Tue-moi lentement

By SimonRoman

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Mia Pierson mène une existence des plus plaisibles dans le quartier de Greenwich, en périphérie de Londres. T... More

Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI
Chapitre XXII
Chapitre XXIII
Chapitre XXIV
ÉPILOGUE

Introduction

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By SimonRoman

Avant-Propos de l'auteur

D'abord, merci d'avoir choisi cette oeuvre. J'y ai mis du temps, peaufiné chaque chapitre pour rendre l'histoire la plus belle possible. Ma première ambition est de vous faire découvrir mes écrits, que vous y laissiez vos impressions et vos commentaires. La critique bonne ou mauvaise ne pourra que me faire avancer. Même s'il est certain que ce ne soit pas une chose facile de recevoir des remarques négatives, je tenterai de m'y accoutumer et d'en tirer le meilleur. Car mon rêve de toujours est de créer et d'un jour peut-être, réussir la dure épreuve de la publication.

Ce n'est pas gagné, mais je poursuis ce rêve en souhaitant pour y parvenir. En attendant, j'espère m'améliorer et tout faire pour que mes aspirations deviennent une réalité. Je commence donc avec une histoire qui me suit depuis longtemps et à laquelle j'ai enfin terminé de donner vie. L'histoire de Mia et de David, d'un amour qui s'avère impossible... et qui se termine... plutôt mal (en première partie du moins...) .

Eh oui ! Je suis romantique mais avec des limites quand même 😄 Il faut passer des épreuves aussi!

En tous les cas j'attends vos retours...

Bonne lecture.
@bientôt .
Simon R.





PROLOGUE

Il y avait en 1889, dans une petite ville du sud de l'Angleterre, aux embouchures des rues Parker et Westright, une petite allée qui ne menait nulle part. Cette impasse avait été rebaptisée Rue morte ou Dead road car personne ne s'y aventurait jamais, jusqu'au jour béni où un riche propriétaire venu d'ailleurs, dans une somptueuse voiture noire, en fit l'acquisition pour y être domicilié.

     Une splendide demeure délaissée depuis un siècle, l'y attendait pour y couler des jours heureux avec ses enfants et son admirable épouse. Ces gens vécurent sans tracas dans cette propriété aux allures de château médiéval, digne des épopées historiques des grands princes de ces temps.

       L'épouse de cet homme, sembla heureuse. Or, dès que son entourage s'éloignait une autre scène se jouait dans ce domaine aux cloisons immaculés et aux moulures parfaites. Si bien qu'on appela le voisinage, un soir, en plein été.

     Pendant des années, plus personne ne remit les pieds dans cette incontournable villégiature, où eut lieu un drame d'une atrocité sans nom, qui fut oubliée comme le digne vestige d'un passé tumultueux.

La célérité avec laquelle circula l'information n'aida en rien à refaire de ce logement luxueux, le foyer qu'il avait été autrefois. Tous la nommèrent maison du malheur. Aucun héritier ne voulut plus en entendre parler. C'était une oeuvre maudite. Maudite par le sang du père, versé par une furie en colère de savoir que l'homme qu'elle aimait la trahissait.

Quelle tragédie se produisit ce jour-là pour qu'une femme courroucée finisse par commettre l'irréparable pour un lâche ?

Cette histoire se déroula le 19 juillet 1893. Au fur et à mesure que les siècles s'écoulèrent, très peu furent celles qui se revendiquèrent de cette lignée de femmes qui se vengent de l'indignation provoquée par un mari trop prompt à faire le malheur de sa maîtresse....

******

Théobald Cain, le détenteur des lieux, acheta ce lopin de terres loin de son pays natal. Il avait traversé les mers pour s'exiler là, afin d'échapper aux grands bouleversements dont souffrait sa patrie. Il ne tenait plus à vivre en esclave, entravé par sa simple couleur de peau. Il voulait être libre et subsister enfin pour lui-même. Non plus être regardé de haut, telle une bête curieuse, par des êtres trop aveugles et imbus deux-mêmes pour comprendre qui il était.

- Je percerai encore plus vite dans l'ancien monde que dans le nouveau. Je suis prêt! se dit-il intérieurement.

Il n'en pouvait plus. Il étouffait même. Croupir dans les fers, parmi ces hommes qui n'acceptaient pas, qu'en cette ère nouvelle, les individus du monde puissent avoir des couleurs et des choix distincts, était une chose aussi insupportable que de ne plus avoir de vie. Pour lui qui était né avec la peau brune, mais plus claire que nul autre et des yeux aussi bleus qu'un océan concentré dans une seule pupille.

- Vos papiers ! invectiva l'agent des douanes.

Théobald les chercha docilement et les tendit à l'agent moustachu. L'homme, la quarantaine passée, grand, blond et sec, n'était pas commode mais il y avait une douceur dans ses traits qui montrait le contraire. Un fort contraste entre l'être et le paraître.

-D'où venez-vous ? demanda-t-il ce dernier sèchement.

- Du Michigan, monsieur ! répondit l'élégant homme.

Le douanier l'inspecta sous toutes les coutures et après quelques secondes...

-Tenez, dit-il en lui tendant son passeport. C'est par ici...

Théobald respira en prenant la passerelle qui menait à l'Océanic.

À l'âge de dix-huit ans, après que son père qui possédait des terres lui ait légué une partie de ses biens, le jeune homme partit pour un long périple, laissant derrière lui désolation et tristesse, pour être hors de ses contrées encore inhospitalières. En route pour son destin, sur le bateau qui menait en Angleterre, il rencontra celle qui changerait sa vie...

****

Il sortit de sa cabine où il faisait trop chaud et se retrouva sur le pont où une cinquantaine de personnes se promenaient, lorsqu'il fut ébloui. Le soleil d'été lui grilla les rétines, il fit un geste de la main pour ne plus en être importuné. Lorsqu'il couvrit son visage, il la vit.

Elle avait ce charme étrange qu'aucune des femmes qu'il avait rencontrées ne possédait. Une longue chevelure noire de jais tombait sur ses hanches de pucelle. Elle paraissait candide, même si elle possédait déjà une beauté aussi frappante qu'un coup de maillet de dix tonnes.

Pourtant, il n'osa l'approcher.

Pas le premier jour du moins...

Il la suivit des yeux, la dévorant de son regard curieux. Dès qu'elle posait les yeux sur lui, il détournait maladroitement les siens. Non qu'il n'ait jamais eu affaire aux dames, mais celle-ci avait une aura particulière, une ombre aussi douce qu'acide.

- Pourquoi ? demanda-t-elle subitement en se dirigeant vers lui. Pourquoi me suivez-vous ainsi depuis notre départ ?

Théobald ouvrit les yeux sans pour autant répondre à son interpellation. Néanmoins, en la voyant tourner les talons...

- Je vous trouve charmante, voilà tout ! complimenta le jeune homme en baissant les yeux.

L'adolescente se figea. Elle aussi le trouva joli, avec ses longues boucles noires, sa peau basanée luisant sous la lumière et son visage aussi fin que celui d'une fille. Lorsqu'elle se rapprocha, elle crut voir scintiller ses yeux d'un bleu perçant. Il avait reçu cet attribut de sa mère qui les nommaient, yeux du malheur et disait avoir plusieurs vies à son actif.

Il portait ce jour-là un élégant costume blanc orné d'une broche dorée, à ses initiales. Le vent collait l'ample vêtement sur sa peau et balayait sa chevelure ondulée de ses doigts agiles. Le jeune homme était beau mais pas seulement. Il y avait dans la couleur de sa pupille, quelque chose d'irrésistible et d'attrayant.

La jeune fille sourit et regarda en arrière. Une dame d'une trentaine d'années semblait en quête d'un objet qu'elle aurait égaré.

- C'est ma tante là-bas, annonça-t-elle. Elle me cherche. On pourra se revoir plus tard si vous voulez !

Théobald fit un signe affirmatif à sa demande.

- Cinq heures ?

Son interlocutrice leva le sourcil d'étonnement.

-Je vous attendrai, à cinq heures, sur la poupe, annonça-t-il avec enthousiasme. Mon nom est Cain, Théobald Cain. Et vous ? Comment vous appelez-vous ?

La jeune fille retournait déjà en direction de sa parente. Il comprit à peine son prénom qui se perdit dans le souffle du vent lorsqu'elle virevolta pour le lui avouer, mais il l'entendit quand même. C'était un prénom digne d'une fleur ou d'une symphonie. Sila.

*****

Sila Blackburn était comme lui. Elle était née de parents d'origines et cultures différentes, sur le sol écossais. Son père, natif américain, besognait les champs au sud du Canada lorsqu'il rencontra sa mère qui logeait au sein d'une demeure coloniale et servait le couple d'anglais qui y vivait. Ils fuirent ensemble avant de s'unir clandestinement loin de tous regards réprobateurs.

Margareth Blackburn suivit sans regret, durant plus de quatre ans, Wakiza, son vaillant époux qui voulait partir à la conquête de l'or que l'on disait jaillir des montagnes. Elle le quitta en réalisant qu'elle était enceinte. Elle ne voulait pas laisser son enfant mourir de faim sur ces terres enneigées. Elle s'écarta de celui qu'elle avait tant aimé et prit la mer où elle accoucha seule, sur les côtes écossaises, elle, qui n'avait plus rien et que l'on disait avoir enfanté d'un sauvage.

- Tiens, disaient-ils dans son dos, voilà la sauvageonne ! Comme si elle les trahissait en en choisissant un autre qu'un britannique.

- Fichtre! Que ces gens m'agacent! pensait -elle en traversant le marché.

Elle baissait tout de même le menton vers le sol, car elle s'en voulait de s'être mise dans une telle situation.

- Mon cher époux, se questionnait-elle alors, où peux-tu bien être en ce moment?

La petite Sila naquit avec les yeux du père. Ils étaient si noirs qu'on pouvait y contempler les abîmes. Dès qu'elle fut en âge de comprendre, elle repartit en Amérique en apprenant le décès de son père. Sila voyagea seule mais à son retour, elle était accompagnée d'une tante et portait dans ses bagages une fortune en lingots d'or, offerte par son géniteur qui avait passé sa vie dans les mines avant d'y perdre la vie.

Le chercheur d'or ne profita jamais de cet argent. Sa femme, qui resta en Écosse, trima d'arrache-pied chez un fonctionnaire qui devint plus tard son second époux et le père adoptif de sa fille. Cet anglais, possédant quelques biens, fit en sorte que la jeune femme rejoigne l'Amérique. Margareth laissa sa fille seule, affrontée ce périple, même si ses yeux s'aveuglèrent d'inquiétude et de sollicitude pour sa progéniture.

- Prudence, souffla-t-elle en la voyait s'en aller, le nouveau monde est plein de merveilles mais aussi d'horreurs ...

Sila avait quinze ans. Elle était confiante et rencontra celui dont elle porterait les enfants sur le trajet du retour. Le couple nouveau revint vivre dans les Highlands, près d'un profond lock, où Théobald la suivit pour connaitre sa famille. Ils vécurent là, après leurs épousailles, jusqu'à ce que ce chenapan que personne n'avait vu venir, l'enlève pour la mener en Angleterre où il venait d'acquérir une propriété.

Le gibier ne voit jamais approcher le loup qui le dévore...

******

- Hé oh! ... Le v'là le grand homme de la ville!...

Alors qu'il se promenait sur les ports avec sa femme et ses deux bambins, Théobald fut interpellé par un matelot qui venait d'amarrer son navire. Il se serrèrent la main et chuchotèrent à mi-voix pour que personne n'entende.

L'épouse soupçonneuse ne perdit, malgré tout, pas une miette de ces mots qui semblaient mettre au point un push, capable de renverser le régime autoritaire autour de la gestion de la mer.

- Sire Andrews n'est pas fait pour ça...entendit-elle furtivement.

Le conseiller municipal, Henri Andrews, membre imminent de la mairie du South Hampton, ne faisait aucun des travaux nécessaires au bon fonctionnement du port. Les marins étaient exaspérés de ce manque de considération. Ils comptaient sur Théobald et son influence pour arranger les choses.

En partant, l'homme fit une accolade et promit qu'il ferait de son mieux.

Sur la route, il s'arrêta de nouveau devant un orphelinat auquel il faisait des dons financiers et matériaux. Sila et les enfants restèrent en retrait.

- Ah ! Vous voilà enfin ! s'écria une jeune fille au loin.

Celle-ci s'approcha en se jetant fiévreusement dans ses bras de son époux. L'épouse sursauta de rage et serra le poing de fureur. En percevant l'arrivante, elle comprit que c'était une ennemie de poids : Ses longs cheveux blonds, ses grands yeux noisette, ses petites lèvres rosées, sa taille fine et pour finir ses hanches voluptueuses. Elle avait tout pour plaire à son adorable mari, qui avait autant de charme que depuis leur rencontre.

- Nous attendions depuis tantôt que vous nous portiez assistance, confia la jeune fille.

- Oui, je n'ai pas pu venir plus tôt, regretta Théobald confus.

-Je savais que vous ne nous laisseriez pas tomber, s'extasia la jolie blonde en prenant chaleureusement les mains de l'époux fidèle entre les siennes.

Sila s'empourpra. Elle aimait toujours son époux. Même si les années passant, la flamme s'était amenuisée, elle était encore très vive. Elle ne laisserait aucune courtisane venir aujourd'hui lui dérober ce trésor qu'elle avait eu tant de mal à polir. Cette fille, elle ne la sentait pas du tout. Elle avait le nez bien affuté et celle-là retournerait à sa place.

L'autre fit un sourire en sa direction, elle feint de lui renvoyer la même politesse tout en sachant que cette petite était une belle hypocrite. Après quelques minutes en sa compagnie, Théobald revint lui présenter la jeune fille.

- Je te présente Mary. Soeur Catherine l'a recueillie alors qu'elle n'avait que cinq ans. Elle a perdu toute sa famille qui travaillait dans les mines de charbon à Newtown, commença Théobald afin d'attendrir son épouse. Elle se passionne pour les livres et a demandé à travailler chez nous... Ce que j'ai accepté sans hésiter. J'espère que tu ne m'en voudras pas, avoua l'époux en riant nerveusement.

-Bonjour, introduisit la nouvelle élue de la maison en tentant la main vers Sila, je suis si heureuse de faire enfin votre connaissance à tous...On m'a tant parlé de vous, mentit-elle honteusement.

Sila sourit poliment, en faisant mine de la croire. Elle observa la jeune femme qui attendait sagement, haussant de temps en temps les yeux vers son défenseur.

- Elle a fait tant de choses pour l'église. Aujourd'hui, elle voudrait rejoindre la vie civile...je souhaite donc lui laisser sa chance en tant que nourrice.

Sila n'en crut pas ses oreilles et voulut s'emporter en l'entendant lui faire cette proposition. Mais, en inspectant le visage de sa rivale, elle se dit qu'elle serait au première loge si cette intrigante tentait un tour de passe-passe. Elle inclina donc la tête en signe d'approbation tout en restant sur ses gardes.

L'orpheline était à peine âgée de dix huit ans et vivait au sein de la structure depuis sa plus tendre enfance. Les bonnes soeurs l'avaient nommée Mary. En grandissant, elle avait pris le nom de Gray, par hasard, en parcourant les rayonnages de la librairie de l'institut. Des romans inédits y avaient pris place depuis l'arrivée de Théobald, qui leur offrait chaque mois de nouveaux livres pour le plus grand plaisir des pensionnaires.

Elle était tombée sous le charme d'un dandy ténébreux à la beauté restée inchangée jusqu'au bout, dépeint par un romancier anglais contemporain. Mary s'imagina dans la peau de ce personnage de la décadence, à la fois brillant et sombre. Il avait apporté une autre dimension à ses aspirations. Elle voulait, elle aussi, vivre adulée telle une muse, pareille à ce jeune homme, si beau, qu'aucun ne pouvait lui résister. Si bien que, lorsque Théobald lui proposa de vivre avec lui, son sang ne fit qu'un tour. Elle pensa alors qu'une liaison clandestine pouvait naitre entre eux.

Le mari, voulut faire de Mary la gouvernante de leurs fils, Leroy et Chance. Il insista pour qu'elle s'installe dans une de leur chambre vacante. Ainsi la jeune fille les suivit et se repéra vite dans  cette demeure où elle sembla un temps vouloir prendre la place de la maitresse de maison.

******

- Cette nouvelle employée est tout simplement sublime, admit madame Folder. Toutefois, je n'aurais jamais embauché une telle créature à mon domicile. Les hommes de nos jours sont si volages...il suffirait d'un rien ...

Sans se l'avouer Sila avait le même sentiment. Assise sur son fauteuil, entourée de quatre ses nouvelles convives, au milieu du salon, elle se pencha. Elle n'avait de cesse de souhaiter la mort de son époux, qui l'avait trahie en lui promettant fidélité.

Sila Cain avait pris l'habitude de s'endormir aux côtés de son abominable amant et de lui donner tout l'amour qu'il souhaitait. Au début, elle accomplissait l'acte d'amour par passion, puis elle l'exécuta par habitude et aujourd'hui par vengeance.

Elle en était certaine. La présence de cette invitée était intéressée. Ce scélérat l'avait tirée de son existence paisible, dans sa petite ville sur le Loch, pour la ramener dans cet endroit foisonnant au sud de l'Angleterre. Là, ils avaient aménagé leur maison pour y voir grandir leurs enfants, jusqu'à ce qu'il gâche tout en s'amourachant de cette fille des rues. Une blondinette démunie qu'il avait accueillie chez eux pour l'aider à s'en sortir.

- J'ai une totale confiance en mon époux, Meredith, mentit-elle en grimaçant légèrement. Théobald ne fait que rendre service à cette pauvre fille.

Les dames feignirent de ne pas voir que la propriétaire des lieux était loin de penser ses dires. Théobald était bel homme et il n'était pas nécessaire d'être instruite pour savoir que les hommes avaient tous les droits. Sila faisait comme si tout cela ne l'affectait pas mais c'était faux. Ça l'affectait.

- Un thé, ma chère? proposa la petite madame Bray, qui venait de s'ajouter au club.

- Oui, affirma la maitresse de maison, évitant ainsi de songer à tous les détracteurs qui devaient se moquer d'elle dans son dos.

Sous son nez, le bougre se croyant tirer d'affaire, inventa un alibi. Ce porc créatif lui raconta que sa maitresse, la jouvencelle qu'il avait recueillie, était enceinte d'un jeune palefrenier qui vivait en ville, mais que celui-ci refusait de le reconnaitre.

- Aïe... Sila venait de se brûler la lèvre. Cette boisson est trop chaude! s'exclama-t-elle agacée.

L' épouse frissonna tout en replongeant dans ses souvenirs. Elle avait proposé son assistance à son époux adultère, tout en sachant que sa tête tomberait aisément sous l'épée qu'elle aiguisait pour lui. Elle ne revenait pas que cette crapule puisse la regarder en face et la baratiner ainsi.

- Vous êtes toutes jalouses! rit Katy Barett, une belle blonde qui brillait depuis peu dans toute la société londonienne. Théobald Cain est extrêmement séduisant et gentleman avec ça. Je ne crois pas un traitre mot de ces colportages. Sila a raison de lui faire confiance...

Meredith Folder haussa tout de même le sourcil en guise de réprobation.

- Une femme n'est jamais assez prudente face aux intrigantes de cette espèce, conclut-elle.

Sila l'approuva en son for intérieur mais n'en dit rien.

Après un court séjour chez ses parents, elle était rentrée pour y trouver Mary,  dans son salon, habillée de sa robe la plus somptueuse et de sa parure en diamants, l'un de ses biens les plus précieux, cadeau de son époux. Elle comprit alors que non content de la tromper, il voulait en plus se moquer d'elle.

Et si monsieur croyait avoir affaire à une imbécile, c'est qu'il connaissait bien mal Sila Blackburn, fille de Margareth Blackburn et de ce guerrier sioux, qui avait tout laissé pour s'enrichir à la force de ses bras, en creusant de profondes tranchées à la recherche d'or brut.

Toute sa famille, sa femme compris, s'était détournée de lui après qu'il ait perdu ses ressources dans cette recherche imaginaire.

Puis un jour, alors qu'il ne s'y attendait plus, son filon rapporta plus qu'il n'en avait rêvé. Sa fille venait d'en hériter et elle comptait bien vivre assez longtemps, elle aussi, pour en jouir. Si son mari croyait pouvoir la cogner sans qu'elle ne se plaigne, il se mettait le doigt dans l'oeil. Théobald payerait cher son imposture. Elle qui l'aimait tant, était maintenant trop aigrie pour lui adresser la parole.

- Cessons de parler de moi! finit-elle. J'aimerais que nous soyons prêtes pour la cérémonie en honneur de monsieur Maines, votre époux et maire de la ville, Agathe.

Agathe Maines, la plus ancienne participante du club, approcha, le sourire aux lèvres et commença à distribuer les rôles de chacune.

Sila resta silencieuse mais son sang bouillonnait. Elle savait que cette histoire finirait mal...

******

Mary serra des dents durant des mois entiers. Elle se laissa faire tant qu'il le fallut, mijotant sa revanche, inventant milles facéties qui les fassent rompre. Elle faisait tout pour que Théobald la remarque, sauf qu'il n'avait d'yeux que pour sa bourgeoise stupide. Pourtant, elle ne la lâcherait pas. Elle était certaine qu'elle convenait mieux à Théobald que cette écossaise née d'un barbare et d'une souillon.

Que lui trouvait-il après tout ?

Elle n'avait guère plus que son patrimoine à son actif et elle faisait tout pour que Sila s'en rende compte. En revêtant sa robe et ses diamants et en simulant une grossesse inexistante, son but avait été atteint. L'épouse flagellait le mari du regard, elle refusait même de dormir avec lui, croyant férocement que son époux la trompait. Elle ne se doutait pas de cette habile machination, qu'elle contrôlait si lestement. Chaque fois qu'elle surprenait le regard jaloux de l'épouse, elle en riait de contentement. Depuis le temps qu'elle attendait ça. Depuis le temps qu'elle voulait le voir se tourner vers elle, le moment était enfin venu. Elle était sûre que, lassé, son époux se détournerait et qu'elle se retrouverait reine de ce palais.

Lorsqu'elle le voyait traverser la cour de l'orphelinat, elle le trouvait fascinant. Théobald venait toujours seul et à son arrivée il se dirigeait vers elle. Elle croyait fermement qu'elle l'intéressait.

Se leurrait-elle ?

Une femme apparut un jour à son bras, la coiffure haute et l'allure chevaline, accompagnée de deux petiots. Mary se pétrifia. Elle souhaita l'évincer de ce trône qui aurait dû lui appartenir.

Théobald était à elle!

Elle insista, le poussant dans ses derniers retranchements. Il persista, en s'éloignant d'elle pour ne pas succomber et finit par capituler.

