Les voyages en avion ne représentaient pas mon hobby favori. Je l'avouai sans détour et sans remords. Les voyages en avion en direction des États-Unis revêtaient d'une punition à mes yeux.
Je l'avouai sans détour et remord. Zéro honte.
Je n'aimais pas les États-Unis. Après tout, il y avait une raison pour laquelle les continents s'étaient séparés non ? Tamsyn lissa sa robe pour la centième fois sous mes yeux et cela me serra l'estomac.
Toute cette histoire n'avait aucun sens.
Pourquoi ? Pourquoi Rivqa n'était-elle pas revenue vers nous plus tôt ?
Je serrai les dents. Il ne pouvait y avoir qu'une seule raison pour laquelle elle ne nous avait pas contactés plus tôt.
Et il portait un nom.
Tarek.
Parmi les personnes que je détestais sur cette planète, en plus de détester les avions en direction des États-Unis, il y avait Tarek Kahane. C'était le grand frère de Rivqa. Quand nous avions recueilli Rivqa au Deity, il y avait très longtemps de ça, Tarek m'avait la promesse qu'au moindre mal qu'il lui arriverait, nous ne la reverrions plus.
À croire qu'à défaut d'être un frère présent, il savait tenir ces promesses.
— Et si elle ne nous reconnaît pas ? murmura Tamsyn.
Elle lissa encore une fois sa robe. Je déglutis et me frottai le menton. Siadhal roupillait à mes pieds, détendu, malgré toute cette histoire. Lui, ce n'était pas pareil. Il n'était pas avec nous à l'époque où Rivqa était arrivée. Tout comme il avait été plus attiré par Aslander et sauvé par notre Empereur lui-même.
— Elle nous reconnaîtra, soufflai-je.
Je me penchai pour regarder de nouveau les photos. Je les pris dans mes mains et les fis défiler. Les unes après les autres. Parfois, elle était de dos. Parfois de face. Lorsqu'elle se trouvait de face, elle portait soit des lunettes de soleil, soit son visage était incliné d'une certaine façon pour que je ne puisse voir ses yeux céruléens qui me hantaient depuis cette fameuse nuit.
Je me penchai en avant, mes coudes sur mes genoux.
— Répète-moi le message, ordonnai-je.
Tamsyn soupira et prit une longue inspiration.
— Seddik Soto, Alpha d'Annapolis, Maryland. Il est sous la charge de Dyklan Saddler qui est son Alpha d'état. Son... Koning en gros ?
Je ricanai et hochai la tête. On allait dire ça, même si pour moi, j'avais largement plus des responsabilités que ces idiots.
— Il nous communique la présence d'une personne qui nous intéresserait fortement sur son territoire, dont le nom est Rivqa Kahane. Il aimerait avoir une entrevue avec nous pour valider cette hypothèse et savoir si nous sommes intéressés pour une rencontre avec elle.
Il n'avait donc rien dit de plus. Seulement des faits. Et nous plongions dedans corps et âme parce que... parce que s'il y a eu une chance sur un million que Rivqa soit vivante, nous allions la saisir.
— Il doit nous recevoir dans un hôtel avant de nous permettre d'aller chez lui. Il veut vraiment savoir s'il a la personne que nous connaissions avec lui.
Je hochai la tête. Il fallait que nous soyons tous très prudents lors de cette rencontre. Nous ne devions pas nous fourvoyer dans une hypothèse qui serait une déception s'il s'avérait que ce n'était pas Rivqa.
— Lothar, souffla Tamsyn.
Elle se frotta le visage, puis posa son regard sur moi.
— Et si c'est elle ? Je veux dire, si c'est vraiment elle... Je ne serais pas capable de la laisser derrière moi encore une fois.
— Tam, calme-toi. Nous venons simplement pour la rencontrer. Soto n'en a pas dit plus sur elle, mais je suppose qu'elle a une vie là où elle est.
— Des enfants ? souffla-t-elle. Elle a peut-être des enfants et même un époux.
Tamsyn serra ses lèvres et secoua la tête. Elle refusa de pleurer et de céder à la tentation de l'espoir qui naissait en nous à une vitesse fulgurante.
L'avion atterrit enfin après ce qui me parut être des heures. Nous avions eu une escale à Los Angeles, puis nous avions traversé les États-Unis. Le voyage était éreintant, mais nos nerfs nous faisaient tenir. Tamsyn et moi nous étions changés, tout comme Siadhal qui avait repris sa forme humaine. Je ne pouvais pas me trimballer un puma au milieu de l'aéroport de Baltimore. Je m'étirai et observai la zone d'atterrissage privée sur laquelle nous avions été dirigés. Sûrement celles des stars ou des personnes influentes. Une voiture nous embarqua et nous déposa à l'hôtel où nous étions attendus. D'une qualité remarquable pour l'endroit.
Tamsyn désira se doucher une nouvelle fois et se changer. Nous mangeâmes rapidement, puis un coup de téléphone nous indiqua de descendre dans l'une des salles privées de l'hôtel. Comme nous étions des émissaires d'Aslander, j'avais dû enfiler une veste et une chemise. Siadhal aussi. Tamsyn portait une robe qui cachait ses pieds, mais qui restait sobre. Elle avait une ceinture dorée sur les hanches qui rappelait les couleurs de l'Empereur.
Un des maîtres d'hôtel nous accompagna à la salle en question. Je découvris de loin Seddik Soto. Je n'avais pas d'image précise en tête d'un Alpha puissant, certain de son pouvoir, assez pour lancer cette demande à l'Empereur d'Australie. L'un des seuls Alphas que je respectais sur ce continent était Dean Campbell, et il n'était pas ici aujourd'hui.
Seddik Soto, vêtu d'une tenue citadine, pivota pour nous voir approcher. Il était accompagné d'un homme et d'une femme. Tout comme Tamsyn, elle portait ses rondeurs avec un charisme qui la rendait très très attrayante. Et son énergie dégageait un parfum qui attirait mon lycan. Magie, me souffla mon animal. Elle n'était donc pas une lycan lambda.
À côté d'elle se tenait Seddik Soto. Alpha d'une tête de plus qu'elle, ses mains sur ses hanches, le regard intrigué. Et enfin, venait le dernier homme. Le garde. Il transpirait la violence et la dominance. Chez nous, les Godar représentaient ce genre de lycans. En constante balance entre rage et équilibre.
— Lothar Naburia, présuma Seddik.
Il s'approcha et me tendit sa main. Je la lui serrai. Je ne voulais pas qu'on se salue comme deux mâles loups l'auraient fait. Surtout que nous n'avions plus ce genre de comportement en Australie, pour ne pas mettre les humains avec qui nous travaillions dans une posture inadéquate.
— Seddik Soto ? m'enquis-je.
Il me relâcha avec un hochement de tête.
— Je vous présente Niji Soto, l'Omega de ma meute. Et Voici Nahid, la Main de ma meute.
Il y eut quelques hochements de tête et des sourires bienveillants de la part de Niji. Niji Soto ? Sa femme ? Sa sœur ? J'aurais dû relire les notes qu'Arzhel m'avait fournies avant de partir avec pour rappel de bien me comporter. Je savais que les Mains aux États-Unis étaient l'équivalent de nos Godar, mais au lieu de répondre à une seule personne qui était le Kaizer, chaque meute en possédait un. Quel carnage c'eut été chez nous d'avoir ça.
— Tamsyn Monroe, Grande Cheffe des Earhjas, annonçai-je. Siadhal, Membre de la garde de l'Empereur des lycans d'Australie.
Le regard de Niji s'agrandit imperceptiblement.
— Nous sommes ici en tant qu'émissaires de l'Empereur Aslander Valendyr qui nous a mandatés afin de répondre à votre demande.
Seddik nous observa tour à tour, puis soupira et se frotta le front.
— Soyons moins formels si cela vous met plus à l'aise, souffla Tamsyn.
Elle fit un pas en avant et tendit sa main vers Niji. Elle ne la toucha pas, sentit simplement l'énergie chaude et vibrante de la louve en face de nous.
— Votre énergie est puissante et elle picore ma peau. Elle tente de comprendre ce que je suis et mon énergie tente de comprendre la vôtre. Vous êtes une lycan avec de la magie en elle. Nous n'avons plus d'oméga dans notre peuple depuis des décennies maintenant. Je suis heureuse de voir des membres de votre spécialité s'épanouir dans leur rôle ici.
Niji fit un pas aussi de son côté et posa sa main sur celle de Tamsyn. Tous les poils de mon corps se hérissèrent quand l'énergie des deux femmes se mêla. Elles poussèrent un gros soupir toutes les deux et Niji sourit.
— Vous avez la même énergie que Rivqa, murmura-t-elle.
Tamsyn serra les mains de Niji entre les siennes et jeta un coup d'œil à Seddik avant de revenir vers l'oméga.
— Vous devez savoir que Rivqa était une sœur pour moi. Elle est très importante à nos yeux et nous vous remercions d'avoir pris contact avec nous.
— Je vais être très honnête avec vous, annonça Seddik.
Je posai mon regard sur lui, prêt à tout entendre à ce stade. Que Niji ait reconnu l'énergie de Tamsyn comme celle de Rivqa me disait tout ce dont j'avais besoin de savoir. Fondamentalement, l'énergie d'une Earhja à une autre n'était pas la même, car elles n'avaient pas les mêmes capacités. Néanmoins, leur énergie laissait une trace, une empreinte. Quelque chose de doux et d'agréable. Et quelqu'un qui avait été en contact avec une Earhja pouvait très facilement en repérer une autre grâce à ça.
— Rivqa n'est pas au courant de cette entrevue. Elle me la réclame depuis plusieurs mois maintenant, mais je ne savais pas si mon message parviendrait à votre Empereur. Alors, je n'ai rien dit.
Il parlait d'elle avec tendresse et avec dévotion. Un peu comme Aslander parlait de Siobhane quand il voulait prendre soin d'elle, contre la volonté de sa compagne. Comme vouloir la mettre dans une boite et qu'elle ne soit jamais blessée par autre chose.
— Est-ce un problème que nous soyons là ? soufflai-je, inquiet à présent.
— Non ! reprit Seddik. Bien sûr que non. Je ne m'attendais pas à recevoir une réponse et encore moins trois membres de la royauté d'Australie.
Il poussa un soupir et Niji, toujours une main entre celles de Tamsyn, pressa l'épaule de son Alpha.
— Il faut le leur dire.
Niji pivota de nouveau vers nous et caressa avec douceur les mains de Tamsyn.
— Rivqa m'a énormément parlé de vous, commença-t-elle. Elle se souvient de vous tous et pour certaines raisons, elle n'a pas pu revenir vers vous. Maintenant qu'elle a trouvé sa meute, elle est plus stable et peut demander de l'aide. Cependant, je pense que la Rivqa que vous avez connue n'est pas la même que nous connaissons actuellement.
— Rivqa est aveugle et représente une personne très importante pour notre meute.
Tamsyn relâcha les mains de Niji et fit un pas en arrière. Elle baissa sa tête pour cacher son désarroi. Je sentis pourquoi elle avait cette réaction. Rivqa avait trouvé sa meute. Je déglutis, moi aussi très secoué par cette nouvelle. C'était une autre façon de comprendre qu'elle ne reviendrait pas avec nous. Peu importe qui nous trouvions en face de nous.
— Je pense et Tamsyn sera d'accord avec moi que nous souhaitons simplement voir Rivqa. Peu importe les circonstances ou son état de santé actuel. Nous avons fait un long voyage et les circonstances de notre séparation avec Rivqa nous pèsent encore malgré les nombreuses années qui sont passées. Pour être honnêtes avec vous, nous avons toujours pensé qu'elle était morte à la suite de ses blessures.
Niji me regarda et je lus dans ses yeux la vérité. Rivqa ne mourrait pas tant qu'une personne en particulier ne l'aurait pas décidé.
— La savoir vivante est notre seule considération actuelle. La savoir entourée d'une meute qui la protège est très important pour nous aussi.
— On dit que chez vous, les personnes comme elle sont gardées chez l'Empereur, souffla Nahid sur un ton calme qui ne cachait pas sa colère sous-jacente.
— Nahid, le fustigea Niji.
