Un sifflement. Comme un acouphène sans fin. Seungmin aurait voulu se boucher les oreilles, mais sa présence dans cet ouragan n'était pas matérielle. Autour de lui, tout volait, les sons, les images, et autre chose qu'il ne parvint pas à identifier. C'était comme s'il était dans le ventre d'Alkun, et il n'avait jamais rien senti de si terrifiant. Pendant plusieurs minutes, il fut incapable du moindre geste ou de la moindre pensée cohérente, complètement figé.
Plusieurs minutes, c'était largement suffisant pour permettre à l'énergie de Hyunjin de se vider entièrement.
« Qu'est-ce que tu essaies de faire, Seungmin ? »
Seungmin se tenait là, les bras ballants, la conscience flottant au milieu de nulle part, dans un véritable tsunami de douleurs.
Pourtant, il revint à lui, et d'un coup, il redevint parfaitement lucide.
Ils n'auraient pas pu gagner.
Autour de lui, des débris de vie volaient, celles qu'Alkun avait arrachées. Il vit des sourires, entendit des pleurs, aperçut la lumière sous une porte en bois.
« Qu'est-ce que tu dis ? »
Seungmin tourna la tête, le vent passait sur lui sans rien lui faire. Le tourbillon semblait infini.
Ils se sont battus, ont fait des recherches sur toi, ont cru pouvoir me sauver. Mais ils n'auraient pas pu gagner, n'est-ce pas ?
C'était étrange, comme sa conscience n'avait rien de matériel, et pourtant, comme ça brûlait.
Parce-que jamais ils n'auraient pu t'atteindre. Tu es bien au-delà de ce qu'ils peuvent espérer toucher. Ils voulaient supprimer les Élus, faire cesser ce cycle, mais jamais ils n'en auraient eu la capacité. Tout ça... C'était voué d'avance à l'échec.
En bas, Hyunjin était peut-être déjà mort. Il ne savait pas.
Ou peut-être qu'Alkun avait cessé de dévorer son énergie pour écouter ce qu'il disait.
« Tu as raison. Je suis heureux que tu le comprennes enfin. Les hommes croient dur comme fer en l'espoir, mais l'espoir, ça ne mène nulle part face à plus grand que soi. »
Et peut-être que c'était lui, qui était mort, au final. Alkun l'avait recueilli en lui comme tous les Élus avant. Oui, peut-être bien.
Peut-être. Ils ont eu tort de vouloir se battre pour moi. Il n'y avait plus rien à faire au moment même où je suis né.
Seungmin continuait de scruter l'obscurité de ses yeux aveugles, alors qu'il réalisait peu à peu que tout ce qu'il croyait voir, il ne le voyait pas. Il ne faisait que le sentir.
« C'est comment, Seungmin ? D'être à ma place ? De ne rien voir, mais de savoir bien plus qu'en regardant ? »
C'était ça. Cette sensation. La sensation que tout ce qui l'entourait était accessible alors même qu'il ne se servait plus de ses yeux.
Il frôlait ces courants et ces bourrasques, et il sentait ce que chacune d'elles portait.
Des souvenirs.
Il y en avait de partout. De tant de gens. Il n'aurait su dire. C'était plein de morceaux de mémoire, comme des vitres brisées, un puzzle de vents.
« Toi aussi, tu as encore de l'espoir. L'espoir que je n'aie pas tué Hyunjin. Tu voudrais arrêter d'y croire, mais tu ne peux pas t'en empêcher. L'homme est faible. Il n'accepte jamais de perdre. »
Seungmin ferma les yeux, et cette action superflue l'aurait fait rire dans un autre contexte. Sa conscience sautait de souvenir en souvenir, ici un rire, ici un soleil, ici des lendemains. Des résidus de mémoires à la chaîne, essoufflés par des années d'errance.
Et un rire au milieu des autres, différent.
Il suffisait de tendre la main.
Si tu me tues, que Hyunjin soit en vie ou non, ça ne fera plus de différence pour moi.
Ses doigts se tendirent, il effleura la surface d'un souvenir, écarquilla les yeux quand des voix en jaillirent.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ?
- Rien, j'aime bien quand tu ris, c'est tout. »
Les voix s'éteignirent et il s'éloigna du souvenir comme si on l'avait brûlé.
« Seungmin... ? Qu'est-ce que tu fais ? »
C'est... C'est à moi, ça... C'est ce que tu m'as volé !
Seungmin s'approcha à nouveau, attrapa le souvenir.
« On ne sait jamais ce qu'on est, Seungmin. On sait juste ce qu'on veut. Si tu ne te laisses pas être toi-même à l'instant... Tu ne le seras jamais. »
« Seungmin... Ne touche pas à ça ! Lâche-le ! »
Le jeune homme s'accrocha fermement au souvenir alors que des bribes de conversations lui revenaient. Sur sa rétine vide se dessinaient les traits de Hyunjin sur un ciel étoilé.
« Peur que dans ton coeur, je ne sois qu'une simple rencontre, et que je le reste. »
Tu as toujours été bien plus que cela.
« Peur que tu oublies que je me suis tenu là, contre cette rambarde, sous ce ciel là, avec toi. »
Je ne veux plus oublier !
« Seungmin ! Arrête ! »
« Tu me pardonnes... ? »
Peut-être qu'en bas, dans la jungle, le corps de Seungmin était effondré, sans vie. Et peut-être que, relié par un fil fragile à sa conscience bien plus haut, sa peau brûlait, et ses joues étaient couvertes de larmes.
« Je suis peut-être tombé amoureux de toi. »
Et même s'il n'avait plus d'yeux, Seungmin pleurait toutes les larmes de son cœur.
Il l'avait retrouvé. Il se souvenait de Hyunjin. Ses souvenirs avaient erré pendant tout ce temps dans cet ouragan aveugle, et il avait fini par les retrouver.
Quand Alkun parvint à lui faire lâcher prise, il avait tout récupéré, ou au moins l'essentiel. Les étoiles d'une nuit sous un dôme dansaient dans son esprit. Et le souvenir de Hyunjin avait ravivé la flamme en lui.
« Ça suffit ! »
L'acouphène s'était tu. Seungmin avait l'impression de s'être débarrassé de cet affreux sifflement. Il naviguait toujours entre les souvenirs éparpillés, dans les courants de vents qui portaient sa conscience, mais les cris s'étaient tus. À la place ne restaient qu'une petite mélodie perdue dans sa mémoire, et un rire, un rire qui changeait tout.
Tu as raison. Ça suffit.
Seungmin serra la poing et se mit à tourner sur lui-même, comme s'il cherchait son adversaire.
Je ne peux pas m'abandonner si facilement !
« Si c'est toi et moi, on arrête de réfléchir, on y va juste. »
J'ai vu juste. Ils se sont battus, et ils n'auraient jamais gagné. Leur mission, tout ce qu'ils ont fait, tout était perdu d'avance.
Il faisait toujours noir, pourtant rien n'avait jamais été si clair dans l'esprit de Seungmin. Pas besoin de voir quand on sent.
Pas besoin de voir quand on sait.
« Tu penses que le monde tourne autour de toi, sans que tu puisses y intervenir, comme un observateur passif. La vérité, c'est que le monde, c'est toi qui le fait tourner. »
Alors maintenant, à moi d'essayer.
Le vent venait caresser sa conscience, sans qu'il n'y sente plus rien d'hostile. Comme s'il s'était fondu dans ce milieu, qu'il ne faisait plus qu'un avec l'entité. Comme si même les ouragans les plus violents, il avait pu les apprivoiser.
Et il donna de l'élan à sa conscience pour qu'elle puisse se projeter, plus loin encore, vers le cœur de l'entité. Sur son passage, des voix caressaient son oreille, et des images se construisaient à l'intérieur de son crâne. Ce qu'il sentait, mais qu'il n'avait pas su identifier, ce n'était pas seulement des souvenirs.
Ce tourbillon, c'étaient des âmes.
Toutes les âmes qu'Alkun avait prises, et qui était restées prisonnières de son antre. Toutes, elles étaient là, et elles criaient à l'unisson. Seungmin les sentait, il les appelait à lui. Sa conscience prit de la vitesse, vers le coeur du trou noir. Et tant pis s'il s'y abîmait à jamais.
Les âmes venaient se rattacher à lui, il les arrachait à leur toile venteuse pour faire corps avec elle. Et jusqu'au fond de ses tripes, il entendit Alkun hurler.
