Snapchat

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Il était 22h34 exactement ce soir là, quand Evelyne reçut cette notification sur son portable. En ce vendredi soir, après une longue semaine de cours, elle était bien en droit de se reposer. Après avoir pris une bonne douche, et avoir mangé un bout devant sa série, elle était maintenant dans son lit. Emmitouflée dans son petit plaide bleu azur, elle regardait les nouvelles sur ses réseaux comme Facebook ou YouTube. Elle avait sur sa table de chevet une tasse à l'effigie de New York dans laquelle avait été préparé un chocolat chaud surmonté d'une petite touche de crème chantilly. Evidemment, une étudiante de 21 ans est souvent accompagnée de son téléphone portable. Cependant, elle aurait sans doute préféré ne pas l'avoir sur elle ce soir là. Elle aurait préféré ne jamais recevoir cette fameuse notification, en provenance d'un réseau social bien connu du jeune public : Snapchat.

C'était une demande en ami. Ce qui lui parut bien étrange, à part son cercle d'amies assez fermé elle n'avait pas une vie sociale très étendue. Par curiosité elle accepta. Après tout il s'agissait sans doute d'un ami, ou du moins quelqu'un qu'elle connaissait de prés ou de loin. Mais que ce soit de prés ou de loin, le pseudonyme de DerTyLIKe77 ne lui disait absolument rien. Quoi qu'il en soit, après avoir appuyé du bout de son index sur le bouton « accepter », elle se dirigea, comme toute personne normale, vers la messagerie et demanda son identité à ce nouvel individu. Quelques secondes passèrent, et elle reçut en guise de message une simple image noire. Sur cette dernière avait été dessiné un visage perturbant. A première vu il n'y avait rien d'anormal, mais qui dans ce monde n'a jamais ressenti un malaise interne en admirant un simley formé de deux petits points lui servant d'yeux et un immense trait à la place de la bouche. N'étant pas très fan de ce genre de chose elle décida de ne pas répondre.

Trois minutes s'écoulèrent avant la réception de la seconde image. Sur celle-ci Evelyne n'y accorda qu'une fraction de seconde. Elle détestait cette vision plus que tout au monde. Il s'agissait d'une femme, si on pouvait appeler ça ainsi, avec, au milieu du visage, deux gros yeux globuleux, un nez plat et une bouche sans lèvres, s'agrandissant jusqu'au niveau de ses yeux. Sur internet, on l'avait surnommé « Momo ». L'étudiante eu vite fait de supprimer cette image de son écran. Suite à cela, et ne tolérant pas ce genre de chose, elle se pressa de ré-exécuter sa demande, qui pouvait bien être cet homme, ou cette femme, qui semblait si étrange. Elle reçut enfin une phrase pour réponse. Une phrase qui la troubla, et qui, surtout, ne lui donna aucun indice sur son identité. « Tu le sauras bien assez vite ». Qu'est ce que cela pouvait bien signifier ?

Incompréhensive face à ces réponses elle se dirigea vers la salle de bain pour se rafraîchir. Elle emporta son portable au cas où elle aurait des nouvelles de l'individu qui commençait à lui faire peur. C'est à peine qu'elle s'aspergea le visage d'eau que son téléphone sonna. Elle appuya sur le bouton marche/arrêt, déverrouilla l'écran d'accueil en tapant son mot de passe, et sur ce moment, resta immobile. Sa tête lui tourna subitement, elle ne rêvait pas, elle voyait bien cette phrase qui venait de s'afficher sous ses yeux. « Retournes au lit si tu ne veut pas que je m'énerve ».

Comment pouvait-il savoir ? A moins que... Ses pensées furent stoppées par une courte vidéo qu'elle ne comprit pas sur le moment. On y voyait, derrière un bout de tissu, une lumière légèrement tamisée dans laquelle une silhouette se déplaçait. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre, et quand ce fut le cas, elle s'affola, son cœur battait la chamade, ses jambes s'étaient ramollies. C'était elle qu'on voyait sur cette vidéo. Le tissu blanc orné de motifs marins, c'était les rideaux de sa chambre, qu'elle avait récupéré chez sa grand-mère quelques semaines avant qu'elle ne meure d'une crise cardiaque causée par un taux de cholestérol trop élevé. « Il est à la fenêtre ». Seule cette phrase, pourtant d'un niveau grammatical adapté à l'apprentissage d'un élève de CE1, réussissait à circuler dans son esprit. Elle se dirigea vers la chambre à coucher aussi vite qu'elle l'eût pu, en faisant tout de même attention à ne pas se prendre les pieds dans le tas de linge sale qui traînait là et qu'elle avait pour projet de ramasser depuis déjà deux jours. Cependant, enlever cette procrastination de ses habitudes ne faisait pas partie de ses projets actuels. Le plus important était déjà de fermer cette fenêtre de 70cm de large pour 95cm de haut qui illuminait le lit deux places tous les matins. Une fois fait, elle abaissa également le store qui couronnait la vitre. Ainsi, son harceleur nocturne ne pourrait plus bénéficier d'une vision sur l'intérieur. Elle se sentait à présent soulagée, se sentait en sécurité. Cette impression lui rappelait une publicité dans laquelle une femme, après avoir croqué un morceau de chocolat, s'enfonce dans un nuage moelleux lui servant de fauteuil. Cette sensation fut malheureusement de courte durée. Elle avait omis un détail, la fenêtre du salon, se trouvant à coté de sa chambre, était également ouverte.

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