— Tout comme les lycans qui possèdent peu de maîtrise à la naissance, expliqua Tamsyn, nous aidons les jeunes Earhjas dès leur naissance à trouver le bon chemin et à évoluer dans un environnement sain et sécurisé. Si vous souhaitez venir voir qu'elles reçoivent de bons traitements, je serais votre guide.
— Rivqa n'a jamais sous-entendu ça, la défendit Niji. Au contraire, elle a toujours dit qu'elle avait trouvé sa famille au... au Deity.
Ce mot dans la bouche d'une louve qui ne connaissait rien à l'Australie, à sa politique ou à notre culture, me fit sourire. Rivqa utilisait le mot Deity comme les gens utilisaient le mot maison.
— Conduisez-nous à elle, s'il vous plaît, quémanda Tamsyn.
Seddik nous observa tour à tour, puis capitula. Siadhal se tint devant Nahid pendant plusieurs secondes. Je le tirai après moi avec un grognement. Nous fûmes embarqués dans une grosse voiture qui nous abrita tous. Niji et Tamsyn se placèrent l'une à côté de l'autre, mais ce fut ma main que Tamsyn serra tout le long du voyage.
Rivqa nous attendait là-bas. Dans cette maison.
Elle ne savait pas que nous arrivions.
Elle ne savait pas qu'elle allait enfin nous voir, après l'avoir tant réclamé.
Rivqa est aveugle.
De brefs souvenirs douloureux remontèrent dans ma mémoire et l'image du corps brûlant de Rivqa s'imposa à moi.
Ses yeux m'avaient transpercé tout au long.
Jusqu'à ce que derrière la fumée, il n'y eut plus rien.
Hormis des cendres.
Rivqa est aveugle.
Pourquoi ? Comment l'était-elle devenue ?
Quand la voiture s'arrêta, je posai mes pieds à terre, devant une maison assez jolie. Une maison qui abritait souvent une grande famille, avec des enfants. Mais il n'y avait pas de bruits caractéristiques, pas de cris, pas de rires.
Niji posa sa main sur mon bras et je baissai mon regard sur elle.
— Tout ira bien, souffla-t-elle.
Son énergie me balaya et desserra un point douloureux en moi. Étonnante petite lycan.
— Pourquoi Soto ? Tu es sa sœur ? souffla mon lycan qui voulait comprendre.
Niji me relâcha, mais mon lycan attiré par toute cette énergie bienfaitrice fit un pas pour se rapprocher d'elle.
— Ex-femme, admit-elle.
— Ma compagne et Dominante de cette meute se trouve à l'intérieur, remarqua Seddik.
Il nous rejoignit de ce côté-ci de la voiture et enroula son bras autour des épaules de Niji pour la placer à côté d'elle, sous sa protection. Typiquement mâle dominant avec les femelles de sa meute.
— Gardez un comportement raisonnable ou sinon, vous ne serez pas bien accueilli par le reste de ma meute. Tous sont très protecteurs envers notre Oméga et la Dominante de cette meute.
Je hochai la tête et repris le contrôle sur mon lycan. Tamsyn fit la moue, mais je m'excusai d'un geste de la tête. Lorsque tout le monde prit le chemin de la maison, je me figeai sur le seuil du jardin.
L'énergie de Rivqa se trouvait partout.
Son odeur aussi. Elle n'avait pas changé.
Là sur les fleurs. Là sur le portail.
Je sentis mon lycan s'affoler au moment où la porte s'ouvrit. C'était un homme qui avait ouvert. Il nous jeta un coup d'œil, fit la moue, mais éventuellement accepta de nous faire rentrer.
— Elle se trouve sur la terrasse, annonça-t-il à Seddik.
On nous fit rentrer dans un foyer chaleureux et accueillant. Des photos de la meute partout au mur. Des couleurs apaisantes tout autour de nous. Tamsyn prit ma main dans la sienne et j'émis une pression douce pour tenter de l'apaiser.
Mon regard capta brièvement une image de Rivqa et Seddik qui s'enlaçaient, leur bouche à peine séparer par quelques centimètres. Était-ce une robe de mariée qu'elle portait ?
Je n'eus pas le temps d'en voir plus, car on entra dans l'immense salon du foyer de la meute. Gann possédait un peu la même disposition. Des coussins partout sur le tapis central et un canapé immense en angle pour permettre à tous ces lycans, Herre, Freiherr ou Ritters de venir le voir.