« Peu importe ce que tu fais, arrête ça ! Tu espères pouvoir venir à bout de moi comme ça ? Jusqu'ici, tu m'as bien amusé. Aucun Élu n'a osé aller si loin. Mais... »
Seungmin perçait l'ouragan, jusqu'à arriver tout près du cœur. Ici, il brûlait encore plus qu'auparavant. Alkun était une fournaise, un feu ardent, le cœur d'un volcan. Mais il ne lâcherait pas prise. Avec lui, il entendait les voix mélangées de toutes ces âmes, tous ces Élus avant lui, et peut-être d'autres. Ces êtres errants qui se battraient avec lui contre l'entité qui les oppressait.
« Mais il est temps d'en finir, Kim Seungmin. Je n'ai plus besoin de toi. Un nouvel Élu sera nommé bientôt, et toi, tu n'as plus de forces. Je te l'ai puisée jusqu'au bout. Tu tomberas de fatigue avant de m'atteindre, et avant même que je n'aie pu tuer Hyunjin, tu seras déjà mort. »
Seungmin fronça les sourcils, lancé sur sa trajectoire, des flammes immatérielles lui brûlant la peau. Il avait l'impression qu'un millier d'âme s'était attaché à sa carcasse.
Et soudain, il sentit une âme le frôler, plus forte que les autres. Chaude, mais pas brûlante. Une âme qui vint directement caresser son cœur. Et une nouvelle voix retentit, et cette fois, Seungmin sentit son être entier être ébranlé. La voix était si douce. Elle ne murmura qu'un mot, ou plutôt un nom : le sien.
« Seungmin... »
Si seulement il avait pu pleurer, plus rien n'aurait pu le retenir. Il tourna la tête, toujours aveuglé, mais c'est comme s'il voyait parfaitement qui se tenait à ses côtés. Un visage se dessina dans son esprit, un visage qu'il reconnut, qu'il avait déjà vu. Sa mémoire l'avait effacée, car cela remontait loin ; mais alors que l'âme le frôlait, son visage lui revint. Ce sourire, cette voix douce, la chaleur qui l'accompagnait, le sentiment d'être aimé.
Sora...
Et il put presque sentir l'âme qui le suivait sourire. Elle était là. Juste à côté de lui, et elle se tenait à lui, fort, en guidant toutes les autres.
Et si elle était avec lui, plus rien ne pouvait l'arrêter.
Il sentit, pendant une poignée de secondes, ses souvenirs à elle, qui se transmettaient dans le contact de leurs conscience. Il vit Moon dans les dunes, Aaron et Saul dans les bras l'un de l'autre, Yahnan, qu'il n'avait jamais vu, le véritable père du garçon qu'elle portait. Il se vit, enfant, de ses yeux à elle. Il vit la chambre, entendit les pleurs. Elle n'aura jamais pu apercevoir le visage de son enfant.
L'âme de Sora, près de lui, était trop effacée pour pouvoir réellement l'atteindre. Aucune phrase ne se formait. Mais Seungmin, sans voir ni entendre, sut ce qu'elle disait.
« Je suis avec toi. Tu es celui qui peut arrêter Alkun. Tu dois croire en toi, et je t'aiderai. Nous t'aiderons tous. »
Seungmin acquiesça dans le vide, et se reconcentra sur son objectif. Quand il pénétra enfin dans le cœur d'Alkun, les flammes lui frôlèrent la conscience, et il hurla.
Il suffisait de tendre la main. En bas, Hyunjin respirait toujours. Jeongin l'attendait dans sa montagne vide. Sur Oberon, sa mère, Ryujin, Yeji, Saul, tous l'aimaient et attendaient son retour. Il ne se permettrait pas de les décevoir.
Sa main se tendit, doigts écartés, image de fumée dans un ouragan immatériel. Le cœur était tout proche, le feu ardent brûlait droit devant lui.
« Seungmin... Je vais te tuer... Et tuer Hyunjin... Et je ne m'arrêterai pas là... Je tuerai tous tes proches, toute ta famille... Tu ne mesures pas encore ma puissance... »
Seungmin avait l'impression de sentir ses entrailles brûler, mais il ne ralentit pas.
Ta puissance, peut-être que non. Elle m'a dépassée de nombreuses fois, et pourrait continuer à le faire.
La main se tendit encore, frôla le cœur. Un hurlement retentit, et s'il venait d'Alkun ou de Seungmin, c'était impossible à dire. Peut-être les deux.
