La Lame des Bas-Royaumes / 1

By CamilleEndell

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Chaque année, des jeunes femmes de basse extraction sont dotées par le royaume et traversent l'Entre-Mer pour... More

Note de l'autrice
* Booktrailer *
*Carte*
*Lexique*
Prologue
Chapitre 1 - Fort-Rijkdom
Chapitre 2 - Une rose sans épines
Chapitre 3 - Le commencement
Chapitre 4 - L'attente
Chapitre 5 - Freyja
Chapitre 6 - Une danse et un saphir
Chapitre 7 - Útlend
Chapitre 8 - Le vaste monde
Chapitre 9 - Des serments
Chapitre 10 - Les illusions
Chapitre 11 - Le poison
Chapitre 12 - Le bien et le mal
Chapitre 13 - Les rumeurs
Chapitre 14 - Des reproches et des excuses (partie 1)
Chapitre 14 - Des reproches et des excuses (partie 2)
Chapitre 15 - La brûlure des souvenirs
Chapitre 16 - Le jour sombre
Chapitre 17 - Des ombres
Chapitre 18 - Solitude
Chapitre 19 - Scīnanham
Chapitre 20 - La lame
Chapitre 21 - Le sang
Chapitre 22 - Un nom et une dot
Chapitre 23 - Le reflet
Chapitre 24 - Le prix à payer
Chapitre 25 - Le poids des remords
Chapitre 26 - L'innocence
Chapitre 27 - Les soupçons
Chapitre 28 - L'interrogatoire
Chapitre 29 - La confrontation
Chapitre 30 - Alliés et ennemis
Chapitre 31 - Un labyrinthe et une danse (partie 1)
Chapitre 31 - Un labyrinthe et une danse (partie 2)
Chapitre 32 - Cher frère
Chapitre 33 - Prévoir l'imprévisible
Chapitre 34 - Les pions sacrifiés
Chapitre 35 - Derrière le masque
Chapitre 36 - La fin du jeu
Chapitre 37 - Ce que cache la nuit
Chapitre 38 - Déchirer le monde
Chapitre 39 - Une lettre et une rose
Chapitre 40 - Les ténèbres et le feu
Chapitre 41 - Les adieux
Chapitre 42 - Sans conséquence
Chapitre 43 - La guerre ou la paix
Chapitre 44 - Les comptes à rendre
Chapitre 45 - Les rêves brisés
Chapitre 46 - Le prix à payer
Chapitre 47 - Un pacte et une promesse
Chapitre 49 - La dernière fois
Chapitre 50 - Assez de courage
Chapitre 51 - Rosalis prudentiae
Chapitre 52 - Le glaive de Mercyng
Chapitre 53 - Le tombeau
Épilogue
* Tome 2 [ infos ] *
TOME 2

Chapitre 48 - Le sens du devoir

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By CamilleEndell

Ambroise se tenait agenouillé devant son coffre béant. Ses vêtements étaient soigneusement pliés et posés sur le lit, et le double-fond avait été ôté. Lizzie remarqua la bague de saphir, placée bien en évidence sur l'édredon. Elle se souvenait avec tant de précision de la nuit où elle lui avait été offerte.

Lorsqu'il se tourna vers elle, le visage d'Ambroise était tendu et grave. Lizzie en eut le souffle coupé. Elle ne l'avait jamais vu ainsi — si peu maître de lui.

— Que faites-vous ici ? jeta-t-elle.

Le soleil entrait timidement par la fenêtre, éclaboussant ses cheveux d'or. Ses yeux glaçants furent transpercés d'un éclat de lumière, tandis qu'il se relevait.

— Je vous avais offert une rose. Une rose éternelle. Une rose pour que vous n'oubliiez pas de rester en vie. De rester prudente.

Le ton de sa voix la déstabilisa.

Une fois sur le navire, Lizzie avait jeté la rose par-dessus bord, prise d'une impulsion de rage et de désespoir. Elle avait regretté son geste, mais les pétales rouge sang flottaient déjà sur la mer, inaccessible.

— Elle s'est envolée.

Aucune émotion ne transparut sur le visage d'Ambroise. Il avait classé l'information méthodiquement. Il avança encore. C'était pour cela qu'elle le haïssait, parfois. Juste un peu.

Il tenait son poing serré, et, lorsqu'il l'ouvrit, Lizzie aperçut la petite fiole de verre violacé dans sa paume.

— Quand ?

Son regard se figea sur elle, et elle sentit un vif malaise l'étreindre à la vue du flacon vide.

— Ce n'était pas pour moi.

— Pas pour vous ?

— Non.

— Je ne suis pas certain de comprendre.

— Jan ne m'a jamais... touchée.

Elle sentit ses joues s'empourprer. Dieux, elle détestait par-dessus tout avoir cette conversation avec cet homme.

— En êtes-vous sûre ?

— Ce sujet manquait cruellement à mon éducation, rétorqua-t-elle. Mais oui, j'en suis aussi sûre que je peux l'être.

