𝑶𝒃𝒆𝒓𝒐𝒏 ᯽ 𝐒𝐞𝐮𝐧𝐠𝐣𝐢...

By cielsinverses

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| 2169 . SATELLITE D'OBERON, SECTEUR URANIEN. | -J'aime bien voir n'importe quoi vu d'en haut. Quand on est... More

Prologue - L'univers en haut
I - Élu
II - Un aperçu des étoiles
III - Quelques notes de piano
IV - Le Poisson, la cité et l'univers
V - Équilibre
VI - On réfléchit trop
VII - Le saule
VIII - Violet et bleu azur
IX - Voyager 2
XI - Quelques ciels d'aquarelle
XII - Tombés
XIII - Quand les fleurs fanent
XIV - À l'échelle de l'univers
XV - La jungle de Miranda
XVI - Phantasia
XVII - Ciels inversés
XVIII - Au cœur de la montagne
XIX - Quand le jour se lèvera
XX - L'obscurité et le sublime
XXI - Sora
XXII - Le dernier jour commence ici
XXIII - Les tempêtes
XXIV - Saul
XXV - L'ouragan aveugle
XXVI - L'oubli
XXVII - Autour du même Soleil
Épilogue - Il y a une cité en bas...
Fun facts
À la découverte des OCs

X - Curiosity

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By cielsinverses



 Il y avait une cité en bas, et un univers en haut.

Hyunjin tenait la lettre dans sa main, celle qu'il avait dû relire des dizaines de fois. Celle que Seungmin lui avait adressé, celle où il s'excusait pour l'incident dans les jardins, où il le rassurait quant à sa douleur, où il lui faisait comprendre qu'entre eux deux, ça ne faisait que commencer. L'Élu souhaitait privilégier ce moyen de communication désormais, car il ne pouvait quitter le palais, et qu'il refusait de faire courir un risque à Hyunjin en le faisait venir sur Oberon. Jisung avait accepté de porter leurs lettres, même si Seungmin continuerait de les adresser à « Junghwa » pour éviter tout problème. Une fois l'enveloppe ouverte, c'était à nouveau Hyunjin, et sur l'espace cartonné du papier, ils pouvaient enfin être eux-mêmes. Ce n'était pas non plus comme s'ils pouvaient se voir, mais ça représentait déjà beaucoup. Le simple fait de voir Seungmin chercher à garder contact avec lui, et le sentir aussi attaché à lui qu'il ne l'était suffisait à balayer toutes ses inquiétudes. Il verrait pour le reste plus tard. Car la cité en bas et l'univers en haut, malgré les difficultés, trouvaient toujours un moyen de rester liés. Et ces liens-là ne se déferaient pas facilement. En tout cas, alors qu'il se tenait assis sur la rampe du vaisseau, les yeux levés vers les étoiles, la lettre à la main, c'était tout ce qu'il pouvait souhaiter.









- Saul, tu pourras passer dans mon bureau en fin d'après-midi, j'ai les relevés pour toi !

- C'est noté.

Moonbyul salua l'homme et repris son chemin vers la salle du conseil que lui venait de quitter. C'était un début d'après-midi calme, on voyait le soleil raser les dunes par la fenêtre. La citadelle d'Oberon était silencieuse, tout le monde travaillait ou s'attelait à des activités reposantes. Dehors, les jardiniers commençaient à redisposer les fleurs et en rentrer certaines. Les dernières cultures du cycle touchaient à leur fin, on ramassait les derniers fruits avant le cycle nocturne. Cela faisait plus d'un mois terrestre que les journées avaient repris, et le satellite entamait lentement sa trajectoire de l'autre côté de la planète. Si désormais il connaissait un cycle jour nuit, il n'en restait pas moins un satellite, avec ce que cela impliquait : quarante-deux journées où Uranus les priverait de soleil. En attendant, on préparait doucement le sol à sa jachère cyclique, puisque rien ne poussait sans lumière. Avant le cycle nocturne, la citadelle devenait toujours plus calme pendant quelques jours.

Saul avait toujours aimé ce calme. Les dernières journées étaient toujours ses moments préférés, quand la nuit n'était pas encore là, mais s'annonçait à l'horizon. Le soleil était encore plus bas qu'à l'habitude, complètement rouge. Les jardins semblaient plus enchanteurs que jamais. Oberon s'endormait lentement et c'était si apaisant.

L'homme repris sa route, traversant un couloir que de larges fenêtres éclairaient, séparées de mince colonnes qui en faisaient un couloir plus extérieur qu'intérieur. Sous son bras, il tenait des dossiers dans une pochette claire, et son visage était impassible, ce qui, en somme, constituait son expression au quotidien. S'il était connu comme le trouble-fête, il n'était pas particulièrement méchant. Il abattait simplement le travail qu'on lui donnait et ne s'encombrait pas de mondanités. On ne le voyait jamais rire avec ses collègues, rarement esquisser un sourire. Il restait loin des figures lumineuses comme Selina, ou charismatiques comme Aaron. Il se fondait dans l'ombre avec tant d'adresse qu'on se demandait parfois comment il avait pu avoir sa place dans cet organisme si prestigieux. La plupart des membres du Conseil, quand ils n'étaient pas extravagants, avaient au moins une aura particulière, quelque chose qui leur permettait de se détacher dans la foule. Saul n'avait rien de tout cela, et l'on n'était même pas sûrs de l'avoir aperçu à la cérémonie de l'Éveil, auquel pourtant tous avaient pris part.

Le conseiller quitta le couloir lumineux, et la lumière du soleil cessa de lui parvenir. Il enfilait les couloirs, sans hésiter une seule fois, sans buter sur un seul tournant. Il descendit un escalier, puis un autre, et commença à s'enfoncer dans des profondeurs inconnues du grand public. Des profondeurs qu'on avait plutôt coutume de fuir.

Il parvint devant une lourde porte fermée à double tour, devant laquelle une garde se tenait. Celle-ci hocha la tête à sa venue et sortit ses clés.

- Bonjour, Saul.

- Bonjour.

La garde enfonça la clé dans la serrure et la porte s'ouvrit. Elle s'écarta pour laisser entrer l'habitué des lieux. Sans un mot de plus, parce-qu'il n'était pas homme à s'encombrer de paroles, Saul s'avança dans l'allée sombre face à lui.

Il marcha quelques instants au milieu des grilles, sans jeter un œil aux êtres qu'elles enfermaient.

La prison de la citadelle.

Il finit par s'arrêter devant l'une d'elle, dans laquelle l'on ne distinguait qu'une ombre assise dans un coin.

- Yahnan.

La silhouette leva les yeux, puis se redressa lentement. Elle rejoignit la grille, et la faible lumière dévoila le visage cerné d'un homme qui n'avait pas vu la lumière du jour depuis trop longtemps. Ses yeux sombres étaient vides, comme s'ils n'avaient même plus la force d'exprimer la tristesse ou la solitude.

- Qu'a à me dire l'extérieur ? Demanda-t-il néanmoins.

Saul se pencha contre la grille et laissa entendre d'une voix basse :

- Rien dont je ne puisse te donner le détail, mais des nouvelles plutôt positives.

Il jeta un œil vers la porte, où la garde était occupée à tailler une flûte dans un morceau de bois.

- Tu en sauras plus bientôt, je ne peux pas trop t'en dire.

- La cérémonie a eu lieu, hein ?

Il y eut un court silence, puis Saul hocha la tête.

- Il est comment ?

- Qui ça ?

- Ben, l'Élu.

Encore un silence.

- Du même sang qu'elle, je dirais.

- À lui aussi, ils auront sa peau ?

- Qu'est-ce que j'en sais ?

Le dialogue n'était qu'un murmure. Même les voisins de cellule du prisonnier ne pouvaient en saisir l'entièreté.

- Écoute, Yahnan. J'ai bon espoir que tu puisses sortir bientôt.

- T'as intérêt à avoir du lourd, après ce que j'ai fait.

- Fais moi confiance, c'est tout ce qu'il faut.

- Pas comme si je pouvais faire autrement, hein.

Saul haussa les épaules. Au loin, on entendait les raclements de la lame de métal sur le bois, et un soupir de la garde. Comme le conseiller ne bougeait toujours pas, le prisonnier commença à piétiner.

- Bon alors, qu'est-ce que t'attends pour partir, tu vas passer la nuit ici ?

- J'ai des nouvelles du gosse.

Yahnan s'immobilisa. Puis se rapprocha expressément de la grille.

- Je veux tout savoir.

- Il va bien. Je peux te promettre qu'il ne manque de rien.

Les mains du prisonnier se faufilèrent au travers des barreaux pour agripper la chemise du conseiller.

- Saul, j'ai besoin que tu me fasses sortir vite d'ici.

- Je vais faire de mon mieux, je te le promets.

Yahnan acquiesça et le lâcha doucement. Saul recula et le salua d'un signe de tête.

- À bientôt, mon ami.

Le prisonnier leva vaguement la main, et Saul se détourna pour reprendre la direction de la sortie. Sur le chemin inverse, il ne regarda toujours pas les cellules qui l'entouraient, comme si les prisonniers autour de lui n'avaient jamais existé.

Il sortit de la prison, et la jeune femme reposa son ouvrage pour fermer la porte derrière lui. Alors que Saul partait déjà, elle l'interpella d'une voix sans timbre.

- Comment va le Traître ?

Le conseiller ne ralentit pas en donnant sa réponse.

- Comme va un rat mort dans une boîte, j'imagine.

Dans son dos, il entendit à nouveau le raclement du métal contre le bois.

- C'est normal. Cet homme est fou.

Saul ne répondit rien et quitta les lieux.









Quand Seungmin ouvrit les yeux, la pièce était encore plongée dans la pénombre. Il n'aurait su estimer l'heure. Il se retourna dans son lit, enfouit sa tête dans son oreiller. Si on l'avait laissé faire, il aurait pu rester au lit toute la journée.

Cela faisait deux semaines que la nuit était tombée. Oberon était désormais séparée du soleil par sa planète, tout comme Ariel et Umbriel. Seules Titania et Miranda bénéficiaient encore de l'exposition aux rayons de l'astre. Puck aussi, mais ce satellite minime était rarement pris en compte.

Seungmin finit par se redresser et se retrouva en position assise sur son lit. Il fixa un instant le mur, avant de plonger la tête dans les mains. Deux semaines que son entraînement s'intensifiait de jour en jour, et qu'il sentait son pouvoir grandir en lui. Ses capacités augmentaient à vue d'œil et tout cela l'effrayait. Si Aaron arborait cet air admiratif et fier en le voyant faire, l'Élu n'en menait pas large. Les séances s'intensifiaient et s'allongeaient, ce qui lui prenait une énergie folle. Il voyait moins Ryujin, car il était trop souvent à la bibliothèque ; quant à sa mère, il ne l'apercevait plus, mais ça ne le changeait pas vraiment d'avant. La gouverneure était toujours très occupée et c'était à peine si son fils l'entrapercevait de temps à autres. Heureusement, Yeji était dans leurs appartements tous les soirs et l'aidait à décompresser. Ils apprenaient à se découvrir et s'entendaient toujours de mieux en mieux. Seungmin se savait chanceux d'être tombé sur elle. Avec elle, il se sentait compris, il n'avait pas l'impression d'être à côté de la plaque. Et ça lui faisait du bien.

La nuit était constante désormais. Il faisait aussi sombre, que ce soit l'après-midi ou le coeur de la nuit. Seungmin aimait bien, d'habitude, c'était toujours bien plus apaisant et calme pendant le cycle nocturne, comme si le satellite avait décidé d'hiberner. Mais cette fois-là, il avait juste l'impression de vivre la même journée encore et encore sans que celle-ci ne prenne fin. Ses cernes se creusaient alors que son temps de repos diminuait un peu plus chaque semaine. Ses mains allèrent se caler sous son visage, alors que ses yeux découverts s'étaient à nouveau plongés dans la froideur du mur devant lui.

Deux semaines que Hyunjin et lui s'envoyaient des lettres. Han Jisung venait au palais de manière si régulière qu'il leur était facile d'échanger régulièrement. Seungmin recevait en moyenne deux lettres du pilote dans la semaine, et c'était à chaque fois comme un rayon de soleil qui venait briser la monotonie de sa nuit sans fin. Quand il lisait les mots de Hyunjin, il avait l'impression que son visage perdait de sa pâleur, que ses cernes s'effaçaient un peu. Il aurait déplacé des systèmes entiers pour que ces moments durent un peu plus longtemps.

Mais la présence du pilote lui manquait. Il aurait souhaité l'avoir près de lui, en chair et en os. Il avait encore fait quelques recherches pour découvrir qui était Hyunjin avant de quitter Oberon, mais les archives à son nom étaient introuvables, et il ne pouvait poser de question au risque de mettre son ami en danger. Il devait rester sur sa faim, car Hyunjin lui-même ne semblait clairement pas disposé à en parler. C'était frustrant, et à vrai dire, cette semaine-là, beaucoup de choses frustraient Seungmin. Tout venait en cumul et il commençait à bouillonner.

Il se décida enfin à se lever, mais une fois debout, il tituba car il s'était levé trop vite. Il attendit que son corps s'habitue, puis sortit de la pièce et avança comme un fantôme jusqu'à la cuisine. Nebo s'y trouvait, encore endormi, et Seungmin ne put s'empêcher de sourire en le voyant. Leur relation d'amour et de haine continuait de s'épanouir, et même s'il tentait de n'en rien laisser paraître, Yeji était heureuse de voir qu'au fond, son mari adorait l'animal. Même s'il lui arrivait de l'abandonner dans un saladier de trois fois sa taille.

Seungmin s'avança vers l'évier et se servit un grand verre d'eau. Il était encore assez tôt, mais la citadelle ne tarderait pas à se réveiller. Il s'appuya contre le plan de travail blanc et tourna la tête vers la fenêtre. On ne voyait presque que le ciel étoilé depuis la cuisine, et vaguement, au loin, les dunes d'Oberon. Seungmin ferma les yeux, laissant le vent doux venir caresser son épiderme. Il essayait de faire taire le flot de pensées qui l'assaillaient comme des aiguilles depuis plusieurs jours. Avant que tous se réveillent et que la journée ne commence, il se ressourçait en calme et en silence, tentant d'y puiser la force nécessaire pour continuer au même rythme.

Il savait malheureusement qu'il n'échapperait pas à son entraînement quelques heures plus tard. Si Aaron avait le mérite de se révéler être un professeur passionnant, quand il se permettait enfin de faire de vraies phrases, le rythme qu'il lui imposait donnait l'impression qu'il voulait le tuer. Le Conseil souhaitait que le pouvoir de Seungmin se développe et qu'il en ait l'entière maîtrise le plus rapidement possible, sans prendre en compte le fait que chaque exercice, chaque projection, coûtait de l'énergie à l'Élu. À mesure que les intervalles entre les exercices s'amincissaient et que la densité de ceux-ci augmentaient, Seungmin se sentait de plus en plus fatigué. Ces derniers jours, dès qu'il n'était plus à l'entraînement, il retournait dans son appartement afin de se reposer, et développait l'impression peu agréable de devenir une loque. Et cette fois, la nuit prolongée n'arrangeait rien.

Seungmin reposa son verre d'eau et se sépara du plan de travail pour avancer vers la fenêtre. Bien qu'il se soit tout juste réveillé d'un sommeil de plusieurs heures, il se sentait déjà fatigué. Ce coût d'énergie, même après l'Éveil, on ne lui en avait pas parlé. Une fois devant la fenêtre, il balaya du regard les habitations endormies de la citadelle, le jardin désert, les dunes qui se découpaient au loin, à l'horizon. Et le ciel, si vaste, percé d'étoiles. Comme si l'univers revêtait constamment son costume d'apparat. Il se rappelait de sa tenue blanche, couverte de paillettes sur chaque couture, qui l'enserrait ce soir où il avait voyagé dans l'univers pour la première fois. Tout ça lui semblait si loin. Ça ne faisait pas un mois.

Pourtant, quand il pensait à Hyunjin, il avait l'impression que cela faisait des années. Et ça ne rendait le fait de ne pas pouvoir le voir que plus insupportable encore. Les yeux plantés dans les étoiles, il se demandait si Hyunjin était quelque part là-haut, libre dans son vaisseau, naviguant dans les étoiles. Pendant que lui contemplait d'en bas, prisonnier de sa cité. Captif de son atmosphère. Il s'envolait toujours dans des coins reculés du cosmos, à chaque exercice un peu plus éloignés, mais ces voyages étaient factices. Il n'allait pas exactement où il voulait, quand il voulait, et si son esprit était en haut, son corps, lui, demeurait en bas.

Une nouvelle lettre à l'intention de Hyunjin était partie la veille aux mains de Jisung, et il ne vivait qu'en attendant sa réponse. Et il savait que ça ne pourrait pas durer. Il savait qu'il ne le supporterait pas. Que tôt ou tard, il allait falloir que Hyunjin et lui se voient, en vrai, ou ils deviendraient tous les deux fous.

Quelle idée d'être tombé amoureux.

Son corps frêle se découpait dans le cadre de la fenêtre, le cou tendu vers l'infini, mais bloqué entre les murs. Son regard tentait de s'échapper, mais il restait coincé là, retenu par plus puissant que lui. La volonté des autres. Dehors, les étoiles, qui parsemaient le velours du ciel comme des épingles, semblaient le narguer de leur hauteur. S'il tendait la main pour les attraper, elles lui glisseraient entre les doigts.

Peut-être qu'au fond, l'univers en haut, il ne l'atteindrait jamais vraiment.










Seungmin marchait lentement dans les couloirs qui le mèneraient à la bibliothèque. Il avait essayé d'avaler quelque chose pour prendre des forces, mais n'avait pas réussi. Il tenait donc une pomme qu'il prévoyait de manger entre deux exercices, afin de ne pas tourner de l'œil.

Alors qu'il déambulait, il entendit des éclats de voix résonner dans les couloirs. Qui pouvait être levé à une heure pareille ? Il fronça les sourcils et commença à s'approcher inconsciemment, jusqu'à ce qu'il soit capable de reconnaître la voix de Ryujin. Sans plus y réfléchir, il s'approcha encore, curieux, car sa meilleure amie se levait rarement à une heure pareille, et que la tonalité des mots qu'il entendait pouvait interpeller. Bientôt, il fut assez proche, et il put se coller contre un mur pour écouter.

- Et alors ? Est-ce que je maltraite le matériel, moi ? Demanda une voix d'homme énervé.

- Pas comme si c'était précieux ! Répondit une femme sur le même ton.

Seungmin reconnut Saul et Selina, et leva les yeux au ciel en se demandant ce que Ryujin pouvait bien avoir encore cassé. Il se décolla du mur, prêt à reprendre son chemin.

- Reste que se lever au milieu de la nuit pour forcer une porte, c'est de la dégradation de matériel et de l'effraction ! Casser un vase par erreur, ça passe, mais pas détruire le palais !

- J'ai peut-être aussi cassé un vase, en fait.

Seungmin s'immobilisa, ignorant la dernière remarque de Ryujin. Pourquoi sa meilleure amie avait-elle cherché à forcer une porte quand le palais était encore endormi ?

- Et alors ? Elle est curieuse, c'est normal. Elle est juste partie en exploration, elle n'avait rien de mal derrière la tête !

- Cesse de prendre la défense de ta cousine ! Cette porte est condamnée pour une raison ! Les règles sont là pour être respectées, et en tant que membre du conseil, tu devrais les faire appliquer toi aussi !

- Au pire je retourne me coucher ?

Ryujin employait un ton blasé qui donnait l'impression que la querelle des deux adultes à son propos ne lui faisait ni chaud ni froid. Seungmin savait que c'était absolument le cas.

- Puis il y a quoi de si important dans cette pièce, déjà ? Vous avez des trucs à cacher ?

Seungmin entendit Saul soupirer de là où il était.

- Tu le sais déjà. Ses fondations sont fragilisées, et on essaie de t'éviter de te prendre un mur sur la tête, là !

- Ah oui ?

Selina garda le silence, et Seungmin tenta de calmer sa respiration pour la rendre la plus silencieuse possible.

- Et on m'explique qu'une pièce seule dans un couloir, dans un angle qui plus est, sois fragilisée, mais pas l'aile entière ? Vous vous rendez bien compte que ça ne tient pas, votre truc ?

C'était si évident, comme raisonnement, que Seungmin se sentit stupide de n'y avoir jamais réfléchi. Peut-être qu'il avait eu tendance à gober tout ce qu'on lui avait dit étant jeune, et qu'il n'avait jamais rien remis en question quand il avait été capable de le faire. Et l'incohérence était bien là. Que pouvait bien cacher cette porte, pour qu'on en interdise si fermement l'accès, sans trouver d'excuse plus valable ?

- De toute manière, extrapola Selina, si elle veut y aller, qu'elle y aille, non ? Ryujin est grande.

- Merci bien.

- Il y a des règles.

La voix de Saul semblait contenir difficilement sa colère.

- Et tu vas les respecter. Point final.

- Vous êtes quand même tous sacrément louches, ici, grommela Ryujin. Moi, je ne vois plus Seungmin, avec vos histoires d'Élus de merde. Vous ne le laissez jamais respirer. Excusez-moi de me poser des questions.

- L'Élu ne fait que remplir son rôle, ma chérie, tenta Selina, tandis que Saul soupirait à nouveau.

- Si tu veux plus voir ton ami, plains-toi à Aaron, mais n'essaie pas de casser une porte. Tu pourras te permettre de dégrader un palais quand tu en posséderas un.

- Woah, j'ai hâte, de devenir plus riche que vous tous et surtout me barrer d'ici.

Seungmin se redressa en entendant le pas reconnaissable de Ryujin retentir dans sa direction. Il prit ses jambes à son cou et dévala le couloir sans savoir exactement pourquoi – il ne trouvait juste pas très moral d'écouter aux portes. Il repris son chemin jusqu'à la bibliothèque en empruntant un autre couloir, et arriva devant la pièce la tête pleine d'interrogations, auxquelles les réponses faisaient défaut. Saul était un abruti, là-dessus, rien de nouveau. Mais Ryujin avait raison. Il se passait des choses étranges dans ce palais, des secrets y étaient maintenus enfouis depuis trop de temps. Cette porte n'était qu'une preuve supplémentaire qu'ils ne devaient pas accorder leur confiance trop facilement. Seungmin fit mentalement la liste des personnes qui l'entouraient en se demandant sur qui il pouvait réellement compter. Ryujin, assurément, et Yeji aussi. Sa mère, et Selina. Peut-être Aaron. Mais pas beaucoup plus de monde. Il soupira. Non seulement le rythme qu'on lui imposait était fatiguant, mais en plus, il avait la désagréable impression de n'être qu'une marionnette entre leurs mains. Il obéissait sagement sans poser de questions, sans savoir où on le menait, sans savoir si c'était réellement ce qu'il fallait faire. La porte condamnée se dessina dans son esprit, et il songea qu'il devrait sûrement faire plus attention à l'avenir. À commencer par la moindre personne autour de lui.






