Annabeth en média
— Tu veux que je te dépose au lycée ?
Je décroche à ma mère un sourire radieux. Bénis soient les jours où elle commence tard le travail car à choisir entre faire le trajet en voiture ou en bus, la question ne se pose même pas. Sans compter que ma mère fait beaucoup d'efforts en ce moment. Je crois qu'elle pense que ma rencontre catastrophique avec mon géniteur m'a bouleversé mais en réalité, c'est tout le contraire. J'ai l'impression de me sentir mieux ; je connais enfin la vérité. Et, comme l'a dit Betty, le reste dépendra de moi.
Je me sens tellement guillerette que je prends un petit-déjeuner, ce qui n'arrive pas souvent. Enfin, une demi-heure plus tard, je détache mes ondulations naturelles et admire la petite robe blanche pour laquelle j'ai opté. C'est bizarre que je sois si gaie après toutes les horreurs de la veille.
— À ce soir !
Je plante un baiser sur la joue de maman et claque la portière de la voiture derrière moi. Lorsque j'arrive dans la cour, aucune trace de mes amies. Je m'installe sur un banc, mon portable dans les mains. Dans les minutes qui suivent, deux garçons m'abordent. Je converse brièvement avec eux mais finis par les renvoyer d'où ils viennent. Je devine, à leurs sourires complices et à leurs manières de lourdauds qu'ils se sont lancés dans un défi idiot pour voir lequel réussirait à m'avoir. Ce constat me rend un peu triste : tous les mâles qui croisent ma route ne s'intéressant donc jamais à moi ? Seulement à mon jolis minois et à mes longues jambes ?
Heureusement, Betty ne tarde pas à arriver. Et si son sourire a l'air sincère, une ombre pèse entre nous. Alors que je me demande si je dois lui présenter mes excuses pour avoir évoqué Katrina hier, Nadine arrive en brandissant un exemplaire de la revue quotidienne du lycée. Son visage est déformée par l'incrédulité.
— Non mais regardez ça !
Betty attrape le journal et le parcoure quelques instants des yeux. On jurerait que ses billes vertes s'apprêtent à sortir de ses orbites.
— Je rêve.
Prise d'un éreintant sentiment d'appréhension, j'en m'empare du journal qu'elle me tend.
Si on ne connaissait pas Kendall Must, nouvelle venue à Turnwood et élève de terminale C, on sait à présent tout sur elle ! Ayant accédé à une certaine popularité depuis qu'on sait que le beau Noah s'intéresse à elle, elle semble avoir pris quelques libertés. Nombreuses sont les personnes qui savent qu'elle s'est montrée extrêmement grossière avec son professeur de maths car elle n'a pas accepté ses réprimandes et encore plus nombreuses sont les personnes qui ont assisté à son injuste attaque à l'encontre de Carter Heigh. Est-elle sujette à la bipolarité, ses menstruations arrivent-elles ou se sent-elle au bord de craquer face à Noah Kol ? À bientôt pour un nouvel article !
Engourdie, je repose le journal.
— On avait dit non à ce crétin de Leopold pour qu'il t'affiche dans son journal ! s'emporte Betty. Personne ne sait ce qu'est le respect dans ce putain de lycée ?
Un gros soupir s'échappe de ma bouche.
— Qu'est ce que tu veux qu'on y fasse ?
Toute ma bonne humeur matinale s'est envolée. Je ne suis pas en colère, simplement lasse. Il n'arrive pas une semaine sans que je ne subisse une humiliation, une haine malsaine ou du chagrin. C'est bizarre, je me sens prête à tuer la première personne qui croise ma route comme je voudrais m'allonger sur le banc et fermer les yeux.
Clairement, je touche le fond.
En revanche, Betty ne décolère pas. Elle quitte le banc comme un bolide, partant sans doute à la recherche de Leopold. Même lui, je n'ai pas la force de lui en vouloir.
— Tes menstruations arrivent ? me questionne une voix.
Je relève brusquement la tête. Ces longs cheveux blonds dont la nature refait surface, ces talons inappropriés pour les cours et ce petit visage éclairé d'une joie mauvaise... Annabeth dans toute sa splendeur. Je lui envoie un regard de dégoût.
— La ferme, espèce de... commence Nadine.
— Dégage, Annabeth, intervient une voix.
Horrifiée, je contemple Noah qui se tient devant nous, le visage neutre. James l'escorte mais heureusement, Carter répond aux absents.
— Je parle à Kendall, riposte-t-elle.
— Moi aussi, je peux parler, argue le brun. Et je peux même montrer la jolie petite vidéo que j'ai de toi.
La blonde accomplit l'exploit de pâlir en rougissant. Moi-même, je suis bouche bée. Seule Nadine émet un gloussement ravi.
— Tu - tu n'as quand même pas...
Noah sort tranquillement son téléphone et ouvre ce qui me semble être l'application photos. Avec un rugissement scandalisé, Annabeth tourne les talons et fiche le camp.
James s'esclaffe, bientôt suivi par Noah et Nadine. Quant à moi, ça ne m'amuse pas car l'idée que le Tentateur possède une vidéo indécente d'Annabeth et lui me file la nausée. Surtout qu'étant donné la réaction de la blonde, il l'a filmé à son insu.
