Prologue

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Comme à mon habitude j'arrivais sous les coups de 8h10 à bord d'une Renault rouge sans âge. De celles qui semblent se dissoudre à chaque instant. Une fois la troisième passée tout son être gémissait « achève moi ». M'enfin bon gré mal gré elle me dépose à bon port. Mon travail commençait à 8h30, il fallait une vingtaine de minutes pour faire de la lèche à tout ce beau monde. Ce calcul était le produit d'un travail minutieux, chaque année donnait place à une minute en plus. Il fallait en faire en notre temps pas si moderne pour garder son emploi. Comme en tout plus on dure moins on sait « Qui suis je ? Que fais je ? Quel jour nous sommes ? ». C'était un lundi, qui pour tout salarié qui se respecte signifie deux choses, la déprime doublée d'emmerdes. Pour moi il en était tout autre quittant un foyer bien froid, tout go et joyeux, le lundi pour moi était jour de fournaise. Que pouvait bien motiver votre noble Gaspar pour faire ce boulot si mal nommé « Fonctionnaire » pas grand-chose. « Il fait quoi ton papa ? » naïf petit ange fut- il né sans langue « Papou est fonctionnaire ». Ah je vous entends d'ici, planqué, vendu, pendez- le. Ces mots m'accompagnaient chaque matin en de longues volutes brumeuses. Ni une ni deux à toute trimbale je me garais pour savourer mon unique bonheur. Contempler la nature qui parsemait le parking, rongée par un béton qui virait lugubre. À mon arrivée voir Violette me comblait, ce n'était pas une fleur, le fut- elle ? Qui sait. C'était la secrétaire prise en sandwich entre bureau et ordinateur « bonjour Gaspar » me voilà aise. « Le weekend fut- il bon ?» La courbe de ses formes me fit songer que les siens était tout en volupté. Elle nous la mettait bien droite à tous. Mon sourire oh les cœurs parlait de lui même « au poil comme toujours ». Suffisamment bien pour un homme entre femme et enfants. Mon assaisonnement chaque jour apportait son lot. Parfois ketchup souvent moutarde. Le temps faisait son affaire, à point, bien cuit, trop cuit, mal cuit. Tous tournant sur la grande rôtisserie. « Une minute Mr Gaspar le R.H aimerait bien vous voir ». Ses yeux se changeaient en GPS m'indiquant la direction du deuxième étage, première porte à droite. « Ah oui » en 20 ans je l'avais vu qu'une fois ce vampire. Oui monsieur une fois, le jour le plus heureux, mon embauche. Passée cette heure il n'en restait qu'un vague souvenir. Mr Grapin de ces deux maitres qui vous regardaient. Tout en hauteur rien en largeur une anguille. Pour l'humain il fallait repasser « Mr Gaspar, Mr Gaspar » c'était ma douce Violette « il vous attend » « pour quand ? » « pas plus tard que maintenant » l'anguille avait donc décidé de me tartiner avant la pause café.

Me voilà à attendre, bon tâchons de faire bonne impression. Un coup sur la porte c'est pour l'introverti, trois pour le sanguin. Deux la demi mesure. Toc toc. «Entrez » je rentrai « asseyez vous Mr Gaspar » je m'assis. Il sortit de son bureau un paplar, cela rajoute du crédit. Le prenant d'une main une longue inspiration s'en suivit. « Mr Gaspar vos états de service sont des plus irréprochables ». Mon regard se prolongeait vers l'horizon. On pouvait croire que mes yeux plongeaient dans les siens. Il n'en fut rien, ils se fixaient sur la fenêtre. Le corps est présent, l'esprit ailleurs. L'écouter n'aurait pas fait plus ou moins lourds mes emmerdes. « Ce n'est nullement d'ordre personnel. Les différentes coupes budgétaires nous obligent à des sacrifices » Toujours le plus bas qu'on serre et qu'on vice. Sur l'autel ce fut de tout temps le misérable qu'on servait. Les coupes, le salaire, les sacrifices. Fallait bien larguer du leste pour que d'autres volent de plus haut. Quand tout était perdu il fallait se faire comédien. Il me tendit son papier et un stylo :

- veuillez signer.

- A mon age s'en est fini.

- Signez ici

- Ma femme et mes doux enfants que vont- ils devenir.

- Mr Gaspar

Je me levais d'un coup et dis avec phrase envolée « c'est donc comme cela qu'on montre respect à un humble fonctionnaire ». Me dirigeant vers la sortie « la porte c'est moi qui la prends » sans demander mon reste je partis, erreur fatale.

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⏰ Last updated: Jul 16, 2019 ⏰

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GasparWhere stories live. Discover now