𝑶𝒃𝒆𝒓𝒐𝒏 ᯽ 𝐒𝐞𝐮𝐧𝐠𝐣𝐢...

By cielsinverses

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| 2169 . SATELLITE D'OBERON, SECTEUR URANIEN. | -J'aime bien voir n'importe quoi vu d'en haut. Quand on est... More

Prologue - L'univers en haut
I - Élu
II - Un aperçu des étoiles
IV - Le Poisson, la cité et l'univers
V - Équilibre
VI - On réfléchit trop
VII - Le saule
VIII - Violet et bleu azur
IX - Voyager 2
X - Curiosity
XI - Quelques ciels d'aquarelle
XII - Tombés
XIII - Quand les fleurs fanent
XIV - À l'échelle de l'univers
XV - La jungle de Miranda
XVI - Phantasia
XVII - Ciels inversés
XVIII - Au cœur de la montagne
XIX - Quand le jour se lèvera
XX - L'obscurité et le sublime
XXI - Sora
XXII - Le dernier jour commence ici
XXIII - Les tempêtes
XXIV - Saul
XXV - L'ouragan aveugle
XXVI - L'oubli
XXVII - Autour du même Soleil
Épilogue - Il y a une cité en bas...
Fun facts
À la découverte des OCs

III - Quelques notes de piano

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By cielsinverses

Petite inspiration trouvée sur le compte insta @yuumeiart 🌺





 Des notes s'élevaient dans l'air, aussi nombreuses que les étoiles qui peuplaient le ciel. Elle dansaient un ballet, roulant d'un coin à l'autre de la pièce et s'entremêlant comme un papier à musique. Puis quittaient finalement la pièce, s'échappaient par la fenêtre pour rejoindre la rumeur de la citadelle en contrebas. Dans la lumière du soleil, c'était joli. Il aurait été difficile de définir l'heure, car l'astre était toujours bas dans le ciel, toujours orangé. Les magnolias frémissaient au passage du vent.

Cette pièce était aussi épurée qu'elle l'avait toujours été. Ces magnolias, dans le coin, n'étaient plus les mêmes ; mais c'était le même mur de fougères, la même blancheur, le même soleil. Et la musique qui s'élevait était la même.

Les doigts allaient à la rencontre des touches, et le poignet se relevait avec grâce. Les touches noires étaient le seul point sombre de la pièce, avec les cheveux bruns du garçon qui jouait. La mélodie était douce, un peu triste, mais pas trop. Un air majeur, plutôt lent. Certains accords semblaient un peu réticents à se faire entendre. Pourtant le tableau était beau.

L'immense piano s'était approprié un large espace dans la pièce. C'était un instrument d'une valeur inestimable, un piano à queue majestueux, tout de verre. À l'intérieur, à côté des cordes, des fleurs s'épanouissaient.

Dans un coin de cette toile lactée, une porte s'ouvrit et une silhouette se dessina en silence. De longs cheveux bruns qui épousaient un dos de porcelaine, et une longue robe blanche, sans artifice, se balançant dans le vent. On aurait dit une déesse de l'ancien monde. Elle posa son regard sur le pianiste, avec curiosité et douceur. L'air de musique semblait l'apaiser. Les doigts du garçon semblaient donner naissance à la magie. La plus simple et la plus belle des magies, celle de la création. Seungmin était beau quand il jouait du piano, car il n'avait plus ce sentiment torturé dans le regard, qu'il semblait enfin se libérer. Assis devant ce piano, c'était quelqu'un d'autre, et c'était plus sincère.

Yeji n'avait pas eu connaissance de ce talent musical chez son désormais mari. À vrai dire, elle n'avait pas connaissance de grand-chose à son sujet. Ils avaient été mariés la veille, alors qu'ils étaient l'un pour l'autre de parfaits inconnus. Après la cérémonie, quand Seungmin était réapparu, ils n'avaient pas tardé à mettre fin aux festivités et se retirer. Yeji avait découvert son nouveau lieu de vie, et ils étaient allés se coucher aussitôt, exténués de cette soirée.

La jeune femme ne savait pas à quoi allait ressembler sa vie désormais. Elle s'était réveillée ce matin-là dans ces draps d'une blancheur satinée, la douce mélodie du piano enveloppant ses oreilles. Elle s'était levée et avait découvert le jeune homme jouer sans se rendre compte de sa présence, et l'image avait quelque chose d'apaisant. Elle l'observait désormais, tentant d'imaginer son avenir ici. Elle ne connaissait pas Seungmin. Soyons réalistes : c'était terrifiant. Mais elle ne sentait aucune trace d'animosité chez l'Élu, rien qui ne la fasse se sentir en danger ou profondément mal-à-l'aise. Elle sentait qu'ils pouvaient devenir amis, au moins cela. En tout cas, elle l'espérait.

Quand la musique cessa, Seungmin ramena ses mains sur ses genoux et expira lentement. Yeji laissa alors sa voix s'élever, doucement pour ne pas trop l'effrayer.

- Bonjour.

Le jeune homme eut un sursaut et se retourna, avant de sourire maladroitement, se rendant compte qu'il n'était pas tout seul, et peut-être depuis plus longtemps qu'il ne le pensait.

- Bonjour...

Yeji sourit et se pinça les lèvres, réfléchissant à ce qu'elle pouvait dire. Quelle idée de les mettre dans une situation pareille ! Mariée, avec un inconnu, alors qu'elle avait l'impression de n'être encore qu'une toute petite fille, et que Seungmin avait l'air d'en être au même point. Enfin, peut-être que Seungmin ne se sentait pas comme une toute petite fille. Il faudrait le lui demander. Elle rit silencieusement à ses pensées stupides, et son mari haussa les sourcils, étonnés.

- Qu'est-ce qui te fait rire ?

Yeji haussa les épaules, un reste de sourire sur les lèvres.

- C'est rien... J'ai juste des pensées étonnantes, parfois. Tu joues très bien du piano, au fait. Je... Tu bois un truc ?

La jeune femme tenta de cacher son amusement, sans savoir s'il venait de sa dernière phrase qui sonnait plus comme une phrase de drague qu'une invitation au petit déjeuner, ou si c'était l'image d'un minuscule Seungmin en petite robe blanche encore ancrée dans sa tête qui provoquait cela.









Seungmin se sentait plus à l'aise. Il avait eu peur, c'était normal, il n'était déjà pas friand des relations humaines en général, alors épouser une femme dont il ne connaissait même pas vraiment le visage avait de quoi le terroriser. Mais Yeji avait réussi à le faire se sentir bien mieux en quelques heures. Ils avaient pris le déjeuner ensemble, et c'était bizarre, mais c'était léger. La jeune femme était l'opposé de l'aristocrate arrogante ou de la fille niaise et piailleuse. C'était juste un être doux, compréhensif... Et plutôt dans son monde, il fallait le dire. Si Seungmin était étourdi, maladroit, déconcentré, elle semblait simplement partir dans des monologues intérieurs sans queue ni tête qui amenait des discussions intéressantes, il fallait l'avouer. En fait, Yeji était drôle. C'était étonnant de l'admettre. Il se préparait depuis des années à épouser un potentiel bloc de glace, ou un être un peu trop invasif. Mais Yeji était drôle, et sincère. Sincère, c'était le mot, elle ne s'encombrait pas des superficialités propres à la cour. Parfois elle tentait de se brider, mais elle ne pouvait simplement pas s'empêcher d'être elle-même et c'était attachant.

Jusqu'ici, Seungmin avait peu parlé, laissant Yeji meubler l'essentiel du dialogue, parce-qu'elle était un peu plus à l'aise que lui. L'Élu avait simplement besoin d'un temps d'adaptation. Mais il était déjà plus optimiste quant à son avenir en sachant que sa vie avec son épouse ne serait sûrement pas aussi terrible que ce à quoi il s'était préparé.

En fait, même Yeji semblait soulagée.

















- Arrête de tourner en rond, tu me stresses, putain !

Sans écouter son ami, la silhouette continua de tourner sur elle même, un poing serré pressé contre sa bouche en marmonnant des paroles incompréhensibles. Ses cheveux détachés lui tombaient devant les yeux en désordre, son regard n'était qu'une ombre dans l'obscurité exiguë du vaisseau. Callisto se tenait dans un coin, allongée, regardant impassiblement son maître, presque blasée, comme si elle savait exactement où il en était dans son cheminement intérieur du jour. Changbin aurait dû l'imiter et se désintéresser, mais il tenta à nouveau.

- Hyunjin, bordel, essaie au moins de dire quelque chose de cohérent !

Le garçon s'immobilisa, dos à son meilleur ami. Ses cheveux noirs formaient une auréole sombre et désorganisée autour de son crâne, il tremblotait comme s'il ne savait plus comment se comporter.

- Je l'ai revue, finit-il par murmurer, et cette fois, Changbin compris et leva les yeux au ciel.

- Tu l'as déjà dit six fois.

- Je l'ai revue !

- Mon dieu, je plaisantais, j'ai compté et ça fait dix-sept fois que tu répètes ça ! On a compris le refrain ! Et elle n'a pas changé, et elle ne t'a pas vu, et tu as peur qu'elle t'ait oublié, et tu ne la reverras plus ! C'est bon, j'ai rien oublié ?

Hyunjin se tourna brusquement vers son ami et le fusilla du regard. Changbin détourna simplement les yeux en tirant sur son lacet.

- Jisung va passer avant d'aller faire son compte-rendu. Il faudra que tu sois un peu plus concentré.

Il parvint à recevoir un simple hochement de tête, avant de retourner dans la cabine de pilote, comme pour prendre l'air. Hyunjin se retrouva seul et fixa le sol avec un air indéchiffrable.

Il portait encore son pantalon de la veille, mais était en chaussette et n'avait plus qu'une chemise noire légère. Il fronça le nez en réalisant qu'il devrait peut-être prendre une douche, sa touffe de cheveux ne s'en plaindrait pas. Il finit par s'asseoir lourdement sur une caisse en soupirant.

La soirée de la veille n'avait pas été de tout repos. Il avait piétiné au milieu de la foule pendant plusieurs heures de suite, joué le parfait petit bourge qu'on lui demandait d'incarner et essayé de grappiller toutes les informations qu'il pouvait, ce qui n'avait pas été une mince affaire. Tout ce qu'il savait, c'était que Seungmin savait bien peu de choses sur son rôle, il le lui avait confié pendant leur petite conversation. Apparemment, le jeune homme ne savait même pas ce qu'on attendait de lui et avait quelques craintes – justifiées – à ce sujet. Hyunjin n'avait rien pu lui dire et ça l'avait dévoré. Il avait l'impression que même lui en savait plus – en fait, c'était vrai. Il trouvait la situation injuste, révoltante. Seungmin ressemblait à un enfant qu'on jetait dans un hachoir à viande en disant : « bonne chance ! » Hyunjin grimaça à cette idée. L'image d'un Seungmin sous forme de steak n'était peut-être pas celle à invoquer pour se sentir mieux.

En fait, il ne pouvait pas s'empêcher de penser à Seungmin. Il tentait de se convaincre du contraire. Il avait une mission importante, sur laquelle il devait se concentrer. Il devait penser aux intérêts du groupe. Mais la vérité, c'était qu'il n'avait qu'une seule envie : jeter Changbin hors de son vaisseau et rejoindre Oberon au plus vite pour retrouver l'Élu. Non, parce que déjà, c'est mon vaisseau à moi, et l'autre, c'est un gros squatteur. Quelques fois, Hyunjin semblait oublier que le pauvre Changbin n'avait pas encore son permis. Peut-être que sur le satellite d'où venait Changbin, ils passaient le permis différemment. Hyunjin l'avait passé sur Umbriel, difficile de comparer. Et sur Oberon, comment ça se passait, sur Oberon ? Est-ce que Seungmin avait son permis ? Non, sûrement pas, c'était un prince, il était sûrement plus occupé à participer à des conférences militaires ou apprendre la harpe. Attends, quoi ?

Hyunjin secoua la tête. Mais maintenant, il imaginait Seungmin jouer de la harpe et ne savait pas si c'était mignon ou ridicule. Enfin, c'était sûrement mignon, puisque c'était Seungmin, mais...

Okay, recentrons le débat. Hyunjin avait rencontré Seungmin la veille, il avait croisé son regard dans la salle et ça ne l'avait pas du tout, mais alors pas du tout laissé insensible. Puis il l'avait retrouvé dehors, tout seul, sans faire exprès, et l'Élu l'avait invité à rester. Ils avaient parlé pendant au moins deux heures de choses et d'autres avant l'interruption de cette fille aux cheveux roses qui leur avait annoncé que l'on cherchait Seungmin partout et que le neveu de la gouverneure d'Umbriel allait faire un scandale si on ne retrouvait pas son cousin.

Jisung, quoi.

Cette soirée à l'origine cauchemardesque était devenue magnifique. Hyunjin ne voulait pas s'avouer que Seungmin avait été plus qu'une rencontre banale. Il avait simplement discuté avec l'Élu en tête à tête pendant la moitié de la soirée à son honneur, en le tutoyant et en le taquinant sans cesse, et en complimentant sa beauté et son rire et... C'était tout, pas de quoi en faire un flan ! Ce que Hyunjin pouvait être de mauvaise foi dans certains moments.

Son focus sur Seungmin durait depuis qu'il avait dû le quitter à contre cœur la veille. Il niait fortement, mais le garçon flottait dans ses pensées et l'envie de le revoir lui étreignait le cœur. Aucune rencontre n'avait jamais été semblable. Hyunjin ne savait pas dire en quoi elle était si différente des autres, ou ce qui, chez Seungmin, avait le plus retenu son attention.

Rappelons tout de même que Seungmin est peut-être la personnalité la plus importante d'Uranus, qu'il est marié et que Hyunjin est officiellement un hors-la-loi qui s'est introduit à la célébration de l'Éveil de façon tout à fait illégale.

Là-dessus, Hyunjin tentait de faire l'impasse. Puis, ça n'était pas comme si il était tombé amoureux non plus. Hein ?

Hein... ?


Ouch.













Des rires cristallins s'élevèrent dans l'air quand deux furies s'élancèrent dans les jambes des adultes qui se tenaient dans la pièce. Un éclair blond passa, suivi d'un autre. Des cris joyeux retentirent, pendant que les voix d'adultes riaient à leur tour, en demandant doucement le calme sur un ton taquin.

- Maman, je suis poursuivi par une sorcière ! À l'aide !!

- Tu ne m'échapperas pas, simple mortel ! Tiens ! Sort du souffle de dragonneau qui pue !

- Nooooon !

Une femme rit en regardant la sorcière lever un bout de bois en direction du simple mortel, et celui-ci faire mine de tomber dans un buisson.

- Remi, ne fais pas mal à ton frère !

- C'est pas moi, c'est le dragonneau !

La petite fille eut un grand sourire de sale gosse, teinté d'innocence, puis elle reprit sa course vers le buisson et un hurlement aigu en surgit.

- Elle s'acharne sur ma majesté !

Le petit garçon surgit des feuilles et alla se cacher derrière les colonnades, suivi de sa grande sœur qui brandissait son bout de bois dans tous les sens.

- Éclair fulgurant ! Poudre de tonnerre ! Ruisseau vagabond !

- Ça veut rien dire !

- Mais si, vagabond ça veut dire « très violent » !

- Remi, je suis pas sûre que...

- Chut, on a dit que c'était moi qui faisais l'éducation d'August !!

Ledit August enregistra mentalement et avec une attention appliquée la définition scientifique du mot « vagabond », avant de hurler et se cacher derrière une colonne quand Remi jeta un nouveau sort. Sa sœur devrait choisir, on est maîtresse ou sorcière, mais pas les deux.

La petite fille s'élança à la poursuite de son frère, et celui-ci couru le long des colonnades, à l'intérieur, avant de sauter par-dessus le muret pour rejoindre l'herbe verte. Remi resta du côté des colonnades pour le prendre en embuscade.

- Prends garde, les enseignements que j'ai reçu à l'Académie de Magicologie auront raison de t...

Elle s'interrompit quand elle rentra subitement dans un corps inconnu. Son visage s'enfonça dans un pantalon de velours qu'elle n'avait pas aperçu et un rire masculin parvint à ses oreilles.

- Bah alors, Remi, ils travaillent pas la vision périphérique à l'Académie de Magico-machin-truc ?

- Magicologie !!

Une tête furibonde sortit du velours, fusillant le jeune homme du regard, avant d'éclater de rire, pendant qu'August demandait « qu'est-ce que c'est t'y que la vision téléphérique ? ». Remi échangea un regard malicieux avec son interlocuteur, un jeune homme d'une vingtaine d'années, aux cheveux bruns et aux yeux brillants, qui lui rendit son sourire.

- Tu manges avec nous ce midi ?

Le garçon vint décoiffer la petite fille avec un sourire.

- Bien-sûr ! Allez, retourne à la chasse !

