Chapitre 25

Depuis le début
                                    

- Me protéger ?

- De moi, sans doute...

- Est-ce que je dois prendre cette constatation pour une vérité ?

Il s'arrêta brusquement et tourna sa tête dans sa direction. Une lueur dangereuse se mit à voiler son regard. Oui...il fallait qu'elle se méfie, comprit Tara en baissant les yeux.

- Vous êtes déjà méfiante Tara, cela me désespère mais je prends ça pour défi que je suis prêt à relever.

Il la caressa du regard.

- Je prêt à tout pour vous démontrer que je ne suis pas un monstre.

- Je n'ai jamais rien pensé de tel ! S'exclama Tara le cœur battant à tout rompre.

Mohammed sentit son cœur se serrer. Il se sentait soulagé d'apprendre qu'elle ne le voyait pas comme un monstre. Mais il ne pouvait ignorer cette lueur inquiète qui brillait dans ses beaux yeux bleus. Quelques minutes plus tôt, sa bouche était posée sur son front. Il avait pu y déceler une douceur incroyable et un parfum fruité. S'il s'était écouté, il l'aurait enlacée dans ses bras, menaçant de détruire tous ses efforts à combattre sa crainte des hommes. Puis elle s'était mise à regarder partout, comme si elle redoutait qu'on puisse la voir avec lui.

Aujourd'hui, Mohammed avez trente-trois ans. Il creusait l'écart entre cette jeune femme et lui. Douze ans les séparaient. Si son père et sa mère avait été heureux même avec neuf d'écart, Mohammed avait toujours refusé de prendre une femme plus jeune que lui pour épouse. Par peur qu'elle ne soit pas assez mature pour comprendre son rôle auprès de lui. Par peur qu'un jour elle veuille retrouver sa liberté. Ses raisons et bien d'autre encore l'avaient persuadé de ne pas faire comme ses parents. Et pourtant même avec une femme dans sa tranche d'âge, Mohammed avait souffert et souffrait encore...

Chassant son passé difficilement, Mohammed passa sa main dans son dos pour l'entraînait vers le château.

- Alors tout va bien, dit-il en esquissant un sourire forcé.

La jeune femme garda le silence et le suivit jusqu'à son salon privé. Galamment, il lui tira sa chaise et ne put s'empêcher de regarder sa belle et délicate nuque.

De lui-même, il prit une assiette dans la commode ainsi que des couverts en argent. Il n'avait pas envie d'être dérangé. Pas maintenant.

- Il y a tellement de choix, dit-elle en se mordant la lèvre.

- Choisissez ce qui vous fait plaisir.

En effet, Mohammed constata avec humeur que la table s'était transformée en un gigantesque buffet. Une façon pour Anaya de fêter son anniversaire en toute discrétion...du moins c'est ce qu'elle pensait. Voilà neuf ans qu'elle avait pris l'habitude de garnir cette table pour ce jour si spécial. Et alors qu'il était sur le point de repousser cette date dans un coin de sa tête qui pour lui, restait insignifiante, Mohammed tenta sa chance...de peut-être faire de ce jour de fête une excuse pour espérer d'elle... l'impossible.

- Ce n'est pas tous les jours comme ça, s'exclama Mohammed en se frottant la barbe ; Anaya a fait ça parce que c'est le jour de ma naissance aujourd'hui.

Ses grands yeux de biche s'écarquillèrent.

- Oh...bon anniversaire, dit-elle en esquissant un sourire.

- Merci Tara.

- Pourquoi j'ai l'impression que vous n'aimez pas votre anniversaire ? Demanda-t-elle d'une voix hésitante.

- Parce que je trouve que ça n'est pas bien important, à quoi bon fêter quelques rides de plus ?

La jeune femme se ferma. Plongée dans une sorte de songe assez brutal, elle releva les yeux seulement après quelques secondes de silence.

- Moi je n'ai pas de date, je ne pourrais jamais fêter mon anniversaire.

Mohammed serra les dents. Quel idiot faisait-il à présent !

- Il est toujours possible de choisir une date, suggéra-t-il doucement.

- Une date ? Répéta-t-elle en plissant ses sourcils...adorablement.

- Oui, c'est possible, d'ailleurs je m'étonne que vous en ayez pas sur votre certificat.

- La religieuse qui m'a trouvé n'a pas voulu mettre le 4 décembre car elle disait que ça me rappellerait que ce jour-là, j'ai été abandonnée.

Une immense douleur lui comprima la poitrine.

- Cette femme a eu au moins la décence de vous laisser au pied d'une église, lâcha-t-il froidement.

- Pour se donner bonne conscience, répliqua la jeune femme d'une voix faible.

Mohammed se haïssait d'avoir entamé cette discussion. Il appuya ses mains sur les accoudoirs de sa chaise, prêt à bondir pour la rejoindre. Elle s'agitait nerveusement, changeait les couverts de place, le regard perdu sur la table.

- L'église était en face de l'hôpital, poursuivit-elle en se passant une main tremblante dans ses cheveux ; Elle aurait tout aussi bien fait de me laisser là-bas, ça n'aurait pas fait de différence.

Sa voix s'était brisée. Mohammed devait impérativement trouver un moyen de contourner ses souvenirs douloureux.

- Éliminons le 4 décembre, suggéra-t-il en se carrant contre le dossier de sa chaise ; Il reste 364 jours, à vous de choisir la date maintenant.

Elle fronça une nouvelle fois des sourcils et se mordit la lèvre. Elle était sur le point de se prêter au jeu.

- Je peux vraiment choisir une date ? Insista-t-elle non sans réticence.

- Bien sûr, affirma Mohammed en saisissant sa tasse de café ; Il suffira simplement de l'ajouter à votre acte de naissance.

Et alors qu'il pensait qu'elle réfléchirait longuement avant de lui donner une réponse, elle déclara ;

- Alors je vais choisir la vôtre...

La promesse du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant