Refaire surface

By ACarlson75

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Souvent, on ne voit pas l'autre sombrer, même quand il s'agit de son meilleur et plus proche ami. Quand on le... More

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gay

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By ACarlson75

J'ai passé du temps à scanner les vieilles photos qui sont dans les albums de mes parents, à les remettre dans l'ordre chronologique et aussi à trier toutes ces photos que l'on prend avec nos smartphones. Un travail qu'il faudrait faire régulièrement, pour conserver les meilleurs souvenirs.

– Waouh, on était tout le temps fourrés ensemble quand même.

– Ouais, je suis aussi allé regarder les photos conservées par ta mère, mais ce sont à peu près les mêmes que celles de la mienne. On était tout le temps ensemble, avec nos deux mères qui nous surveillaient et nous mitraillaient de photos.

– On sourit tout le temps. On était heureux à l'époque, c'était tellement plus simple.

– On peut dire qu'on a eu une belle enfance.

– Même les vacances on les passait ensemble.

– Je me suis toujours demandé si c'est parce que nos parents s'entendaient bien ou s'ils se forçaient pour nous faire plaisir.

– Tu crois qu'ils s'en sont voulu de n'avoir chacun qu'un seul enfant ? Personnellement je ne suis pas perturbé par le fait d'être fils unique.

– Moi non plus, mais c'est parce que je t'ai toujours eu toi. Combien de fois on nous a demandé si on était frères ?

– Et combien de fois a-t-on répondu oui de façon totalement naturelle ?

Il y a évidemment beaucoup de photos de nos anniversaires respectifs.

– Les amis changent, mais jamais je n'ai manqué un seul de tes anniversaires.

– Pareil pour moi.

Il y a aussi un dossier « sport », parce que nous en avons pratiqué beaucoup, ensemble : tennis, basket, foot, piscine, athlétisme...

– Là par contre, Julien, tu fais souvent la tronche.

– C'est toi qui m'entraînais dans tous ces délires. Moi je voulais juste rester devant la console.

– Tu te forçais pour moi ?

– Je n'ai jamais pris de plaisir à faire du sport. Mais tu te souviens de ton chantage préféré ?

– Non.

– Il suffisait que tu dises : « Si tu ne viens pas je n'y vais pas non plus » pour que je te suive. J'avais peur de te rendre malheureux.

– Punaise, on a remporté plein de compétitions.

– Ouais, toi t'étais toujours sur le podium et moi loin derrière.

– On a quand même passé du bon temps.

– C'est vrai. Même si j'étais toujours un peu dans l'ombre.

– Qu'est-ce que tu racontes, Julien ?

– C'est toi qui étais populaire, apprécié, admiré. Moi on me parlait parce que j'étais l'ami d'Antonin, sinon je crois que je serais passé totalement inaperçu du primaire au lycée.

– N'importe quoi.

Les preuves sont là, sur toutes ces photographies où on voit Antonin mis en avant et où, pour me trouver, il faut bien chercher, voire zoomer sur les visages.

– Je me demande ce que sont devenus tous ces potes.

Nous n'avons gardé de lien avec personne. C'était un peu particulier, puisqu'il y avait notre amitié et puis tous ces autres qui gravitaient autour de nous. Ils étaient nos potes parce que nous étions dans la même classe, mais d'année en année nous avons perdu le contact avec tous ces garçons et toutes ces filles.

– On pourra faire des recherches pour voir ce qu'ils sont devenus.

– Ouais, mais d'abord je veux voir ce dossier-là : X. Je ne me souviens pas d'avoir fait des pornos.


Nous allons regarder ce dossier, puisqu'il nous concerne tous les deux, je n'ai rien à cacher à Antonin. En revoyant ces images, il semble reprendre vie légèrement, c'est peut-être une bonne technique pour lui insuffler un peu de positivité.

– Qu'est-ce que c'est que ces horreurs !

– Les années de la puberté. Nous avions l'obsession des poils.

– Ouais, on voulait tellement en avoir, comme les grands, pour devenir des hommes. Mince, j'avais presque oublié ce rituel.

Nous avions hâte de devenir des « vrais mâles » et le symbole de cette virilité étaient les poils. Comme toujours, dans une classe, il y a eu des garçons bien plus précoces. On essayait de se comparer sous les douches et dans les vestiaires, après les cours de sport. Mais bien sûr, Antonin et moi sommes allés beaucoup plus loin. Nous avons instauré un rituel : tous les samedis, on s'examinait mutuellement le corps, pour constater l'évolution de la pilosité. Et donc, on prenait des photos pour voir la progression.

– Pourquoi t'as gardé ça ? Il n'y a aucun intérêt à voir nos poils pousser sous les aisselles et ailleurs.

– C'est drôle d'y repenser. On était complètement hystériques avec cette histoire. C'est un peu étrange de conserver ces photos, mais on y a passé tellement de temps, ça fait partie de notre passé commun.

– On allait très loin.

– Ouais, ce dossier ne doit pas tomber entre de mauvaises mains.

Bien évidemment la partie qui nous intéressait le plus se situait sous la ceinture. Et nous avons des dizaines de photos de cet endroit. Au départ, l'obsession étaient nos testicules. On voulait y voir pousser des poils.

– Donc toi, mec, tu gardes des photos de mes bourses.

– T'inquiète, c'est la première fois que je les regarde depuis des années, rien de pervers.

Il n'y a jamais eu de perversité dans ces photos. Nous ne faisions pas ça pour nous exciter mutuellement. À cette époque, c'était un sujet très sérieux pour nous, presque une étude scientifique !

– Merde, mais on s'est photographiés dans tous les états.

Au moment de nos premières érections, notre attention s'est focalisée sur le pénis. Là encore il y a des dizaines de photos : au repos, bien droit et même nous en train de nous comparer en les collant l'un contre l'autre.

– On était en compétition même à ce niveau.

– On voulait tellement que ça s'allonge.

– On peut dire que la nature n'a pas été trop avare pour nous.

Les photos de ce type se sont arrêtées quand nous avons considéré que l'analyse était terminée. C'est-à-dire quand nous avions tous nos poils et avons estimé que la longueur de nos pénis ne varierait plus. Nous avons continué à nous observer, sous les douches collectives, mais sans prendre de photos. Celles que je conserve ne sont, à nos yeux, pas pornographiques. Si nous avions continué, ce serait devenu plus ambigu.


Nous continuons la redécouverte du passé avec le dossier consacré à nos années d'études supérieures. D'abord, il y a plein de photos de notre appartement, celui que nous avons partagé pendant quatre ans. Et puis, les images partent à la dérive.

– On en a fait des soirées !

– Ouais, et c'est toujours pareil. Au début les photos sont bien, tout le monde pose et rigole. Ensuite, il n'y a que des mecs et des nanas bourrés.

– Je ne me souviens pas de cette photo !

Oups, moi non plus je ne me souvenais pas qu'elle était là.

– C'est un pote qui me l'a envoyé après une soirée.

On nous voit, Antonin et moi, en train de s'embrasser. Et pas qu'un peu, on peut dire qu'il y a un échange de langues.

– On devait être complètement défoncés.

– Ouais, je ne me souviens pas de cet instant.

– Moi non plus. Tu crois que c'est ce qui nous a valu notre réputation ?

– Je ne pense pas, celui qui a pris cette photo m'a juré que personne ne l'a vu.

– Mais il y avait des témoins.

– Tous aussi bourrés que nous, personne ne s'en souvient.

– Ça venait de quoi, alors ?

Beaucoup de choses ont changé quand nous avons commencé nos études. Nos potes du collège ou du lycée n'ont jamais eu aucun doute sur notre relation. Nous étions considérés comme deux meilleurs amis. Mais ça, c'est parce qu'ils nous connaissaient déjà et savaient tout de notre histoire. Sur le campus, nous nous sommes retrouvés face à des inconnus. Assez rapidement, nous avons compris que beaucoup nous considéraient comme gays et en couple. Certes nous partagions le même appartement, mais ce genre de chose est répandu.

– Sans doute parce qu'on était toujours ensemble.

– Ouais, mais on est chacun sorti avec des filles.

– Jamais longtemps. Et puis, je crois qu'on ne se comportait jamais comme de simples potes ou même des frangins.

Durant nos études supérieures, personne ne nous a jamais considérés comme des frères, contrairement à l'époque où nous étions plus jeunes.

– Mis à part ce baiser, on n'a pas eu de comportement homo l'un envers l'autre.

– Ils trouvaient bizarre qu'on partage la même chambre.

– On n'avait pas les moyens de louer un cinq pièces.

– Et tu te souviens qu'on vivait toujours à poil.

– Ouais, c'était la belle époque. Mais rien de tendancieux non plus, tous les gays ne vivent pas à poil, c'était juste un mode de vie.

– Vu de l'extérieur, on fonctionnait comme un couple. Très proches, à connaître l'autre par cœur, à avoir nos petites disputes pour les courses, le linge, le ménage...

– Ils ne savaient pas ce qu'on faisait en privé.

Effectivement, nous passions beaucoup de temps à mater des pornos ensemble. Mais ce n'était qu'entre nous, il n'y a pas eu d'invités et, évidemment, nous n'en parlions pas autour de nous.

– J'imagine que certains pensent toujours que nous sommes gays.

– En même temps, on n'a jamais contredit la rumeur.

Nous savions qui pensait qu'on était homos. En fait, cela ne nous a jamais dérangés. Sans doute parce que nous étions sûrs de notre relation, nous avons toujours été très clairs et à part ce baiser de deux mecs ivres morts, il n'y a eu aucune ambiguïté. Dans ce cas, les autres peuvent penser ce qu'ils veulent, on s'en fout. Et surtout, il n'aurait servi à rien d'essayer d'expliquer notre véritable relation, une fois que les gens croient quelque chose ils n'en démordent pas.

– On ne s'est jamais réellement disputés.

– Non, pour des âneries, mais juste quelques minutes. Comme on s'est toujours parlé franchement, on a évité les grosses engueulades.

– Je me sentais bien à cette époque, juste avant ma première petite déprime.


Je ne pensais pas que cette séance souvenirs mènerait à ce point. Mais c'est important, alors nous faisons une pause.

– Tu as déjà déprimé ?

– Juste après les études, la première fois que nos chemins se sont séparés. Enfin, quand on a chacun pris notre appartement.

Nous n'avons jamais été bien loin l'un de l'autre et même dans des appartements différents, on se voyait tous les jours et nous passions toutes nos vacances ensemble, il y a des dossiers pleins de nos photos de voyages.

– Le premier soir où je me suis retrouvé seul dans mon appartement, j'en ai pleuré. Je me sentais tellement mal, de ne pas t'avoir à côté de moi.

– On s'appelait toutes les cinq minutes.

– Ce n'est pas la même chose. Quand on était ensemble pendant les études, souvent on ne parlait pas. On était juste là, tous les deux dans la même pièce, en silence, mais d'avoir ta présence me suffisait. J'ai mal supporté de me retrouver seul.

– Pourquoi tu n'as jamais rien dit ?

– Je ne voulais pas t'emmerder avec ça.

– N'importe quoi !

– T'es beaucoup plus indépendant que moi, Julien. Sur les photos, on a l'impression que tu me suivais partout, comme accroché à moi, mais en fait c'était l'inverse. Toi tu as toujours été capable de gérer la solitude, moi j'ai besoin d'être entouré. Quand je suis seul, je ne sais pas quoi faire, c'est comme si soudain je perdais le goût de tout.

– On était tout le temps ensemble, pour moi aussi ça a été dur de me retrouver seul dans un appartement.

– Tu t'es inscrit à plein d'activités, seul, enfin sans moi. C'est la différence. Tu l'as dit tout à l'heure, je te faisais souvent du chantage : « si tu ne viens pas j'y vais pas ». J'avais besoin que tu sois là, je ne peux rien faire tout seul.

– Après nos études je t'ai demandé si tu voulais qu'on partage une colocation et tu as dit non.

– Parce que toi tu avais besoin de souffler. T'es heureux quand tu as ton indépendance, je ne voulais pas non plus devenir un boulet.

– N'importe quoi. T'as déprimé pendant longtemps ?

– Comme dit, toi t'as trouvé plein d'activités, pour occuper ton temps, mais tu m'as souvent dit que tu appréciais aussi d'être seul à la maison, sans personne, pour prendre un peu de temps pour toi. C'est un truc que je n'arrive pas à faire.

– Quand je dis ça, tu n'es pas concerné, je préfère toujours être avec toi que seul.

– Tu dis ça pour me faire plaisir. Moi j'ai agi complètement différemment. Avant aujourd'hui, tu m'as déjà connu célibataire ?

Inutile de trop réfléchir, la réponse est facile.