Remi hocha la tête vigoureusement, et August cria :

- Je suis caché, sorcière, tu ne me retrouveras pas !

- Des fils relevés !

- C'est « défi » relevé, Rem...

Mais l'enfant ignora le jeune adulte et sauta par-dessus le muret à l'instar de son frère un peu plus tôt, avant de s'élancer à sa recherche. Le jeune homme fixa un instant la petite tête blonde qui faisait le tour de la fontaine, et August, très mal caché derrière un arbre. Il avait un sourire plein de tendresse en les regardant. Donnez-lui des gosses, à ce garçon, ça se voit qu'il serait le meilleur père du monde.

Il finit par revenir sur la terre ferme et s'avança jusqu'à la mère des deux mioches. Il la salua d'un geste de la tête.

- La gouverneure m'a demandé de venir te chercher, elle voudrait que tu la rejoignes rapidement.

- Pas de soucis, je vais juste dire au revoir à Jisung et j'y vais ! Merci, mon grand !

Le garçon lui tira la langue et la regarda s'éloigner avant de sentir la main du second adulte présent dans la pièce passer dans ses cheveux.

- Ça va, fiston ?

Ce dernier sourit, même s'il grimaça au surnom.

- Papa, j'ai plus cinq ans, s'il-te-plaît...

- C'est dans la tête, l'âge, mon enfant.

- Je suis censé le prendre comment ?!









Après quelques minutes à parler calmement avec son père, le jeune garçon se fit à nouveau bousculer par un petit corps, mais pas le même que la fois précédente.

- À l'aaaaide, Rem va me manger si vous m'aidez pas !

Le petit garçon paraissait scandalisé. Il est vrai qu'apprendre le penchant cannibale de sa sœur doit être à l'origine d'un certain choc. L'adulte réagit immédiatement, cachant l'enfant dans son dos avant d'emprunter la position d'un karatéka amateur.

- Arrière, vilaine petite sorcière, pour dévorer ce petit d'homme, il faudra me passer sur le corps !

L'homme fit des moulinets avec ses bras, faisant rire les deux bambins et récoltant un regard aussi fatigué qu'amusé de son fils. Mais son père avait toujours été comme ça, c'était bien ce qui en faisait l'un des meilleurs hommes qu'il ait jamais connu.

Et c'était bien de ça qu'il tenait, sans s'en rendre compte.

Une voix retentit en plein milieu de leur petit manège, interrompant le sauvage combat.

- Eh ben, procureur, vous avez développé des talents en arts martiaux, ou vous souhaitez retourner à la crèche ?

Remi et August éclatèrent de rire quand la silhouette d'un jeune homme se dessina entre les colonnades avec un sourire espiègle. Ses cheveux ramenés en arrière et son habit bleu laissaient savoir qu'il n'occupait pas la plus petite position sur Umbriel. Avec un grand sourire, il rejoignit la troupe et souleva Remi dans ses bras, avant de la regarder d'un air faussement mécontent.

- Eh ben, c'est pas chouette d'embêter Gus comme ça ! Petite chipie !

Remi hurla quand il entreprit de lui faire des guilis. Puis il la reposa au sol et salua l'adulte d'un mouvement de tête. Celui-ci sourit.

- Ta petite sœur était à deux doigts de manger le petit dernier tout cru.

Jisung sourit, un sourcil haussé, avant de pencher la tête pour scruter August, caché derrière les jambes de son protecteur de deux fois sa taille.

- Bah alors, pitchoune, faut te défendre ! Je croyais que tu voulais devenir un lion !

- Mais... C'est en cours ! Bientôt je serai le roi de la jungle !! Et m'appelle pas Pitchoune !!

Jisung sourit et les deux enfants s'élancèrent à nouveau dans les recoins de la cour intérieure. Le procureur salua les deux garçons, les informant qu'il avait à faire et qu'ils se retrouveraient pour manger, avant de saluer Jisung qui, lui, serait reparti avant.

Et quand les deux garçons se firent face, le silence pris place. D'un coup, l'atmosphère était un tout petit peu moins légère. Mais ce petit peu était suffisant. Jisung regarda son vis-à-vis, qui gardait ses yeux plantés dans les dalles du sol, avant de se balancer d'un pied sur l'autre et de se racler la gorge.

- Je.. J'en aurai pas pour longtemps. Demain, je serai revenu. C'est juste une tournée de routine.