Ambroise pinça les lèvres.

— Alors pourquoi ce flacon est-il vide ?

Lizzie repoussa les images qui l'assaillaient.

— C'était pour une amie.

Elle crut voir du soulagement apparaître dans le regard d'Ambroise. Mais il s'éteignit bien vite, pendant que ses mâchoires se crispaient et qu'une dangereuse lueur brillait dans ses prunelles.

— Êtes-vous en train de me dire que quelqu'un à Fort-Rijkdom, en plus de ce médecin dont vous me parliez et visiblement de Clervie, sait que vous maniez les poisons, Lizzie ?

Le cœur de Lizzie chavira.

— Elle est morte. Elle s'appelait Magdalene.

Sa voix se brisa légèrement, sa vision se brouilla et elle prit une inspiration tremblante pour juguler l'émotion qui venait de s'emparer d'elle.

Ambroise plaça d'autorité la fiole dans sa main. La chaleur de sa propre paume avait réchauffé le verre, mais Lizzie sentit un frisson parcourir son dos.

— Bien, fit Ambroise.

Bien.

Un simple mot.

Un simple mot qui balaya toutes ses barrières. Si brutalement qu'elle mit quelques secondes à réaliser que des larmes brouillaient sa vue. Que des perles brûlantes et salées coulaient sur ses joues.

Ambroise ne parut pas les remarquer. Pourtant, aucun détail ne lui échappait jamais, Lizzie le savait bien.

— Était-elle la seule témoin ?

Le ventre de Lizzie se tordit. Elle acquiesça, et Ambroise la dépassa pour rejoindre la porte.

Non, hurla-t-elle en son for intérieur.

Elle voulait le retenir, elle voulait qu'il la prenne dans ses bras, qu'il la réprimande, qu'il fasse tout, n'importe quoi, plutôt que ce silence.

— Jan sait, souffla-t-elle.

Ambroise s'arrêta, sa main sur la poignée. Lizzie aurait voulu se rétracter, mais c'était trop tard : les mots avaient franchi ses lèvres — les seules paroles susceptibles de le faire réagir.

— Il sait que j'ai aidé Magdalene. Et il sait qui je suis. Ce que je suis. Il le sait depuis le début.

Il ne se retourna pas pour la foudroyer du regard. Il n'en eut pas besoin. Tout, dans sa posture, clamait une soudaine et bouillonnante colère.

— Et vous n'avez pas jugé utile de me prévenir ?

— Je ne lui ai rien dit, je vous le jure ! Il savait avant même que je n'arrive à Fort-Rijkdom.

— Ne vous êtes-vous pas demandé pourquoi il le savait ?

— Si.

— Et qu'avez-vous appris ?

Lizzie tressaillit.

— Rien, mentit-elle. Je n'ai pas... je ne...

— Vous avez eu peur. Vous n'avez pas osé chercher une explication.

Son ton ne souffrait aucune objection. Et Lizzie devait reconnaître qu'il avait raison.

Oui, elle avait eu peur.

Elle avait mis si longtemps à aborder le sujet avec Jan ; elle avait eu peur de ce qu'elle aurait pu découvrir.

— Ça n'a pas d'importance, lâcha Ambroise. Il sera bientôt mort.

Le cœur de Lizzie rata un battement.

— Vous saviez ? Vous saviez qu'il savait. C'est pour cela que vous voulez l'éliminer. Pour qu'il ne puisse pas parler.

— Je ne veux rien. Notre royaume a ses raisons de souhaiter la mort de Jan van Stoker. Le Roi l'ordonne, et tu obéiras.

— Je ne le tuerai pas.

— Pourquoi ?

Lizzie garda le silence. C'était la deuxième fois qu'il lui posait la question aujourd'hui. Elle savait que cette fois, elle ne pourrait pas mentir.

— Pourquoi ? répéta-t-il.

— C'est mon ami.

— Ton ami ? Ne sois pas stupide. Tu n'as jamais eu d'amis, et tu n'en auras jamais.

Elle tressaillit devant la cruauté de ses paroles.

Pourtant, il avait raison.

Elle n'avait pas d'amis.

— Mais Jan a été bon avec moi. Il ne mérite pas la mort.

— Cette pauvre fille que tu as voulu aider ne méritait pas la mort, elle non plus. Et pourtant, tu l'as tuée.

La violence des mots souffla le peu de contenance qu'il lui restait. Lizzie vacilla, recula jusqu'à s'effondrer sur le lit, les jambes plus molles que du coton.

— Je ne l'ai pas tuée ! sanglota-t-elle. Je ne voulais pas la tuer. C'était... un accident. Non. Non, c'est votre faute.

— Ma faute ?

Elle brandit le flacon.

— Vous ne m'avez pas préparée à ça. À cette éventualité.

Il contempla la fiole un moment. Puis son regard se posa sur elle, glacé.

— L'usage de la rue est hasardeux. Cela, je te l'ai appris.

