J'arpentais les rues à la recherche d'un hôtel convenable, pas trop cher. J'avais compté les nombreux billets appartenant à mon père, je n'étais pas loin de deux milles euros. Ce qui signifiait que je pouvais m'en sortir mais pas pour toujours, je devais alors trouver un studio rapidement ainsi qu'un travail. Je pris le petit post-it du chauffeur de taxi en main et retenant l'adresse, je m'étais acheté un téléphone en sortant de l'avion et j'étais allée dans une petite boutique d'opérateur afin de me payer un forfait, celui-ci risquait de prendre un peu de temps avant de s'activer, le vendeur m'avait prévenu que normalement, d'ici minuit il serait utilisable. C'était la première fois que je tenais un objet électronique en main autre que la télécommande du salon, celle de la chaîne hi-fi et le téléphone fixe, mon père refusait que j'ai un cellulaire. J'étais incapable de m'en servir, j'avais du mal à comprendre comment il fonctionnait mais je continuerais de m'entraîner plus tard. Je demandais mon chemin à quelques passants qui n'hésitaient pas à se servir d'une carte interactive sur leur téléphone afin de me guider correctement, j'étais fascinée par l'avancée de la technologie. La petite boutique était dans une petite rue assez discrète. Après une petite demi-heure j'avais enfin trouvé la fameuse enseigne. Il devait être aux alentours de seize heure mais je n'étais pas sûre, je n'avais pas encore réglé l'heure de mon nouvel appareil.
Je pénétrai dans la boutique, ma petite valise toujours à la main et souris au vendeur qui m'accueilla avec bienveillance.
"- Bonjour, je viens d'arriver ici et je recherche un travail, Paul m'a dit que vous étiez de sa famille et qu'une main en plus vous serait d'une grande aide, dis-je hésitante.
- Paul? Tu connais Paul? Marisa viens donc, une fille a rencontré Paul! cria-t-il à la jeune femme qui s'approcha à grand pas, souriante.
- Bonjour, s'exclama-t-elle en me tendant la main que je serrai. Où l'as-tu connu? Cela fait quelques semaines que nous n'avons plus de nouvelles, il va bien?
- Je.. oui, soufflais-je un peu abasourdie par tant de mot et de questions, je n'avais pas l'habitude. C'était mon chauffeur de taxi, il m'a emmené à l'aéroport, je lui ai expliqué ma situation et il m'a conseillé de postuler auprès de vous.
- C'est formidable! J'avais peur qu'il lui soit arrivé quelque chose, répondit la prénommée Marisa en regardant tendrement l'homme qui se tenait à côté d'elle.
- Moi aussi, j'ai essayé de le joindre plusieurs fois, mais il se fait un peu vieux alors il doit avoir du mal avec la technologie, rigola-t-il. Tu souhaites passer un entretien d'embauche donc ? Tu as un CV sur toi?
- À vrai dire si vous m'embauchez, ce serait mon premier emploi, dis-je embarrassée, je n'ai jamais travaillé. J'ai obtenu mon baccalauréat en juillet, entre temps j'ai eu quelques soucis et je n'ai pas pu chercher d'emploi. Je n'ai donc pas de CV."
J'évitais de parler de la situation avec mon père, consciente que cela n'avancerait à rien. Il me fit comprendre que ce n'était pas grave, se présenta et m'emmena dans un petit bureau dans l'arrière boutique. Il me posa quelques questions auxquelles je répondis sans soucis. Il était très professionnel malgré son apparence un peu rebelle, il devait avoir aux alentours de vingt-cinq ans et était tatoué, piercé et portait un jean très large avec un t-shirt d'un vieux groupe assez célèbre que j'apprécie beaucoup également.
Après une bonne dizaine de minutes à répondre à ses questions, il me dit que je pouvais commencer dès demain, qu'il me formerait à la vente sans soucis. Il m'expliqua que récemment un employé leur avait fait faux bond et les avait laissé en plan du jour au lendemain, sachant que lui s'occupait de la caisse et sa femme de l'aspect administratif, ils avaient besoin d'une vendeuse et je semblais correspondre à leurs critères. Il me conseilla un hôtel non loin de la boutique, à seulement cinq petites minutes, plutôt bien réputé pour son prix et ses jolies chambres.
Je les saluais en leur souhaitant une bonne soirée et me mettait en route. En effet l'hôtel Felice ne se trouvait pas très loin et le prix était plus qu'abordable, il était de plus très agréable à regarder. Je réservais alors une chambre pour la semaine à venir, expliquant au secrétaire que je risquais de renouveler mon séjour car je cherchais un appartement et que ça risquait de prendre du temps. Il me confia qu'au mois d'août, les appartements et studios se libérait et que c'était le bon moment pour trouver la perle rare. Le vieil homme me fit visiter l'hôtel brièvement et me confia le badge de ma nouvelle chambre avant de partir accueillir de nouveaux clients.
Je pris soin de fermer la porte correctement, vérifiant qu'elle ne pouvait pas s'ouvrir, et je me jeta sur le lit. J'observais la chambre d'un œil distrait, elle n'était pas bien grande et c'était la moins onéreuse disponible ici. Le lit était malgré tout double, les draps étaient un peu vieillot, comme la tapisserie, mais contre toute attente j'aimais bien ce style. Cela correspondait plutôt bien à l'image que je me donnais de l'Italie. J'étais affamée, je n'avais pas mangé depuis le matin et au vu de l'emplacement du soleil, il devait être pas moins de dix-huit heure. Il n'était pas bien tard mais je n'avais pas mangé de la journée et le vol m'avait épuisé. Je glissa ma valise dans un coin de la chambre, pris mon sac à main en ne prenant qu'une trentaine d'euros sur moi et cachant le reste dans la table de nuit.
Une clope coincé entre mes lèvres, je tentais de régler l'heure de mon téléphone, je fus surprise lorsque je vis que celle ci semblait se régler seule après une petite manipulation. Ce qui aurait pris moins d'une minute à faire pour les autres m'en prenait une bonne dizaine. Je soupirais et le rangeai dans mon sac avant d'allumer ma cigarette. Je me dirigea vers une petite pizzeria située à un kilomètre de l'hôtel. Marcher me ferait du bien, j'avais besoin de me dégourdir les jambes.
Après avoir commandé une pizza, je m'installais à ma table prête à la dévorer. C'était étrange de revenir en Italie après tant d'années, théoriquement cela ne faisait que 3 ans, mais cela me semblait tellement long. Inconsciemment je priais pour recroiser Damiano, je me demandais s'il tenait toujours son groupe, s'il avait changé, mais surtout, je me demandais s'il se souvenait de moi aussi bien que je me souvenais de lui. Il était tellement beau à l'époque, il devait probablement avoir trouvé une copine depuis le temps.
Je laissa mon esprit divaguer un long moment avant d'être réveillée par un jeune homme. Je m'étais endormie la tête dans ma pizza, honteuse, je m'essuyais la joue avant de relever les yeux vers celui qui m'avait réveillée. Un petit sourire ornait son visage.
"- Bah alors? C'est comme ça qu'on profite d'un repas aussi merveilleux que les pizzas du chef? Plaisanta-t-il.
- Je... J'ai sûrement pas assez dormis, désolée, dis-je en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
- Thomas, et toi? dit-il en me tendant amicalement la main."
Je l'observais un instant, son style vestimentaire était très beau, ses yeux brun étaient soulignés par du crayon noir et du fard à paupière. Je baissais mes yeux vers sa main et aperçu qu'il portait également du vernis noir. Sortant de mon analyse, je lui pris la main avec un petit sourire.
"- Hanae, dis-je doucement.
- Hanae? J'ai déjà entendu ce nom quelque part, rétorqua-t-il soudain pensif.
- C'est possible, je ne connais pas la popularité de mon prénom, je ne me suis jamais renseignée sur ce sujet à vrai dire, riais-je."
Soudain je vis ses yeux s'écarquiller en ma direction, je jeta un oeil derrière moi, me demandant ce qu'il se passait et je me retournais vers lui.
"- Un soucis? J'ai dis quelque chose de mal?
- Non aucun. Un ami me parlait souvent d'une Hanae à une époque, je ne suis même pas sûr de son existence, je sais pas pourquoi j'ai fait le lien avec toi, désolé !
- Pas de soucis, dis-je en souriant. Tu comptes commander ou tu préfère rester là à me parler? Tu dois avoir faim non?"
Il semblait soudain se souvenir de la raison pour laquelle il était ici et couru vers le "chef" en marmonnant "putain ils vont me tuer..", ce qui me fit sourire. Je regardais ma pizza d'un air triste en me disant que je mangerais un meilleur repas plus tard, je devais me reposer d'abord, s'endormir sur sa pizza c'est pas bon signe.
Je sortis du restaurant et retournais à l'hôtel en repensant brièvement à cette rencontre, son nom me disait également quelque chose mais c'était un nom assez commun donc je laissa cette penser faner dans un coin de ma tête.
J'ouvris la porte de ma chambre à l'aide de mon badge et me laissa tomber sur le lit, morte de fatigue. Ma nuit fut mouvementée, de nombreux cauchemars me tourmentaient. Le visage de mon père apparaissait sans cesse et il me reprochait de l'avoir abandonné, il me menaçait. Je me réveillais en sursaut plusieurs fois, me rassurant en me disant que c'était finis, j'étais loin de lui et il ne pouvait plus rien me faire, s'il était encore vivant, il ne saurait même pas où me trouver. Je me levais après avoir vu l'heure sur le réveil posé sur la table de chevet, huit heure et demi. Je filais me doucher, pris mon temps pour me maquiller et me choisir une tenue qui me convenait malgré le maigre choix en vêtement que j'avais. À neuf heure j'étais prête. J'allumais alors mon cellulaire et remarquait que mon forfait était enfin activé, c'était plutôt rapide mais l'attente m'avait parue très longue.
Je profitais un peu de mon téléphone, le conseiller de vente m'avait proposé de prendre un forfait illimité en m'expliquant que je pouvais appeler et envoyer des messages autant que je voulais, il m'a même dit que j'avais internet, une première pour moi. Je m'empressais alors de tout tester, j'installais diverses applications. Je trouvais l'icône d'instagram plutôt jolie alors je cliquais dessus. C'était un vrai mystère pour moi, tout était si compliqué à comprendre, je me créais un compte non sans difficulté et voyant l'heure, je me décidais à partir à la petite boutique qui n'ouvrait qu'à dix heures, mais je préférais être en avance.