil. Jake va rester là-bas deux ou trois jours. Ça va aller vous ?
Serrant ma copine contre moi, je fais attention de ne pas appuyer contre sa blessure.
- On va se débrouiller. Comment ça se passe à la Carter Corp ? demandé-je à Lisa.
Elle a tenu à regarder les informations en direct sur son portable pendant que Erika se faisait recoudre la plaie.
- C'est encore pire que tout à l'heure. Maintenant ils ramènent carrément des explosifs ! Le bâtiment brûle en ce moment même. Les pompiers sont débordés !
- Tu m'étonne... dit Matt. Sérieux Owen, comment t'as pu faire parti d'un tel groupe de dégénérés ?!
- J'ignorais qu'ils pouvaient être aussi violents ! J'ai jamais vu une telle merde !
- En attendant, j'ai pu voir Adam...
Toutes les têtes se tournent vers Colin. Je sens Erika qui ressere sa prise sur ma veste. J'enroule un bras autour de sa taille pour la rassurer et lui montrer que je suis là.
- Ses plaies ne sont pas très profondes, et il est surtout blessé au torse. Physiquement il va vite s'en remettre.
- Comment ça "physiquement" ? demande Lisa, inquiète.
- Je lui ais parlé y a peine dix minutes. Il était carrément paumé. Il arrêtait pas de s'excuser et de dire "qu'il n'avait pas le choix". Par contre aucun trace de Derreck ou Fiona.
- Ces deux-là je les sens pas. Je suis certaine qu'ils l'ont forcés à faire tout ça ! crie Lisa.
- Ça c'est ce qu'on verra. J'ai vu le père d'Adam en train de l'engueuler. A mon avis il doit prendre cher à l'heure qu'il est. Ah bah tiens regardez-le...
Il fait un signe de tête vers une voiture de luxe. En s'approchant, nous pouvons distinguer la conversation.
- Toi et ton maudit groupe, vous n'allez pas durer longtemps, je te le dis !
- Papa, s'il-te-plaît je suis fatigué...
- C'est pas mon problème. Ça t'apprendra à jouer les imbéciles écologistes ! Dès qu'on rentre à la maison, tu files dans ta chambre !
- J'ai pas cinq ans putain !
- Oh si. J'en ai eu la preuve aujourd'hui. Maintenant dépêche-toi de monter avant que je m'énerve davantage !
Adam monte à l'arrière et claque la portière. Mr. Peterson contourne la voiture et monte à son tour. Il démarre et s'éloigne, évitant quelques manifestants traînant sur la route.
- Ça me fait mal de le voir comme ça, même s'il a fait de la merde... dis-je
- Ça nous fait tous mal de le voir comme ça, dit Matt. Mais j'imagine que ça doit être pire pour toi...
- Ouais... C'est grâce à lui que j'ai découvert le surf et qu'on a une boutique aujourd'hui...
- Et c'est grâce à lui que les Nightmareden sont nés... ajoute Colin.
Le vent froid de la nuit fait frissonner Erika. Malheureusement je n'ai pas pensé à prendre ma veste aujourd'hui. Je la maintient contre moi, en espérant que ça l'aide un peu.
- Qu'est-ce que vous allez faire avec Adam ? demande-t-elle d'une petite voix.
- Je pense que je vais déjà lui rembourser l'investissement qu'il a mis dans la boutique. Il n'est pas fait pour être gérant. Il n'est pas assez mature pour ça.
Erika tourne la tête vers Colin. Le pauvre paraît bien embêté.
- Tu tiens vraiment à trouver un autre batteur ? demande-t-elle.
- J'en sais rien. Il a organisé une manifestation d'au moins cent milles personnes. La Carter Corp est en train de brûler à cause de toute cette merde... D'ailleurs pourquoi il était en haut ?
Erika ne répond rien.
- Je préfère tout vous expliquer demain... J'ai déjà pas la force de subir un interrogatoire au poste de police alors bon...
- Erika a raison, dit Lisa. Je pense qu'on est tous fatigués par cette dure journée qui n'est pas prête de se terminer pour les autres...
Colin soupire.
- Montez dans le van. Je vous ramène tous.