******

"Il fait si bon dehors! Je pourrais mourir à l'instant dans les bras de celui que j'aime"se dit Mary Gray en se rapprochant de son nouvel amant.

Sila et les enfants, s'étaient endormis dans leurs chambres. L'époux rejeté couchait dans une des chambres adjacentes. Il en avait assez de l'indifférence de sa bien-aimée qui lui reprochait mille folies lorsqu'il était absent. Il ne comprenait pas. Pourquoi lui en voulait-elle ? Qu'avait-il fait de si répréhensible? Il gigotait, ne trouvant pas le sommeil, la tête emplie de ses interrogations. Il en avait assez d'être ainsi traité. Il sortit donc pour se diriger vers la chambrée de sa nouvelle confidente.

Il croyait en elle et pensait qu'elle pourrait l'aider à percer les secrets de sa conjointe. Mary lui avoua alors une chose horrifiante. Elle lui raconta qu'un certain comte de W. leur rendait visite tous les jours en fin d'après-midi. Théobald en perdit l'appétit. Il fut si chagriné que Sila aussi, s'en rendit compte.

Il ne voulait plus de sa présence à ses côtés, il n'avait plus aucune confiance en elle. Il sentait sur elle le parfum fictif de cet amant qu'elle n'avait jamais eu. Théobald était désorienté.

Qu'allait-il faire ?

Devait-il répudier sa ravissante épouse ?

Assassiner le trublion qui avait pris sa place en le provoquant en duel ?

D'un autre côté, il ne voulait pas que l'infidèle puisse voir ses larmes couler pour elle. Il tournait en rond et revenait constamment vers celle qui lui disait tout, Mary. Il n'écoutait plus sa femme qui devint le fétide serpent qui s'était glissé dans son lit. Plus, il s'éloignait, plus l'épouse avait peur, enrageant de son côté que son amour ne la repousse de cette manière.

Le mois passa ainsi sans qu'ils n'échangent un seul mot. Puis Théobald découcha. Sila fut prise d'insomnie, car elle sut qu'il ne s'était pas rendu dans la chambre du fond qu'il occupait depuis qu'ils étaient en froid.

En effet, l'époux était dans les bras de la conspiratrice, mais ne succomba pas totalement à ses charmes. Un verre puis un long baiser s'en suivit. Ils s'allongèrent sur sa couche où Théobald s'endormit, prit d'un soudain malaise.

Il se réveilla, le lendemain, nu, amnésique de la nuit qu'il venait de passer.

- Que s'est-il passé? demanda-t-il à Mary.

L'amante le regarda amoureusement, touchant tendrement son dos velu.

- Tu le sais, minaudait-elle en battant des cils. Toi et moi...on a passé un merveilleux moment !

Théobald comprit alors. Sila lui manquait et il manquait à son épouse. Après cette nuit agitée, l'époux sut a quel point il l'aimait. Dès le lendemain, il s'empressa de lui demander son pardon. Ils se rapprochèrent tous deux, sans savoir que bientôt la mort tacherait à jamais les murs de leur maison.

******

Mary regardait jalousement cette femme, indigne de l'amour d'un tel homme. Elle la regardait profiter de sa délicatesse et se vêtir de ses biens. Elle jalousa, jour après jour, cette abjecte déférence et fomenta ce qui deviendrait la pire ignominie de ces temps.

Il y avait dans la maison une arme qu'elle admirait chaque matin en faisant le ménage. Un objet si lourd que personne n'aurait pu imaginer le voir tirer de son écrin.

Elle voulait maintenant se débarrasser de l'importune qui lui volait son amant et faire en sorte qu'il revienne dans ses bras. Elle était certaine qu'il l'aimait depuis leur  première rencontre. Qu'il avait besoin d'elle. Et qu'elle était la seule à pouvoir le libérer de ce mariage d'indifférence.

"N'était-ce pas pour ça qu'il l'avait choisie parmi les autres?

