Regarde moi brûler.

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Eugène ne voulait pas l'admettre, mais vivre sans eux rongeait sans arrêt son esprit. Malgré sa popularité et la richesse de son père, dont il n'avait pas un très grand attrait, Eugène était de loin le jeune étudiant fêtard et extraverti qui réparait ses blessures intérieurs en se payant des amis. Ça lui importait peu de savoir qu'il avait tout ce qu'il fallait pour se vanter. Il faut dire qu'être le fils du PDG d'un grand centre de recherche ne l'emballait guère et Eugène s'était toujours senti à l'écart des projets de sa famille. L'argent, les échecs innombrables, la gloire, rien de tout cela ne l'attirait. Et cela s'était renforcé après le décès de sa mère. Une très longue année avait coulé depuis que la nouvelle était sortie dans les quatre coins du monde.

« Flash Spécial ! Nous interrompons notre programme suite à un incendie au bâtiment de recherche Kiraos. Il semblerait qu'un feu se propage au niveau du douzième étage. Le bâtiment a été évacué, mais la source de chaleur retiendrait prisonnière deux chercheuses !».

La mère d'Eugène faisait partie des otages que le feu avait encerclé et pour des milliers d'autres raisons, il aurait préféré que la femme présente avec elle ne soit pas la mère de son meilleur ami. Eugène n'avait pas perdu deux personnes importantes dans sa vie ce jour là, mais bien trois.

Flash-back

Au milieu d'un devoir, le haut-parleur de la fac s'était mis à grésiller avant de prononcer : « Eugène Kiraos dans le bureau du proviseur, s'il vous plaît !». Le professeur d'anglais n'avait pas bronché et lui avait permis de sortir de la salle. Être le fils d'une personne célèbre lui permettait des choses que les autres pouvaient sans regret lui reprocher. Mais ceci n'était jamais arrivé. Au fil de sa marche, Eugène s'était demandé ce que le proviseur allait bien pouvoir lui avouer. Il avait manqué plusieurs fois les cours pour se réfugier avec son meilleur ami dans les coulisses du vieux théâtre qui n'avaient jamais été réaménagé. Mais il ne s'était jamais attendu à ce genre de chose. Eugène n'était pas retourné en classe pour montrer ses capacités, il avait préféré demeurer quelques temps seul dans leur endroit secret.

Il avait découvert ce lieu par hasard, il y a quatre ans. Pensant y être seul durant ses années de faculté, il ne s'était jamais imaginé faire une rencontre qui allait changer sa vie. Alors que ses paupières s'apprêtaient à se fermer, un jeune homme était entré dans son repère. Eugène avait déjà vu ce visage angélique dans les couloirs de la faculté, il s'était même demandé quel était le nom de cet individu qui l'attirait autant. Leurs yeux s'étaient rencontrés une simple fois pour ne plus jamais se quitter. Ils avaient appris à se connaître comme deux enfants à la maternelle. Et aussi dangereusement qu'un combustible peut s'approcher d'un comburant, leurs corps s'étaient harmonisés à la perfection. Leur relation était une évidence absolue. Derrière ces rideaux de théâtre se cachait une histoire d'amour aussi secrète et passionnante que celle de Roméo et Juliette. Leur passion interdite s'était cachée derrière le grand théâtre du monde. Au point que même le poison s'était inséré dans la leur.

Eugène s'efforçait de trouver un minimum de réconfort dans ces souvenirs, mais leur complicité ne pouvait pas remplacer celle qu'il venait de perdre avec sa mère. Lorsque la sonnerie annonça la fin du cours, Eugène ressenti une compression abominable au creux de son ventre. Son poing se referma si fort sur un barreau de l'escalier montant vers la scène, qu'il cru le briser en deux. Mais lorsqu'il vit ce visage lumineux, Eugène comprit qu'il détenait entre ses mains la combustion de leurs deux êtres. Des mots par centaines faufilaient dans sa tête, mais plus le corps de son amant se rapprochait plus la difficulté de parler se renforçait. Son meilleur ami tenta une approche, mais Eugène recula brutalement en tombant ensuite sur une marche de l'escalier.

- Émile...

À l'écoute de son prénom, ce dernier n'hésita plus et s'avança vers Eugène pour le prendre dans ses bras.

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