Seuls

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Hélène avait fini de préparer le bain des enfants quand le téléphone sonna. Une voix, couverte par des craquements sinistres, se présenta comme étant le médecin de l'hôpital Sully de Saint-Germain-en-Laye.

- Madame ! Votre mère a été accueillie aux urgences de notre établissement ce matin. Elle réclame votre présence. Son état est inquiétant mais stationnaire.

- Que lui est-il arrivé ?

- Nous sommes débordés ici. Vous aurez toutes les explications à votre arrivée. Votre mère vous attend.

Et la communication fut coupée.

Affolée, car elle savait sa mère de santé fragile, Hélène s'habilla en toute hâte, prévint Julie qu'il fallait prendre son bain avec son frère, qu'elle revenait le plus vite possible, qu'ils ne fassent pas de bêtise et ne chahutent pas, qu'au moindre problème Julie l'appelle sur le portable avec la touche programmée du téléphone comme elle le lui avait montré... La porte claqua.

Choqués par la précipitation des événements, l'affolement de leur mère et le subit silence de l'appartement, les enfants se donnèrent spontanément la main tout en regardant la porte d'entrée. Comme rien ne se produisait, ils reprirent peu à peu de leur assurance et commencèrent à s'amuser.

Soudain, Julie se rappela les recommandations de sa mère. Elle courut à la baignoire. Une belle mousse blanche en recouvrait le fond. Il fallait prendre le bain.

- "Cyril ! " appela-t-elle " vient, on va jouer dans l'eau".

Cyril se leva et courut vers elle. A l'instant ou il passait devant la grande bibliothèque, le vase bleu qui en ornait le coin gauche bascula dans le vide. A ce même moment le chat fila entre les jambes de Cyril et lui fit faire un écart. Le vase frola la tête de l'enfant et se brisa au sol.

Cyril arriva en pleurant dans les bras de sa soeur. Quand il fut calmé, Julie, d'une voix qu'elle tentait de rendre assurée, disputa le chat, Cachou, qu'elle pensait responsable du désastre. Elle nettoya ensuite, comme elle avait vu faire sa mère, avec la balayette et la petite pelle, les morceaux de porcelaine qui parsemaient le plancher.

Ils purent enfin, après s'être déshabillés à la hâte, s'amuser dans la baignoire.

Les éclaboussures d'eau volaient avec les cris dans la pièce. Bateaux, gobelets, éponges prenaient vie par le souffle de l'imagination enfantine. Cachou, qui avait suivi les enfants, finit par prendre peur de recevoir la douche et se précipita vers la porte qu'il essaya vainement d'ouvrir en sautant après la poignée. Alertée par le bruit qu'il faisait en griffant le bois de la porte, Julie sortit de l'eau afin de lui ouvrir. Dans son geste elle fit tomber le bateau de Cyril qui se hissa lui aussi hors de la baignoire pour aller le chercher. A l'instant où il enlevait les pieds de l'eau, le radiateur électrique qui était accroché au mur de la salle de bain, se décrocha, rebondit sur le meuble haut et plongea dans la baignoire. Une grande étincelle jaillit avec un bruit sec, Julie et Cyril crièrent de peur alors que la salle de bain était plongée dans le noir.

Quand ils comprirent que l'incident était terminé, les enfants reprirent leurs esprits. Julie sentit qu'il leur fallait de l'aide. Ils s'essuyèrent et s'habillèrent rapidement dans le salon mieux éclairé par de grandes baies vitrées. Puis Julie décida d'appeler sa maman. Elle appuya sur le bouton du téléphone que sa mère lui avait plusieurs fois montré.

- Allo ! Maman, viens vite s'il te plaît !

Aucun bruit ne se faisait entendre dans le combiné. Après un long moment, Julie raccrocha, elle avait compris que comme l'électricité, le téléphone ne fonctionnait plus.

Des larmes mouillèrent ses joues. Cyril lui prit la main.

- T'as peur Lilie ?

Un grand craquement se fit entendre derrière eux. Ils se retournèrent et virent l'énorme bibliothèque en merisier vaciller. Paralysés, ils la voyaient lentement basculer vers eux. Soudain, Julie se sentit attirée vers l'arrière. Cachou la faisait reculer en tirant sur sa petite robe de laine rose. Julie réagit enfin et s'enfuit, entraînant Cyril avec elle. Ils avaient presque atteint l'entrée du salon quand la bibliothèque se fracassa au sol, éjectant des fragments de bois et de verres dans toutes les directions. Une écharde de bois se ficha dans le mollet de Julie, et Cyril fut atteint derrière la tête par un morceau de verre. Quand ils furent à l'abri, assis dans un coin de la cuisine, la douleur se fit sentir, et le sang se mit à couler. Cyril surtout saignait abondamment car son cuir chevelu avait été coupé.

- Maman, Maman! répétait-il sans cesse en se basculant d'avant en arrière dans les bras de sa soeur qui avait les yeux dans le vague.

Le Droit de GardeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant