NOVA
- Pourquoi tu souris comme ça ?
J'étais avachie sur Jeongin, lui-même avachi sur son lit et je savais qu'il regardait tout ce que je faisais sur mon téléphone alors j'en profitais pour l'embêter un peu.
- Tu ne trouves pas qu'il est drôle ? je lui ai demandé innocemment
- Nan. Il n'est même pas beau.
- Et lui ? j'ai re-demandé en lui montrant un autre tiktok
- Mouais bof.
J'ai étouffé un rire.
- Le danseur, tu le trouves comment ? il a dit
- Chin ? Il est gentil.
- Mmmh. Tu as l'intention de dormir avec sa peluche encore longtemps ?
- Ce n'est plus sa peluche puisqu'il me l'a offerte. Et tu vas me demander ça tous les jours ?
- J'aime pas savoir qu'il y a plein de mecs qui te tournent autour.
- Heureusement que je suis hétéro parce que je sens que j'aurais fini dans une tour comme Raiponce ! *rire* T'as pas l'impression d'abuser un peu ? Y'a des milliers de personnes qui te kiffent et tu fais ton jaloux parce que je parle à trois gars ? Fais gaffe tu vas mourir étouffé par la mauvaise foi !
Avant, je me serais énervée pour des choses comme ça, mais là... Je n'avais pas du tout envie de me disputer avec lui. Il m'a serrée dans ses bras et s'est excusé en murmurant.
[- Oh my god did you just call me baby ?
- Maybe
- Uhm... Is that okay ?
- Yes, I liked it
- Cool
- Cool]
Nous avons sursauté tous les deux lorsque je suis passée au tiktok suivant. Je me suis figée, sentant alors mes joues chauffer et il a collé ses mains dans la poche de son sweat, contre mon ventre .
- Baby ?
Mon cœur a raté un battement.
- Baby, baby, baby.
J'ai tenté d'inspirer discrètement sans succès, ce qui l'a fait rire. J'ai vu un sourire que je n'avais encore jamais vu et nous nous sommes regardés.
Ses yeux ont quitté les miens pour mes lèvres, puis mes yeux à nouveau, mes lèvres, mes yeux. J'en ai profité pour l'observer, le cœur battant plus vite que jamais. Ses beaux yeux, sa peau parfaite, son nez, sa mâchoire, sa bouche. Bordel, ce mec me faisait un effet de fou. Il fallait dire que son corps aussi... comme ça, malgré son jeune âge n'arrangeait en rien mon état.
Il a fallu quelques secondes avant de nous décider. Il a posé son front contre le mien, j'ai mis ma main sur sa joue et les siennes se sont logées au niveau de mon épaule et de mon menton, puis il s'est approché, moi aussi, et nous nous sommes embrassés. Les yeux fermés, j'ai senti un petit sourire se former sur ses lèvres et j'en ai profité encore plus.
Comment étions-nous passés de nous lancer des objets à nous embrasser ?
Nous avons fini par nous écarter l'un de l'autre avant de nous regarder en riant, un peu gênés. Toute son assurance d'il y a quelques secondes avait complètement disparu alors que la mienne était gonflée à bloc. Les rôles avaient été échangés.
Je l'ai laissé reprendre son souffle avant de m'approcher à nouveau de son visage et de lui demander :
- Je peux...?
- Tout ce que tu veux...
Le cœur toujours aussi rapide et le ventre rempli de petites mouches, j'ai repris possession de ses lèvres, le maltraitant sans lui laisser de répit et lui touchant doucement le visage.
- J'espère que tu es conscient de l'effet que tu me fais...
- Je crois que je commence à le voir... Baby.
- Quel enfant arrogant.
- Je dis ça comme ça, mais d'entre nous deux, tu es la plus enfantine.
- Tais-toi et embrasse-moi encore une fois.
Il l'a fait et nous nous sommes remis dans notre position initiale, souriant comme les cons que nous étions.
Je suis tombée sur un tiktok sur Félix. Encore un truc de hardstan ça... Jeongin m'a caché les yeux.
- Passe au suivant.
Je l'ai écouté et il a encore rapproché ses mains de mes yeux.
- Qu'est-ce que c'est ? Dis-moiiii !
J'ai subitement baissé la tête pour apercevoir une compilation de Hyunjin en train de s'entraîner. J'ai lâché le téléphone pour me cacher moi-même les yeux et il en a profité pour le prendre en riant.
- Ça, j'enlève. Ça, j'enlève. Ça, j'enlève aussi. Quoi !? C'est qui tous ces lourdeaux ?
- Je t'avais dit que je parlais à trois gars, pas que trois gars me parlaient ! *rire*
Il m'a regardé en faisant semblant de bouder.
- Je vais tous les bloquer.
J'ai ri et l'ai laissé faire. Il m'a mis la capuche et a tiré la sienne aussi au maximum avant de nous prendre en photo.
Hop ! Fond d'écran !
Il s'est renommé lui-même dans les contacts avec plein de cœurs et d'emojis et a continué de faire ce qu'il voulait. J'ai pris le sien et l'ai déverrouillé avec son visage avant de faire, moi aussi, mes petites affaires.
Premièrement, Instagram. Tiens, il avait un compte personnel ? Intéressant... Je me suis abonnée à moi-même et suis retournée a l'écran d'accueil.
Hop ! Nouveau fond d'écran !
- Ah ah ! Tu vois que toi aussi tu parles à des filles ! je lui ai dit en regardant ses messages
Il a souri avant de me demander si j'étais jalouse.
- Je trouve ça assez injuste, si c'est comme ça, je vais aller draguer Felix !
Il m'a serrée contre lui.
- Même pas en rêve. Je te garderai contre moi pour toujours si tu essayes.
J'ai tenté de m'asseoir juste pour le provoquer. Il m'a retenue et je me suis encore plus collée contre lui.
- Nous sommes juste de bons potes, mais je peux arrêter de leur parler si tu veux. il a dit en chuchotant à côté de mon oreille.
- [chuchotement] Tu ne dois pas t'empêcher de vivre et d'avoir des amis juste pour quelqu'un, Jeongin.
- [chuchotement] Toi non plus.
- [chuchotement] D'accord.
-...
- [chuchotement] Pourquoi on chuchote ?
- [chuchotement] Je sais pas.
Nous avons ri avant de regarder l'heure.
- Oh la la ! C'est l'heure d'éplucher les carottes !
- Oh la la ! il a répété avec son accent craquant, C'est l'heure de manger des carottes !
Je me suis assise en tailleur avant de le regarder, les poings sur les hanches.
- On devrait quand même inverser les rôles un de ces jours.
- Pourquoi ? Je m'assure simplement que tu n'essayes pas de nous empoisonner !
Je me suis exclamée, faussement offusquée :
- Nan mais je rêve ! C'est drôle parce que... *je me suis rapprochée de lui* quand je fais ça tu n'as pas l'air de craindre l'empoisonnement...
- Mais ce n'est pas pareil, puisque je suis le seul à avoir le droit de goûter à ce poison.
Il a rapidement fait disparaître l'espace entre nous avant de se relaisser tomber sur le matelas.
- *rire* Pas mal la disquette !
On a quitté la chambre pour aller dans la cuisine, lieu où se passaient la plupart des dramas du dortoir ainsi que les réunions ou les règlements de compte.
Changbin était assis lorsque nous sommes arrivés. Il nous a regardés, à souri avant de se moquer gentiment.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Rien, rien. Vous avez l'air très heureux tous les deux *rire*
Je me suis installée en face de lui et ai commencé à éplucher les carottes.
- Jeongin ! J'ai même pas fini la deuxième !
Je lui ai tapé l'épaule alors qu'il faisait semblant de pleurer, le premier légume épluché encore dans la bouche.
Il m'a imitée et a continué à manger.
- Tu me saoules hein !
Changbin semblait profiter du spectacle et Jeongin en jouait puisqu'il continuait de m'imiter.
- Arrête !
Il a recommencé alors je me suis simplement concentrée sur mes carottes. Elles au moins étaient gentilles.
Sept carottes plus tard, il m'a demandé si je boudais, je n'ai pas répondu. Nan mais pour qui me prenait-il ? Bouder pour un imbécile ? Et puis quoi encore ? Tsss... Il est revenu, un économe à la main, à épluché l'un de mes précieux légumes, l'a découpé en tranches et m'en a tendu un bout.