Le brun hocha la tête, sans répondre. Il donnait presque l'impression de ne pas écouter.

- Tu sais que c'est mon travail... Fais pas la gueule, s'il-te-plaît.

Il récolta une moue, avant que la réponse ne vienne enfin – mais elle était prononcée d'une voix triste.

- Rem et Gus sont tristes que tu manges jamais avec nous.

La peine s'afficha sur le visage de Jisung. Dans le jardinet, le cri de son petit frère résonna, suivi de deux rires enfantins. Son coeur se serra un peu.

- Je sais... J'essaierai d'être plus là... Mais tu sais que je suis occupé, en ce moment...

À nouveau un silence. Ça devenait pesant. Parce-que Jisung devait bientôt s'en aller, et qu'il ne souhaitait pas partir sur un silence. Il aurait aimé récolter un sourire avant.

- Minho...

Le jeune homme leva la tête vers lui et son regard croisa le sien. Minho avait toujours eu les yeux brillants. Sa tignasse brune attirait les rayons de la lumière, il avait une sorte de grâce naturelle. Minho était le fils du procureur du palais d'Umbriel, il avait grandi avec Jisung. Il adorait les animaux, les enfants, et il rêvait d'être architecte. Il n'était pas très exigeant sur son avenir, il voulait juste vivre d'un métier qui le rendrait heureux, avoir quelqu'un avec qui il serait heureux et des enfants qui le rendraient heureux. La vie normale du citoyen le plus lambda, en somme. Mais il n'avait pas choisi la bonne personne pour cela.

- On te voit jamais, Jisung. T'es toujours aux quatre coins de la galaxie, à faire je ne sais quoi, des missions dont tu ne me parles même pas. J'ai l'impression de pas compter.

Jisung afficha un air affligé et s'approcha, empoignant le bras de Minho.

- Tu peux pas dire ça... Je suis désolé si c'est ce que tu penses. Je suis désolé de pas être là. J'espère que c'est bientôt terminé... Quand ce travail là sera fini, plus rien me retiendra hors d'ici. Je te le promets.

Minho le regarda avec tristesse. Il savait Jisung sincère, mais ça ne suffisait pas. Il ne voulait pas de quelqu'un d'absent. Cela lui brisait le cœur, autant qu'à Jisung.

Celui-ci s'approcha et sa main quitta son bras pour frôler sa joue. Minho frissonna. Jisung s'approcha, et, avec une douceur sans égale, il déposa ses lèvres sur celles de Minho. Ça ne dura qu'un instant, il recula aussitôt. Les cris des enfants résonnaient toujours dans le jardin. Le fils du procureur scruta le visage de son vis-à-vis, puis attrapa la main posée contre sa joue. Il la pressa un instant, comme une infime caresse, avant de la ramener le long du corps de son propriétaire. Et la lâcha, et ce fut tout.

- Minho... Je te promets que c'est bientôt terminé. Et quand j'aurai fini, je serai tout à toi.

- Tu tombes bien. Parce-que tant que ce sera pas terminé, toi et moi, ça ira jamais plus loin.

C'était un ultimatum. Jisung sentit une douleur sourde naître au creux de son ventre, mais comment pouvait-il le lui reprocher ? Il hocha la tête avec résignation, et Minho instaura un plus grand espace entre eux.

- C'est l'heure que tu partes. Faudrait pas que tu sois en retard.

Nouveau hochement de tête, Jisung ressemblait à un fantôme. Il balbutia un au revoir hésitant, avant de se détourner et se diriger vers la sortie. Minho suivit sa trajectoire, et bientôt Jisung disparut. Le jeune homme soupira. Toute trace d'espoir semblait avoir quitté son regard, parce que Jisung vadrouillait à travers l'espace depuis trop longtemps. Minho était quelqu'un qui aimait se poser simplement, alors que le garçon dont il était amoureux ne restait pas au même endroit plus de deux nuits. Et le secret autour de son activité ne faisait qu'agrandir son amertume.

Mais en rejoignant son vaisseau, le regard de Jisung, lui, avait changé. Il semblait bien plus déterminé. Il fallait que ces histoires de missions se terminent vite. Quand ils auraient arrêté la Cabale, il pourrait enfin rentrer à la maison.

Et enfin aimer Minho de la bonne façon.








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