- Je vois que tu t'entêtes Seokjin, ton protégé et toi, allez mener ce monde à la ruine.
Depuis quelques jours Namjoon n'avait plus soulevé le sujet qui le préoccupait, mais là s'en était trop pour lui :
- Non content de laisser un ange déambuler sur terre avec un panel de sentiments contraires à sa nature, voilà maintenant que tu l'encourages dans son entreprise de permettre à l' enfant de lumière de découvrir la vérité. Une vérité qui pourrait le mettre en danger et compromettre l'Equilibre !
- Cesse donc de tout dramatiser Namjoon, il ne t'est jamais venu à l'esprit que j'essayais peut-être de réparer une injustice, tout en préservant l'Equilibre justement.
- Mais que dis-tu là ???
- Ce que j'essaie de te dire, c'est que peut-être avons-nous commis une erreur en séparant Jae et Jimin. Nous avons eût à prendre beaucoup de décisions graves dans notre longue existence, nous ne nous sommes jamais remis en question sur l'équité ou l'iniquité dont nous pouvions faire preuve. Or nous ne sommes pas infaillible Namjoon, tu as tendance à vite oublier cette toute petite part de faiblesse et d'imperfection qui fait partie de nous. Lui seul est la parfaite perfection, et bien que nous soyons sa création, nous ne le sommes pas totalement.
- Oh ! Arrête-toi là Seokjin, je ne te permets pas !!! s'emporta Namjoon. Cette part d'imperfection dont tu parles, est plus infime qu'un atome. Nous sommes Son bras armé et les garants du maintien de l'Equilibre. En supprimant le garçon de l'équation, nous avons fait notre devoir et contribué à ce que les pouvoirs de l' enfant de lumière soient préservés. Je n'ai pas besoin de te rappeler qu'il aurait très bien pu être corrompu par le mal de son vivant. Quel être humain résisterait à un pacte qui lui garantirait richesse et succès ? En échange de quoi, il serait devenu un Prince des Ténèbres sans que nous ne puissions intervenir. Et que ce serait-il passé selon toi ? L'enfant de lumière l'aurait épousé, et tu sais que provoquer grossesse même chez un homme n'est pas grand-chose pour Lilith. Elle n'aurait pas hésité à modifier le cours de la nature pour qu'il puisse enfanter. L'enfant de lumière aurait fini engrossé, et tout ceci aurait fait basculer l'univers entier dans le chaos à cause de la naissance des êtres maléfiques les plus puissants qui soient. Nous avons pris la bonne décision ! Et je te le demande instamment, si tu ne veux pas relever Jungkook de ses fonctions, soit au moins certain qu'il respecte sa nature et qu'il ne se compromette pas.
Seokjin balaya ces conjectures d'un geste de la main:
- Ecoute mon frère, les choses ont changé maintenant. Quoi que tu en dises, il faut que cette injustice soit réparée et que Jungkook poursuive sa mission, l'un n'empêche pas l'autre. Il a déjà montré qu'il était digne de la confiance que nous lui accordons, face à Lilith, il ne s'est pas laissé corrompre. Il a fait le bon choix. Celui qui m'inquiète beaucoup plus pour le moment, c'est ce Yoongi, nous devrions garder un œil attentif sur lui...
[***]
Il était environ 12h30 quand ils arrivèrent devant le restaurant où Yoongi avait choisi d'emmener Jimin. Ils avaient roulés vers le sud de la ville, jusqu'à la côte et Jimin fut agréablement surpris. Il avait croisé les doigts pour que Yoongi ne l'emmène pas dans l'un de ces établissements ultra-chic où l'on vous servait de micro-portions de plats soi-disant gastronomiques. Le péché mignon du jeune homme étant tout ce qui touchait de près ou de loin à la nourriture, il avait une sainte horreur des menus pompeux qui finalement, étaient loin de valoir le prix qu'on pouvait y mettre. Au contraire, Yoongi avait pris le contrepied et l'avait emmené dans un petit restaurant français niché dans un écrin de verdure, non loin de la mer et qui avait la particularité d'offrir une vue exceptionnelle sur la baie.
La cuisine y était excellente et en humant les fumets qui se dégageaient des cuisines, Jimin qui avait l'estomac noué une heure plus tôt senti son appétit se réveiller :
- C'est un très joli endroit Yoongi, comment l'avez-vous connu ?
- Un pur hasard, j'aime beaucoup me promener dans la région, marcher, respirer le grand air, et un jour au cours d'une de mes promenades, je suis arrivé ici. Depuis, j'y viens régulièrement.
Le maitre d'hôtel vint à leur rencontre et leur proposa une table en terrasse un peu à l'écart des autres, puis il leur donna à chacun un menu en leur demandant ce qu'ils souhaitaient boire. Yoongi commanda un cabernet-sauvignon et de l'eau minérale citronnée, pour Jimin qui le remercia, reconnaissant qu'il se fut rappelé que son expérience avec alcool se limitait à la veille. Restés en tête-à-tête, ils consultèrent les menus en silence pendant quelques minutes, puis Yoongi reposa le sien:
- Mon cher, je souhaiterais m'excuser pour mon comportement un peu cavalier d'hier soir. vous avez dû me trouver extrêmement malotru.
- Oh ! Non, non Yoongi, ne vous inquiétez pas. C'est vrai que j'ai été pris au dépourvu, mais je crois que le mot malotru ne m'a absolument pas effleuré l'esprit.
- J'en suis fort aise. Je dois cependant vous avouer, que je ne regrette pas le moins du monde d'avoir fait preuve d'un peu d'audace. Je maintiens ce que je vous ai dit, vous me plaisez beaucoup et j'aimerais mieux vous connaître.
Ce faisant, il prit la main de Jimin et la porta à ses lèvres. Le contact chaud sur sa peau déclencha un frisson chez le jeune homme qui rougit violemment. Au même moment, un serveur approcha pour servir l'eau et le vin et prendre leur commande, empêchant Jimin de répondre tout de suite. Quand il eût noté sur son carnet plats principaux et desserts, et qu'il se fût éloigné, Jimin reporta son attention sur Yoongi:
- Yoongi, je suis flatté de l'intérêt que vous me portez, mais je ne sais pas... tout ça est très rapide.
- Ne vous inquiétez pas mon cher, je prendrai mon temps. Voyez-vous, dit-il en prenant délicatement son verre, et faisant tourner le liquide couleur rubis, un bon vin se respecte et se déguste lentement, on prend le temps de savourer les arômes, de deviner les différentes saveurs qui le composent. Comme pour un bon vin, je veux vraiment prendre le temps de vous découvrir, mais j'irai toujours à votre rythme, je ne vous brusquerai pas je vous en fais la promesse. Simplement, laissez-moi au moins une chance... avant de m'éconduire, ajouta-t-il avant de boire une gorgée et de fermer les yeux pour savourer le breuvage.
Ne sachant plus où se mettre, Jimin baissa les yeux sur ses mains qu'il avait posées sur ses genoux. A la recherche d'une échappatoire, il s'excusa auprès de lui et se rendit aux toilettes.
Là, il observa son reflet dans le miroir, il avait les joues en feu. Pourquoi cet homme l'intimidait-il au point qu'il en perdre ses moyens ? Comme à son habitude, il se livra à un duel interne avec sa conscience.
*** Tu n'avais aucune raison de paniquer Jimin, tu n'es pas face à un ogre !!! C'est un homme galant, avec une éducation irréprochable, un homme du monde. (...) Mais si jamais je me trompais ? Et qu'il me fasse du mal ? (...) Tout devrait bien se passer. Et après tout, Ye-jin a sans doute raison, quel mal y aurait-il à te laisser courtiser ? Il est vraiment très beau et cultivé, en plus vous avez la même passion de la peinture, donc tout devrait parfaitement coller entre vous... (...) Mais il faut que j'oublie ce que je ressens pour Jungkook ? (...) Il t'a dit que vous ne pouviez qu'être amis ! Passe à autre chose !!!! Tu as sans doutes raison, je devrais passer à autre chose.***
Les yeux rivés sur son reflet, le jeune homme s'obligea à retrouver son calme, inspira et expira plusieurs fois, se lava les mains et retourna à table.
- Tout va bien mon cher ? demanda Yongi en le voyant revenir. Vous êtes parti si soudainement... j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
Galamment, il se leva et lui tint sa chaise pour qu'il s'installe.
- Non, non tout va parfaitement bien... ne vous inquiétez pas. Yoongi, je... je voulais vous dire que... je suis d'accord pour que nous nous fréquentions et que nous apprenions à nous connaître.
- Merveilleux Jimin, vous faites de moi le plus heureux des hommes ! Dites-moi, est-ce que vous avez faim ? Parce que je crois que ce sont nos plats qui arrivent.
En effet, le serveur approcha et posa les assiettes devant eux, avec dextérité :
- Filet mignon de veau à la forestière pour Monsieur, - il posa l'assiette devant Jimin - et pour vous Monsieur, médaillon de chevreuil en croûte et sa sauce aux airelles. Très bonne dégustation.
Dès la première bouchée, Jimin s'émerveilla de la finesse et de la qualité des ingrédients. Il s'étonna que le restaurant ne soit pas plus côté et de fait que la clientèle n'y afflue pas en masse. Il n'y avait en effet ce jour-là que quelques clients. Il fit part de sa réflexion à son compagnon :
- Disons qu'il vaut mieux que certains joyaux restent cachés, au risque qu'à trop être admirés, ils en perdent leur éclat, lui répondit-il.
Jimin comprit parfaitement la métaphore et ne put qu'y acquiescer.
- Dites-moi Yoongi, hier soir, vous m'avez fait part de cette particularité qui vous inspire pour vos peintures, est-ce que vous étiez sérieux, ou était-ce une plaisanterie ?
- J'étais on ne peut plus sérieux, à chaque fois que je sombre dans les affres du sommeil, une toile m'est soufflée. J'ai dans mon atelier des dizaines et des dizaines de peintures que je n'ai jamais dévoilées à personne. Certaines, je le crois, feraient grincer des dents à plus d'un.
- C'est à ce point ?
- Et oui. Je ne sais pas d'où me vient cette aptitude, et je ne sais jamais ce que je peindrai à l'avance, mais je le prends comme un cadeau.
- C'est fascinant. Et si vous me parliez de vous Min d'où venez-vous ?
La mâchoire de Yoongi se crispa imperceptiblement et il prit quelques secondes avant de répondre :
- Je suis issu d'une très ancienne famille de la bourgeoisie coréenne et mes ancêtres ont contribués à la richesse de ce pays.
- Vraiment ?
- Absolument, maintenant nous nous sommes éparpillés par-delà le monde, surtout en Europe et les alliances ont contribuées à faire grandir notre empire, si je puis m'exprimer ainsi. Mon arrière-arrière-grand-père a bâti sa fortune il y a des années en faisant des choix plus ou moins controversés et aujourd'hui, j'en suis l'héritier. Je ne sais pas vraiment si j'en suis digne car je ne suis pas un homme d'affaire, mais plutôt un artiste. Ce qui déplairait souverainement à mon père s'il pouvait me voir.
- Oh, je suis désolé. Vous aussi, vous avez perdu vos parents ?
- Fort heureusement, j'ai encore ma mère. Mais je ne la vois pas très souvent. Elle gère encore certains de nos contrats et parcours le monde. Elle met un point d'honneur à rencontrer certains de nos... clients très importants, une sorte de relation de fidélisation, si on peut dire. Elle tient beaucoup à rester active, à son âge... ce n'est pas très raisonnable. Mais assez parlé de moi. J'ai cru comprendre que vous n'avez plus vos parents. Ils nous ont quittés récemment ?
- Oh, non... ils sont morts quand j'avais dix ans, cela fait longtemps déjà. Mon oncle s'est occupé de moi comme un père, mais lui aussi est décédé il y a quatre ans.
- Quelle tristesse, vous n'avez donc personne ? Aucune famille ?
- Malheureusement non. Mais vous savez, après tout ce temps, je me suis adapté, même si parfois c'est dur, j'essaie de ne pas me laisser abattre.
- Et bien, maintenant c'est fini, vous m'avez moi.
De nouveau, Jimin devint écarlate, et pour cacher sa gêne, il but une gorgée d'eau. Yoongi l'observait amusé :
- Vous ne savez pas ce que vous ratez mon cher, ce cabernet est somptueux. Vous êtes sûr de ne pas vouloir vous laisser tenter ?
- Non, merci. Après le champagne d'hier soir, ce ne serait pas raisonnable, je préfère m'abstenir.
Ils finirent leurs plats et on leur apporta les desserts. Encore une fois, Jimin fut époustouflé :
- Ce tiramisu est une vraie merveille, s'extasia-t-il.
- Je suis également gâté. Est-ce que vous aimeriez goûter à ma mousse de praline ? répondit Yoongi en lui tendant sa cuillère remplie d'une émulsion rosée.
Jimin hésita, mais Yoongi approcha la cuillère de ses lèvres, de sorte qu'il n'eût pas le choix que d'ouvrir la bouche, comme un oisillon. Son cœur manqua un battement, c'était vraiment divin :
- Oh mon Dieu ! Mais c'est véritablement un péché tant c'est bon.
- Je ne vous le fais pas dire... c'est presque meilleur que faire l'amour.
Il écarquilla les yeux, interloqué. Yoongi rit doucement :
- Excusez-moi si je vous ai choqué, mais j'ai une légère tendance à dire ce que je pense. Et Jimin... le jour où nous deviendrons intimes vous et moi, vous comprendrez ce que je veux dire, murmura-t-il sensuellement.
Le pouls de ce dernier s'accéléra :
- Yoongi, vous m'embarrassez...
