LÉNAÏC
Ma bonne humeur fondit comme neige au soleil quand la première personne que j'aperçu en entrant dans le Zénith de Toulouse fut Raphaël.
Ou plutôt le zombie de Raphaël qui errait comme une âme en peine.
Je pensais m'être fait à la décomposition de son visage depuis deux semaines qu'il était comme ça, mais l'avoir quitté une nuit me mit une claque dans la gueule.
-Raph ?
-Oh Len t'es déjà là ?
-Il est 17h gros.
-Je sais. Mais je croyais que tu rentrais juste pour le concert. Juliette va bien ?
-Ouais super.
-Vous avez passé une bonne soirée ?
-Super. Et toi avec Guillaume ?
Il se contenta d'hausser les épaules avant de rejoindre Brian qui venait de l'appeler.
Je retrouvais Guillaume en train de fumer une clope dehors.
-T'en tires une de ces gueule !
-Je viens de voir Raph.
-Ah. Grimaça t-il.
-Ça a été hier ?
-Dur mais il a survécu.
-Il t'a parlé d'elle ?
Il secoua la tête en expirant la fumée.
-Il pense encore que l'évoquer brisera une deuxième fois son cœur. Et toi avec Juliette alors ?
-On a passé une bonne soirée une fois la crise existentielle sur le sens de notre couple passée.
Il esquissa un sourire en coin.
-Quoi ?
-Rien.
-Arrête et accouche.
Il leva les mains devant lui comme signe de défense.
-Tu ne vas pas aimer ce que je vais te dire et t'as pas l'air d'assez bonne humeur pour bien le prendre alors....
-Crache le morceau Guim.
-Ça fait 8 ans que vous tournez en rond.
-Comment ça ?
-Les quatre premières années vous aviez vos breaks à la con et après quand ça vous est passé on est parti sur ça. Toujours des questions auxquelles vous ne répondez toujours qu'à moitié et que vous repoussez...
-C'est pas vrai.
-Tu sais que ça l'est. Tu te vois vivre toute ta vie avec quelqu'un que tu ne sais jamais comment prendre ?
-Tu ne la connais pas.
-Pas autant que toi non mais...
-Il n'y a pas de mais.
-De toute manière tu te braques dès qu'on veut parler de ton couple.
-Et pourtant tu trouves toujours le moyen de me casser les couilles avec ça.
-Tu mérites juste d'être heureux. C'est pas parce que t'es avec quelqu'un depuis 8 ans que tu dois passer le reste de ta vie avec, on a à peine trente piges...
-Vous parlez de mon anniversaire ? Demanda Enzo en s'allumant une clope.
-Non de Len et Juliette.
-Ta petite nuit t'as requinqué ?
-Vu la gueule qu'il tire...
-Oh t'es relou Guim. Le coupa Enzo.
-T'as pas d'avis toi ?
-Sur son couple ? Non. Tout le monde n'est pas comme toi à avoir un avis sur tout tu sais. Et je ne m'en porte pas plus mal.
-Tu trouves qu'il a l'air heureux ?
Sympa de parler comme si je n'étais pas là.
-Il a petite mine mais on est en pleine tournée. Peut être qu'une baise plus régulière aiderait mais ça se mérite une relation avec un mannequin. Répondit-il en me faisant un clin d'œil.
-C'est pour ça que tu restes avec elle ?
-Je suis avec elle parce que je l'aime. Répliquais-je sèchement.
-Ça ne sert à rien de te braquer. Je t'avais dis que t'allais pas aimer ce que je voulais te dire.
-Mais tu ne te dis jamais que tu vas le garder pour toi ?
-Je ne peux qu'être honnête avec vous.
-Alors que t'as jamais été en couple autant de temps. Railla Enzo.
-Toi non plus.
-En tout cas, moi au moins je sais garder ma copine.
-C'est très classe ça Len.
-Arrête de me casser les couilles.
-C'est toujours pareil avec vous ! Vous abordez toujours les sujets qui fâchent et vous finissez toujours par vous étonner de vous engueuler. Vous êtes maso ? Juliette ne te fouette pas assez fort ? Détends ton slip Len c'était une blague. Je vous laisse avec vos têtes de con, je dois voir Richard.
-Je dois voir Brian. Lâchais-je à mon tour avant d'écraser rageusement mon mégot sur la poubelle.
J'avais toujours eu cette relation chien-chat avec Guim ce qui n'enlevait rien à tout l'amour que je lui portais. Mais sa franchise décomplexée et ma tête de con menaient toujours à des embrouilles de merde.
Je lui demandais ce qu'il pensait pour toujours finir par le regretter en me vexant avant de prendre du recul et de réaliser qu'il avait raison. Cette réalisation me gavait encore plus mais je finissais par redescendre de mes grands chevaux et on se posait dans un coin tranquille tous les deux avec un petit verre ou un petit joint pour refaire le monde.
Pour le moment j'étais loin de la phase finale et je bouillonnais encore qu'il puisse donner son avis sur ma relation dont il ne connaissait pas le tiers.
Raphaël avait toujours été celui avec qui ça avait été facile de parler cœur, il était le meilleur de nous tous dans ce domaine et donnait toujours de très bons conseils.
Mais en ce moment il n'était pas le mieux placé pour parler histoire d'amour.
Après les balances, Juliette me passa un coup de fil pour ne pas dire grand chose et je rejoignis les garçons pour manger.
Ils étaient en plein débat sur le dernier album de Drake que j'écoutais distraitement en torpillant mon assiette de pâtes avant d'ouvrir Instagram pour faire une story.
Juliette avait posté une photo d'elle dans un avion.
"@mister_bn : tu me manques déjà ❤️⚡"
Je slidais ensuite dans mes DMs. Les gars m'avaient envoyé tout un tas de connerie que je survolais avant de jeter un coup d'œil dans mes invitations.
J'y allais rarement mais la quantité de messages que j'avais était toujours affolante.
La majorité étaient des messages de petites nanas qui se pensaient amoureuses ou qui pensaient pouvoir me chauffer.
Le message que je venais d'ouvrir relevait de la deuxième catégorie et après avoir levé les yeux au ciel face à tant d'audace, je cliquais sur le profil pour voir à quoi ressemblait vraiment cette fille.
"20y 🌼 15.10 ❤️ B. 💍"
Non seulement elle avait dix piges de moins que moi, mais elle avait aussi un mec.
Je découvris une photo de moi sur son profil, je l'avais croisé il y a quelques semaines à Lille et on avait fait une photo. Mais je n'avais aucun souvenir de son visage.
Une notification me sortit de mon scrollage, Juliette avait répondu à mon commentaire.
"@juliette_blanchard : je t'aime @mister_bn ❤️❤️"
-Len?
-Uhm?
-Tu te bouges on y va là.
-Ouais j'arrive.
-Raph c'est pareil pour toi.
Si je m'étais perdu dans mes pensées, Raph était carrément parti sur une autre planète. Tous les garçons quittèrent la loge et je m'approchais de lui pour poser ma main sur son épaule.
-Raph.
Il eu un sursaut.
-C'est l'heure ?
-Ouais.
-Désolé j'étais encore à l'ouest.
-Ne t'excuse pas.
Je passais mon bras autour de ses épaules pour l'entraîner avec moi vers le côté de la scène pour qu'on se fasse microter.
-T'es sûr que ça va toi ?
Si même Raph le zombie me trouvait soucieux, c'est que je devais vraiment avoir l'air tracassé.
Foutu Guim et ses remarques de merde.
Je repoussais une énième fois le sujet de mon couple pour me concentrer sur le concert.
On avait arrêté les séances de dédicaces il y a quelques semaines pour éviter un harcèlement de masse vis à vis de Raph. C'était lui la coqueluche que tout le monde voulait voir mais il n'était pas d'humeur à déjouer les assauts et questions de dizaines de fans. On s'efforçait à détourner un maximum l'attention de lui en surchargeant nos réseaux de posts inutiles et notre stratégie semblait être payante pour le moment.
Après le concert, on se posa un instant la question de si on allait terminer la soirée en boîte mais tout le monde semblait trop éclaté pour ça.
Nolwenn m'avait envoyé ses derniers croquis par mail et je me posais dehors avec une clope pour les détailler tranquillement.
Guillaume ne tarda pas à me rejoindre pour se poser à mes côtés en silence.
"A : Nono
C'est génial sœurette, je t'appelle demain dans la matinée si t'es dispo j'ai eu quelques nouvelles idées. En tout cas j'adore ! Bonne nuit"
Je naviguais ensuite brièvement sur les réseaux en fumant une deuxième clope.
-Je crois que je suis frustré. Lâchais-je finalement.
Guillaume releva les yeux de son écran sans rien dire.
