0. Un crocodile dans le couloir

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Hello !

2022 commence et avec cette année viennent les bonnes résolutions. La mienne est de m'obliger à reprendre l'écriture sérieusement : un chapitre par semaine. Je me suis prêtée à l'exercice habituel en décembre dernier pour l'avent avec un chapitre par jour et j'avoue avoir été heureuse de réussir à tenir mes délais. Bon en termes de qualité c'est moyen mais j'étais contente de moi.

Ma première idée fut de reprendre Purgatoire mais comme l'objectif est de reprendre un rythme d'écriture pour récupérer des réflexes et de la fluidité (plutôt que de la cohérence de récit, de la recherche...), je lui préfère Wood Castle, qui n'a pas de contrainte de résultats et moins "d'attentes", moins de pression en somme. Bienvenue donc sur Wood Castle, une histoire en 52 chapitres, sans pression, sans complexe, simplement pour le plaisir d'écrire.

Publication prévue tous les dimanches (me connaissant je serai à la bourre donc vers 23h), cela commencera le 09/01/2022.

Je vous remets ici le premier chapitre (transformé en chapitre 0), écrit voilà maintenant plus de deux ans.

Bonne lecture !

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— Je suis fatiguée, soupira Ereyne.

Le mot était faible, la jeune femme tenait péniblement sur ses deux jambes, prêtes à se dérober au moindre pas. Sur le sol de pierres sombres dont l'immobilité était discutable s'épanouissait une vie prolifique ; une mousse au vert tendre hébergeait quantité de petits êtres vivants invertébrés et se répandait avec soin dans les interstices des roches, en harmonie avec les bruyères qui poussaient là. Un reste de tenture pourpre déchirée offrait une mince barrière contre le froid du mur d'où elle tombait en une antique grâce. Appuyée contre le tissu dévoré par les mites, Ereyne reprenait tant bien que mal sa respiration devenue haletante. L'air du long couloir était âpre, humide, il s'accrochait à sa gorge et empoignait ses poumons de mille mains glacées. Ses forces diminuaient, inlassablement, l'abandonnant peu à peu dans ce décor lugubre. Ereyne écarta quelques mèches de cheveux devenues poisseuses de son visage. Ces filaments dorés, semblables aux tentacules de méduses fraîchement sorties de l'eau augmentaient son sentiment d'étouffement, collés comme ils l'étaient à sa peau translucide.

Ereyne posa une main blanchit par le froid contre le mur et se redressa avant de retomber lourdement sur le sol. Ce couloir était interminable, plongé dans des ténèbres empoisonnées que les rayons d'une lune noire ne dispersaient pas, au contraire. Les ombres planaient, menaces silencieuses, et hébergeaient le mal dans leur noirceur protectrice.  Perdue au milieu de la poussière, indifférente à la moiteur froide qui imbibait peu à peu les pans de sa robe autrefois d'un blanc immaculé, Ereyne demeura assise, silencieuse. L'immense meringue de tulle s'étalait en masses voluptueuses et légères sur une jupe de satin nacré tout aussi sale qui voilait à peine des jupons de soie douce. Une main sur son ventre, ses doigts jouant avec la broche d'argent ouvragée qui retenait sa ceinture, Ereyne se maudit une fois de plus d'avoir choisi un carcan pour son torse. Le bustier rigide lui ôtait toute marge de manœuvre. Le vêtement était magnifique en plein jour, voué à attirer le regard tel un aimant irrésistible. De nuit, dans un couloir empli de toiles d'araignées, il était nettement moins pratique.

Un grognement la sortit de sa léthargie, Ereyne leva la tête, rejeta son voile en arrière et scruta l'obscurité. Rien ne bougeait ici-bas, mais tout frémissait. Une légère brise embrumait s'infiltrait par une fenêtre aux carreaux brisés. Les rideaux décharnés prenaient vie et dansaient au gré des mouvements du vent dans une valse qu'eux seuls entendaient. Une dent jaunâtre apparut dans un rayon de lune bienveillant, suivie de dizaines d'autres. L'animal avança une patte, puis l'autre, dans une lenteur reptilienne discrète. Ses griffes dérangeaient à peine les pierres qu'elles frôlaient, les caressant presque ; seul le grognement guttural témoignait de sa présence en ces lieux maudits. Ereyne l'observa avancer vers elle, un pas après l'autre, toujours plus menaçant. Le monstre arrêta sa progression lorsqu'il n'y eut plus que deux mètres entre eux. Les yeux dans les yeux, Homme et Bête s'affrontèrent sans bruit. La respiration coupée, Ereyne ne dit pas un mot, mais glissa une main en avant et étira ses lèvres en un sourire crispé. Une mort sanglante était encore évitable, la survie restait en option, le calme était la clef de tout. Durant ce temps suspendu, rien n'était perdu. Cependant, un bruit retentit à l'autre bout du couloir, loin derrière la bête, suivi par l'apparition caractéristique d'un rayon de lampe torche jeté dans toutes les directions. L'animal, haut de plus de deux mètres, fit volte-face et galopa en direction de l'origine de la distraction.

Wood Castle - Priez pauvres fous !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant