1. Prélude à l'obscurité

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  Le tram perça lentement la vaste étendue de brume qui planait sur le quartier des vices. Debout, dans une station humide, une jeune femme attendait que le transport en commun s'arrête. Elle portait un pull noir dont la capuche masquait son visage, des bottes dépareillées, l'une cramoisie et l'autre grise, ainsi qu'un short en jeans. Elle portait sur ses épaules un sac à dos d'un vert menthe qui semblait avoir vécu plusieurs décennies. Un crissement aigu parvint au oreilles de la jeune femme.

  Celle-ci releva la tête et aperçu le tram devant elle. Les portes s'ouvrirent et elle monta à l'intérieur, ses bottes claquant sur les marches. Elle s'assit dans un siège, ôta son sac à dos, l'ouvrit et en sortit une paire d'écouteurs. Le contrôleur surgit alors derrière elle et tendit sa main. La jeune fille fouilla dans la poche de son pull et en sortit une carte plastifiée sur laquelle il était écrit "Rain Amedeus". C'était son nom. L'homme vérifia la validité de son abonnement, puis, satisfait, rendit l'abonnement à sa propriétaire avant de se diriger vers d'autres passagers.

  Rain plaça ses écouteurs dans ses oreilles et les brancha à son MP3. Elle sortit un carnet de dessin de son sac ainsi qu'un crayon, puis, appuya sur le bouton "play" de son appareil. Les premières notes de "Mykonos" la détendirent avant qu'elle ne se mette à dessiner. Son crayon virevoltait au gré des accords joués à la guitare. Les traits s'affinaient et les courbes du dos d'une femme commençaient à apparaître. A chaque fois qu'elle posait son crayon, elle sentait le grain du papier dans sa main. Peu à peu, des ombres et des traits plus durs apparurent, deux mains monstrueuses tenaient le dos de la femme et laceraient son dos. Cependant celle-ci n'en avait cure et regardait la lune à travers une fenêtre.

  Soudain, Rain plissa les yeux, le tram venait de s'extirper des brumes et roulait au grand jour. Les lèvres sombres de Rain s'étirèrent et formèrent un léger sourire. Elle ôta sa capuche, et de longs cheveux blanc tombèrent en cascade. De sa main, elle repoussa une mèche qui tombait devant ses yeux. Ils étaient d'un bleu tirant sur le violet avec un trait d'eye liner. Elle possédait un petit nez très légèrement retroussé et des lèvres inexplicablement noires. Rain soupira et ferma son carnet avant de le remettre dans son sac.

  Le tram s'arrêta et Rain descendit en balançant son sac sur son épaule. Le monde en dehors de son quartier était baigné d'une lumière si pure que ses yeux brûlaient. Elle se munit donc d'une paire de lunettes de soleil noires et avança vers une avenue bondée de citoyens modèles. La plupart d'entre eux la dévisageaient avec curiosité, comme si elle venait tout juste de sortir d'un cirque. Cela dit, il est vrai que ses cheveux bleus en bataille et ses bottes dépareillées ne la faisaient pas passer inaperçue. Après quelques mètres, elle emprunta une rue un peu plus calme pour se diriger vers un grand bâtiment à l'architecture moderne. A l'entrée de ce bâtiment, il y avait plusieurs groupes d'étudiants qui fumaient et riaient. Rain enleva ses écouteurs, passa près d'eux sans leur prêter attention et entra dans l'université de "Sainte Belligérance". Le hall ressemblait beaucoup à ceux des universités américaines. Des casiers bleus alignés sur toute la longueur de l'entrée, un carrelage blanc et des néons qui jetaient une ambiance onirique dans la pièce. Rain se dirigea vers un casier et l'ouvrit avec l'intention de prendre ses manuels pour son prochain cours.

  C'est alors qu'une main se posa sur son épaule. Un frisson d'horreur et de dégoût la traversa avant qu'elle ne se reprenne. Après tout elle était à l'université, aucune raison qu'IL soit là. Lentement, Rain se retourna et soupira d'exaspération. Devant elle se tenait un type musclé, vêtu d'une veste en cuir et qui empestait la cigarette. Il avait un regard perfide et un sourire méprisant.

-Alors Miss-Timbrée, on s'absente trois jours sans prévenir son supérieur ? Dit-il avant de se rapprocher de Rain.

  Celle-ci enleva ses lunettes, les plongea dans sa poche et repoussa le garçon d'une main.


Dead Line - La trilogie des mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant