Le sanglier et le cerf

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Percuter un arbre, un chêne en l'occurrence, était toujours douloureux,quoique l'on puisse en dire. Que l'on soit une ex-divinité de la nature ou non ne changeait absolument rien. Du moins c'était ce que se disait Cernunnos, la joue contre la terre poussiéreuse, la poitrine encore douloureuse du coup reçu, il s'efforça de se souvenir d'à quel moment il en était arrivé là.

Les dieux celtes avaient disparu de cette terre depuis plusieurs siècles,chose qui, à lui, le dieu de la nature ne posait aucun problème vu ce que les humains faisaient à celle-ci. En revanche, dieux ou non,ils restaient les protecteurs des humains enfin ça... Il fallait l'avouer, de nos jours, c'était le sujet de nombreuses divergences.Alors malgré le temps, la technologie qui avait fait disparaître leur puissance ancestrale, lorsque l'un des leurs s'était échappé, ils avaient pris la décision de sortir de leur léthargie quotidienne.

Ou plutôt ils avaient choisi au hasard qui devrait s'y coller. Et malheureusement pour lui, Cernunnos avait perdu.

Il était tout de même permis de relativiser, il avait retrouvé le fuyard en pleine nature, dans un coin presque désert et encore couvert par la végétation. Enfin, couvert par la végétation était bien vite dit vu que celle-ci semblait avoir été longtemps labourée avant d'être totalement abandonnée. Forcément, rares étaient les humains à produire leur propre pitance. Les herbes sauvages semblaient essayer de reprendre possession des lieux mais l'été et sa chaleur écrasante avaient interrompu leur projet. Tout affairé à ses réflexions qu'il l'était, le vieux dieu faillit oublier la raison principale de sa venue dans un territoire autre que le Sidh.

Un soudain grondement se fit entendre forçant Cernunos à pousser sur ses bras pour se relever précipitamment.

Sérieusement,quelle idée de l'envoyer lui quand il y avait encore des guerriers dans leur rang ?! C'était ce à quoi le dieu songeait lorsque ses yeux se posèrent sur l'énorme sanglier aux yeux ressemblant à deux braises ressortant particulièrement dans les ténèbres de la nuit et dont les défenses semblaient faîtes d'argent ainsi éclairées par la lune.


« Cian!Il y a deux manières de faire ça, tu peux me suivre, on rentre et on n'en parle plus...


Le sanglier ouvrit la gueule et un ricanement caverneux s'en échappa. Cernunnos leva ses yeux aux couleurs du printemps au ciel mais ne se laissa pas interrompre pour autant. Il n'avait jamais eu une tendance des plus loquaces, alors n'étant pas là de son plein grés, il aurait préféré que son adversaire ait au moins la grâce de ne pas lui couper la parole.


- ...Ou on peut se battre. Mais franchement, je préférerais éviter. Je me fais vieux, tu sais ?


Revenir de manière tangible lui avait coûté bien plus d'énergie qu'il n'aimait l'admettre. Chose que Cian, changé en sanglier et ne subissant pas la mauvaise influence des humains sur ce qui faisait de lui ce qu'il était, ne semblait pas ressentir. Autrefois, Cernunnos n'aurait eu qu'à claquer des doigts et le sanglier à la taille peu conventionnelle n'aurait pas été bien compliqué à saucissonner avec des racines. Ou à tuer. Jadis, le dieu au bois de cerfs et à la peau couleur écorce avait le coup de grâce facile.Le chêne aurait alors eu un autre intérêt que servir d'obstacle à son précédent envol involontaire.

-  Je souhaite être libre, comme avant ! » Rugit l'énorme sanglier, père de leur Roi mais qui avait actuellement l'attitude d'un adolescent en pleine crise dûe à des hormones.


Non pas que Cernunnos ait déjà été soumis à pareille expérience.Sauf qu'il trouvait la comparaison extrêmement amusante. Et à nouveau, la bête chargea. Le vieux dieu songea aux chiens de chasse qui devaient sans doute avoir la même vision que lui actuellement et bien plus régulièrement. L'image d'un énorme mammifère couvert d'une fourrure drue et brune et qui faisait à peine moins que leur taille. Sauf que cette fois, l'ancien dieu de la nature se tint prêt.

A la manière d'un torero, il se décala d'un pas, un de ses bras noueux comme les branches d'un bouleau enserrant le cou du mastodonte, l'autre le joignant passant sous la gorge de l'animal qui ne comprit que trop tard ce qu'il comptait faire. Le dieu ayant pris l'apparence d'un sanglier n'était pas le seul à avoir une force surnaturelle.

Prenant appui sur ses jambes, le dieu commença à resserrer sa prise sur le large cou. Cian quant à lui se débattait tant bien que mal, ses pinces labourant la terre et ses larges défenses accrochant les vêtements de son congénère dont la peau avait des aspects argentés sous les rayons de la lune. Puis au bout de quelques instants, les mouvements saccadés de l'animal cessèrent et le dieu relâcha sa prise, laissant l'énorme animal tomber sur le sol.

La terre se fissura sous le choc, soulevant un lourd nuage de poussière et soufflant, le cou tordu de l'animal toujours entre ses bras, Cernunnos regarda le ciel étoilé. Il était persuadé que bien des étoiles avaient disparu où étaient nées depuis le temps.Pourtant, restait cette sensation familière de plénitude quand il les voyait scintillantes dans le ciel. C'était sans doute ce qui lui manquait le plus dans le Sidh. Les nuits, factices, n'arrivaient pas à la cheville de celles qu'il connaissait à la surface.


 Relâchant le sanglier qui retomba, flasque, la langue sortant entre ses défenses, le vieux dieu s'épousseta, peu enclin à être ainsi sali par la terre poussiéreuse et l'odeur désagréable de l'animal. Cian se remettrait, il en fallait bien plus pour tuer un dieu. En revanche sa convalescence permettrait un retour plus tranquille au vieux dieu de la nature.  

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⏰ Last updated: Mar 20, 2018 ⏰

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