Mais à l'instant, je mesure parfaitement ta faiblesse.
Le poing se referma sur le cœur, et Seungmin manqua de tout lâcher. Le cœur d'Alkun était plus brûlant que le magma en fusion. Sa conscience vacilla, ses dernières traces d'énergie s'envolèrent. La vitesse du vent augmentait alors qu'Alkun agonisait. Seungmin serra plus fort, la lave se répandit sur sa conscience. Comme si elle se frayait un chemin pour brûler vive l'âme du garçon. Et peut-être qu'il en mourrait.
Seungmin sentait de plus en plus la chaleur. Alkun tentait de se maintenir en vie en avalant les dernières traces d'énergie qu'il restait à l'Élu. C'était ainsi que Seungmin devait mener à bien son rôle : en donnant à l'entité jusqu'à la dernière goutte de son énergie vitale. Et il la sentait, cette vie qui quittait son corps en bas, et sa conscience en haut. Sur le cœur d'Alkun, encore chaud et palpitant, sa main lâchait déjà.
Je ne suis pas assez fort...
Mais le coeur ne lui échappa pas. Alors que sa main fuyait, il sentit une autre main se poser contre la sienne.
Sora.
Et bientôt, des milliers de mains vinrent lui prêter leur force. Ici, tous étaient morts depuis longtemps déjà ; mais ici, rien n'était matériel. Les âmes errantes ont le même pouvoir que le cœur battant de Seungmin, à condition de les guider. Alkun hurlait quand son cœur s'effondrait sur lui-même et que le feu s'essoufflait. Et Seungmin parvint presque à sourire.
Tu as raison. L'humain est stupide, impossible à raisonner. Il continue d'espérer même lorsqu'il est perdu, ballotté dans l'obscurité et aux portes de la mort. Et ça, c'est une force que tu n'auras jamais.
Dans une dernière salve d'énergie, Seungmin serra le poing un peu plus. L'obscurité, la chaleur, tout se mélangeait ; et contre lui, il sentait l'âme de Sora, comme une dernière étreinte, et la chaleur de cette femme qui lui disait qu'elle l'avait aimé.
Je me souviens de toi, Sora. Et quand tu pourras enfin partir, je te promets que je ne t'oublierai jamais.
L'oubli, cela terrifie. On a peur d'oublier les visages qui nous sont chers. On a peur d'oublier qui on a été. Et parfois, on se force à oublier ce qui est à l'origine de notre terreur.
Saul a dit à Moon ce qui allait arriver à Seungmin, et elle s'est forcée à l'oublier.
On a peur, parce que l'oubli c'est humain, que c'est parfois trop de barrières.
Sora... Tu peux partir sans avoir peur d'être oubliée.
Le poing se serra, l'étoile s'effondra, et quand la vague déferla, la supernova emporta tout.
Seungmin lâcha prise et il sentit sa conscience basculer. Pendant une fraction de seconde, il sentit l'âme de Sora l'effleurer une dernière fois, et le « merci » silencieux qu'elle libérait. Les âmes s'envolèrent en valsant, emportées par le trou noir que la supernova avait créé. Toutes plongèrent dedans, libérées de l'emprise de l'entité qui les avait dévorées. Les cris cessèrent, le vent faiblit.
Alkun n'était plus.
Seungmin l'avait tué.
Lentement, les morceaux calcinés de sa conscience volèrent, comme des plumes abandonnées à la gravité, et il se laissa aller, à bout de forces.
Son esprit redescendit en virevoltant vers le sol. Aussi léger qu'un morceau de cendre.
Entre la vie et la mort, sans savoir encore où il était vraiment. L'obscurité l'avait engloutie, il avait encore la sensation de brûler. Suspendu, comme le jour de l'Éveil, sans savoir à quelle hauteur.
Le trou noir ne l'avait pas avalé. Il l'avait laissé redescendre, là où l'humidité de Miranda pourrait éteindre le feu.
Maintenant, ouvre les yeux, et vois.
Les rayons du soleil passent à travers la fenêtre pour orner le piano d'un voile de lumière. Les magnolias sont en fleurs. Dans les jardins, des rires résonnent.
Où suis-je ? Quelle heure est-il ?
- Oh bordel de merde.