N'était-ce pas pour cela qu'elle était là, en ces lieux, aujourd'hui ?"

Sila et Théobald de leur côté continuèrent leur vie, comme si rien ne s'était passé. L'homme tenta ensuite de discuter et convaincre Mary de ne rien dévoiler de leur liaison, à personne. Elle crut alors qu'il était temps que Sila disparaisse.

   Au milieu de la nuit, la jeune femme se leva. Elle ôta le fusil de la vitrine et le porta jusque devant la porte de son amant.
Il était allongé au côté de sa dame. Elle en eut le cœur brisé. Elle souleva  alors l'objet et pointa le viseur sur sa rivale. Sila ouvrit les yeux. Théobald, surpris, ouvrit les yeux et bondit du lit en repoussant l'arme des mains de la donzelle qui se débattait.

La balle sortit alors de son étau et le toucha en plein coeur. Théobald s'écroula, en priant pour la femme qu'il aimait encore. Son épouse accourut à son chevet et hurla en serrant son corps, l'implorant de revivre, tandis que Mary s'approchait pour la frapper. Théobald lui avait refusé son amour. Ils auraient pu vivre heureux ensemble, mais il lui avait préféré Sila. Pourtant en le voyant au sol, elle n'eut qu'une idée. Elle ne voulait pas d'un monde exsangue de lui. Elle pointa l'arme encore sanglante contre son sein, offrant sa vie à son bien aimé.

Une monstrueuse ombre surgit soudain. Il s'interposa entre les deux femmes pour fondre sur Mary et lui dévorer le coeur avant de disparaitre devant le regard interrogateur de l'épouse, qui avait assisté à la scène, mais dont les souvenirs restèrent flous quant au déroulement des faits.

Quelques mois plus tard, elle mettait au monde un enfant aux yeux les plus clairs qu'elle n'ait jamais vus. Un regard si pâle que l'on n'y voyait plus qu'un immense néant.

*****

Tels furent les mots inscrits au journal de Leroy Cain plusieurs années après le drame. Il relate le récit d'une femme, d'une mère, qui vit le monstre ce soir-là et qui contribua à alimenter la légende de sa famille. Son frère, David, qui naquit ensuite abrita cette force inconnue qui le rendrait monstrueux pour la vie. Ses frères moururent dans des circonstances tous aussi étranges que leurs parents. Jamais leurs dépouilles ne purent être retrouvés.

Personne ne comprit quelle malédiction put être jetée sur la maison des Cain après ce drame, qui laissait encore de multiples interrogations derrière lui.

Ambroise Caïn, le descendant de leur lignée, vécut le même drame quelques décennies plus tard. Il survécut à l'attaque qu'avait dressée son amante à l'encontre de sa femme alors enceinte de plusieurs mois. Il pria et pria encore jusqu'à la fin de ce cauchemar.

Diwan Cain naquit plus tard avec les yeux bleus du père. La maitresse mourut avant qu'il ne signe les papiers d'un divorce qui lui coûta bien plus cher qu'aucun mariage princier.

Toutefois, il fut heureux de s'en sortir la tête encore collée au tronc. Et bien que pour beaucoup d'hommes ces mésaventures aient pu servir d'exemples, pour Ambroise Cain, elles ne furent que les prémices d'une vie remplie de mensonges et de subterfuges divers.

Il mourut, des années plus tard, à Kaboul, d'une maladie pulmonaire foudroyante, même si en son for intérieur Diwan eut préféré qu'on l'ait eu fait assassiner. Il fulminait, maudissant le père qui lui avait légué le monstre qui se propagerait parmi les siens, faisant d'eux des êtres contre nature pour les siècles à venir. Car, à cette occasion son géniteur lui envoya une petite fille pas plus haute que trois pommes, une gamine qui venait d'avoir cinq ans et qui s'appelait Sila, comme son aïeule. Celle-là même qui, un siècle plus tôt, fut attaquée par la maitresse de son mari volage ...

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