— Cela aurait pu être moi ! rugit-elle. J'aurais pu mourir.

— Précisément. Tout le monde meurt un jour. Et l'heure de Jan van Stoker est venue.

Elle secoua la tête.

— Je ne voulais pas tuer Magdalene, et je ne veux pas tuer Jan.

En quelques pas, Ambroise fut sur elle. Il s'accroupit devant elle, ses yeux accrochés aux siens, un pli barrant l'espace entre ses sourcils.

— Tu n'as pas le choix. Ce sera lui, ou ce sera toi. Il est trop tard pour reculer, à présent que tu as lu son nom. Es-tu si pressée de rejoindre le royaume sombre, Lizzie ?

Comme en réponse à ses mots, l'omoplate de Lizzie la brûla. Elle serra les dents pour juguler la douleur.

— Élisabeth, murmura-t-il. Jan van Stoker ne mérite pas que tu meures pour lui.

Qu'en savait-il ? Rien n'était plus faux. Elle fut tout à coup bien trop consciente de la main d'Ambroise qui avançait vers la sienne.

— Tout le monde meurt un jour, répliqua-t-elle avec dans sa voix toute l'insolence qu'elle pouvait y placer.

Ambroise eut un rictus. Elle crut qu'il allait la foudroyer une fois de plus du regard, mais il fixait sa main. Et ses doigts frôlèrent sa paume avec douceur. Vinrent lentement s'entremêler aux siens. Lizzie sentit sa respiration se couper dans sa poitrine. Elle chercha le regard d'Ambroise, et il détacha lentement ses yeux de leurs mains entrelacées pour venir percuter ses iris. Elle n'aima pas ce qu'elle y vit.

Lizzie se libéra de sa poigne d'un geste brusque, et se mit debout.

— Je connais votre sens du devoir, rétorqua-t-elle. Inutile de me bercer d'illusions. Je ne peux pas croire que vous ayez traversé l'Entre-Mer simplement pour me rappeler à l'ordre. Vous êtes ici pour le tuer, n'est-ce pas ? Vous êtes ici pour réparer l'erreur que je suis en train de commettre.

Ambroise ferma les yeux, et se redressa lentement.

— Je suis ici car je refuse de te voir mourir.

— Vous refusez de me voir mourir ?

Un silence.

— Je tiens à toi.

Un rire amer s'échappa des lèvres de Lizzie.

— Si vous teniez à moi, Ambroise, vous n'auriez pas risqué ma vie en m'offrant à Mercyng.

— Je te connaissais à peine lorsque tu as été vouée au dieu sombre !

Il s'approcha d'elle.

Il était si près qu'elle pouvait scruter la moindre nuance de regret qui brillait dans ses yeux.

Lentement, il avança sa main pour chasser la larme qui roulait sur la joue de la jeune femme. Elle le laissa faire, figée. Son cœur pulsait douloureusement contre ses côtes.

— Je te connaissais à peine, répéta-t-il dans un murmure rauque.

— J'étais une enfant. Et vous m'avez condamnée.

— Tu étais une arme. Crois-moi, Lizzie, j'ai essayé de...

Il secoua la tête, et répéta en un souffle :

— Je refuse de te voir mourir.

Elle sentit son ventre se nouer.

— Tu tueras Jan van Stoker ce soir. Nous irons à la fête de Werran. Tu l'empoisonneras, tu lui planteras une dague en plein cœur, peu importe. Tu le tueras, et tu tueras aussi Carlton Belvild, sur ordre du Roi. Me suis-je bien fait comprendre ?

Il la surplombait de toute sa hauteur. Elle tremblait de tout son être, à présent.

— Me suis-je bien fait comprendre ?

Lizzie hissa son regard jusqu'au sien. La fureur de ses yeux glacés la tétanisa un instant, et sa gorge se serra. Alors elle chuchota sa réponse avec toute l'impertinence dont elle était capable.

— Oui.

Ambroise eut un rictus.

Il sortit une lettre de son pourpoint, frappée du sceau royal, et la déposa sur le secrétaire. Son regard était aussi acéré qu'une lame. Elle crut, un instant — un instant de fol espoir — qu'il allait revenir vers elle.

Mais il fut en quelques pas devant la porte. D'un bref signe de tête, il désigna le pli qu'il venait de déposer.

— Je t'épargne la lecture de cette missive. J'étais censé te la remettre si tu étais encore en vie, ou tuer Belvild moi-même si tu ne l'étais plus. Mais tu n'as pas besoin d'un second Pacte sur les épaules, n'est-ce pas ?

Il parut sur le point d'ajouter quelque chose, et, dans ce silence, Lizzie se sentit trembler. Mais Ambroise actionna la poignée d'un coup sec et se glissa dans le corridor.

Tu tueras Jan van Stoker ce soir.

Tu n'as jamais eu d'amis, et tu n'en auras jamais.

Son cœur pulsa une dernière fois dans sa poitrine, avant de se briser en mille morceaux.

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