- Je suis navré, mais vous êtes si ingénu, je ne résiste pas au plaisir de vous taquiner.
Jimin décida de revenir sur un terrain moins glissant :
- Vous m'avez dit que votre famille avait des connexions en Europe, vous savez, je rêve d'y aller un jour. Voir Paris, Vienne, Milan... Toutes ces villes fabuleuses... Mais je n'en ai jamais eût l'occasion, partir seul, à l'aventure, sans connaître personne... c'est quelque peu effrayant. Mais j'en meurs d'envie.
- Si vous le voulez, je vous y emmènerais un jour. J'ai un immense appartement dans le quartier de St Germain-des-Prés à Paris, j'y vais parfois quand le besoin de m'évader se fait sentir.
- Oh, j'en serais enchanté !!!
- Alors, nous organiserons cela. Si vous avez terminé, nous pouvons y aller. Une petite promenade digestive cela vous plairait-il ?
Sans attendre sa réponse, il posa sa carte de crédit sur le plateau du serveur qui était arrivé près de leur table, puis lui tendit la main. Ils se levèrent ensemble et sortirent du restaurant après qu'il eut récupéré sa carte.
Un léger vent frais soufflait sur la colline et fit s'envoler les mèches autour du visage de Jimin. Yoongi en profita pour les ramener derrière son oreille :
- Vous êtes magnifique, si je m'écoutais, je vous volerais un baiser... mais j'ai promis d'aller à votre rythme.
Il se contenta de serrer la main du jeune homme dans la sienne et de le guider sur le sentier. Au fil de leur promenade, ils arrivèrent sur la plage. En cette saison de l'année, l'eau était glaciale mais Jimin ne résista pas, il ôta ses chaussures et laissa les vagues lui caresser les orteils :
- Venez Yoongi, ne soyez pas si guindé !
Contre toute attente, le jeune homme retira ses coûteuses chaussures italiennes, les jeta négligemment sur le sable et vint le rejoindre. Ils firent quelques pas avant qu'il ne se tourne de nouveau vers lui :
- Dites-moi Jimin, quelles sont vos attentes pour l'avenir ? Y a-t-il quelque chose qui vous tienne à cœur ?
- Oh, je vis un peu au jour le jour. Je ne fais pas vraiment de projets d'avenir. Je trouve que la vie est trop courte pour s'inquiéter de ce qui arrivera dans un mois, dans un an ou dans dix ans. Je préfère profiter de l'instant présent. Comme aujourd'hui, je trouve que nous passons un agréable moment. Pas vous ?
- Absolument mon cher. J'aime votre philosophie de vie.
Ils marchèrent encore un peu, puis finalement retournèrent à la voiture. Yoongi raccompagna Jimin chez lui, et arrivé au pied de son immeuble, il se tourna vers lui :
- C'était un véritable plaisir de partager ce déjeuner avec vous. J'ai vraiment hâte de vous revoir.
Il s'apprêtait à baiser la main du jeune homme, mais Jimin le prit de court en déposant un baiser rapide sur sa joue. Avant qu'il ne dise quoi que ce soit, ce dernier était déjà sorti du véhicule. Il le regarda s'éloigner, le sourire aux lèvres.
Un fois rentrée chez lui, Jimin repensa à l'après-midi qu'il avait passé avec Yoongi. C'était un homme intéressant, qui avait de la conversation. Certes, il ne savait comment se comporter en sa présence, il était si charismatique, qu'avec lui il se sentait comme un petit garçon. Le point positif, c'est que ce moment lui avait permis de ne pas ruminer le fiasco du matin. Mais maintenant qu'il était de nouveau seul, ses pensées dérivèrent irrémédiablement vers sa tentative avortée de parler à Jungkook. Fallait-il réessayer ? Ou valait-il mieux laisser les choses en l'état ? Il décida qu'il aviserait le moment venu.
[***]
Plus tard, Yoongi se gara dans l'allée d'un grand manoir. Son majordome ouvrit la porte principale et attendit qu'il arrive à sa hauteur :
- Vous avez de la visite Monsieur... dans la bibliothèque.
- Merci Kwang.
D'un pas félin, il foula le luxueux tapis qui ornait le sol de l'entrée et se dirigea vers la bibliothèque. Bien que la pièce fût plongée dans une semi pénombre, il sentit tout de suite sa présence mais ne prononça pas un mot. Une voix féminine s'éleva alors :
- J'espère que tout se déroule bien, mon chéri ?
- Tout se passe à merveille, exactement comme nous l'avions prévu... Cela fait longtemps que vous n'étiez pas venu ici, je suis heureux de vous revoir, mère.
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