Jeongin fendit la végétation et se précipita vers les deux corps allongés dans la jungle. Sa gorge se serra.
- Qu'est-ce que... Ils dorment ?
Jeongin se précipita vers Hyunjin et passa doucement sa main sur le visage du jeune garçon.
- Je ne pense pas. Ils sont plutôt inconscients.
Jisung s'accroupit près de lui en grimaçant.
- Bon, au moins, c'est bien lui qu'on a entendu crier. Donc il a pas perdu conscience y a très longtemps. Son pouls ?
- Son cœur bat. Occupe-toi de lui.
Jisung acquiesça et prit la place de son ami pour s'agenouiller près du pilote. Hyunjin avait le visage creusé et des sillons de larmes se dessinaient sur ses joues. Mais il respirait normalement. Jisung le secoua doucement.
- Jinnie, eh, debout. Arrête de faire le malin. T'as pu faire ton intéressant, maintenant on se réveille, hop hop hop.
Jeongin leva les yeux au ciel en se dirigeant vers Seungmin. La boule dans sa gorge grossit et il tomba auprès de son cousin.
- Seung... Seungmin...
Des larmes apparurent au coin de ses yeux alors qu'il prenait doucement la main du garçon inconscient dans la sienne.
Seungmin était plus pâle que jamais. Comme si Alkun l'avait bel et bien vidé. En plus des ecchymoses récentes sur son visage, il avait des traces de brûlures sous les yeux et dans le cou, et quand Jeongin baissa son regard, il vit que sa main droite était noire. Comme si elle avait été plongée dans le feu.
Il s'approcha et murmura :
- Seungmin... Réveille-toi, s'il-te-plaît. Je suis là, tout va bien. Hyunjin est en vie. Alors réveille-toi...
Autour d'eux, la pluie avait cessé. Des gouttes tombaient encore des plus hautes branches, et des oiseaux chantaient.
Seungmin respirait encore. Il n'allait pas mourir.
Jeongin voulait le croire.
- Jeongin... Hyunjin ne se réveille pas.
Le plus jeune soupira en se redressant.
- Il faut les ramener. On va demander un médecin. Je ne sais pas ce qu'ils ont, mais on est pas qualifiés pour s'en occuper. Seungmin a des brûlures, j'ai des crèmes à la maison. Rentrons.
Jisung acquiesça et se retourna vers Hyunjin, inquiet. Il ne le formula pas à voix haute, mais il avait peur que son ami ne se réveille plus.
Parce-que Seungmin était proche de la fin, et que l'entité s'était déjà dressée entre Hyunjin et lui. Il avait peur, cette fois, d'être face à quelque chose qu'il ne pourrait combattre.
Jeongin resta un instant immobile, le regard perdu dans les arbres au loin, pensif. Il ne cherchait pas à dissimuler sa tristesse. Cette jungle était pleine de vie, pourtant, mais il avait l'impression qu'on lui avait arraché quelque chose. Il était arrivé quelque chose à Hyunjin et Seungmin pendant qu'ils n'étaient pas là, et ils ignoraient quoi. Ce gouffre, c'était effrayant.
Mais il sentit sa manche être tirée faiblement, et peut-être que finalement, la vie ne s'enfuyait pas.
- Seungmin !
Le jeune Élu avait les yeux entrouverts et regardait Jeongin sans expression. Il semblait vouloir parler, mais ne pas avoir la force de le faire.
- Ne force pas, tu es épuisé. Je vais te porter à l'abri et soigner tes brûlures. Tout va bien.
Seungmin cligna des paupières lentement, chaque geste semblait demander un effort surhumain. Il avait la gorge asséchée, et ses brûlures commençaient à se manifester. Il avait mal.
Mais il tenta quand même de se redresser. Jeongin prit doucement ses épaules et le stoppa.
- Arrête, t'es pas en état.
Un murmure quitta la bouche de Seungmin, et Jeongin fronça les sourcils.
- Qu'est-ce que tu dis ?
- H...
Seungmin toussa, cracha un peu de sang. Jeongin lui essuya la bouche, paniqué.
- Eh, arrête, tu vas te...
- Hyunjin...
Jeongin se figea dans son élan et soupira.
- Il ne s'est pas encore réveillé, mais il est en vie.
Lentement, il passa ses bras sous le corps de Seungmin pour le soulever. Son cousin se laissait faire comme une poupée de chiffon, sans aucune force.
- Je veux... Le voir...
Jeongin acquiesça et alla déposer le jeune homme en douceur sur les fougères, à côté de Hyunjin qui ne revenait toujours pas à lui. Seungmin tourna lentement la tête pour scruter le visage endormi de son amoureux.
- Il va... Se réveiller... Hein... ?
Jisung se mordit la lèvre et Jeongin hocha la tête.
- Oui. Maintenant, arrête de parler et économise tes forces.
Seungmin se tut et avança doucement sa main pour qu'elle frôle celle de Hyunjin. Jeongin et Jisung le regardèrent sans savoir quoi faire. Ils avaient l'impression que, s'ils détachaient Seungmin de Hyunjin, l'Élu allait faire une crise de panique. Alors ils n'osaient pas le déranger.
- On va quand même y aller, finit par déclarer Jeongin. Il faut vous soigner, et si vous restez ici, vous allez tomber malade.
- Attends...
Seungmin ne parlait qu'en murmures rauques. Les syllabes s'assemblaient lentement, il avait visiblement du mal à faire fonctionner ses cordes vocales.
Il entrelaça ses doigts à ceux du pilote et appela doucement son nom. Encore, et encore. Il avait la terrible sensation que si Hyunjin ne se réveillait pas à l'instant, il ne se réveillerait jamais.
Et Hyunjin ne se réveillait pas.
Une larme quitta l'œil de Seungmin et il serra sa main un peu plus fort avec les maigres forces qu'il lui restait tandis que Jeongin les regardait, impuissant. Une goutte tomba sur le visage de Seungmin, sûrement tombée d'un arbre au-dessus de lui. Et le garçon ferma les yeux alors que sa voix mourut dans sa gorge.
- Eh...
Seungmin rouvrit les yeux aussitôt, et le soleil l'éblouit en passant à travers les branches.
- Je crois que j'ai besoin d'une sieste de quarante-huit heures minimum, moi !
La bouche de Seungmin s'ouvrit alors que ses yeux s'agrandir un peu plus. Jisung rit en se retenant de justesse de frapper le jeune convalescent qui avait pris la parole. Dans son coin, Jeongin poussa un soupir de soulagement.
- Tu nous as fait peur, abruti. Tu te réveillais plus.
- Je savais que je vous manquerais trop si je mourrais, alors je suis revenu.
Même Jeongin rit nerveusement quand Hyunjin se tourna vers Seungmin pour lui sourire.
Hyunjin et Seungmin avaient été ramenés au cœur de la montagne, où ils avaient pu dormir pendant vingt-quatre heures. Pendant tout ce temps, Jeongin était resté près d'eux pour s'assurer qu'il ne leur arriverait rien. Hyunjin avait vaguement réussit à lui expliquer que tout était terminé, et il attendait, soulagé, qu'ils se réveillent pour tout lui expliquer.
Pendant ce temps, Jisung avait foncé sur Oberon pour retrouver la gouverneure. Il s'était vu refuser un entretien direct, on lui avait expliqué que la gouverneure avait bien mieux à faire dans ces jours difficiles que de s'occuper d'un pauvre aristocrate. Il avait alors crié haut et fort qu'il avait enlevé l'Élu et avait obtenu son entretien avec des menottes aux poignets.
Rien d'anormal dans le quotidien de Han Jisung, en somme.
La gouverneure l'avait aussitôt libéré quand il lui avait appris que son fils avait vaincu l'entité qui menaçait sa vie. Elle avait fait appeler Yeji et Saul, qui avaient confirmé l'identité de Jisung et avaient pleuré de soulagement en apprenant que Seungmin et Hyunjin allaient bien. Puis Yeji avait demandé à Jisung de se rendre sur Umbriel, où Ryujin, malgré les demandes de Minho, avait été retenue en détention.
Rien d'anormal dans le quotidien de Shin Ryujin.
Jisung avait aussitôt envoyé l'ordre de libérer la jeune femme, et peu de temps après, un vaisseau était apparu dans le ciel d'Oberon, un vaisseau que Saul et Jisung reconnurent aussitôt.
Seungmin était rentré à la maison.
Plus qu'un chapitre avant l'épilogue 😔 je vous réserve encore quelques petites surprises après, ne vous en faites pas trop ^^