La promesse du désert

Chapitre 69

- Tu as raison chérie, tu n'es pas coupable.

Tara sentit des larmes jaillir de ses paupières fermées. Longtemps elle s'était sentie sale et coupable. Ce sentiment...des milliers de femmes le ressentaient. C'était pénible et douloureux. Ce sentiment de n'être qu'un corps vide, de ne plus se sentir femme. Tara l'avait tellement fois ressenti. Mohammed avait su trouver cette part d'elle et l'avait changée. C'était son miracle autant qu'elle était le sien. Mais elle savait que peu de femmes avaient cette chance. Elles étaient seules, esseulées, incomprises...et pour toutes ces raisons, Tara se devait pour elles... dépasser cette peur.

- Je dois le faire disparaître, murmura-t-elle d'une voix éraillée par la douleur qu'elle croyait partie ; J'ai besoin de le faire avec toi.

Face à la douleur de sa future épouse, Mohammed savait qu'il n'aurait d'autre choix que d'accepter. À travers le pansement il imaginait ses grands yeux bleus le supplier.

- C'est d'accord, nous irons à Rome quelques jours avec l'autorisation du médecin, précisa Mohammed en deposant un baiser sur son petit nez.

Un faible et triste sourire se dessina au coin de ses lèvres.

Pour la première fois de sa vie, Mohammed était en proie au doute. Il ignorait s'il avait pris la bonne décision. La fragilité dans sa voix lui donnait toutes les raisons de refuser ce voyage et pourtant...il savait que cette étape était cruciale pour la jeune femme. Comment pourrait-il lui-même affronter la ruelle qui avait brisé le destin de cette belle jeune femme ?

Elle ne la verrait pas mais lui....

Serrant les mâchoires il planta un douloureux baiser sur sa tempe.

- Je t'aiderais à surmonter cette épreuve, lui promit-il.

- Je le sais, murmura-t-elle d'une voix émue.

Soudain, une désagréable odeur âcre de fumée lui rappela qu'il aurait pu la perdre dans cette explosion. Alors il se promit de lui offrir le plus beau des mariages. Une robe qui siéra sa taille de femme enceinte, un banquet à la hauteur de leur amour, une belle allée qu'elle foulera au bras de son frère...

Déterminé à la rendre heureuse, Mohammed pensait déjà à leur futur avec une précision inégalable.

- Repose-toi à présent, ordonna-t-il d'une voix douce.

Elle se blottit contre son épaule avec un soupir d'aise. Il éteignit la lumière pour se plonger dans l'obscurité le cœur serré de la savoir prisonnière de cette sombre et lugubre noirceur.

Plus tard, dans la nuit, ne trouvant ni le repos ni le sommeil, Mohammed se leva discrètement en s'éloignant un peu du lit pour allumer son ordinateur. Il allait devoir se confronter au pénible passé de Tara s'il voulait connaître la rue exacte où elle avait souffert. Depuis qu'il connaissait son histoire, jamais il avait pu trouver le courage d'explorer les articles qui parlaient de cette nuit d'horreur. Sombrement, il parcourut les articles retraçant le parcours macabre de ce monstre pour parvenir à trouver le nom de la rue. Il la nota, évitant soigneusement de regarder la photo qui illustrait la terrible scène. Serrant les accoudoir de la chaise il posa son regard sur sa femme endormie, gênée par le pansement qui couvrait ses jolis yeux. Est-ce que Tara portait deux enfants ? Même s'il doutait, Mohammed avait l'impression que oui. Est-ce qu'il était heureux ? Il se l'interdisait. Pas tant qu'il aurait la certitude que Tara serait totalement guérie...et ce jour-là, le traître qui avait voulu l'atteindre paiera pour ses crimes.

Il ferma l'ordinateur et la rejoignit. Il la cala contre lui, humant l'odeur parfaite de ses cheveux.

Les prochains jours seraient une étape crucial pour Tara et il n'avait pas le droit de fléchir.

~

- Le docteur a donné son accord.

Tara redressa la tête, main serrée contre celle de Anaya qui ne la quittait pas des yeux lors des absences de son compagnon. Hélas, Anaya ne l'épargnait pas de sa douleur en pleurant à chaude larmes.

- C'est une formidable nouvelle, lança celle-ci en se mouchant le nez.

- Anaya s'il te plaît, pour l'amour de dieu arrête de pleurer.

Tara sentit son cœur se serrer lorsqu'il confirma ses spéculations. Anaya était belle et bien en train de pleurer.

- Je vais bien Anaya, lui dit-elle en lui offrant un sourire qui se voulait rassurant : Tout ira pour le mieux.

Anaya acquiesça en bredouillant quelques excuses.

- Tu me serais d'une grande aide si tu préparait les affaires de Tara.

- C'est une excellente idée ! Approuva Anaya en se levant ; Je vais préparer sa valise.

Lorsqu'ils furent seuls, Tara se retrouva confronter à l'inquiétude de Mohammed.

- Tara, est-ce que tu es sûre ? Demanda-t-il en insistant pour la énième fois.

- Oui, sûre et certaine.

Secrètement, elle était terrifiée à l'idée d'entendre le clocher de l'église catholique à l'orée de la ruelle. Terrifiée d'être seule dans le noir et de devoir confronter ses douleurs encore ancrées en elle. Mais il le fallait.

Pour elle et pour son avenir.