Et si moi aussi, il m'avait filmé samedi en boîte de nuit ? Et si une vidéo de moi entrain de l'embrasser surgissait ? Cette idée me procure une peur panique, ainsi qu'un inhabituel sentiment de trahison.
Je ne m'étais pas rendue compte que je le fixais jusqu'à ce que son regard percute le mien. Dès lors, son sourire s'efface et laisse
Je me racle la gorge.
— Merci d'être intervenue, lancé-je à James.
— Ce n'est rien, répond-il en haussant les épaules. Et puis, tu ne devrais pas t'en faire. Dans le fond, cette connerie d'article est drôle. Pas le passage sur tes menstruations, bien sûr, s'empresse-t-il d'ajouter face à mon regard noir.
— Ce que j'ai trouvé drôle, moi, c'est le passage où ils disent que je suis beau, déclare Noah.
— Ce que j'ai trouvé drôle, moi, c'est le fait que Kendall ai dit non à ce débile de Leopold pour qu'il partage ce qu'il s'est passé à votre cours de maths et qu'il le fasse quand même, intervient Nadine avec sarcasme.
— Ce prof est vraiment un abruti, de toute façon, affirme le brun. Tu devrais t'estimer heureuse de ne pas l'avoir.
— Tu parles ! J'ai madame Withlow en maths, c'est une vraie garce.
— Elle m'adorait, se vante James. Son fils est l'assistant de ma mère alors elle me cirait les pompes.
— Ouais ben ce n'est pas le cas de tout le monde. Elle m'a foutu un zéro parce que je n'avais pas rendu un devoir.
— Je pourrais peut-être la convaincre de te le retirer, suggère James.
Nadine le considère avec méfiance.
— Il y a un piège là-dedans ?
— Pas du tout, assure-t-il avec amusement. Allez, direction la salle des professeurs !
Le roux attrape mon amie par le bras et l'entraîne en direction du bâtiment principal, me laissant seule avec Noah.
— On dirait qu'il n'en reste plus que nous deux.
Plus gênant, tu meurs.
Le Tentateur semble parfaitement à son aise. Il se laisse tomber sur le banc à mes côtés tout en scrutant la cour du regard. De nombreuses personnes nous épient, sans doute persuadées que l'article a dit vrai et que nous sommes en plein rapprochement.
Si seulement ils savaient ô combien mes sentiments à son égard sont confus. À quel point j'aime avoir le dessus sur lui ainsi que son attention mais à quel point je ne peux pas le voir en peinture, aussi.
— Carter n'est pas avec vous ? demandé-je en tentant de combler le silence.
— Il se fait discret depuis hier. Et il te hait, aussi.
— Voilà qui va gâcher ma journée.
Après un nouveau silence, je relance :
— Tu as vraiment une vidéo d'Annabeth et toi entrain de... ?
Noah me coule un regard amusé.
— Tu penses ?
— Avec toi, tout est possible, répliqué-je.
— Quoi ?! m'exclamé-je face à son regard pensif.
— Rien, dit-il en secouant la tête. Simplement, je réalise qu'on n'en se connaît pas si bien que ça, tous les deux.
— Tu me reproches d'avoir pu croire à ton mensonge ?
Il émet un petit rire.
— Tu te prends beaucoup trop la tête, Kendall.
Je le fusille du regard.
— Comment tu peux me reprocher de me prendre trop la tête ? Les problèmes me tombent dessus sans arrêt et moi, je suis censée rester cool ?
— Tu appelles ça des problèmes, toi ? Et les guerres qui éclatent dans les pays démunis ? Qu'est ce que ça peut faire que les gens parlent de toi ? Qu'est ce ça peut faire si ils pensent que t'es hystérique ou irritable parce que t'as tes règles ? s'emporte le brun.
Je reste un instant bouche bée à l'entente de sa tirade.
— Je n'ai pas mes règl...
— Mais on s'en fout, de ça !
— Facile pour toi de dire ça ! Tout le monde t'admire et te respecte !
— Et c'est que le probl...
Le Tentateur s'interrompt et grimace.
— Il n'y a pas une seule discussion entre nous qui se passe sans qu'on ne se gueule dessus.
Sous le coup de la surprise, ma colère retombe aussitôt.
— Pour une fois, tu as raison. Au revoir.
Mon corps quitte le banc mais sa main s'empare de la mienne et me force à me rassoir. Un frémissement me parcoure tant ce contact me rappelle celui que l'on a eu en boîte de nuit.
— Reste.
Un long soupir s'échappe de ma bouche.
— Qu'est ce qui cloche chez toi, hein ?
Le brun se contente de fixer l'horizon, indéchiffrable.
* * * * * *
Hello !
Voici le chapitre tant attendu !
À la base, je ne devais pas le poster avant presque un mois puisque je pars en vacances dans 2j jusqu'à début septembre mais vous avez été tellement nombreuses à me le demander que je me suis motivée et ai tout écrit ce soir !
On a fait les 161K ! Merci du fond du cœur les gars, je vous kiffe franchement. ❤️
Donnez-moi votre avis et surtout, faites exploser les votes et les abonnements !
Gros bisous et bonne soirée !