Il fut tiré de ses pensées en apercevant du mouvement dans le couloir plongé dans l'obscurité. Son coeur manqua un battement. Il ne voyait personne. Il s'approcha d'une petite cour intérieure, où la silhouette avait semblé disparaître.

- Il y a quelqu'un ?

Devant lui, les feuilles des arbustes tentaient tant bien que mal de capter les rayons lointains des étoiles. Une fontaine laissait entendre le doux bruit de l'écoulement de l'eau. Personne.

- Bouh !

- AAAAAH !

Seungmin hurla en bondissant en arrière, tandis qu'un rire cristallin s'éleva. Il écarquilla les yeux en portant sa main à son coeur.

- Tu m'as fait super peur, c'est pas drôle !

L'être qui lui faisait face lui adressa un sourire espiègle.

- Mais c'était rigolo !

Seungmin roula des yeux et se détendit, tentant de calmer les palpitements de son coeur.

- Qu'est-ce que tu fais debout si tôt, Felix ?

- J'ai entendu mon papa se lever, ça m'a réveillé, alors je suis venu jouer !

L'Élu le regarda, dubitatif. I aurait souhaité très fort récupérer les heures de sommeil que Felix avait volontairement abandonné.

- Regarde, c'est le Voyager II ! Et ça, c'est le Rover Curiosity !

Le garçon tendit les bras pour déposer les deux miniatures dans les mains de jeune homme. Seungmin les saisit, et examina minutieusement la sonde puis le rover. Il ne s'agissait pas de jouets, mais de véritables figurines aux détails travaillés, en métal léger. Peut-être que les deux engins risquaient leur vie entre les mains d'un garçon de dix ans, mais au moins, le petit roux leur donnait une vie plus mouvementée que celle de bibelot d'étagère.

- Ils sont très beaux.

- N'est-ce pas ? C'est mon papa qui me les a offert. Je vais à la découverte de l'espace avec !

Seungmin sourit en lui rendant les deux miniatures. Il avait l'impression de se voir au même âge, à vouloir tout découvrir, et surtout ce qui était hors de sa portée. C'était typiquement le genre d'Aaron, de donner à son fils un rover appelé « Curiosity ». Felix partageait bien cette qualité avec l'Élu, en tout cas, c'était ce que son astronome de précepteur ne cessait de répéter. Disons qu'il s'agissait d'un clin d'œil pas vraiment discret, qui faisait doucement sourire le jeune homme. Même si Aaron ne pouvait être très présent pour son enfant, il tentait de le combler comme il pouvait, et Seungmin trouvait cela attendrissant.

- Quelle est ta destination, alors ?

- Là, on va essayer de se rendre sur la planète Mars ! Et on va coloniser !!

Seungmin rit.

- Ambitieux, va.

Felix haussa les épaules, tenant fermement ses deux petits trésors entre ses doigts d'enfant.

- Et toi ? Pourquoi t'es levé si tôt ?

- J'ai... Disons, moi aussi un univers à découvrir !

- Oh, super ! Je peux venir ?

- Non, désolé. Cette fois, c'est trop loin. Garde ton énergie pour Mars !

- C'est vrai. Sinon, je ne pourrais pas coloniser.

- Exactement.

Le sérieux de l'enfant donnait envie de rire à Seungmin. Il fixait le jeune adulte avec attention, et ce dernier le trouvait adorable, avec ses tâches de rousseurs qui encadraient ses yeux immenses.

- Mais tu ne devrais pas te lever si tôt si tu es fatigué, repris Felix.

- Je suis fatigué, moi ?

Felix hocha la tête avec conviction.

- T'as des super grandes cernes. C'est pas beau. Faut dormir.

Seungmin acquiesça.

- J'y songerai. Mais ne t'en fais pas pour moi, j'ai la pêche ! La fatigue, c'est pour les faibles.

- Ouais !

- Oublie ce que je viens de dire ! Il faut que tu dormes quand ton papa te le dit, hein !

Manquerait plus qu'il ne fasse entrer des bêtises dans la tête du garçonnet et que son père ne lui tombe dessus ensuite.

- D'accord...

- Il faut être en forme, pour parcourir l'univers, n'est-ce pas ?

- Oui. Et puis, si je dors plus, je peux plus rêver.

- Ce serait dommage.

Le garçon fixa le vide derrière Seungmin un instant, semblant méditer profondément. L'Élu ne pouvait s'empêcher de sourire en le voyant si concentré.

- Bon, allez. Je dois y aller, moi. Tu n'as pas peur, de jouer ici tout seul dans le noir ?

- Non ! Je suis ultra courageux. Et les petits jardins sont chouettes. Je ne vais juste pas dans l'aile des habitations !

- Pour ne pas déranger ceux qui dorment ?

- Non, car cet endroit fait peur. Je préfère rester loin. Toi non plus, tu n'y vas pas, hein ? On ne sait jamais.

Seungmin se sentit fondre.

- Ne t'en fais pas, si jamais je vois un monstre, je saurai le battre !

- Il pourrait y avoir pire qu'un monstre...

- Mais je suis fort, ne t'inquiète pas.

- N'y vas pas quand même ! Comme ça, on est tranquilles.

- Je n'irai pas, c'est promis. Pas la nuit, en tout cas.

- Chouette.

Seungmin ébouriffa d'un geste la chevelure flamboyante du gamin.

- Bon, j'y vais vraiment. Amuses-toi bien !

- Merci ! Tu me diras si tu as découvert de nouveaux mondes pendant ton exploration, hein ?

- Je n'y manquerai pas !

Seungmin fit un geste de la main au garçon avant de s'enfoncer dans les couloirs, laissant l'enfant dans le jardin intérieur, qui recommençait déjà à jouer avec ses vaisseaux. Il sourit encore un peu, en général, il n'était pas très à l'aise avec les enfants, mais il connaissait bien Felix et l'adorait. Aaron avait adopté le petit garçon de quelques années quand lui même avait dans les douze ans. Felix savait tout juste parler et n'arrêtait pas de montrer fièrement le monsieur qui avait bien voulu l'adopter. Il était si mignon.

Seungmin se rapprochait de la bibliothèque en songeant que lui, il n'aurait pas été serein de jouer seul dans un palais vide de nuit à cet âge-là, jardins ou pas. L'aile des habitations n'était d'ailleurs pas plus effrayante que la silhouette sombre d'un buisson, mais il ne fallait pas se fier aux apparences, car la perception des enfants pouvait être si différente de celle des adultes, et la peur surgissait toujours de raisons aléatoires, propre à chaque petit d'homme. Il était vrai que des couloirs si hauts, parsemés d'immenses portes fermées, de nuit, avait de quoi faire peur. Il haussa les épaules en arrivant en face de la porte de la bibliothèque. Aaron devait déjà être à l'intérieur, plongé dans ses fichiers comme à l'habitude. En posant sa main sur la poignée, il tentait de deviner les exercices auxquels il aurait droit. Il devrait sûrement déclencher une éruption solaire, puisqu'il y avait échoué la veille. À vrai dire, il en était fatigué d'avance, mais prit sur lui en fixant la porte fermée, il n'avait pas le choix après tout. Il ferait de son mieux dans ces exercices, en n'ayant qu'une hâte : celle de rentrer dans ses appartements et de dormir. Il baissa la poignée de la porte, et s'immobilisa soudain en fronçant les sourcils. Son cerveau devait lui jouer des tours, et il mélangeait sûrement tout ce qu'il avait pu entendre depuis son réveil, ou peut-être était-ce même dû à la fatigue, mais...

Ce n'était pas dans l'aile des habitations que se trouvait la fameuse porte condamnée ?







(J'ai publié par mégarde le chapitre XIII, plus loin dans l'histoire. Je l'ai aussitôt dépublié, mais si par hasard il s'affiche encore, ne lisez pas !)

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