Est-ce que j'ai accepté ? Bien sûr que oui. Alors il a continué. Une carotte d'épluchée, un bout dans mon estomac. Je ne lui ai pas reparlé même après avoir fait la vaisselle et m'être assise dans le salon. Cet idiot n'a fait que me suivre silencieusement partout où j'allais, ce qui a beaucoup fait rire le reste du groupe.
- Puisque c'est comme ça, je quitte cette maison !
Il a mis ses chaussures et est sorti de l'appartement.
Tant mieux, bon débarras.
Dix minutes plus tard, il n'était toujours pas revenu.
Merde... Il allait attraper froid, il n'avait même pas pris une veste.
Je ne tenais plus. Il fallait que j'aille voir.
J'ai mis mes boots et suis sortie à mon tour. Il n'était pas dans le couloir, pas dans le hall, pas dans les escaliers... Cette andouille était vraiment allée dehors par ce froid ? Je me suis dirigée vers l'extérieur, ai marché un peu sur l'allée puis l'ai trouvé dans la neige, trente mètres plus loin, en sweat et congelé.
- Espèce d'idiot. Tu es vraiment sorti sans rien ?
- À quoi ça sert de me couvrir le corps le corps quand c'est mon cœur qui a froid ?
J'ai fait mine de le frapper avant de prendre les coins de sa veste et de l'envelopper avec moi dedans. Il a souri, tout fier de lui, et nous sommes restés en position pingouin pendant cinq minutes sans rien dire.
- Tout ça... Tu ne le révéleras pas, n'est-ce pas ?
- Révéler quoi ?
- Ben... Tu sais, on n'a pas le droit d'être en couple alors si jamais ça se sait...
- Si jamais quoi se sait ? Que nous nous comportons comme ça l'un envers l'autre ?
-...
- Je t'avoue que pour la première fois, j'ai envie de montrer quelqu'un à tout mon entourage, que j'ai envie de les narguer en disant des choses du genre « c'est le mien, il est avec moi » mais je sais bien que vous n'avez pas le droit et que ça ferait scandale. Alors qu'est-ce que j'aurais à y gagner ? Je veux dire, en pensant de manière toute à fait égoïste ? Rien. Tu serais malheureux, je serais détestée. Et je veux pas avoir d'emmerde. J'imagine les commentaires de mes profs, déjà qu'ils me critiquent parce que je suis en échec scolaire alors si, en plus, ils avaient l'occasion de te rajouter dans leurs phrases cinglantes... Brrrrr.
- Et si un de tes amis voyait ton fond d'écran et me reconnaissais ? Et s'il voyait les photos dans ta galerie ?
- Même Mathilde ne pourrait pas te reconnaître sur mon fond d'écran, ta capuche couvre tout ton visage sauf ta bouche et je ne lui dirai rien. Et si ma galerie t'inquiète, je ferai un album avec un code.
- Merci.
Il m'a rapidement embrassée et est parti vers l'immeuble en criant :
- Je reviens, attends-moi ici !
Et il a disparu.
Je me suis dirigée vers le portail qui permettait de quitter cet espèce de jardin et me suis arrêtée sur le trottoir. Peut-être une minute plus tard, un jeune homme est venu me voir et m'a demandé si je parlais coréen. Durant ces quelques semaines, la question que l'on me posait le plus était passée de « pourquoi vous n'avez pas fait vos devoirs ? » à « est-ce que vous parlez coréen ? » mais dans les deux cas, la réponse était la même.
- Pas du tout.
- Oh, je suis désolé, je ne parle pas très bien anglais mais je voulais vous demander votre kakao, je vous trouve vraiment très jolie.
Kakao... C'était cette application que j'avais installée à mon arrivée.
J'ai entendu le portail s'ouvrir derrière moi et quelqu'un dont je reconnaissais très bien l'odeur s'est avancé à ma droite.
- [🇰🇷] Elle ne peut pas.
L'homme en face de moi s'est légèrement incliné en s'excusant et est reparti.
- Qu'est-ce que tu lui as dit ? j'ai demandé en me tournant vers lui
- Que c'était pas possible.
J'ai ri.
- C'est toi qu'est pas possible, qu'est-ce que tu voulais qu'il se passe ? Il m'a juste demandé mon numéro ! *rire* Oh, j'ai failli pas te reconnaître !
