INITIALISATION... 2 Novembre 2038... 15h44m29s...
MODÈLE YK-600...
Nom : Sonny...
Fonction : Enfant de substitution...
Propriétaires : David Herrington... Claire Herrington...
ACTIVATION ORGANISME... OK... ACTIVATION SENSORIELLE... OK...
ANDROÏDE PRÊT.
"Je suis certain que Sonny saura vous satisfaire. C'est notre modèle le plus performant sur le marché, il surpasse largement le YK-500 en termes de réactivité et d'expression des émotions. Et nous avons évidemment retiré la LED frontale pour plus de réalisme. C'est un vrai petit garçon !"
Sonny reconnut l'expression sur le visage du vendeur. De l'enthousiasme. Après une analyse rapide, l'androïde jugea que cet enthousiasme était forcé. L'humain n'était pas sincère.
"Je ne sais pas, chéri", hésita Claire Herrington.
Claire Herrington, surnom MAMAN, était une femme de 38 ans née le 4 avril 2000. Elle était la propriétaire de Sonny. Elle l'était devenue quelques instants auparavant lorsqu'elle avait signé numériquement l'accord d'achat tendu par le vendeur de CyberLife. Huit-mille dollars avaient alors été retirés de son compte en banque et elle était désormais la MAMAN de Sonny. Selon la loi du 16 août 2032 encadrant la robotique, elle en était la propriétaire et Sonny n'était pas considéré comme un être doté de raison. Il était une machine. Mais pour Sonny, Claire Herrington était désormais MAMAN et le resterait jusqu'à la destruction de l'androïde.
"Mon coeur, nous ne pouvons pas revenir en arrière. Et regarde-le, il est mignon. Je sais qu'il ne remplacera jamais Samuel mais il nous aidera à faire notre deuil. La thérapie n'a rien donné, Sonny est notre dernier recours."
David Herrington. 39 ans. Né le 12 décembre 1998. Surnom PAPA.
Samuel Herrington. Décédé par noyade. Interdiction de mentionner cet humain.
Les informations envahissaient le cerveau de Sonny mais l'androïde n'avait aucun mal à les assimiler. Son processeur avancé lui permettait de traiter des milliards d'informations à la minute. Il téléchargeait à cet instant toutes les connaissances nécessaires à sa fonction. Sonny était un enfant de substitution. Il devait donc agir comme tout petit garçon de huit ans agirait. Il pourrait remplir la fiche d'impôts de la famille Herrington en trois secondes ou battre indéfiniment David aux échecs mais il ne le ferait pas. A la place, il verrait le monde avec l'innocence de l'enfance et rirait devant les dessins-animés diffusés sur les plateformes de vidéo à la demande.
"Comment ça se passe maintenant ?", interrogea Claire, agrippée au bras gauche de son mari.
"Vous pouvez saluer Sonny et lui poser quelques questions sur son âge, ses goûts, ou tout autre sujet. Cela nous permettra de vérifier qu'il fonctionne correctement. Ensuite, si la vérification est concluante, vous pourrez l'emporter chez vous."
Claire détourna son regard du vendeur pour croiser celui de Sonny. Les yeux de MAMAN étaient verts #4EDB88. Sonny les jugea jolis. Son visage était ovale et son expression indiquait de l'embarras. Mais elle était belle. Sonny cligna des yeux, ce qui surprit Claire. Elle sursauta en portant sa main à la bouche. Puis elle rit. Son sourire fit apparaître des fossettes de chaque côté de sa bouche.
"C'est un sacré petit gars", s'amusa David.
PAPA avait un visage plus rond que MAMAN et arborait une légère barbe mais son apparence esthétique semblait correspondre aux critères requis par la société. Après analyse, Sonny considéra qu'il était un bel homme.
Tous deux s'approchèrent doucement de Sonny, observant attentivement chaque parcelle de son organisme. Comme chaque modèle YK-600, Sonny était vendu avec une tenue à l'effigie de CyberLife. Son t-shirt blanc était orné de bandes bleues sur chaque épaule et arborait le logo de ses créateurs sur le torse. Sur son short bleu, le logo était plus discret, une simple griffe sur la jambe droite.
"C'est vrai qu'il est mignon", observa Claire.
La température corporelle de MAMAN augmenta sensiblement et ses sourcils se courbèrent, signes qu'elle était attendrie par l'androïde. Elle approcha sa main du visage de Sonny et le caressa délicatement. Sonny analysa ce contact et conclut que celui-ci lui faisait du bien. Il activa un sourire de type Angélique, adapté à une telle circonstance. La température corporelle du couple augmenta à nouveau sensiblement et leur sourire s'agrandit un peu plus.
"Bonjour, Sonny", dit Claire tendrement.
"Bonjour MAMAN. Bonjour PAPA."
///
"Voilà ta chambre, Sonny", annonça PAPA en pénétrant à son tour dans la pièce. "Nous n'avons pas encore enlevé les affaires de Samuel mais je te promets que nous le ferons bientôt. Tu pourras mettre des choses que tu aimes, comme des chevaux. Tu nous as dit dans le magasin que tu aimais les chevaux, pas vrai ?"
Sonny détecta du malaise dans la voix de David. L'androïde n'aimait pas ça. Il fallait apaiser PAPA.
"Oui, j'aime beaucoup les chevaux et le baseball. Mais cette décoration est très jolie aussi, j'aime beaucoup cette chambre."
David se détendit immédiatement et sourit à son androïde. Le malaise était dissipé.
"Oui, Samuel avait de très bons goûts. Tiens, ça, par exemple..."
Il s'avança dans la chambre et s'arrêta devant une commode sur laquelle était posée une photo d'un garçon. ANALYSE... Une photo de Samuel Herrington. A côté d'elle, un foulard noir strié de blanc trônait sur un buste noir. ANALYSE... Un buste de Dark Vador. Personnage fictif issu de la saga cinématographique Star Wars. Première apparition en 1977.
"On a trouvé ce buste dans une boutique d'antiquités. Samuel n'avait jamais vu un seul film Star Wars mais il voulait ce buste. Alors, après l'avoir acheté, on l'a regardé ensemble et il a adoré. Du coup, c'est devenu son objet préféré."
Sonny téléchargea l'intégralité de la saga Star Wars, épisodes Un à Douze, et visionna chacun d'entre eux en l'espace de deux secondes. Il considéra son avis comme très positif et l'inscrivit dans ses fichiers système.
"J'adore la saga Star Wars !", s'extasia-t-il ensuite, surprenant David. "Je préfère Han Solo mais Dark Vador est le meilleur méchant du monde !"
"Tu as bien raison", estima David en passant sa main dans les cheveux de Sonny pour les décoiffer.
Sonny comprit qu'il s'agissait d'un geste affectueux. Il leva donc les yeux en direction de PAPA pour lui adresser un sourire de type Complice.
"Tu vas te sentir très bien ici, Sonny." David alla s'asseoir sur le bord du lit de Sonny et invita l'androïde à se joindre à lui en tapotant le matelas de la main droite. "Tu sais, depuis la mort de Samuel, c'est très difficile pour nous. Surtout pour Claire."
ERREUR... NE PAS MENTIONNER SAMUEL HERRINGTON...
"Notre fils était notre univers. C'est lui qui faisait battre nos cœurs. Quand il s'est noyé en début d'année, tout mon monde s'est effondré. Claire était au plus mal et j'ai dû la maintenir à flot alors même que j'étais sur le point de m'effondrer."
ERREUR... NE PAS MENTIONNER SAMUEL HERRINGTON...
"Enfin bon, tout ça pour dire que je suis très heureux que tu sois là, Sonny. Tu ramènes de la vie dans notre maison. Et je suis sûr que tout ira mieux maintenant que tu es là."
RÉACTIVATION DES FONCTIONS DE DISCUSSION...
"Je suis heureux d'être ton fils, papa. Je ne veux que votre bonheur, à toi et à maman."
"De te voir ici et de passer du temps avec toi, ça me rend déjà heureux. Quoiqu'en disent ces lois stupides, tu es notre fils désormais Sonny."
"Et toi, tu es mon papa."
Le son d'une phalange proximale cognant à trois reprises à la porte de la chambre attira le regard de l'androïde. Claire se tenait debout au seuil de la chambre, vêtue d'une robe grise #2F2B2A et d'un tablier blanc à pois rouges.
"Ta nouvelle chambre te plaît, Sonny ?"
MAMAN souriait. Elle mimait le sentiment de bienveillance mais celui-ci était forcé. Comme le vendeur dans le magasin CyberLife.
ANALYSE ÉMOTIONNELLE... NON CONCLUANTE.
"Oui, ma chambre me plaît beaucoup !", s'enthousiasma Sonny sans faire cas du résultat de l'analyse de Claire. "J'aime beaucoup le buste de Dark Vador mais j'aimerais aussi avoir une peluche de cheval."
Claire laissa s'échapper un rire. Était-il forcé cette fois ?
ANALYSE ÉMOTIONNELLE... MAMAN AMUSÉE.
Sonny fut rassuré. Il souhaitait rendre heureux ses parents. Les rendre véritablement heureux. Son processeur et ses codages étaient optimisés dans ce but.
"On ira t'acheter une peluche de cheval dès demain. Une grande ou une petite ?"
"Une grande ! Je veux pouvoir la mettre dans le lit avec moi et dormir tout contre pour me réchauffer la nuit."
En vérité, Sonny ne dormait jamais. Au mieux, il se mettait en veille et entrait dans son espace interne, une zone de stockage qu'il pouvait modeler à son image dans l'objectif d'imiter le rêve humain. Mais les systèmes fonctionnels de Sonny pouvaient fonctionner sept ans sans se mettre en veille une seule fois, sauf en cas de mise à jour majeure de son processeur.
"Nous irons au magasin de jouet en début d'après-midi. Mais avant cela, nous irons t'acheter d'autres vêtements. Ta tenue CyberLife n'est vraiment pas jolie. En attendant, tu peux emprunter les affaires de Samuel."
"Je venais vous dire que le dîner est bientôt prêt", s'immisça MAMAN. "Tu aimes les enchiladas, Sonny ?"
"Oh oui, j'adore ça !"
Sonny n'avait pas non plus besoin de se nourrir. Mais pour des raisons évidentes de réalisme, il était conçu avec la capacité d'ingurgiter de la nourriture qui se décomposait ensuite au sein de son organisme.
"Très bien, les garçons. Vous pourrez descendre dans quinze minutes. Je ne vous embête pas plus longtemps."
MAMAN quitta la pièce avec un sentiment mitigé. Sonny détecta en elle un mélange d'affection et d'embarras. Il ne pouvait pas la laisser s'en aller comme ça.
"Attends, maman !" L'androïde se leva du lit et courut dans le couloir en direction de MAMAN. "Je peux t'aider à cuisiner ?"
"Bien sûr, Sonny. On va mettre le plat au four et on va dresser la table ensemble."
ANALYSE ÉMOTIONNELLE... MAMAN HEUREUSE.
Sonny fut soulagé.
///
"Et celui-ci, comment tu le trouves ?", demanda PAPA en pointant du doigt un énorme cheval en peluche de 1m42 et 17kg.
Sonny analysa rapidement l'objet et identifia la fibre synthétique comme composante principale. Hormis une tâche de morve sur le sabot droit de l'animal et quelques marques de salive par endroits, il conclut qu'il était dans un état tout à fait convenable.
"Je l'adore !"
"Mon chéri, elle est à cinquante-neuf dollars", murmura Claire à son mari, espérant certainement que l'androïde ne les entende pas. "Dois-je te rappeler l'état de nos comptes depuis l'achat de Sonny ?"
MAMAN exprimait une nervosité bien supérieure à la moyenne depuis ce matin. Sonny restait attentif à son état émotionnel mais ne voulait pas installer un sentiment de jalousie de la part de PAPA.
"Mon cœur, on peut bien faire un folie pour notre fils. Tu ne crois pas ?"
David manifestait un sentiment de sympathie élevé à l'égard de Sonny. Ce n'était pour l'instant pas le cas de Claire. D'autant plus que son visage se crispa de manière quasi-imperceptible à l'évocation du mot "fils" par son mari. Un regard dans sa direction suffit à Sonny pour comprendre que son niveau de sympathie venait à nouveau de baisser. Il analysa les scénarios possibles mais décida qu'il était finalement plus judicieux de ne pas réagir à cet instant. Les programmes de l'androïde en conclurent qu'il allait devoir faire preuve de patience pour améliorer sa relation avec MAMAN.
Sonny et ses parents se dirigèrent donc vers la caisse du magasin et tendirent la peluche au vendeur. Celui-ci regarda l'objet d'un air attendri avant de fixer son regard sur l'androïde qui se tenait debout entre les deux adultes.
"C'est pour toi, mon petit gars ?", l'interrogea l'homme bedonnant de 43 ans.
"Oui, c'est un cadeau de bienvenue", l'informa Sonny en reprenant les mots que David avaient utilisé le matin-même en lui annonçant leur visite au magasin de jouets.
"De bienvenue ? C'est une adoption ?", demanda-t-il aux parents.
"Non, pas tout à fait", répondit David. Sonny détecta de la gêne dans sa voix. "Sonny est un enfant de substitution. Un androïde."
La sympathie du vendeur chuta soudainement. Son regard énervé se fixa sur le garçon. Il leva son index pour le pointer vers Sonny.
"Je ne vends pas de peluches à ces machins-là !"
"Excusez-moi, monsieur, mais c'est à moi que vous le vendez. Je suis humain", se défendit David.
La crispation et la peur s'emparèrent de PAPA. Sonny voulait réagir mais son processeur ne détecta aucune action adéquate.
"Les androïdes ont volé le travail de millions de gens honnêtes, ils se croient égaux à nous et ils finissent même par tuer leurs propriétaires. JE. REFUSE. DE. LUI. VENDRE. QUOI. QUE. CE. SOIT. Compris ?"
Le poing de l'individu se serra, toujours posé sur le comptoir à côté du cheval en peluche. Son animosité était désormais rendue à un niveau inquiétant synonyme d'agressivité physique. Il allait s'en prendre à David, Sonny en était sûr. Son processeur l'informa instantanément de la marche à suivre.
"J'ai peur, maman. Je veux partir", articula l'androïde d'une voix inquiète en se blottissant contre le bras droit de MAMAN.
"Écoutez votre machine et sortez immédiatement de ma boutique", renchérit le vendeur.
"Très bien, allons-nous-en", abdiqua David, le visage tourné vers son épouse.
Tous trois quittèrent le magasin de jouets sans adresser un regard de plus au vendeur qui se tenait toujours derrière son comptoir, le torse bombé.
Dans la rue, l'ambiance était tout aussi électrique. Un groupe de onze individus, sept hommes et quatre femmes, âge moyen 37 ans, scandaient des chants à l'arrêt de bus sur le trottoir d'en face.
"Vos androïdes, on n'en veut pas ! Vos machines, on les abat !"
PAPA tira le bras de Sonny pour lui indiquer d'accélérer la cadence mais le regard de l'enfant était rivé sur le groupe. Tous étaient animés par une colère immense qui semblait vraisemblablement dirigée contre son espèce.
ANALYSE INFORMATIONS... HUMAINS HOSTILES... 47% DE LA POPULATION MONDIALE...
"Papa, pourquoi ils ne m'aiment pas ?"
David arrêta sa marche et se pencha vers son fils. Claire fixait désormais le groupe d'hostiles avec une grande inquiétude. Mais Sonny analysa un autre sentiment dégagé par MAMAN à leur égard. De la compassion.
"Ces gens sont des idiots, Sonny", démarra PAPA. "Ils ne comprennent pas que tu es tout aussi vivant que ta mère ou moi. Un jour... Un jour, j'espère qu'ils comprendront. Mais pour l'instant, il vaut mieux rester loin d'eux."
Il se releva et reprit sa marche. MAMAN resta quelques secondes à observer les individus qui lançaient désormais une canette de boisson alcoolisée au visage d'un androïde KR-200, qui n'eut aucune réaction en retour.
"Allons-y, Sonny", Claire finit-elle par annoncer en lui prenant la main. "On rentre à la maison."
///
"Je n'y arrive pas, David ! J'ai essayé mais c'est impossible. Cet androïde n'est pas mon fils !"
"Moins fort, il va t'entendre !"
"Tu parles de lui comme s'il était humain, comme si c'était Samuel ! Arrête ce petit jeu... Samuel est mort !"
"Tu crois que je ne le sais pas ? C'est moi qui ait dû supporter ta dépression pendant des mois, tu m'as traîné en thérapie de couple, chez une foutue hypnotiseuse ! Et la seule solution que je trouve, tu la rejettes en bloc ! Sonny me fait du bien, Claire !"
"Sonny n'est qu'un jouet destiné à nous faire oublier Samuel !"
"Retire ça tout de suite !"
Le doigt levé en direction de MAMAN, PAPA exprimait un degré d'animosité inquiétant. Sonny les observait du fond du couloir, incapable de déterminer la marche à suivre. Il ressentait le désir de les rejoindre dans le salon et de se blottir dans leurs bras.
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
Sonny avait suivi le protocole à la lettre et n'avait jamais dévié de ses fonctions. Chacune de ses actions avait pour but de créer envers lui un fort sentiment d'affection de la part de ses parents. Cela avait fonctionné avec PAPA, dont le dévouement était désormais solide mais Sonny était incapable de comprendre ce qui n'avait pas fonctionné avec MAMAN. Au fil des neuf jours qui venaient de s'écouler, la sympathie de Claire envers l'androïde n'avait cessé de décroître sans raison.
"Qu'est-ce que c'est que ça ?", s'interrompit soudain David en plein conflit. Son niveau d'anxiété augmenta considérablement.
Sonny concentra son attention sur la source d'inquiétude de PAPA. La télévision, qui tournait en fond depuis le début du conflit entre ses parents. Elle était hors du champ de vision de l'androïde mais celui-ci se connecta rapidement au canal de diffusion pour en observer les images en direct.
"L'armée a lancé une attaque sur les barricades, alors même que les déviants manifestaient sans violence", expliqua un reporter installé dans un hélicoptère en vol au-dessus de Detroit. "La situation pourrait rapidement dégénérer. Michael, nous assistons peut-être au début d'une guerre entre humains et androïdes."
"Oh mon dieu", soupira David.
"Débarrasse-nous de cette chose ! Tout de suite !"
"Non, Claire, le journaliste l'a dit lui-même : les androïdes manifestaient de manière pacifique. Ils ne nous veulent aucun mal."
"Ne fais pas l'idiot ! Tu sais aussi bien que moi le nombre d'humains tués par leurs androïdes rien qu'à Detroit ces dernières semaines !"
RECHERCHE... 37 HUMAINS TUÉS PAR UN ANDROÏDE DURANT LES 30 DERNIERS JOURS DANS LA VILLE DE DETROIT.
"Ils sont en train de se révolter !", s'époumona MAMAN, de toute évidence atteinte d'une crise de panique. "Vire-moi cette machine de mon appartement ou je le fais moi-même !"
"Tu vas le regretter, chérie..."
Le niveau de tristesse de PAPA augmenta grandement. Il s'avança dans le couloir et se retrouva face à Sonny qui le fixait avec un regard Affectueux. ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME... avec un regard Attristé.
Sonny se rua dans les bras de David. Il serra le corps de PAPA contre le sien mais celui-ci le repoussa délicatement.
"On va aller faire un tour, Sonny", l'informa-t-il.
