Bonus : rencontre avec Antiope

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Ce texte a été rédigé dans le cadre du concours organisé par LEncreProdigieuse

La consigne était la suivante :

Nous vous demandons d'écrire une rencontre avec l'un de vos personnages (pas nécessairement le personnage principal, mais quelqu'un d'important). Cette rencontre doit pouvoir nous faire ressentir l'ambiance de votre histoire. Cette rencontre doit s'effectuer entre vous, et le personnage que vous choisissez. La rencontre doit se dérouler dans l'univers d'où provient le personnage.

Le texte devra faire entre 1500 et 2000 mots.

Le texte qui suit ne contient aucun spoiler sur l'histoire.

* * *

Rencontre avec Antiope

Un lent mouvement de balancier me réveille. Quelque chose n'est pas normal. Une odeur écœurante de goudron, de crasse, de sueur et d'urine me soulève l'estomac. Je plaque une main sur ma bouche et ouvre des yeux affolés. Où suis-je ?

Des planches de bois arrondies et des rangées de hamacs se découpent autour de moi dans la pénombre. Je cligne des paupières et me redresse dans un mouvement brusque qui fait osciller le lit de corde dans lequel je dormais. L'oscillation renforce ma nausée. Mais qu'est-ce que je fabrique ici ? Je me souviens parfaitement être assise devant mon ordinateur en train de rédiger le chapitre vingt-et-un de « L'œil du dieu serpent ».

Je m'essuie le front en tentant de calmer les battements saccadés de mon cœur. Quelle chaleur ! Je me croirais dans un four. En inspirant lentement par la bouche pour ne plus sentir l'immonde remugle, je retire mon pull, puis me glisse hors du hamac. Le sol tangue sous mes pieds dans un ample mouvement régulier, je l'accompagne d'un roulement de hanche pour conserver mon équilibre, comme si j'étais dans une rame de métro lancée dans un rodéo.

Aucun doute possible : je me trouve dans la cale d'un navire. Des paquets de mer heurtent la coque dans un grondement permanent. Mes chaussettes se retrouvent immédiatement trempées par le jus salé qui moisit dans le fond. Une touffeur désagréable imprègne l'atmosphère et mon T-shirt me colle à peau.

Je sens que mon dîner se plaint de ma compagnie et menace de s'éclipser. Il faut que je sorte sur le pont pour respirer un grand bol d'air. Je m'avance d'un pas chaloupé en direction des barreaux d'une échelle, enjambant les varangues, contournant les hamacs. Au même instant, l'écoutille s'ouvre sur un carré éblouissant. Une silhouette trapue habillée d'une chemise flottante et d'un pantalon court rapiécé saute dans la cale et tombe nez à nez avec moi.

Le marin se fige. Sa main plonge sur le couteau à sa ceinture. Avant même que j'ai pu esquisser un geste, il m'a saisie par le col et plaqué la lame froide sur la gorge. Je n'ose même pas battre des cils.

— Qu'avons-nous ici ? grogne-t-il. Une passagère clandestine ? Il ne manquait plus que ça ! Je t'amène à la capitaine et tu as intérêt à avoir une bonne explication sur ta présence, car elle est de fort méchante humeur.

Il ricane en dévoilant une rangée de chicots jaunis et j'inspire une bouffée de son haleine empestant le tabac. Je serre les lèvres. Il ne manquerait plus que je lui envoie le contenu de mon estomac à la figure en guise de plaidoirie.

Je monte sur le pont sous la menace du couteau et peux enfin remplir mes poumons d'un air non vicié, imprégné d'iode. Le vent me fouette la figure. Je retrouve quelques couleurs tandis que ma nausée s'estompe, mais je n'ai guère le temps de m'en féliciter. D'une poussée dans le dos, l'homme me propulse aux pieds d'une silhouette menue enveloppée d'un long manteau rouge claquant au vent. Des cheveux noirs bouclés émergent de sous un feutre à large bord au sommet duquel trône une plume d'ara.

[Sous contrat] L'œil du dieu serpentWhere stories live. Discover now