Eulalie et Sir Henry

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Ophélie, engoncée dans l'uniforme d'apprentie virtuose d'Eulalie, entra dans le bureau situé en haut du Secretarium, lui-même situé en apesanteur en haut du Mémorial, qui était en partie reconstruit dans le vide entourant cette arche nommée Babel.

Le bruit assourdissant des cylindres stoppa lorsqu'elle ferma la lourde porte étanche.
Thorn, qu'elle avait depuis peu découvert sous l'identité secrète de Sir Henry, mit fin à la conversation à laquelle il était occupé, posa son casque, se tourna sur son tabouret et la scruta.

- Pourquoi êtes-vous à Babel? Lui demanda-t-il avec son accent grave et brut du Pôle sans aucun préambule.
- Je vous cherchais, dit Ophélie, intimidée par le ton qu'utilisait son époux fraîchement retrouvé.
- Vous me cherchiez? Je pensais avoir tout fait pour qu'on ne me retrouve pas, fit-il, agacé.
- Cela vous déplaît?
- Comment avez-vous fait? Demanda-t-il au lieu de répondre.
- Pendant trois longues années, j'ai épluché les archives et tout ce qui pouvait me mettre sur la voie. La lecture du livre de Farouk et ce que vous m'avez dit m'ont aidée...
- Comment êtes vous arrivée jusqu'ici? L'interrompt-il en se levant, ce qui accrut l'anxiété d'Ophélie qui se sentit soudain si petite et si insignifiante face à lui.
- Par une rose des vents.
Thorn, releva un sourcil, montrant pas ce mouvement à peine perceptible son étonnement.
- Pourquoi... pourquoi me cherchiez-vous ?

Ophélie prit une grande inspiration. Voilà des mois qu'elle cherchait Thorn à Babel, qu'elle s'était préparée mentalement à avoir cette discussion. À elle de ne pas tout gâcher une nouvelle fois.

- Vous souvenez-vous de ce que vous m'avez dit dans la prison?
- Je n'oublie jamais rien, clama Thorn énervé, ne sachant pas où Ophélie voulait en venir en remuant ces maudits souvenirs. Il vint se poster en face d'elle.
Ophélie leva les yeux et les dirigea droit vers les deux topazes claires qui la fixaient avec attention. Thorn était à l'écoute, elle se lança.
- Au fait, je vous aime. Voilà vos mots!
- En effet.
Maintenant Thorn avait ses deux sourcils froncés faisant plisser sa grande cicatrice.
- Ensuite, ce qui s'est passé, tout ça... l'arrivée du mille-face...
- Je sais ce qu'il s'est passé ensuite, vous n'avez pas besoin de me le rappeler!

Ophélie sentait la colère lui monter. Elle ignorait comment il allait réagir après plusieurs années passées sans elle, mais elle ne s'attendait pas à ce que Thorn soit si désagréable et peu heureux de la revoir. Elle était froissée, frustrée, hérissée de son accueil qui n'avait rien d'encourageant.

- Ensuite, vous vous êtes enfui! Vous êtes parti! Seul! S'écria-t-elle. Sans me laisser le temps de vous répondre. Termina Ophélie dans un murmure.
- Une réponse? Quelle réponse? Demanda Thorn ahuri.
- Je vous aime aussi.

Un bruit sourd accompagné de celui de ferraille fit trembler le sol sous les pieds d'Ophélie. Thorn venait de tomber subitement à genoux devant elle. Il posa sa tête près de l'épaule de son épouse qui restait stoïque, stupéfaite. Il lui maintint ses deux bras qu'elle laissait ballants alors que ses mains gantées lâchaient les feuilles qu'elles tenaient. Il capta ensuite son regard derrière ses lunettes qui avait bleui de surprise afin d'avoir toute son attention.
- Je vous préviens. Dit-il de sa voix grave et frémissante. Les mots que vous m'avez dits, je ne vous laisserai pas revenir dessus.

Ophélie observa Thorn, ses yeux n'avaient plus rien de froid et distant mais dégageaient une chaleur nouvelle, ses traits étaient tirés par une certaine appréhension mais plus de colère.
Qu'est-ce que cet homme lui avait manqué! Elle approcha son visage de celui de son mari et posa ses lèvres sur les siennes.

Eulalie et Sir HenryWhere stories live. Discover now