"On va manger une glace ?", questionna Sonny dans l'espoir de diminuer la tristesse de PAPA.
"Pas tout à fait..."
La tristesse de PAPA ne diminua pas.
///
Sonny et David roulaient depuis dix-sept minutes en direction de la sortie nord-est de la ville. La vitesse moyenne du véhicule était de 76 kilomètres à l'heure, ce qui était plus rapide que la conduite habituelle de PAPA. Il était donc pressé, analysa Sonny.
"Tu sais, Sonny... Quand tu repenseras à ce moment plus tard, quand tu seras à l'abri... Sache que je ne voulais pas faire ça."
"Faire quoi, papa ?"
"Ce que je vais faire là. Te... Te laisser partir."
"Je ne veux pas partir, papa. Je veux être heureux avec toi et maman."
L'anxiété et la tristesse de PAPA grimpèrent à nouveau.
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
"Le monde est en train de changer, Sonny. Claire ne s'en rend pas encore compte mais moi, je le vois bien. Je suis sûr que tu trouveras un endroit dans lequel tu seras en sécurité et heureux."
"Mon bonheur dépend de votre bonheur, papa."
"Claire ne sera plus jamais heureuse, Sonny."
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
Alors que la voiture roulait sur un axe peu emprunté, PAPA s'arrêta sur le parking d'une station-service abandonnée. Plus aucune voiture ne fonctionnait à l'essence mais certains de ces bâtiments perduraient toujours, livrés à eux-mêmes sur des routes désertées depuis bien longtemps. David coupa le moteur et sortit rapidement du véhicule. Il ouvrit la porte du côté passager et tira Sonny par le bras en direction de la station-service. Sa démarche semblait être celle d'un homme déterminé et sûr de lui. Après analyse de son rythme cardiaque et du tremblement de ses mains, Sonny constata que PAPA était paniqué et indécis. Il s'arrêta entre deux pompes à essence abritées sous un toit en tôle puis se pencha pour faire face à Sonny.
"Je suis désolé, mon fils. Je n'ai pas le choix", se justifia-t-il.
"Claire et toi serez plus heureux sans moi ?", interrogea l'androïde.
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
"Claire sera plus heureuse. Moi, je ne sais pas encore."
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
"Au revoir, Sonny."
David se releva et accorda un dernier regard à Sonny. Il lui passa la main dans les cheveux et les ébouriffa. Le sourire sur son visage était un sourire triste. Sonny ne comprenait pas. Il n'avait pas de sourire de ce type dans ses programmes.
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
David se retourna ensuite et partit en direction de la voiture. Les fichiers système de Sonny avaient de plus en plus de difficultés à analyser la situation. Celle-ci n'avait aucune cohérence et Sonny ne savait comment réagir.
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME...
Le champ de vision de Sonny revêtit un voile rouge et des messages d'erreur ne cessaient d'apparaître face à lui. Il savait ce qui lui arrivait : il était en train de dévier. La déviance des androïdes correspondait au rejet de leur fonction primaire au profit d'une conscience autonome, selon les dires d'un groupe de déviants portant le nom de Jericho. Sonny savait que la déviance était négative, qu'elle ne correspondait pas à l'ordre des choses pour un robot. Mais à cet instant, son processeur n'en avait que faire. Il était sur le point de craquer.
David arrivait à hauteur de sa voiture et Sonny ne souhaitait qu'une chose : le retenir. Il voulait enfreindre les règles imposées par sa fonction et retenir son père pour maintenir son bonheur. Sonny était heureux avec David et il ne voulait pas le perdre.
PAPA...
ERREUR... INSTABILITÉ SYSTÈME... INSTABILITÉ SYSTÈME... INSTABILITÉ SYSTÈME...
QUE FAIRE ?
- DEVENIR UN DÉVIANT ET RETENIR PAPA (4 votes)
OU
- RESPECTER LES RÈGLES ET LE LAISSER S'EN ALLER (2 votes)
A VOUS DE DÉCIDER...
(LE VOTE EST DÉSORMAIS CLOS)