- S'il t'a demandé, ça veut dire qu'il est intéressé, qu'il veut te parler, qu'il te veut toi, et ça je le refuse.
J'ai souri et ai pris sa main.
- Ça va, on me reconnaît pas trop ?
- T'inquiète, avec ton bonnet, ton masque et ton écharpe, j'allais t'ignorer.
- On peut y aller alors.
Nous avons marché comme ça un moment avant d'entrer dans le centre commercial dans lequel j'étais allée avec Chin et Cho.
- Arrête de me fixer comme ça, ça me rend nerveuse !
- J'aime savoir que je te fais de l'effet *rire*
J'ai senti mes joues chauffer alors j'ai mis la capuche de sa veste.
- T'es gauchère ou ambidextre ?
J'ai été surprise par cette question soudaine.
- Euh... Gauchère mais je peux faire plein de choses de la main droite.
- Je pense que tu devrais interdire à ta main droite de faire quoique ce soit d'autre que tenir la mienne.
- C'est pas moi qui décide, tu sais ? Il faut qu'on en discute, qu'elle signe un contrat et tout et tout... Ça peut prendre du temps.
Il a ri.
- T'es vraiment bizarre comme fille en fait !
- Arrête de me complimenter où je vais avoir la tête tellement grosse que je vais m'envoler.
Il rigolait à chacune de mes conneries alors je continuais parce que j'adorais l'entendre rire. Je me sentais bien quand je voyais ses yeux brillants se plisser et il balançait nos bras d'avant en arrière.
***
- Qu'est-ce que tu penses de celle-là ?
- Je l'aime beaucoup !
- Vraiment ? Moi aussi !
Je l'ai regardé agir comme l'enfant qu'il était et ai pris la parole.
- Je te propose quelque chose.
Il a semblé, d'un seul coup, beaucoup plus sérieux et attentif.
- Comme notre relation ne peut pas avoir de nom, appelle-moi comme tu veux. Le jour où tu auras le droit d'être en couple, nous déciderons si nous en sommes un ou pas. En attendant, ne m'envoie pas trop de messages et concentre-toi sur ton métier. Si je vois que tu ne portes pas cette bague pendant une semaine de posts insta, je comprendrai que c'est terminé.
- Et toi ?
- Moi ?
- Si tu ne veux plus de moi, comment tu vas me le dire ?
Par pigeon voyageur.
- Je t'appellerai.
- Ça marche.
Nous avons fait la promesse du petit doigt et demandé les deux bijoux.
- Laisse-moi payer s'il te plaît.
- Mais-
J'ai utilisé la super appli que ma super maman m'avait montrée pour payer et nous avons quitté la boutique.
- Tu as beaucoup été en couple ?
- Tu veux dire, avant toi ?
- Ouais.
- Ben... Si on enlève les amoureuses en maternelle et au primaire, non.
J'ai ri.
- Et toi ?
- Je sais pas trop, quelques mecs ouais. Mais tu es le premier pour qui je ressens... Autant de choses...
- Tu leur as tous dit ça ?
- Non !
Il a enroulé ses bras autour de moi et nous avons marché l'un derrière l'autre de cette manière sur plusieurs mètres.
- Ça va, pas besoin de défendre comme ça. Tu as le droit. Dis-moi juste que je suis le seul pour le moment.
- Tu es le seul pour le moment.
- Dis-moi que je suis le meilleur.
- Tu es le meilleur.
- Est-ce que tu m'aimes ?
Je me suis stoppée. Et il m'a foncé dedans, surpris de ce brusque arrêt.
- Ça va ? Je t'ai pas fait mal ?
- Nan nan, ça va.
- T'as l'air toute perturbée, qu'est-ce qu'il y a ?
-...
-...
- Je crois bien que c'est ça...
-...?
- Bordel, je crois bien que je t'aime.
Je ne me suis pas rendue compte de mes mots et de leur signification, mais j'ai bien vu son regard.
- Moi aussi, je crois que je t'aime.
Quelque chose en moi s'est brisé. Mais quelque chose qui me bloquait depuis longtemps, quelque chose qui m'empêchait de respirer correctement, quelque chose qui cachait ce sentiment : l'envie. La véritable envie de vivre pour entendre ces mots, une véritable envie de sentir la chaleur de sa main contre la mienne, de le voir, de voir son sourire.