C'était sa technique quand il m'avait vexé une fois, d'attendre que j'en dise plus pour être certain que je n'allais pas l'envoyer chier encore.
-Je sais pas précisément pourquoi mais je suis frustré.
-Sexuellement ?
J'haussais les épaules.
-Entre autres.
-Je t'ai déjà donné mon avis Len.
-Mais on ne se séparera pas. On s'aime trop pour ça.
-Regarde Raph..
-C'est pas pareil. Ils voulaient ce qu'ils ne pouvaient pas avoir. Nous on a tout ce qu'on veut. J'ai le beurre, l'argent du beurre et même le cul de la crémière mais ça ne me suffit pas.
-Il te faudrait quoi de plus ?
J'haussais une nouvelle fois les épaules.
-Je l'aime. Énormément. Plus que n'importe qui avant elle. On s'est trouvés tous les deux. On avait chacun notre background et nos histoires mais on a toujours fait ressortir le meilleur de l'autre. C'est la seule que je n'ai jamais trompé Guim.
-Mais récemment t'y as pensé.
-À la tromper ?
-Ouais.
-Non. Mais on a de moins en moins de temps l'un pour l'autre. Quand on est ensemble et qu'on a passé le quart d'heure de remise en question traditionnel, tout va bien. Me regarde pas comme ça, je t'assure que tout va bien. Mais dès que je reprends un train ou elle un avion, j'ai la sensation de revenir à une sorte de case départ. J'ai toujours eu la tête occupée avec mes projets mais après huit ans je ne trouve plus ça aussi fun qu'au début les baises torrides entre deux rendez-vous.
-Tu deviens un homme mature fais gaffe.
-C'est ce que Juliette m'a dit.
-Tu vas faire quoi à la fin de la tournée ?
-Certainement la suivre sur ses fashion week pour grappiller un peu de temps avec elle.
Il hocha la tête.
-Vas-y, c'est quoi ton diagnostique ?
-Tu manques de cul frère.
-Et je fais comment pour y remédier en pleine tournée alors que ma meuf est à l'autre bout du monde ?
-Tu te sers de ta main.
-Très drôle. Je ne la tromperais pas Guillaume. Jamais.
-Comment t'as pu toutes les tromper avant elle puis t'inventer subitement des principes ? Je dis pas que c'est mal hein, ça me ferait chier que tu trompe Juliette, mais ton cerveau a vrillé du jour au lendemain.
-Je lui ai promis.
-De ne pas la tromper ?
-En gros, ouais.
Je lui avais surtout, pas promis, mais assuré et ensuite prouvé que je ne la ferais jamais souffrir, d'aucune manière que ce soit.
-Si elle est au courant c'est pas tromper.
-Genre un couple libre ?
-Je te dis ça mais j'en serais incapable moi. Je suis bien trop jaloux pour ça.
-Ça fait des années que j'ai arrêté d'être jaloux vis à vis de Juliette, je serais devenu fou sinon.
Son idée me traversa un instant.
Être en couple avec Juliette et avoir d'autres relations sans aucune attache ?
La partie sombre de ma conscience me souffla que les vieux démons ne partaient jamais bien loin en fin de compte.
Guillaume me mit un petit coup de coude.
-Tires pas cette gueule, c'était une blague. Je te donne juste mon avis en tant que personne extérieure mais si tu es heureux Len c'est tout ce qui m'importe. J'ouvre ma grande gueule mais j'ai pas toujours raison. Je la connais pas bien Juliette, j'ai toujours eu l'impression qu'elle avait une sorte de double visage en fait.
-Elle a juste besoin d'être rassurée. On ne tourne pas en rond et on ne déplace pas les questions qui restent en suspend éternellement. Si on avait eu des vies normales on en serait certainement plus loin mais ce n'est pas le cas et on est tous les deux attachés à nos carrières. La voir réussir me rend fier et inversement. Je ne serais jamais égoïste au point de lui briser le cœur, pas après tout ce qu'elle a vécu.
-Mais toi ton cœur ?
-Elle le brisera peut être un jour. Répondis-je en haussant les épaules. Mais il y aura moins de miettes que si c'est le sien qui éclate le premier.
Il failli ouvrir la bouche pour me demander plus d'explications mais Medhi nous rejoignit ce qui coupa court à la conversation.
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Le retour de Guillaume je me mêle de tout !
Mais Len n'est pas aussi chill que Raph ...
Vous sentez le début de la merde arriver ? Les conversations entre mecs à la con ?