– J'ai eu plein de relations amoureuses, je les ai enchaînées. Je ne supporte pas d'être seul, Julien.

– De quoi ça vient ? On a regardé les photos, on a toujours été ensemble, on a eu la même enfance, la même adolescence, les mêmes années collège.

– Et on a vu aussi que tu étais toujours présent... pour moi. Tu voulais d'autres choses, comme jouer à la console, seul, tu avais besoin de tes moments de solitude. Moi j'avais besoin de toi, que mon meilleur pote soit présent. Quand je faisais un truc seul c'était comme si je ne faisais rien.

Je ne sais pas trop quoi faire ou dire. Il a raison, contrairement à ce que l'on peut penser en nous voyant de l'extérieur, je suis plus indépendant que lui. J'ai besoin de lui, de le voir, de lui parler, de lui raconter tout ce que je fais, tout ce qui se passe dans ma vie. Mais je peux faire des choses seul, sans lui et je ne suis pas en crise quand je me retrouve dans mon appartement sans personne. Au contraire, j'aime passer des soirées avec moi-même !

– Cette dépression a duré longtemps ?

– Non, et elle n'était pas très profonde. Enfin, j'ai essayé de l'oublier, donc mes souvenirs ne sont plus très clairs. J'ai vite trouvé une copine. Rétrospectivement, c'est sans doute pour ça que mes relations n'ont jamais fonctionné. Je cherchais quelqu'un pour ne pas être seul, pas parce que j'en avais réellement envie.

– Et je ne sais tout ça que maintenant.

– Je ne voulais pas en parler quand on était ensemble. Parce que quand on est tous les deux je me sens bien, je ne pense plus à toutes ces idées noires.

Je crois que c'est quand même important d'apprendre à vivre seul. Mais je sais que peu de gens y arrivent et le supportent. Je n'ai rien vu chez mon meilleur pote, je commence à m'en vouloir.

– Avec toi, Julien, tout est simple. On se connaît par cœur, on peut discuter de tout, on peut même ne rien dire et quand même se sentir bien. T'as déjà retrouvé ce genre de relation ? Une dans laquelle les silences ne sont pas gênants mais aussi intenses que le reste ?

– Non. Enfin moi je n'ai pas eu beaucoup d'histoires d'amour pour l'instant.

– Je sais que je devrais être plus indépendant, mais je n'y arrive pas.

– Et ce n'est pas grave du tout. T'es comme ça, c'est ton caractère. Maintenant, on peut y remédier.

– Comment ?

– Déjà, après ce qui vient de se passer je ne vais pas te laisser retourner dans ton appartement de sitôt. Tu restes ici autant que tu veux.

– Mais je ne veux pas perturber ta petite vie, tes habitudes. Je dois m'assumer, je suis un adulte.

– Et avant tout t'es mon meilleur pote. Demain on va chercher des affaires chez toi, tu ne vas pas t'habiller avec mes fringues. Je viens avec toi et on prend le maximum. Que tu restes deux jours ici ou un an on s'en fout, tu ne partiras pas tant que tu ne seras pas réellement prêt.

– Tu accepterais de revivre une colocation ?

– T'es le seul avec qui je peux le faire. Tu me manques aussi quand tu n'es pas là.

– Vraiment ?

– Euh, chaque soir on passe une heure ensemble au téléphone. Dans la journée on s'envoie des dizaines de SMS. Ce sera plus simple d'habiter ensemble !

Je tente un petit trait d'humour qui le fait à peine sourire.

– Si je reste ici, il va aussi falloir que tu cohabites avec Edgard. Et je sais que tu n'aimes pas trop les chats.

– Il a changé. Sans doute parce que je l'ai nourri, il ne tente plus de m'attraper la carotide pour m'égorger.

– Depuis deux heures il est assis sur tes genoux.

– C'est ça la fidélité des chats : ils l'accordent à celui qui leur donne à manger.

– Tu as donc deux boulets : un chat et son maître.

– Viens là.

J'ai envie de le prendre dans mes bras. Sans hésiter, il se colle contre moi. Assez rapidement, Edgard s'endort sur mes genoux et Antonin contre mon torse. Moi, je continue à faire défiler les photos. Il y en a encore des centaines. Les dossiers de photos sur lesquelles nous ne sommes pas ensemble sont beaucoup moins fournis...

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