Origines

Chapitre I

Petite Grive se réveilla en sursaut. Encore ce rêve... Frissonnante, elle s'assit sur le bord du nid de sa mère et secoua la tête, comme si elle pouvait chasser de cette manière les bribes du matou imposant aux griffes acérées. Elle inspira profondément pour que la douce odeur lactée de Fleur de Brume imprègne sa langue. En tournant la tête vers le ventre de la reine, elle ne remarqua que la fourrure gris perle de sa sœur, Petite Vigne. Où est Petit Lion ?

Intriguée, la petite chatte gris sombre gagna le seuil de la pouponnière, plissant les yeux pour scruter le camp, à la recherche de son frère. N'obtenant pas de résultat, elle retourna dans le roncier.

Cœur de Nuit dormait profondément dans le nid voisin, sa queue touffue enroulée autour de ses propres petits. Seule la queue dorée de Petit Guépard se détachant sur la fourrure noire de sa mère trahissait leur présence.

Petite Grive s'approcha finalement du museau argenté de Fleur de Brume. Elle posa ses pattes minuscules sur la truffe de la reine pour la pousser gentiment.

« Fleur de Brume ! appela-t-elle.

– Mm... qu'est-ce qu'il y a, ma chérie ? marmonna la femelle d'une voix ensommeillée.

– Petit Lion a disparu ! »

Fleur de Brume écarquilla les yeux, comme si elle avait du mal à comprendre ce que sa fille lui disait. Finalement, elle se leva brusquement, bousculant accidentellement Petite Vigne.

« Tu es sûre de ce que tu dis ? » cracha-t-elle.

Petite Grive dévisagea sa mère pendant un moment, déstabilisée par son ton agressif. Hésitante, elle hocha doucement la tête. Elle coula un regard vers Cœur de Nuit en la voyant relever la tête pour observer la reine alertée.

« Fleur de Brume, qu'est-ce qui se passe ?

– C'est Petit Lion, se lamenta la reine. Il... il a disparu ! »

La chatte noire quitta son nid, prenant garde à ne pas réveiller ses chatons, et vint presser sa truffe contre l'oreille de sa fille.

« Je suis sûre qu'il n'est pas loin... », tenta-t-elle de la rassurer.

Elle fit frémir sa truffe, comme pour humer l'air.

« L'odeur de Nuage de Chardon est encore présente, fit-elle remarquer. Elle vient souvent jouer avec lui, non ? Elle l'a peut-être emmené dehors ? »

Fleur de Brume se contenta de hocher la tête, l'air vague. Cœur de Nuit passa un coup de langue sur l'oreille de la jeune mère, comme si celle-ci était encore un chaton perdu.

« Je vais prévenir Pelage de Tigre et demander à Plume d'Or de dépêcher des patrouilles de recherche. Toi, tu restes avec les chatons. Je serai vite de retour. »

La reine grise hocha lentement la tête avant de regagner son nid. Inquiète, Cœur de Nuit lui coula un dernier regard avant de se presser de sortir de la pouponnière.

« Je n'ai jamais vu Fleur de Brume aussi inquiète », murmura une voix à l'oreille de Petite Grive.

Celle-ci vit volte-face en un sursaut avant de se détendre en reconnaissant Petite Vigne.

« Je n'aurais jamais dû la prévenir, murmura-t-elle.

– Et t'aurais fait quoi ? rétorqua sa sœur, perplexe. Laisser Petit Lion entre les griffes de On-ne-Sait-qui ? »

Petite Grive secoua vivement la tête puis fixa sa sœur, déterminée, les griffes sorties.

« Bien sûr que non ! gronda-t-elle. Je serais partie à sa recherche.

– Alors Fleur de Brume aurait définitivement pensé que le Clan de la Rivière en a après nous. »

La petite chatte gris sombre dévisagea sa sœur, la tête penchée sur le côté, de comprenant pas son raisonnement.

« Pourquoi le Clan de la Rivière enlèverait-il des chatons ?

– Réfléchis ! pesta Petite Vigne, les moustaches frémissantes. Un de leur meilleurs guerriers quitte leur clan pour élever ses petits dans le Clan du Tonnerre. S'ils peuvent se fournir un ou plusieurs de ces chatons et pousser leur père à retourner de leur côté, tu crois vraiment qu'ils se gêneront ? »

Petite Grive sentit son cœur accélérer en comprenant que le raisonnement de sa sœur tenait. C'est pour ça que Fleur de Brume est aussi inquiète ! Elle ouvrit la gueule pour répondre, puis la referma en remarquant une silhouette brun-doré s'approcher de la reine.

« Tout va bien ? » murmura Pelage de Tigre en venant s'allonger près d'elle.

La chatte grise hocha la tête pour la énième fois avant de se tourner vers ses filles, adoucie, visiblement plus calme.

« Venez là, vous deux », ronronna-t-elle doucement.

Soulagée de voir sa mère dans un meilleur état, Petite Grive ne se laissa pas prier et vint se blottir contre le ventre de la femelle grise, ronronnant lorsque son père fit glisser sa queue dorée sur le dos des deux petites chattes.