— Tu ne crois quand même pas que je vais porter ça toute seule ? s'écria une voix pleine de rires contenus.
Mon cœur se serra.
L'allégresse qui tentait de s'emparer de moi m'empêchait de respirer.
Tous les rires me revenaient.
Tous les petits cadeaux.
Toutes les attentions.
Toute cette famille que nous avions eue.
Tous ensemble.
Tamsyn se figea elle aussi.
— Hobi ? l'appela Seddik.
Je tiquai à la langue utilisée. Je fis un pas de plus quand je l'entendis lui parler hébreu pour lui dire de s'approcher. Je sortis de la maison pour arriver sur la terrasse. Seddik tendait la main à Rivqa qui y glissa ses doigts en toute confiance. Avec tendresse l'Alpha l'embrassa sur la bouche.
— Il y a quelqu'un pour toi, ajouta Seddik, toujours en hébreu.
Rivqa... Rivqa était la Dominante de la meute.
Elle portait une robe, semblable à celle de Tamsyn. À croire que toutes les Earhjas en portaient par habitude plus que par envie.
Elle était ... différente de mes souvenirs. Peut-être plus grande ? Plus mince ? Ses joues étaient rouges de la présence de Seddik à ses côtés. Elle sentait la meute. L'odeur de cette maison était la sienne.
— Rivqa ? murmurai-je.
Son regard, vitreux, se posa immédiatement sur l'emplacement où je me trouvais. Ses deux mains s'accrochèrent à Seddik et pendant un instant, j'aurais aimé qu'elle me voie.
Qu'elle sache que c'était moi.
Mais avait-elle besoin de ses yeux pour ça ?
— Riv ? souffla la voix de Tamsyn pleine de sanglots contenus.
Rivqa posa sa main sur sa bouche avant de lâcher Seddik pour foncer droit devant elle, vers moi, vers nous. Elle heurta une chaise et Seddik lui rectifia tout de suite sa trajectoire pour l'amener à nous.
Je ne m'attendais pas à ces gestes, mais elle posa presque brutalement ses mains sur mon visage et des larmes se mirent à couler sur le sien.
— Lo.... Lothar, sanglota-t-elle.
Son autre main se souleva pour fendre l'air plusieurs fois. Tamsyn lui agrippa ses doigts et les posa sur son propre visage. Rivqa poussa un cri silencieux qui se transforma bientôt en sanglot brutal. Elle hoqueta et nous tira à elle pour presser nos visages contre elle.
Je sentis mes propres larmes quand la bouche de Rivqa traça mes joues. Elle embrassa mon nez, ma mâchoire et mes pommettes. Elle donna le même traitement à Tamsyn qui se pressa un peu plus contre elle, plein de larmes et de murmures à peine compréhensibles.
On termina en un câlin tremblant et déroutant de bras, de mains, de nez collés aux autres, de souffles qui se mêlaient.
— Tu es vivante, murmurai-je contre sa joue. Tu es vivante.
Tamsyn s'enroula contre le dos de Rivqa qui se pressa contre moi, ses doigts dans les cheveux de Tamsyn, son nez contre le mien. Elle continuait de pleurer et de tenter de se repérer parmi toutes ses nouvelles stimulations.
Je reculai son visage et le pris entre mes deux mains. J'essayais d'effacer les larmes de son visage. J'essayais de ne pas ressentir de la tristesse quand je voyais ses deux orbites vides.
— Tu es là, tu... tu es bien là, murmurait Tamsyn.
— Vous allez bien, sanglotait Rivqa. Vous n'êtes pas mort. Vous êtes là et vous... vous allez bien.
Elles se rassuraient comme elles pouvaient. Elles se nourrissaient de la voix de l'autre.
— Oui ma belle, soufflai-je contre son nez. On est là.
Elle s'affaissa contre moi et tira les bras de Tamsyn autour d'elle pour la presser contre son dos.
Je relevai mon regard sur Seddik.
Son Alpha brillait dans ses yeux.
Rivqa n'était pas de ce monde.
Elle faisait partie de notre royaume.
Elle était une lycan.
Une Earhja.
Elle faisait partie de notre monde.
Et il le savait.